[0001] La présente invention est relative aux procédés de renforcement de structures de
génie civil au moyen de fibres de carbone collées, procédés qui sont utilisés afin
d'augmenter la résistance des structures de génie civil notamment lorsque leurs caractéristiques
mécaniques se sont détériorées du fait du vieillissement.
[0002] Dans certains procédés connus de ce type, on préfabrique en usine des éléments de
matériau composite, constitués de fibres de carbone incluses dans une matrice de résine
synthétique, puis on met en oeuvre ces éléments sur des chantiers de bâtiment ou travaux
publics en les collant sur les surfaces à renforcer.
[0003] Selon les cas, le matériau composite à base de fibres de carbone préparé en usine
peut avoir des consistances différentes :
- il peut s'agir d'un matériau rigide qui se présente sous forme de plaques planes,
auquel cas le procédé n'est applicable que pour renforcer une surface parfaitement
plane, et il est nécessaire de maintenir les plaques de matériau composite en appui
contre cette surface jusqu'à ce qu'elles soient définitivement collées sur ladite
surface,
- le matériau composite peut également être maintenu dans un état plastique par une
conservation à très basse température qui bloque la polymérisation de sa matrice de
résine, ce qui permet l'application dudit matériau sur des surfaces non planes : mais
la conservation à très basse température rend l'utilisation de ce matériau composite
extrêmement lourde, et ce mode de conservation exclut même l'utilisation d'un tel
matériau sur de petits chantiers, qui ne peuvent être dotés que d'un équipement léger.
[0004] De plus, dans tous les cas de figure, les efforts qui sont repris par les fibres
de carbone transitent d'abord par la colle au moyen de laquelle le matériau composite
est fixé à la structure de génie civil, puis par la matrice de résine synthétique,
avant d'être transmis aux fibres de carbone : cette multiplication des matériaux intermédiaires
entre la structure de génie civil et les fibres de carbone nuit à l'efficacité du
renforcement.
[0005] Par ailleurs, le document US-A-5 308 430 décrit un procédé de renforcement de structures
de génie civil au moyen de fibres de carbone ou autres qui sont enduites de résine
au moment de leur application sur la structure.
[0006] Mais les fibres en question sont toutes parallèles les unes aux autres, de sorte
que le renforcement ainsi réalisé n'est efficace que pour reprendre des efforts dans
une seule direction.
[0007] De plus, afin de maintenir une certaine cohésion entre ces fibres avant leur mise
en oeuvre, il est nécessaire que lesdites fibres soient collées sur une feuille souple
de support.
[0008] Par conséquent, s'il est nécessaire de superposer plusieurs couches de fibres de
carbone sur la surface à renforcer, ces couches sont séparées entre elles par la feuille
souple de matériau support : on introduit ainsi une hétérogénéité supplémentaire dans
le matériau composite de renforcement, ce qui diminue la capacité de ce matériau à
transmettre convenablement les efforts entre la structure de génie civil et les fibres
de carbone.
[0009] Enfin, le document susmentionné prévoit d'utiliser des fibres qui sont initialement
sous forme de torons, puis d'aplatir ces torons par écrasement afin de constituer
des bandes plates de fibres : ce procédé de fabrication présente l'inconvénient de
risquer d'endommager les fibres lors de l'écrasement des torons.
[0010] La présente invention a notamment pour but de pallier ces différents inconvénients.
[0011] A cet effet, l'invention propose un procédé pour renforcer une structure de génie
civil, consistant à coller au moins une couche de tissu de fibres de carbone sur une
surface à renforcer appartenant à ladite structure, ce procédé comportant les étapes
suivantes :
a) préparer la surface à renforcer,
b) enduire ladite surface à renforcer d'une couche de résine époxy à l'état fluide,
capable d'adhérer sur la structure de génie civil et sur les fibres de carbone et
apte à boucher d'éventuelles fissures présentées par la surface à renforcer, cette
résine présentant, lorsqu'elle est appliquée à l'état fluide, une viscosité comprise
entre 1 000 et 100 000 mPa.s, et cette résine ayant par ailleurs, une fois durcie,
une résistance à la rupture en traction comprise entre 5 et 100 MPa avec un allongement
à la rupture compris entre 0,5 et 10 %, et une résistance à la rupture en compression
comprise entre 5 et 100 MPa avec un raccourcissement à la rupture compris entre 0,5
et 10 %,
c) et appliquer un tissu souple sec, constitué de fibres de carbone ensimées, sur
la couche de résine encore à l'état fluide, en exerçant sur ce tissu une pression
suffisante pour l'imprégner de résine et pour égaliser le film de résine, le tissu
présentant, dans au moins une direction, une résistance à la rupture supérieure à
1 500 MPa et un module élastique compris entre 200 et 400 GPa.
[0012] Grâce à ces dispositions, il est possible de renforcer une surface de forme quelconque,
éventuellement courbe ou irrégulière, et il n'est pas nécessaire d'appliquer une pression
permanente sur le tissu de fibres de carbone jusqu'à la prise de la résine.
[0013] Le renforcement ainsi obtenu est particulièrement efficace et fiable, notamment du
fait que les efforts à reprendre sont transmis de la structure de génie civil aux
fibres de carbone par l'intermédiaire d'une matrice de résine unique et homogène,
en évitant toute couche de matériau intermédiaire entre cette matrice et la structure
à renforcer.
[0014] Par ailleurs, le procédé selon l'invention contribue également à diminuer les contraintes
de flexion dans la résine.
[0015] De plus, l'utilisation de fibres de carbone sous forme de tissu, présentant des fils
de chaîne et des fils de trame entrecroisés, permet de garantir que les fibres de
carbone gardent une cohésion parfaite au cours de leur mise en oeuvre, ce qui permet
à la fois une grande facilité de mise en oeuvre et de hautes performances mécaniques.
[0016] Dans des modes de réalisation préférés, on peut avoir recours en outre à l'une et/ou
à l'autre des dispositions suivantes :
- le tissu de fibres de carbone se présente sous la forme d'une bande qui s'étend selon
une direction longitudinale, les fibres de carbone de ce tissu formant d'une part
des fils de chaîne sensiblement continus et parallèles à la direction longitudinale,
et d'autre part des fils de trame transversaux ;
- la surface à renforcer est soumise à des efforts de traction, les fils de chaîne du
tissu de fibres de carbone étant disposés parallèlement auxdits efforts ;
- la bande de tissu de fibres de carbone présente au moins une extrémité longitudinale
découpée en pointe ;
- la bande de tissu de fibres de carbone présente deux extrémités longitudinales découpées
en pointe ;
- le tissu de fibres de carbone comporte initialement une face nue et une face recouverte
d'une feuille souple amovible en matériau synthétique, le tissu étant appliqué sur
le film de résine par l'intermédiaire de sa face nue, et la feuille de matériau synthétique
étant enlevée du tissu après imprégnation de ce tissu par la résine ;
- la résine peut être thixotrope lorsqu'elle est à l'état fluide ;
- la résine ne comprend aucun solvant ;
- la structure de génie civil est constituée d'un matériau choisi parmi le béton, le
métal et le bois.
[0017] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront au cours de la
description détaillée suivante d'une de ses formes de réalisation, donnée à titre
d'exemple non limitatif, en regard des dessins joints.
[0018] Sur les dessins :
- la figure 1 est une vue en perspective illustrant un exemple de mise en oeuvre du
procédé selon l'invention,
- la figure 2 illustre la disposition des fibres de carbone au sein de la bande de tissu
de fibres de carbone utilisée dans l'exemple de la figure 1,
- et la figure 3 montre la bande de tissu de fibres de carbone de la figure 2, revêtue
d'une feuille protectrice amovible.
[0019] La figure 1 montre un exemple particulier de mise en oeuvre du procédé selon l'invention,
utilisé pour renforcer ou réparer une poutre en béton armé 1 supportant un plancher
2 de bâtiment.
[0020] Mais bien entendu, cette application n'est pas limitative, et l'invention est utilisable
pour renforcer toute structure de génie civil, en particulier en béton, en métal (notamment
acier) ou en bois.
[0021] Ce renforcement est obtenu en collant un tissu souple 3 de fibres de carbone sur
au moins une surface de la structure de génie civil : la surface à renforcer sera
en général une surface soumise à des efforts de traction, en l'occurrence la sous-face
4 de la poutre 1, mais il serait également possible de renforcer de la même façon
une surface de la structure de génie civil qui est soumise à des efforts de cisaillement,
par exemple les flancs 5 de la poutre 1 considérés ici, au droit des appuis 6 de cette
poutre.
[0022] Pour mettre en oeuvre le procédé de renforcement selon l'invention, on procède comme
suit :
- la surface à renforcer 4 de la structure de génie civil est nettoyée, le cas échéant
sablée et dégraissée, ou encore cette surface peut subir toute autre préparation mécanique
ou chimique visant à assurer la durabilité du renforcement,
- cette surface est enduite d'un film mince de résine à l'état fluide,
- on applique ensuite le tissu de fibres, sec, sur le film de résine encore à l'état
fluide,
- ce tissu est marouflé, c'est-à-dire pressé contre la surface à réparer, avec une pression
suffisante pour égaliser l'épaisseur de la résine entre cette surface à réparer et
le tissu, et pour imprégner ce tissu avec la résine,
- et le cas échéant, on procède à nouvelles applications de résine et de tissu s'il
est nécessaire d'utiliser plusieurs couches de tissu superposées, éventuellement avec
des dimensions de tissu différentes.
[0023] La résine utilisée pourra être par exemple la résine époxy bi-composants constituée
d'une part par la résine de base de marque "CECA XEP 3935/A", et d'autre part par
le durcisseur de marque "CECA XEP 2919/B", ces deux composants étant fabriqués et
commercialisés par la société CECA S.A., 12 place de l'Iris, La Défense 2, Cédex 54,
92062 PARIS LA DEFENSE (FRANCE).
[0024] De façon plus générale, la résine utilisée pourra être une résine thermoplastique
ou thermodurcissable, ignifugée ou non, résistante aux rayons ultraviolets ou non,
qui a la capacité d'adhérer à la fois sur la surface de la structure de génie civil
et sur les fibres de carbone et qui est apte à boucher d'éventuelles fissures de la
surface à renforcer 4.
[0025] Cette résine présente, lors de son application à l'état fluide, une viscosité à la
température d'application (c'est-à-dire en général à la température ambiante) comprise
entre 1 000 et 100 000 mPa.s.
[0026] Cette résine, un foie durcie, présente :
- une résistance au cisaillement compatible avec celle du matériau constituant la structure
de génie civil,
- une résistance à la rupture en traction comprise entre 5 et 100 MPa, avec un allongement
à la rupture compris entre 0,5 et 10 %,
- et une résistance à la rupture en compression comprise entre 5 et 100 MPa, avec un
raccourcissement à la rupture compris entre 0,5 et 10 %.
[0027] De préférence, la résine est thixotrope lorsqu'elle est à l'état fluide, et elle
ne comporte pas de solvant.
[0028] Avantageusement, on utilise une résine qui polymérise à température ambiante.
[0029] Par ailleurs, on notera que la même résine peut être utilisée quel que soit le matériau
de la structure de génie civil (béton, métal, bois).
[0030] Le tissu 3 de fibres de carbone, quant à lui, se présente de préférence sous la forme
d'une bande souple 7 (voir figure 2) qui s'étend selon une direction longitudinale
X et qui est en général stockée sous forme de rouleau.
[0031] Cette bande 7 est constituée de fibres de carbone ensimées qui forment d'une part
des fils de chaîne 8 sensiblement continus s'étendant selon la direction longitudinale
X, et d'autre part des fils de trame 9 (éventuellement de grosseur différente des
fils de chaîne) s'étendant selon une direction transversale Y parallèle à la largeur
de la bande 7 (ou éventuellement selon des directions oblongues).
[0032] Les fibres de carbones constituant le tissu présentent une résistance à la rupture
en traction qui est supérieure à 1 500 MPa, et un module élastique compris entre 200
et 400 GPa.
[0033] Eventuellement, la quantité de fibres de carbone du tissu 3 dans une direction donnée
pourra être modulé lors de la fabrication de ce tissu, en fonction des efforts à reprendre
par les fibres de carbone.
[0034] Lorsque la bande 7 est appliquée sur une surface à renforcer soumise à des efforts
de traction, la direction longitudinale X de cette bande est de préférence parallèle
à ces efforts de traction : c'est ainsi que dans l'exemple représenté sur les dessins,
la bande 7 est disposée parallèlement à la longueur de la poutre 1.
[0035] Avantageusement, comme représenté sur la figure 3, la bande 7 peut présenter initialement
une face sur laquelle le tissu 3 de fibres de carbone est laissé nu, et une face recouverte
par une feuille souple 10 de matériau synthétique ("polyane") qui est collée de façon
amovible sur le tissu 3 de fibres de carbone.
[0036] Dans ce cas, la bande 7 est de préférence enroulée avec la feuille souple 10 dirigée
vers l'extérieur du rouleau, de façon à protéger les fibres de carbone pendant le
stockage de ladite bande.
[0037] De plus, lors de la mise en oeuvre de la bande de tissu de fibres de carbone, on
n'enlève la feuille 10 de matériau souple qu'après l'opération de marouflage, de sorte
que cette feuille 10 évite toute salissure ou tout endommagement du tissu 3 de fibres
de carbone lors de la pose de ce tissu.
[0038] Par ailleurs, lors de la mise en oeuvre de la bande 7 de tissu de fibres de carbone,
on pourra avantageusement découper en pointe les extrémités 7a de cette bande (ou
au moins une extrémité longitudinale 7a), comme représenté sur la figure 1, de façon
à mieux répartir les contraintes de cisaillement qui s'exercent dans la résine entre
la structure de génie civil et le tissu de fibres de carbone.
[0039] En effet, l'expérience montre que les contraintes de cisaillement entre la bande
7 de tissu et la structure sous-jacente à renforcer sont sensiblement nulles en partie
courante de la bande, mais se concentrent aux extrémités de ladite bande.
[0040] Lorsque lesdites extrémités de la bande sont des lignes droites perpendiculaires
à la direction longitudinale de la bande de tissu, on constate à chacune desdites
extrémités un pic très prononcé de contrainte de cisaillement.
[0041] Dans ce cas, la structure sous-jacente à renforcer risque de subir des fissurations,
notamment lorsque ladite structure est en béton.
[0042] Au contraire, du fait que les extrémités 7a de la bande de tissu selon l'invention
sont découpées en pointes ou en biseaux, les efforts de cisaillement entre la bande
de tissu et la structure sous-jacente sont répartis sous toute la longueur de la pointe,
mesurée parallèlement à la direction longitudinale de la bande de tissu. Il en résulte
que les contraintes de cisaillement atteignent des valeurs maximales moins élevées
que lorsque les extrémités de la bande de tissu sont rectangulaires, de sorte qu'on
peut éviter ainsi l'endommagement et notamment la fissuration de la structure sous-jacente.
[0043] L'efficacité remarquable du procédé de renforcement selon l'invention a pu être vérifiée
notamment au cours d'un essai de rupture en flexion simple, réalisé sur deux poutres
en béton armé identiques, dont une seule avait été renforcée par collage d'un tissu
de fibres de carbone sur sa sous-face, selon le procédé décrit ci-dessus : l'effort
nécessaire pour casser la poutre non renforcée a été de 1,5 tonne, tandis que l'effort
nécessaire pour casser la poutre renforcée par des fibres de carbone a été de 4 tonnes.
1. Procédé pour renforcer une structure (1) de génie civil, consistant à coller au moins
une couche de tissu de fibres de carbone sur une surface à renforcer (4) appartenant
à ladite structure, ce procédé comportant les étapes suivantes :
a) préparer la surface à renforcer (4),
b) enduire ladite surface (4) d'une couche de résine époxy à l'état fluide, capable
d'adhérer sur la structure de génie civil et sur les fibres de carbone et apte à boucher
d'éventuelles fissures présentées par la surface à renforcer (4), cette résine présentant,
lorsqu'elle est appliquée à l'état fluide, une viscosité comprise entre 1 000 et 100
000 mPa.s, et cette résine ayant par ailleurs, une fois durcie, une résistance à la
rupture en traction comprise entre 5 et 100 MPa avec un allongement à la rupture compris
entre 0,5 et 10 %, et une résistance à la rupture en compression comprise entre 5
et 100 MPa avec un raccourcissement à la rupture compris entre 0,5 et 10 %,
c) et appliquer un tissu souple (3) sec, constitué de fibres de carbone ensimées,
sur la couche de résine encore à l'état fluide, en exerçant sur ce tissu une pression
suffisante pour l'imprégner de résine et pour égaliser le film de résine, le tissu
présentant, dans au moins une direction, une résistance à la rupture supérieure à
1 500 MPa et un module élastique compris entre 200 et 400 GPa.
2. Procédé selon la revendication 1, dans lequel le tissu (3) de fibres de carbone se
présente sous la forme d'une bande (7) qui s'étend selon une direction longitudinale
(X), les fibres de carbone de ce tissu formant d'une part des fils de chaîne (8) sensiblement
continus et parallèles à la direction longitudinale, et d'autre part des fils de trame
(9) transversaux.
3. Procédé selon la revendication 2, dans lequel la surface à renforcer (4) est soumise
à des efforts de traction, les fils de chaîne (8) du tissu de fibres de carbone étant
disposés parallèlement auxdits efforts.
4. Procédé selon la revendication 3, dans lequel la bande (7) de tissu de fibres de carbone
présente au moins une extrémité longitudinale (7a) découpée en pointe.
5. Procédé selon la revendication 4, dans lequel la bande (7) de tissu de fibres de carbone
présente deux extrémités longitudinales (7a) découpées en pointe.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le tissu
(3) de fibres de carbone comporte initialement une face nue et une face recouverte
d'une feuille (10) souple amovible en matériau synthétique, le tissu (3) étant appliqué
sur le film de résine par l'intermédiaire de sa face nue, et la feuille (10) de matériau
synthétique étant enlevée du tissu après imprégnation de ce tissu par la résine.
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel la résine
est thixotrope lorsqu'elle est à l'état fluide.
8. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel la résine
ne comprend aucun solvant.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel la structure
de génie civil (1) est constituée d'un matériau choisi parmi le béton, le métal et
le bois.