[0001] La présente invention, concernant laquelle des essais sur maquette et études ont
été réalisés au Laboratoire Géomatériaux de l'ENTPE-FORMEQUIP, concerne la réalisation
de structures mixtes bois-béton, notamment pour l'obtention de tabliers d'ouvrages
d'art tels que des ponts. De telles structures comprennent des poutres en bois massif
ou en lamellé collé à leur partie inférieure et une dalle de compression en béton
connectée sur les poutres à leur partie supérieure.
[0002] Elle s'applique en particulier, mais non exclusivement, à l'exécution de travées
de petite et moyenne portées pour la circulation des piétons (passerelles) et de véhicules
(ponts) et, plus généralement, pour le franchissement de brèches par des charges statiques
ou dynamiques (par exemple des aqueducs) dans les portées définies ci-dessus. Elle
s'applique de préférence, mais non pas limitativement, à des travées isostatiques.
[0003] La construction de tabliers mixtes métal-béton armé pour des ponts est devenue tout
à fait courante dans les pays dits "développés", en démontrant la fiabilité et le
faible coût de tels ouvrages pour des portées moyennes, comparé aux ouvrages équivalents
réalisés entièrement en béton armé.
[0004] Toutefois ces structures métal-béton armé entraînent une très forte consommation
d'acier de charpente (dans les poutres métalliques) et d'armature pour béton armé
(dans la dalle supérieure). Cela constitue un obstacle important pour la construction
de ponts dans les pays en voie de développement, en entraînant de lourdes dépenses
de devises pour se procurer les quantités d'acier nécessaires.
[0005] La présente invention a pour objet de remédier à cet inconvénient et elle propose
à cet effet de substituer, aux poutres métalliques des modes de construction connus
mentionnés ci-dessus, des poutres de bois de section définie en fonction des charges
appliquées (pouvant varier d'une section pleine en bois massif à une section en I
également en bois massif ou à une section de forme complexe en lamellé collé). Elle
a également pour objet, grâce à un choix judicieux de la position de la fibre neutre
de la section composite (à la frontière entre le bois et le béton), de diminuer considérablement
les quantités d'acier à mettre en place pour armer la dalle de compression.
[0006] On comprend qu'une telle substitution du bois au métal permettrait, dans les pays
en voie de développement possédant des richesses naturelles en bois, d'alléger les
lourdes dépenses en devises liées à l'achat d'acier et de valoriser ainsi sur place
une ressource nationale qui, dans le cas contraire, serait exportée avec une plus
faible valeur ajoutée.
[0007] L'association du bois et du béton constitue un procédé très ancien, bien qu'il ait
buté sur la qualité de la connexion entre les poutres de bois et la dalle de compression
en béton. De nombreux systèmes prévoyaient ainsi de réaliser cette connexion à l'aide
de clous enfoncés dans le bois et dont la tête est noyée dans le béton. D'autres systèmes
prévoyaient des plaques de connexion constituées de tôles fixées sur les deux flans
de chaque poutre, à l'aide de dents de clouage horizontales obtenues par découpage
et pliage de certaines parties de leur matière.
[0008] Ces systèmes connus de connexion, qui n'ont servi qu'à réaliser des planchers de
bâtiment et des passerelles de faible capacité, ne sont pas conçus pour résister à
tous les efforts de compression et de cisaillement générés dans les ouvrages d'art.
[0009] On connait aussi, par le brevet français N°2611778, un plancher à collaboration bois-béton
dans lequel. une dalle de béton est coulée sur des poutres de bois et connectée à
celle-ci par des tubes connecteurs métalliques à section circulaire qui s'encastrent
chacun d'une part par enfoncement dans une gorge circulaire creusée à cet effet dans
une poutre et, d'autre part, dans la dalle lors du coulage du béton. Dans ce cas aussi,
ce type de connexion parait mieux adapté aux contraintes de faible et moyenne intensités.
[0010] Selon la présente invention, la structure mixte bois-béton, destinée notamment à
la réalisation de tabliers d'ouvrages d'art tels que des ponts, est du type qui comprend
:
- des poutres de bois longitudinales reposant sur des appuis tels que des chevêtres,
- une dalle de compression en béton portée par les dites poutres, et
- des connecteurs métalliques assurant la liaison entre les poutres et la dalle de béton.
Elle se caractérise en ce que les dits connecteurs présentent chacun la forme d'une
double cornière inversée dont l'aile verticale supérieure est noyée dans la dalle
de compression, dont l'aile verticale inférieure est fixée dans une fente de la semelle
supérieure de la poutre, et dont la partie intermédiaire horizontale est fixée sur
la poutre, par exemple par des boulons ou tirefonds engagés dans des trous ménagés
dans la poutre.
[0011] Avantageusement le connecteur, qui peut être constitué par une tôle pliée ou être
obtenu par soudage de deux cornières standard en position tête-bêche, présente sur
son aile verticale supérieure une ouverture pour le passage d'un filant longitudinal
destiné à être noyé dans le béton.
[0012] Les scellements de l'aile inférieure du connecteur dans la fente pratiquée dans le
bois et des boulons ou tirefonds dans la poutre sont réalisés à l'aide d'un produit
possédant les caractéristiques suivantes :
- une bonne compatibilité chimique avec le bois,
- fluidité suffisante pour imprégner les fibres de bois afin de reprendre correctement
les efforts de cisaillement,
- thixotropie permettant de ne pas diffuser à l'excès le produit dans des zones où il
ne serait pas utile.
[0013] On comprend que le connecteur selon l'invention est parfaitement adapté à l'exécution
de tabliers à structure mixte bois-béton. En effet sa partie supérieure fonctionne
exactement comme dans les tabliers mixtes métal/béton dans lesquels le connecteur
est noyé dans la partie comprimée du béton transmettant à celui-ci une compression
qui le dimensionne (il empêche également, grâce au filant traversant tous les connecteurs
en file, le soulèvement de la dalle). De même sa partie inférieure enfoncée dans une
fente de la poutre transmet dans les meilleures conditions possibles une compression
au bois dans la limite des contraintes admissibles de celui-ci (définies par le calcul).
La mobilisation des efforts est assurée par le remplissage de la fente à l'aide du
produit défini plus haut.
[0014] Le connecteur est fixé provisoirement sur le bois par une pointe et les efforts d'arrachement
connecteur-bois sont repris par des boulons constitués d'une tige enfoncée dans un
avant trou et scellée au produit défini plus haut afin de reconstituer la matière
autour de la tige, et d'une tête s'opposant au soulèvement.
[0015] L'effort de cisaillement sur la section transversale de l'aile inférieure de la double
cornière inversée dimensionne l'épaisseur de cette aile. Enfin l'effort de pliure
sur la partie haute du connecteur dimensionne l'épaisseur de l'aile supérieure.
[0016] L'ensemble de connecteurs ainsi définis selon l'invention est en mesure de résister
à tous les efforts générés par les efforts tranchants connus dans les ouvrages d'art
y compris les efforts de fatigue.
[0017] Il est à noter que la partie inférieure du connecteur est enfoncée dans la semelle
supérieure de la poutre de bois sur une part relativement faible de la hauteur totale
de la dite semelle. Or, compte tenu de la position de l'axe neutre, cette zone est
très faiblement tendue, ce qui signifie que les quelques fibres du bois interceptées
par la partie inférieure du connecteur sont sans incidence sur la tenue de l'ensemble
de la structure.
[0018] Il est à noter également que les faibles dimensions du connecteur par rapport à celles
de la semelle supérieure de la poutre de bois font que ce connecteur est très éloigné
de l'air atmosphérique tant du côté béton que du côté bois. Cette caractéristique
permet de protéger efficacement le connecteur contre les risques éventuels d'incendie
ainsi que contre la corrosion, protection qui peut encore être améliorée par une galvanisation
et/ou un badigeon à la résine.
[0019] Selon une caractéristique complémentaire de l'invention, afin de rendre la réalisation
plus aisée par une main d'oeuvre non qualifiée et réduire au minimum les quantités
d'acier pour béton armé, on utilise des éléments en béton préfabriqués épousant la
forme d'une voûte et prenant appui sur des encoches pratiquées en rive des poutres
de bois. Ces voûtes ont pour double objet :
- de constituer d'une part un coffrage perdu participant ou non pour la dalle de compression
en béton située au-dessus. Cette voûte est réalisée à l'aide de trois files de parpaings
(deux files de rive et une file de clef) dont la flèche et l'épaisseur sont déterminées
par la nécessité d'être entièrement comprimée sous l'effet du béton liquide de la
dalle de compression.
- de transmettre directement, grâce à l'effet de voûte créé, les efforts des charges
statiques et dynamiques de la chaussée aux poutres de bois et d'éviter ainsi la création
de moments de flexion transversaux importants qui auraient imposé l'augmentation sensible
des quantités d'acier dans la dalle, réduisant d'autant l'intérêt du procédé.
[0020] L'ensemble des éléments à mettre en place est suffisamment léger pour être manipulé
manuellement ou à l'aide de palans.
[0021] Les poutres de bois longitudinales sont normalement entretoisées selon un rythme
défini par le calcul. Ces entretoises sont en principe constituées d'un tube en acier
reprenant les cisaillements traversant un élément de béton en bois qui reprend les
compressions et d'une tige de serrage en acier FE 500 ou acier dur - (suivant les
efforts concernés) - qui reprend les tractions. Les poutres bois reposent sur des
chevêtres constituant des appuis.
[0022] Enfin pour rendre l'exécution plus aisée encore, des éléments préfabriqués posés
en rive du tablier sur une encoche latérale des poutres de rive servent à la fois
de coffrage perdu vertical pour la dalle de compression et le trottoir sus-jacent,
mais également de protection contre l'écoulement des eaux le long des poutres de rive
et de parement décoratif.
[0023] L'invention telle que définie peut être mise en oeuvre à la fois dans les pays en
voie de développement pour son utilisation maximale de ressources locales et la simplicité
de son exécution, et dans les pays industriels qui désirent développer la filière
bois à des coûts raisonnables grâce à une faible consommation de main d'oeuvre sur
le chantier proprement dit.
[0024] Pour bien faire comprendre l'invention on en décrira ci-après, à titre d'exemple
sans caractère limitatif, une forme d'exécution préférée en référence au dessin schématique
annexé dans lequel :
la figure 1 est une vue en coupe verticale transversale d'un tablier de pont selon
la présente invention ;
la figure 2 est à plus grande échelle, une vue en perspective d'un connecteur utilisé
selon la présente invention ; et
la figure 3 représente en perspective une voûte type en parpaings préfabriqués.
[0025] En référence à la figure 1 on a représenté un tablier de pont réalisé selon l'invention,
qui comporte des poutres en bois 1 pouvant être massives ou lamellées collées. Dans
l'exemple représenté, les poutres sont de section en I et sont constituées de plusieurs
éléments superposés assemblés entre eux. Elles pourraient toutefois être de forme
rectangulaire.
[0026] Les poutres 1 s'étendent dans le sens longitudinal. du pont entre appuis des piles
et culées, et elles sont entretoisées à l'aide d'un ensemble constitué de tubes d'acier
2 traversant des butons en bois 3, le tout étant serré par des tiges précontraintes
4 .
[0027] A leur partie supérieure, les poutres 1 sont entaillées par des encoches 5, destinées
à recevoir des voutains 6 en béton préfabriqué qui sont disposés en forme de voûte
et servent à coffrer l'espace compris entre les poutres 1. Les encoches extérieures
5 des poutres de rive permettent d'appuyer des corniches préfabriquées 7 qui ont pour
objet, outre leur rôle décoratif et de protection des poutres, de coffrer verticalement
la dalle en béton 8 du tablier ainsi que le trottoir susjacent 9.
[0028] Les poutres 1 et les parpaings préfabriqués 6 servent de coffrage pour couler la
dalle en béton 8, qui est simplement armée d'une double nappe de treillis soudé destinée
à résister à quelques conditions aux limites, et non aux moments transversaux qui
sont éliminés grâce à l'effet de voûte créé par les parpaings 6.
[0029] Des connecteurs 12 en forme de double cornière relient les poutres de bois 1 à la
dalle de béton 8 en s'opposant aux efforts de glissement entre ces éléments. Une couche
d'étanchéité 10 et une couche de roulement 11 viennent recouvrir la dalle de béton
8.
[0030] Comme on le voit plus particulièrement à la figure 2, le connecteur 12 est constitué
d'une tôle pliée d'environ 8mm d'épaisseur en forme de S sans barres supérieure et
inférieure réalisée par pliure ou par soudure de deux cornières entre elles. Le montant
supérieur 13 a des dimensions de l'ordre de 10cm x 10 cm. Il est percé d'un trou 14
permettant l'introduction d'un rond filant d'environ 12mm.
[0031] La partie horizontale 15, qui dans la structure est fixée sur la face supérieure
de la poutre bois, a des dimensions de l'ordre de 10cm x 10 cm. Elle est percée de
quatre trous principaux 16 destinés au passage de tiges 17 de fixation du connecteur
sur la poutre bois. Les tiges sont scellées à l'aide d'un produit de scellement dans
des avant-trous 18 ménagés dans les poutres bois. Elles sont munies d'une tête s'opposant
aux efforts d'arrachement du connecteur.
[0032] Un trou central 19 permet l'introduction d'une pointe de positionnement et de fixation
du connecteur.
[0033] Le montant vertical inférieur 20 a des dimensions de l'ordre de 10cm x 3,5cm.
[0034] Il est introduit dans une fente 21 réalisée dans le bois à la défonceuse et scellée
à l'aide d'un produit de scellement.
[0035] Comme on le voit à la figure 3, la voûte en parpaings préfabriqués est réalisée à
l'aide de deux files de rive 22 et une file de clef 23 s'étendant légèrement au delà
de la poutre afin de coffrer les abouts 24 du tablier en débord par rapport aux poutres
bois.
[0036] On comprendra que la description ci-dessus a été donnée à simple titre d'exemple,
sans caractère limitatif, et que des adjonctions ou des modifications constructives
pourraient y être apportées sans sortir du cadre de la présente invention.
[0037] On comprendra en particulier qu'on a décrit l'invention comme s'appliquant à la réalisation
d'un tablier de pont, mais qu'elle pourrait tout aussi bien s'appliquer à la réalisation
de planchers de bâtiments.
1. Structure mixte bois-béton destinée notamment aux tabliers d'ouvrages d'art tels que
des ponts, comprenant :
- des poutres de bois longitudinales (1) reposant sur des appuis,
- une dalle de compression en béton (8) portée par les dites poutres (1), et
- des connecteurs métalliques (12) assurant la liaison entre les dites poutres (1)
et la dalle de béton (8),
caractérisée en ce que les dits connecteurs (12) présentent chacun la forme d'une
double cornière inversée dont l'aile verticale supérieure (13) est noyée dans la dalle
de compression (8), dont l'aile verticale inférieure (20) est fixée dans une fente
(21) de la semelle supérieure de la poutre (1), et dont la partie intermédiaire horizontale
(15) est fixée sur la poutre (1).
2. Structure mixte bois-béton selon la revendication 1, caractérisée en ce que la fixation
de la partie horizontale (15) du connecteur (12) sur la poutre (1) est réalisée par
des tiges (17) engagées dans des trous (18) ménagés dans la poutre (1).
3. Structure mixte bois-béton selon la revendication 2, caractérisée par le scellement
de l'aile verticale inférieure (20) dans la fente (21) et des tiges (17) dans les
trous (18), ce scellement étant réalisé à l'aide d'un produit possédant les caractéristiques
suivantes :
- bonne compatibilité chimique avec le bois,
- fluidité suffisante pour imprégner les fibres de bois afin de reprendre correctement
les efforts de cisaillement,
- Thixotropie permettant de ne pas diffuser à l'excès le produit dans des zones où
il ne serait pas utile.
4. Structure mixte bois-béton selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisée
en ce que l'aile verticale supérieure (13) du connecteur (12) est connectée au béton
afin de s'opposer au soulèvement de la dalle (8) par exemple en présentant une ouverture
(14) pour le passage d'un filant longitudinal destiné à être noyé dans la dalle (8).
5. Structure mixte bois-béton selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisée
en ce que le connecteur (12) est constitué par une tôle pliée.
6. Structure mixte bois-béton selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisée
en ce que le connecteur (12) est obtenu par soudage de deux cornières disposées tête-bêche.
7. Structure mixte bois-béton selon l'une quelconque des revendications précédentes,
caractérisée par la disposition entre les poutres (1) d'une voûte en éléments préfabriqués
(6) en béton qui constitue un coffrage perdu pour la dalle (8) et qui transmet aux
poutres (1) les efforts des charges statiques et dynamiques de la chaussée grâce à
une combinaison judicieuse de l'épaisseur des éléments préfabriqués (6) et de la flèche
de la voûte, limitant ainsi considérablement les quantités d'acier à mettre dans la
dalle.
8. Structure mixte bois-béton selon la revendication 7, caractérisée en ce que les poutres
(1) présentent sur deux bords opposés des encoches (5) dans lesquelles s'engagent
des dits éléments préfabriqués (6) de voûte.
9. Structure mixte bois-béton selon la revendication 8, caractérisée en ce que les encoches
extérieures (5) de poutres (1) de rive reçoivent en appui des corniches (7) préfabriquées.
10. Structure mixte bois-béton selon l'une quelconque des revendications 7 à 9, caractérisée
en ce que la voûte en éléments préfabriqués (6) est réalisée à l'aide de deux files
de rive et une file de clef, en s'étendant légèrement au-delà de la poutre (1) afin
de coffrer les abouts (24) du tablier en débord par rapport aux poutres de bois (1).