[0001] L'invention concerne les tubes électroniques à vide, destinés à l'amplification de
forte puissance.
[0002] Ces tubes utilisent parfois une grille en graphite, réalisée par une opération de
dépôt à chaud de carbone graphite sur un mandrin cylindrique, suivie d'un démoulage
du cylindre de graphite ainsi formé, et d'un usinage du cylindre. L'usinage donne
au cylindre une configuration en grille permettant de laisser passer les électrons
émis par une cathode cylindrique autour de laquelle est placée la grille.
[0003] La grille est réalisée en graphite pour profiter de l'excellente tenue en température
de ce matériau, ainsi que de sa bonne conductivité électrique. Elle est reliée électriquement
à une connexion extérieure au tube, généralement située dans le pied du tube. Cette
connexion est en métal tel qu'un alliage de fer-nickel-cobalt (par exemple).
[0004] Un des problèmes pratiques qui se posent dans la fabrication du tube est la fixation
de la grille sur l'électrode de connexion extérieure. Si la grille est entièrement
en graphite, on ne peut faire autrement que de la visser sur cette électrode pour
assurer le montage définitif. Mais un montage vissé nécessite des opérations d'usinage
supplémentaires : perçages, taraudages, ébavurages, etc. Ces opérations sont coûteuses
en temps et en main d'oeuvre; elles amènent des copeaux métalliques qui peuvent se
retrouver plus tard dans le tube et qui peuvent y créer des dysfonctionnements (dus
à des court-circuits, ou à des dépôts de matière sur des pièces sensibles telles que
la cathode). De plus, le contact électrique et thermique entre la grille et la connexion
extérieure n'est pas très bon avec une fixation par simple vissage.
[0005] C'est pourquoi on a déjà proposé de réaliser la grille en deux parties, une partie
utile de grille proprement dite, en graphite pyrolytique, et une embase métallique.
La grille est soudée à l'embase, et l'embase peut ensuite être soudée à l'électrode
extérieure lors du montage définitif du tube.
[0006] Le brevet US 4 739 213 décrit une tentative de ce genre. La soudure de la grille
de graphite sur l'embase se fait par l'intermédiaire d'un manchon réalisé dans un
métal (tungstène, ou molybdène ou tantale) qui forme un carbure avec le graphite de
la grille. La grille est emmanchée sur ce manchon qui lui-même est emmanché sur l'embase.
[0007] Mais cette solution nécessite une opération de soudure à l'arc ou par plasma tout
autour de la grille. Il s'agit d'une opération manuelle, difficilement automatisable
pour des productions en série. De plus, la soudure progressive tout autour de la grille
crée des contraintes élevées dans celle-ci.
[0008] La présente invention vise à proposer une solution industriellement beaucoup plus
intéressante que les solutions connues, pour réaliser et monter une grille de graphite
pyrolytique dans un tube électronique à vide.
[0009] Selon l'invention, on propose un procédé de montage de grille en graphite dans un
tube électronique à vide, ce procédé comprenant une opération consistant à braser
dans un four la partie inférieure de la grille sur une embase métallique, à l'aide
d'une brasure comportant au moins deux matériaux formant un eutectique, l'un des matériaux
ayant de bonnes propriétés de mouillage du graphite, et les deux matériaux ayant des
tensions de vapeur inférieures à 1,3.10
-11 bar à la température maximale de l'embase lors du fonctionnement du tube.
[0010] La pression de 1,3. 10
-11 bar (environ 10
-8 mm de mercure) correspond à la valeur maximale admissible compatible avec la durée
de vie du tube. La température maximale de l'embase en fonctionnement peut être d'environ
500° à 700° C.
[0011] La brasure peut être effectuée dans un four, donc par lots de plusieurs tubes à la
fois. Cependant, la température du four peut rester raisonnablement faible; les matériaux
de brasure sont choisis de préférence tels que la température de formation de l'eutectique
soit comprise entre 800°C et 1300°C.
[0012] Après cette brasure, l'ensemble de la grille et de l'embase peut être fixé à une
électrode de connexion extérieure lors de l'assemblage des grilles.
[0013] Les matériaux préférés pour la brasure sont :
- brasure titane-nickel
- brasure titane-fer
- brasure titane-cuivre, ou titane-argent
- brasure zirconium-nickel, ou zirconium-fer
[0014] Le titane et le zirconium sont en effet deux matériaux qui mouillent bien le graphite,
mais dont l'utilisation comme matériau unique de brasure s'avère peu intéressante
industriellement; ils doivent être utilisés à très haute température et tendent alors
à former avec le graphite des carbures dont la présence semble défavorable.
[0015] Les couples de matériaux utilisés pour la brasure sont présents de préférence dans
des proportions égales à celles de l'eutectique ou très proches des proportions de
l'eutectique.
[0016] Les contraintes engendrées pendant la brasure s'avèrent beaucoup plus faibles que
celles que créeraient des opérations de soudure de la grille sur l'embase.
[0017] Outre le procédé de fabrication résumé ci-dessus, l'invention a pour objet également
un tube électronique à grille en graphite pyrolytique, caractérisé en ce que la grille
est montée sur une embase métallique et est liée à cette embase par un matériau de
brasure constitué d'au moins deux matériaux (de préférence ceux mentionnés ci-dessus)
dont l'un mouille bien le graphite et qui forment un eutectique, les deux matériaux
ayant des tensions de vapeur inférieures à 1,3.10
-11 bar à la température maximale de l'embase lors du fonctionnement du tube. Cette température
maximale peut être estimée de l'ordre de 500 à 700°C dans le cas général.
[0018] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de
la description détaillée qui suit et qui est faite en référence aux dessins annexés
dans lesquels :
- la figure 1 représente un tube électronique à vide selon l'invention;
- la figure 2 représente un exemple de constitution de grille en graphite;
- la figure 3 représente la grille selon l'invention, constituée de la grille de la
figure 2 montée sur une embase métallique.
[0019] Le tube représenté est un tube amplificateur, du genre triode ou tétrode, mais l'invention
est applicable à tout type de tube utilisant une grille en graphite pyrolytique.
[0020] Le tube comporte une cathode cylindrique 10 entourée par une grille 20 concentrique
à la cathode, et une anode 30 entourant la grille et la cathode. La vue de la figure
1 est une vue schématique de la moitié droite du tube, l'axe tireté 40 représentant
l'axe de symétrie des pièces cylindriques. Plusieurs grilles concentriques peuvent
être prévues.
[0021] Les électrodes internes du tube, c'est-à-dire la cathode et la grille, sont situées
dans une partie sous vide. Elles sont reliées électriquement à des électrodes de connexion
extérieure qui comportent chacune une partie interne au tube et une partie externe.
Les parties externes sont des bagues annulaires destinées à s'emboîter dans un socle
de connexion. Pour la cathode 10, l'électrode de connexion est désignée par la référence
12; pour la grille 20 et l'anode 30, les électrodes de connexion sont désignées par
les références 22 et 32 respectivement. Les électrodes de connexion 12, 22, 32 sont
séparées les unes des autres par des bagues en céramique 21, 31, qui assurent d'une
part l'isolement électrique et d'autre part l'étanchéité au vide entre l'intérieur
et l'extérieur du tube. Ces bagues sont brasées aux électrodes de connexion. Les électrodes
de connexion sont par exemple réalisées dans un alliage fer-nickel-cobalt.
[0022] La grille 20, qui fait l'objet de l'invention, est en graphite pyrolytique pour ce
qui concerne sa partie active, c'est-à-dire au moins la partie directement en regard
et à proximité immédiate de la cathode 10. Une grille en graphite pyrolytique est
classiquement réalisée en déposant, par un procédé de décomposition chimique en phase
gazeuse à basse pression, du carbone sur un mandrin cylindrique ayant la forme générale
désirée pour la grille. Lorsqu'une épaisseur suffisante de carbone graphite est déposée
(quelques dixièmes de millimètres) on démoule la pièce monolithique de graphite ainsi
obtenue. C'est un cylindre à parois fines, terminé à sa partie supérieure par une
cloche. Les parois sont continues. Il faut ensuite les amincir aux endroits désirés
et les ajourer pour constituer une grille laissant passer les électrons; ceci est
fait par usinage au sable, à travers un masque fixe ou mobile délimitant les ouvertures
à réaliser. La figure 2 représente, en perspective, une telle grille en graphite pyrolytique
20. Les mailles de la grille sont par exemple formées essentiellement par des barreaux
verticaux rapprochés 210, avec quelques barreaux horizontaux 220 pour améliorer la
tenue mécanique de l'ensemble. Le bas de la grille reste constitué par une paroi cylindrique
continue (non ajourée) 230.
[0023] Pour des raisons de réduction des coûts de fabrication et d'amélioration des propriétés
de conduction thermique et électrique, ainsi que de suppression de causes de dysfonctionnement,
on propose ici de fixer la grille en graphite à une embase métallique avant de souder
cette embase sur l'électrode de connexion 22.
[0024] La figure 3 représente la grille 20 montée sur son embase métallique 50, visible
également sur la figure 1.
[0025] L'embase peut être en un alliage fer-nickel-cobalt comme l'électrode de connexion
22.
[0026] L'extrémité inférieure de la grille de graphite 20, terminée par une paroi cylindrique
continue fine 230, repose directement sur la tranche circulaire supérieure 54 d'une
paroi cylindrique correspondante située à la partie supérieure 52 de l'embase. La
paroi de l'embase à sa partie supérieure 52 est plus épaisse que la paroi inférieure
230 de graphite, et ces deux parois ont sensiblement le même diamètre moyen, de sorte
que la grille de graphite peut reposer directement par sa tranche sur l'embase. La
paroi de graphite est solidarisée par une brasure à la paroi de l'embase. Par ailleurs,
la partie inférieure de l'embase, également cylindrique, est reliée, de préférence
par soudure, à l'électrode de connexion 22. Par exemple, la partie inférieure cylindrique
56 de l'embase s'emmanche dans une partie cylindrique supérieure 26 (à l'intérieur
du tube à vide) de l'électrode de connexion 22. Et les deux parties emmanchées peuvent
être soudées, avant mise en place de l'ensemble dans le tube.
[0027] Les opérations de fabrication sont les suivantes :
- réalisation de la grille en graphite, par dépôt pyrolytique et usinage par sablage;
- réalisation de l'embase métallique, par emboutissage et usinage;
- mise en place d'un jonc de brasure annulaire sur la partie supérieure 52 de l'embase;
on définira ci-après la constitution de ce jonc;
- mise en place de la grille de graphite sur l'embase avec le jonc séparant les deux
pièces; l'ensemble est placé dans un four de brasure, dont la température est d'environ
1000°C (en fonction de la nature de la brasure utilisée);
- brasure dans le four, une série de pièces pouvant être traitées simultanément;
- soudure de l'embase (partie inférieure 56) sur l'électrode de connexion 22;
- montage de l'ensemble dans le tube.
[0028] Le jonc de brasure est constitué d'un couple de matériaux, juxtaposés ou en alliage.
L'un des matériaux, de préférence du titane, mais ce peut être aussi du zirconium
par exemple, doit être capable de mouiller le graphite. L'autre matériau, de préférence
du nickel, mais ce pourrait être aussi du fer, ou même à la rigueur du cuivre ou de
l'argent, doit être capable de former avec le premier un eutectique à une température
bien inférieure à la température de fusion du premier matériau. Les deux matériaux
utilisés doivent avoir une faible tendance à l'évaporation aux températures auxquelles
l'embase sera soumise lors du fonctionnement du tube. Il s'agit en effet de tubes
de forte puissance, dans lesquels les températures peuvent être très élevées; et il
s'agit de tubes à vides dans lesquels l'évaporation de matériaux conducteurs peut
avoir des effets très néfastes (pollution de la cathode, court-circuits, flashes,
etc.). Pour donner une indication chiffrée, on peut considérer que la grille risque
d'être soumise à des températures de l'ordre de 500°C à 600°C à l'endroit de la brasure
(beaucoup plus au milieu de la grille de graphite). Les matériaux utilisés pour la
brasure ne devraient pas avoir une tension de vapeur supérieure à 1,3. 10
-11 bar à cette température. Le titane, le zirconium, le nickel, le fer, le cuivre, l'argent
conviennent sur ce point.
[0029] De préférence, mais sans que ce soit absolument obligatoire, les proportions des
deux matériaux sont proches des proportions de l'eutectique, ou égales à ces proportions.
[0030] Notamment, pour le couple titane-nickel : 72%-28%, l'eutectique fond à 950°C environ;
pour le couple titane-fer, 70%-30%, eutectique à 1085°C; pour le couple titane-cuivre
: 25%-75%, eutectique à 870°C; et enfin titane-argent : 3%-97%, eutectique à 910°C.
[0031] Les températures des eutectiques sont suffisamment basses pour permettre l'utilisation
de fours classiques travaillant entre 1000°C et 1200°C. A ces températures, il n'y
a pas de risque de formation de carbures des métaux utilisés. Des carbures risqueraient
de se former entre la grille et le matériau de brasure (par exemple du carbure de
titane) si on travaillait à des températures proches de la température de fusion du
titane (vers 1690°C) ou du zirconium, et ces carbures seraient défavorables du point
de vue de la conduction thermique et électrique entre la grille et l'embase. D'autre
part, les températures utilisées ici pour la brasure sont beaucoup plus favorables
du point de vue des contraintes engendrées par les dilatations différentielles entre
les pièces brasées. La température du four lors de l'opération de brasage est choisie
légèrement supérieure à la température de fusion de l'eutectique.
[0032] Les tensions de vapeur saturante pour les matériaux cités ci-dessus sont de 10
-8 mm de mercure (1,3 x 10
-11 bar) aux températures respectives suivantes :
1000°C pour le titane
900°C pour le nickel
880°C pour le fer
550°C pour le cuivre.
[0033] On peut donc considérer que le nickel, le fer et le cuivre (dans l'ordre de préférence
décroissante) conviennent pour une association avec le titane (avec lequel ils forment
tous un eutectique dont la température de fusion est largement inférieure à celle
du titane). Le cuivre est le plus défavorable puisqu'il tend à s'évaporer plus facilement.
Le nickel est le plus favorable. Le couple titane-nickel est le couple préféré selon
l'invention.
1. Procédé de montage de grille en graphite dans un tube électronique à vide, ce procédé
comprenant une opération consistant à braser dans un four la partie inférieure (230)
de la grille (20) sur une embase métallique (50), à l'aide d'une brasure comportant
au moins deux matériaux formant un eutectique, l'un des matériaux ayant de bonnes
propriétés de mouillage du graphite, et les deux matériaux ayant des tensions de vapeur
inférieures à 1,3.10-11 bar à la température maximale de l'embase lors du fonctionnement du tube.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le premier matériau de brasure
est du titane ou du zirconium, et le deuxième matériau est du nickel, du fer, du cuivre,
ou de l'argent.
3. Procédé selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que les deux matériaux
de brasure sont présents dans des proportions égales à, ou proches de, celles de l'eutectique.
4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que la température
du four est légèrement supérieure à la température de fusion de l'eutectique.
5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que plusieurs grilles
à la fois sont brasées dans le four.
6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'ensemble de
la grille et de l'embase est fixé à une électrode de connexion extérieure (22), avant
installation dans le tube à vide.
7. Tube électronique à grille en graphite pyrolytique, caractérisé en ce que la grille
(20) est montée sur une embase métallique (50) et est liée à cette embase par un matériau
de brasure constitué d'au moins deux matériaux dont l'un mouille bien le graphite
et qui forment ensemble un eutectique, les deux matériaux ayant des tensions de vapeur
inférieures à 1,3.10-11 bar à la température maximale de l'embase lors du fonctionnement du tube.
8. Tube selon la revendication 7, caractérisé en ce que le premier matériau de brasure
est le titane ou le zirconium, et le deuixième est le nickel, le fer, le cuivre ou
l'argent.