[0001] L'invention concerne un alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane pour
la réalisation de pièces de fonderie.
[0002] La transformation par fonderie des alliages intermétalliques dérivés de l'aluminiure
de titane γ (TiAl) est considérée avec intérêt pour la réalisation de pièces de turbomachines
aéronautiques. La fonderie est en effet généralement moins onéreuse que les autres
procédés de mise en forme. De plus, elle a l'avantage de préserver en principe la
résistance mécanique à chaud des pièces coulées du fait que la taille des grains métallurgiques
obtenus est relativement importante.
[0003] Bien que des différences notables aient été constatées dans la coulabilité de ces
alliages, c'est-à-dire leur aptitude à former des pièces de fonderie présentant une
bonne qualité, garantissant la fiabilité et la reproductibilité des performances mécaniques,
aucune donnée n'est disponible permettant d'expliquer ces différences, notamment en
liaison avec le comportement des alliages lors de leur solidification et/ou avec leur
composition chimique.
[0004] Afin de mettre au point des compositions d'alliages adaptées à la fonderie, les inventeurs
ont entrepris une étude sur l'influence de divers éléments d'addition réfractaires
sur la coulabilité. Ils ont analysé de nombreux alliages à base de TiAl dans lesquels
2 à 10 % des atomes étaient constitués par un ou plusieurs des éléments d'addition
Nb, Ta, Cr, Mo, W, Fe et Re, et ont en particulier examiné leurs microstructures aussi
bien à l'état brut de coulée qu'après traitements thermiques. Ils sont ainsi arrivés
à la conclusion que le processus de solidification constitue un paramètre important
pour la qualité des pièces de fonderie. Les différents alliages examinés peuvent en
effet être classés en deux catégories, pour lesquelles se forment initialement lors
de la solidification une phase de structure cristalline hexagonale α et une phase
de structure cubique centrée β respectivement.
[0005] Dans le cas de la solidification en phase α, les cristaux initiaux de cette phase
tendent à former des grains colonnaires suivant le gradient thermique pendant la solidification
et le caractère colonnaire de la microstructure à l'état brut de coulée est souvent
extrêmement prononcé en raison de la croissance préférentielle des cristaux parallèle
à l'axe c qui est unique dans la structure α hexagonale. De plus, toutes les lamelles
de la phase γ, qui précipitent dans chacun des grains colonnaires lors du refroidissement
ultérieur pour former la structure dite lamellaire γ+α
2, sont orientées perpendiculairement à l'axe c de la phase hexagonale du fait de la
relation d'orientation (0001)
α//(111)
γ et <11

0>
α//<1

0>
γ inhérente au mécanisme de transformation de phase impliqué.
[0006] Ce mécanisme de transformation de phase permet d'expliquer certaines difficultés
sérieuses rencontrées lors de l'élaboration de produits coulés à partir des alliages
concernés, notamment divers défauts tels que fissures d'origine thermique et porosités
introduits dans la zone intercolonnaire ainsi qu'un caractère fortement anisotrope
des produits (texture), qui risquent d'être nuisibles sur le plan de leur performance
mécanique. La plupart des alliages mis au point jusqu'à présent, dont le plus connu
est la nuance Ti
48Al
48cr
2Nb
2 décrite dans US-A-4879092, appartiennent à cette catégorie d'alliages se solidifiant
essentiellement en α et, lorsque ces alliages sont utilisés pour la fonderie, il est
nécessaire de recourir à divers moyens technologiques, quoique souvent hasardeux,
afin de réduire le caractère colonnaire de la solidification et la texture qui y est
associée. Par conséquent, ces alliages de la "première génération" doivent plutôt
être considérés comme destinés à être corroyés, puisque la suppression des défauts
et la réduction de la texture peuvent être réalisées à l'aide de traitements thermomécaniques
appropriés.
[0007] Dans le cas de la solidification en β, le caractère colonnaire est en revanche moins
prononcé, bien que l'axe <100> de la phase β reste la direction préférentielle de
la croissance cristalline pendant la solidification. Cependant, lors du refroidissement
après solidification, les cristaux de la phase β dits grains initiaux se transforment
en cristaux de la phase α. Cette transformation, qui se produit suivant la relation
d'orientation dite de Burgers (110)
β//(0001)
α et <1

1>
β//<11

0>
α, conduit théoriquement à la formation de douze variants α. Lorsque le refroidissement
se poursuit, la phase γ précipite sous forme lamellaire dans chaque variant α. La
microstructure résultante est caractérisée par la présence de nombreuses colonies
(théoriquement jusqu'à douze variants d'orientation) à l'intérieur de chaque grain
β initial. Chacune de ces colonies est constituée de nombreuses plaquettes (ou lattes)
α, ces plaquettes (ou lattes) étant parfois délimitées par des liserés de phase β
résiduelle. Chaque plaquette (ou latte) présente enfin la structure lamellaire γ+α
2. Une telle séquence de transformation se traduit par une minimisation des difficultés
rencontrées dans les alliages se solidifiant en α avec la réduction de la fréquence
des défauts de solidification et une texture moins prononcée.
[0008] La solidification en phase β peut être obtenue pour des alliages binaires suffisamment
riches en Ti, comme par exemple dans le cas de la composition Ti
60Al
40, dont le rapport atomique Ti/Al de 1,5 est très éloigné de celui de la composition
équiatomique Ti
50Al
50 égal à 1. Cependant les alliages aussi riches en titane sont nettement plus lourds
et moins résistants à l'oxydation que l'alliage équiatomique. Enfin, ils présentent
après élaboration une structure biphasée γ + α
2 dans laquelle la fraction volumique de la phase α
2 peu déformable est excessivement importante, ce qui les rend extrêmement fragiles.
Il est à noter que l'alliage biphasé de la composition T1
52Al
48 de rapport atomique égal à 1,08, qui possède une ductilité optimale grâce à une fraction
volumique de la phase α
2 de l'ordre de 10%, ne peut se solidifier qu'en α.
[0009] On a donc recherché des éléments d'addition propres à favoriser la solidification
en phase β tout en maintenant le rapport atomique Ti/Al proche de la valeur optimale
52/48, sans que celui-ci dépasse la valeur 1,16, et en minimisant l'addition d'éléments
réfractaires afin de ne pas alourdir les alliages. On a ainsi constaté, de manière
surprenante, que le rhénium est l'élément le plus efficace à cet égard, suivi de près
par le tungstène. En effet, une addition de l'ordre de 2% en atomes de ces éléments
dans l'alliage binaire de base Ti
52Al
48 est suffisante pour que la solidification se produise presque entièrement en phase
β, alors que l'addition d'environ 5% en atomes est nécessaire pour d'autres éléments.
Il s'est avéré également que l'effet d'addition était cumulatif. Par exemple, si l'on
ajoute simultanément 1% de Re et 1% de W, l'alliage se solidifie en β, alors que l'addition
séparée de chacun de ces éléments à la teneur indiquée n'est pas suffisante.
[0010] L'invention vise notamment un alliage du genre défini en introduction, et prévoit
que sa composition en atomes est comprise dans le domaine défini ci-après:
Ti : |
48,5 à 52,5 % |
Al : |
45,5 à 48,5 % |
Re : |
0,5 à 2,5 % |
W : |
0 à 2,0 % |
Re+W : |
2,0 à 2,5 % |
Nb : |
0 à 3,5 % |
Re+W+Nb : |
2,0 à 5,5 % |
Si : |
0 à 1,0 % |
L'utilisation du tungstène, en tant qu'élément favorisant la solidification en β,
plutôt que du rhénium seul, présente un intérêt économique en raison du coût élevé
du rhénium. L'addition de niobium procure une bonne résistance à l'oxydation, ainsi
qu'un bon niveau de résistance à chaud. Enfin, l'addition de silicium vise à obtenir
un effet bénéfique sur les propriétés mécaniques d'usage telles que le fluage.
[0011] Des caractéristiques optionnelles de l'alliage selon l'invention, complémentaires
ou alternatives, sont énoncées ci-après :
- Il contient environ 2 % en atomes de Re + W.
- Il contient environ 1 à 2 % en atomes de Re.
- Il contient environ 3 % en atomes de Nb.
- Il contient environ 0,2 à 0,8 % en atomes de Si.
- Sa formule atomique est choisie parmi les suivantes:
Ti50,6Al46,6Re2Si0,8 (1)
Ti52Al46Re1W1 (2)
Ti51,8Al46Re1W1Si0,2 (3)
Ti49Al46Nb3Re1W1 (4)
Ti48,8Al46Nb3Re1W1Si0,2 (5).
- Il est propre à former lors de sa solidification une phase de structure cubique centrée
β.
[0012] L'invention a également pour objet une pièce de fonderie réalisée en un alliage tel
que défini ci-dessus, comportant la juxtaposition d'une multiplicité de colonies au
sein de chaque grain β initial, colonies comportant elles-mêmes la juxtaposition d'une
multiplicité de plaquettes formées chacune par un empilement alterné de lamelles de
structure cristallographique γ et de couches de structure cristallographique α
2. Les plaquettes d'une même colonie sont orientées selon l'un des 12 variants α définis
par la relation de Burgers à partir dudit grain β, les plaquettes de deux colonies
voisines étant orientées selon des variants différents.
[0013] Dans les dessins et vues annexés, les figures 1 et 2 représentent schématiquement
deux étapes successives de la solidification d'un alliage intermétallique à base d'aluminiure
de titane.
[0014] La figure 3 est une vue en coupe d'un alliage conforme à celui de la figure 2.
[0015] Les figures 4 et 5 illustrent la structure d'un alliage conforme à l'invention.
[0016] Les figures 1 et 2 illustrent le processus de refroidissement en phase α décrit plus
haut. La figure 1 montre à titre d'exemple un échantillon cylindrique 1 d'un alliage
en cours de refroidissement dans lequel se forment des grains colonnaires 2 de structure
cristallographique α. Ces grains sont allongés selon la direction cristallographique
c, qui coïncide avec la direction du gradient de température indiqué par la flèche
F, c'est-à-dire la direction radiale du cylindre 1. La figure 2 montre, à plus grande
échelle, ces mêmes grains colonnaires 2 davantage refroidis. Chacun d'eux contient
des lamelles 3 de structure cristallographique γ orientées perpendiculairement à la
direction longitudinale du grain, séparées entre elles par des couches 4 de structure
cristallographique α
2.
[0017] La figure 3 met en évidence la structure d'un tel alliage de la "première génération".
[0018] Au centre de la figure 4, coupe d'un alliage conforme à la présente invention, apparaît
nettement la frontière 5 d'un grain β initial. Dans ce grain, chaque colonie 6 est
mise en évidence par l'orientation des plaquettes qui la composent. Chaque orientation
suit la relation de Burgers.
[0019] La figure 5 est une coupe du même alliage mettant en évidence, d'une part, l'orientation
des plaquettes 7 dans chaque colonie 6 et, d'autre part, l'empilement alterné de lamelles
de structure cristallographique γ et de couches de structure cristallographique α
2.
[0020] Les alliages selon l'invention peuvent être élaborés et mis en oeuvre de la même
façon que les alliages intermétalliques à base d'aluminiure de titane connus, de sorte
qu'il n'est pas nécessaire de fournir d'indications particulières à cet égard.
[0021] Des essais ont confirmé la supériorité des alliages selon l'invention par rapport
aux alliages de la technique antérieure, en ce qui concerne la résistance au fluage
à haute température qui est un facteur clé pour l'utilisation industrielle de ces
matériaux.
[0022] L'alliage de la formule (1) ci-dessus et l'alliage précité de formule Ti
48Al
48Cr
2Nb
2 ont subi les mêmes traitements thermiques, quatre heures à 1250 °C, puis quatre heures
à 900 °C. Après ces traitements, les deux alliages présentaient des propriétés de
traction à 25 °C comparables, respectivement 484 et 459 MPa pour la limite élastique,
1,4 % et 0,9 % pour l'allongement élastique ou ductilité. En revanche, une déformation
de 0,5 % en fluage à 800 °C sous 180 MPa a été obtenue en 145 heures pour l'alliage
selon l'invention contre 5 heures pour l'alliage connu. Pour ce dernier alliage, la
résistance au fluage à chaud pourrait être améliorée en supprimant les traitements
thermiques précités, mais il en résulterait un effondrement de la ductilité à température
ambiante en raison de la mauvaise coulabilité associée à la solidification en phase
α.
[0023] Les alliages des formules (1), (2) et (3) ci-dessus, et un alliage de formule Ti
48Al
46Nb
3W
1 développé par Allison et considéré comme très résistant au fluage, ont été soumis
à un essai de fluage à 750 °C sous 200 MPa. Une déformation de 0,5 % a été obtenue
au bout de 625 heures, 212 heures, 740 heures et 56 heures respectivement pour les
quatre alliages, soit des durées quatre à treize fois plus élevées pour les alliages
selon l'invention que pour l'alliage de la technique antérieure.
1. Alliage intermétallique à base d'aluminiure de titane pour la réalisation de pièces
de fonderie, caractérisé en ce que sa composition en atomes est comprise dans le domaine
défini ci-après:
Ti : |
48,5 à 52,5 % |
Al : |
45,5 à 48,5 % |
Re : |
0,5 à 2,5 % |
W : |
0 à 2,0 % |
Re+W : |
2,0 à 2,5 % |
Nb : |
0 à 3,5 % |
Re+W+Nb : |
2,0 à 5,5 % |
Si : |
0 à 1,0 % |
2. Alliage selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il contient environ 2 % en
atomes de Re + W.
3. Alliage selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'il contient environ 1 à 2 %
en atomes de Re.
4. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il contient
environ 3 % en atomes de Nb.
5. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il contient
environ 0,2 à 0,8 % en atomes de Si.
6. Alliage selon l'une ou l'autre des revendications précédentes, caractérisé en ce que
sa composition atomique est choisie parmi les suivantes:
Ti50,6Al46,6Re2Si0,8
Ti52Al46Re1W1
Ti51,8Al46Re1W1Si0,2
Ti49Al46Nb3Re1W1
Ti48,8Al46Nb3Re1W1Si0,2.
7. Alliage selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il est propre
à former lors de sa solidification une phase de structure cubique centrée β.
8. Pièce de fonderie réalisée en un alliage selon la revendication 7, comportant la juxtaposition
d'une multiplicité de colonies (6) au sein de chaque grain β initial, colonies comportant
elles-mêmes la juxtaposition d'une multiplicité de plaquettes (7) formées chacune
par un empilement alterné de lamelles de structure cristallographique γ et de couches
de structure cristallographique α2, les plaquettes d'une même colonie étant orientées selon l'un des 12 variants α définis
par la relation de Burgers à partir dudit grain β, et les plaquettes de deux colonies
voisines étant orientées selon des variants différents.