(19)
(11) EP 0 733 716 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
25.09.1996  Bulletin  1996/39

(21) Numéro de dépôt: 96400598.7

(22) Date de dépôt:  21.03.1996
(51) Int. Cl.6C22C 14/00
(84) Etats contractants désignés:
AT CH DE FR GB LI

(30) Priorité: 24.03.1995 FR 9503511

(71) Demandeur: OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES
F-92320 Chatillon Cédex (FR)

(72) Inventeurs:
  • Naka, Shigehisa
    78350 Jouy en Josas (FR)
  • Thomas, Marc
    92350 Plessis-Robinson (FR)
  • Bachelier-Locq, Agnès
    92290 Chatenay Malabry (FR)
  • Khan, Tasadduq
    78350 Jouy en Josas (FR)

(74) Mandataire: Rousset, Jean-Claude 
Cabinet Netter 40, rue Vignon
75009 Paris
75009 Paris (FR)

   


(54) Alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane pour la fonderie


(57) En introduisant environ 2 % en atomes de rhénium et/ou de tungstène dans un alliage ayant un rapport Ti/Al voisin de 52/48, on obtient à la fois une bonne coulabilité grâce à une solidification initiale en phase β, une masse volumique suffisamment faible et une bonne résistance à l'oxydation.
Ces alliages sont utilisables notamment pour la réalisation de pièces de turbomachines aéronautiques.


Description


[0001] L'invention concerne un alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane pour la réalisation de pièces de fonderie.

[0002] La transformation par fonderie des alliages intermétalliques dérivés de l'aluminiure de titane γ (TiAl) est considérée avec intérêt pour la réalisation de pièces de turbomachines aéronautiques. La fonderie est en effet généralement moins onéreuse que les autres procédés de mise en forme. De plus, elle a l'avantage de préserver en principe la résistance mécanique à chaud des pièces coulées du fait que la taille des grains métallurgiques obtenus est relativement importante.

[0003] Bien que des différences notables aient été constatées dans la coulabilité de ces alliages, c'est-à-dire leur aptitude à former des pièces de fonderie présentant une bonne qualité, garantissant la fiabilité et la reproductibilité des performances mécaniques, aucune donnée n'est disponible permettant d'expliquer ces différences, notamment en liaison avec le comportement des alliages lors de leur solidification et/ou avec leur composition chimique.

[0004] Afin de mettre au point des compositions d'alliages adaptées à la fonderie, les inventeurs ont entrepris une étude sur l'influence de divers éléments d'addition réfractaires sur la coulabilité. Ils ont analysé de nombreux alliages à base de TiAl dans lesquels 2 à 10 % des atomes étaient constitués par un ou plusieurs des éléments d'addition Nb, Ta, Cr, Mo, W, Fe et Re, et ont en particulier examiné leurs microstructures aussi bien à l'état brut de coulée qu'après traitements thermiques. Ils sont ainsi arrivés à la conclusion que le processus de solidification constitue un paramètre important pour la qualité des pièces de fonderie. Les différents alliages examinés peuvent en effet être classés en deux catégories, pour lesquelles se forment initialement lors de la solidification une phase de structure cristalline hexagonale α et une phase de structure cubique centrée β respectivement.

[0005] Dans le cas de la solidification en phase α, les cristaux initiaux de cette phase tendent à former des grains colonnaires suivant le gradient thermique pendant la solidification et le caractère colonnaire de la microstructure à l'état brut de coulée est souvent extrêmement prononcé en raison de la croissance préférentielle des cristaux parallèle à l'axe c qui est unique dans la structure α hexagonale. De plus, toutes les lamelles de la phase γ, qui précipitent dans chacun des grains colonnaires lors du refroidissement ultérieur pour former la structure dite lamellaire γ+α2, sont orientées perpendiculairement à l'axe c de la phase hexagonale du fait de la relation d'orientation (0001)α//(111)γ et <11

0>α//<1

0>γ inhérente au mécanisme de transformation de phase impliqué.

[0006] Ce mécanisme de transformation de phase permet d'expliquer certaines difficultés sérieuses rencontrées lors de l'élaboration de produits coulés à partir des alliages concernés, notamment divers défauts tels que fissures d'origine thermique et porosités introduits dans la zone intercolonnaire ainsi qu'un caractère fortement anisotrope des produits (texture), qui risquent d'être nuisibles sur le plan de leur performance mécanique. La plupart des alliages mis au point jusqu'à présent, dont le plus connu est la nuance Ti48Al48cr2Nb2 décrite dans US-A-4879092, appartiennent à cette catégorie d'alliages se solidifiant essentiellement en α et, lorsque ces alliages sont utilisés pour la fonderie, il est nécessaire de recourir à divers moyens technologiques, quoique souvent hasardeux, afin de réduire le caractère colonnaire de la solidification et la texture qui y est associée. Par conséquent, ces alliages de la "première génération" doivent plutôt être considérés comme destinés à être corroyés, puisque la suppression des défauts et la réduction de la texture peuvent être réalisées à l'aide de traitements thermomécaniques appropriés.

[0007] Dans le cas de la solidification en β, le caractère colonnaire est en revanche moins prononcé, bien que l'axe <100> de la phase β reste la direction préférentielle de la croissance cristalline pendant la solidification. Cependant, lors du refroidissement après solidification, les cristaux de la phase β dits grains initiaux se transforment en cristaux de la phase α. Cette transformation, qui se produit suivant la relation d'orientation dite de Burgers (110)β//(0001)α et <1

1>β//<11

0>α, conduit théoriquement à la formation de douze variants α. Lorsque le refroidissement se poursuit, la phase γ précipite sous forme lamellaire dans chaque variant α. La microstructure résultante est caractérisée par la présence de nombreuses colonies (théoriquement jusqu'à douze variants d'orientation) à l'intérieur de chaque grain β initial. Chacune de ces colonies est constituée de nombreuses plaquettes (ou lattes) α, ces plaquettes (ou lattes) étant parfois délimitées par des liserés de phase β résiduelle. Chaque plaquette (ou latte) présente enfin la structure lamellaire γ+α2. Une telle séquence de transformation se traduit par une minimisation des difficultés rencontrées dans les alliages se solidifiant en α avec la réduction de la fréquence des défauts de solidification et une texture moins prononcée.

[0008] La solidification en phase β peut être obtenue pour des alliages binaires suffisamment riches en Ti, comme par exemple dans le cas de la composition Ti60Al40, dont le rapport atomique Ti/Al de 1,5 est très éloigné de celui de la composition équiatomique Ti50Al50 égal à 1. Cependant les alliages aussi riches en titane sont nettement plus lourds et moins résistants à l'oxydation que l'alliage équiatomique. Enfin, ils présentent après élaboration une structure biphasée γ + α2 dans laquelle la fraction volumique de la phase α2 peu déformable est excessivement importante, ce qui les rend extrêmement fragiles. Il est à noter que l'alliage biphasé de la composition T152Al48 de rapport atomique égal à 1,08, qui possède une ductilité optimale grâce à une fraction volumique de la phase α2 de l'ordre de 10%, ne peut se solidifier qu'en α.

[0009] On a donc recherché des éléments d'addition propres à favoriser la solidification en phase β tout en maintenant le rapport atomique Ti/Al proche de la valeur optimale 52/48, sans que celui-ci dépasse la valeur 1,16, et en minimisant l'addition d'éléments réfractaires afin de ne pas alourdir les alliages. On a ainsi constaté, de manière surprenante, que le rhénium est l'élément le plus efficace à cet égard, suivi de près par le tungstène. En effet, une addition de l'ordre de 2% en atomes de ces éléments dans l'alliage binaire de base Ti52Al48 est suffisante pour que la solidification se produise presque entièrement en phase β, alors que l'addition d'environ 5% en atomes est nécessaire pour d'autres éléments. Il s'est avéré également que l'effet d'addition était cumulatif. Par exemple, si l'on ajoute simultanément 1% de Re et 1% de W, l'alliage se solidifie en β, alors que l'addition séparée de chacun de ces éléments à la teneur indiquée n'est pas suffisante.

[0010] L'invention vise notamment un alliage du genre défini en introduction, et prévoit que sa composition en atomes est comprise dans le domaine défini ci-après:
Ti : 48,5 à 52,5 %
Al : 45,5 à 48,5 %
Re : 0,5 à 2,5 %
W : 0 à 2,0 %
Re+W : 2,0 à 2,5 %
Nb : 0 à 3,5 %
Re+W+Nb : 2,0 à 5,5 %
Si : 0 à 1,0 %
L'utilisation du tungstène, en tant qu'élément favorisant la solidification en β, plutôt que du rhénium seul, présente un intérêt économique en raison du coût élevé du rhénium. L'addition de niobium procure une bonne résistance à l'oxydation, ainsi qu'un bon niveau de résistance à chaud. Enfin, l'addition de silicium vise à obtenir un effet bénéfique sur les propriétés mécaniques d'usage telles que le fluage.

[0011] Des caractéristiques optionnelles de l'alliage selon l'invention, complémentaires ou alternatives, sont énoncées ci-après :
  • Il contient environ 2 % en atomes de Re + W.
  • Il contient environ 1 à 2 % en atomes de Re.
  • Il contient environ 3 % en atomes de Nb.
  • Il contient environ 0,2 à 0,8 % en atomes de Si.
  • Sa formule atomique est choisie parmi les suivantes:

            Ti50,6Al46,6Re2Si0,8     (1)



            Ti52Al46Re1W1     (2)



            Ti51,8Al46Re1W1Si0,2     (3)



            Ti49Al46Nb3Re1W1     (4)



            Ti48,8Al46Nb3Re1W1Si0,2     (5).

  • Il est propre à former lors de sa solidification une phase de structure cubique centrée β.


[0012] L'invention a également pour objet une pièce de fonderie réalisée en un alliage tel que défini ci-dessus, comportant la juxtaposition d'une multiplicité de colonies au sein de chaque grain β initial, colonies comportant elles-mêmes la juxtaposition d'une multiplicité de plaquettes formées chacune par un empilement alterné de lamelles de structure cristallographique γ et de couches de structure cristallographique α2. Les plaquettes d'une même colonie sont orientées selon l'un des 12 variants α définis par la relation de Burgers à partir dudit grain β, les plaquettes de deux colonies voisines étant orientées selon des variants différents.

[0013] Dans les dessins et vues annexés, les figures 1 et 2 représentent schématiquement deux étapes successives de la solidification d'un alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane.

[0014] La figure 3 est une vue en coupe d'un alliage conforme à celui de la figure 2.

[0015] Les figures 4 et 5 illustrent la structure d'un alliage conforme à l'invention.

[0016] Les figures 1 et 2 illustrent le processus de refroidissement en phase α décrit plus haut. La figure 1 montre à titre d'exemple un échantillon cylindrique 1 d'un alliage en cours de refroidissement dans lequel se forment des grains colonnaires 2 de structure cristallographique α. Ces grains sont allongés selon la direction cristallographique c, qui coïncide avec la direction du gradient de température indiqué par la flèche F, c'est-à-dire la direction radiale du cylindre 1. La figure 2 montre, à plus grande échelle, ces mêmes grains colonnaires 2 davantage refroidis. Chacun d'eux contient des lamelles 3 de structure cristallographique γ orientées perpendiculairement à la direction longitudinale du grain, séparées entre elles par des couches 4 de structure cristallographique α2.

[0017] La figure 3 met en évidence la structure d'un tel alliage de la "première génération".

[0018] Au centre de la figure 4, coupe d'un alliage conforme à la présente invention, apparaît nettement la frontière 5 d'un grain β initial. Dans ce grain, chaque colonie 6 est mise en évidence par l'orientation des plaquettes qui la composent. Chaque orientation suit la relation de Burgers.

[0019] La figure 5 est une coupe du même alliage mettant en évidence, d'une part, l'orientation des plaquettes 7 dans chaque colonie 6 et, d'autre part, l'empilement alterné de lamelles de structure cristallographique γ et de couches de structure cristallographique α2.

[0020] Les alliages selon l'invention peuvent être élaborés et mis en oeuvre de la même façon que les alliages intermétalliques à base d'aluminiure de titane connus, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de fournir d'indications particulières à cet égard.

[0021] Des essais ont confirmé la supériorité des alliages selon l'invention par rapport aux alliages de la technique antérieure, en ce qui concerne la résistance au fluage à haute température qui est un facteur clé pour l'utilisation industrielle de ces matériaux.

[0022] L'alliage de la formule (1) ci-dessus et l'alliage précité de formule Ti48Al48Cr2Nb2 ont subi les mêmes traitements thermiques, quatre heures à 1250 °C, puis quatre heures à 900 °C. Après ces traitements, les deux alliages présentaient des propriétés de traction à 25 °C comparables, respectivement 484 et 459 MPa pour la limite élastique, 1,4 % et 0,9 % pour l'allongement élastique ou ductilité. En revanche, une déformation de 0,5 % en fluage à 800 °C sous 180 MPa a été obtenue en 145 heures pour l'alliage selon l'invention contre 5 heures pour l'alliage connu. Pour ce dernier alliage, la résistance au fluage à chaud pourrait être améliorée en supprimant les traitements thermiques précités, mais il en résulterait un effondrement de la ductilité à température ambiante en raison de la mauvaise coulabilité associée à la solidification en phase α.

[0023] Les alliages des formules (1), (2) et (3) ci-dessus, et un alliage de formule Ti48Al46Nb3W1 développé par Allison et considéré comme très résistant au fluage, ont été soumis à un essai de fluage à 750 °C sous 200 MPa. Une déformation de 0,5 % a été obtenue au bout de 625 heures, 212 heures, 740 heures et 56 heures respectivement pour les quatre alliages, soit des durées quatre à treize fois plus élevées pour les alliages selon l'invention que pour l'alliage de la technique antérieure.


Revendications

1. Alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane pour la réalisation de pièces de fonderie, caractérisé en ce que sa composition en atomes est comprise dans le domaine défini ci-après:
Ti : 48,5 à 52,5 %
Al : 45,5 à 48,5 %
Re : 0,5 à 2,5 %
W : 0 à 2,0 %
Re+W : 2,0 à 2,5 %
Nb : 0 à 3,5 %
Re+W+Nb : 2,0 à 5,5 %
Si : 0 à 1,0 %

 
2. Alliage selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il contient environ 2 % en atomes de Re + W.
 
3. Alliage selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'il contient environ 1 à 2 % en atomes de Re.
 
4. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il contient environ 3 % en atomes de Nb.
 
5. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il contient environ 0,2 à 0,8 % en atomes de Si.
 
6. Alliage selon l'une ou l'autre des revendications précédentes, caractérisé en ce que sa composition atomique est choisie parmi les suivantes:

        Ti50,6Al46,6Re2Si0,8



        Ti52Al46Re1W1



        Ti51,8Al46Re1W1Si0,2



        Ti49Al46Nb3Re1W1



        Ti48,8Al46Nb3Re1W1Si0,2.


 
7. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il est propre à former lors de sa solidification une phase de structure cubique centrée β.
 
8. Pièce de fonderie réalisée en un alliage selon la revendication 7, comportant la juxtaposition d'une multiplicité de colonies (6) au sein de chaque grain β initial, colonies comportant elles-mêmes la juxtaposition d'une multiplicité de plaquettes (7) formées chacune par un empilement alterné de lamelles de structure cristallographique γ et de couches de structure cristallographique α2, les plaquettes d'une même colonie étant orientées selon l'un des 12 variants α définis par la relation de Burgers à partir dudit grain β, et les plaquettes de deux colonies voisines étant orientées selon des variants différents.
 




Dessins










Rapport de recherche