[0001] La présente invention concerne le domaine du renforcement structural d'ouvrages de
construction.
[0002] Dans ce domaine, il est usuel de coller des renforts au moyen de résines appropriées
sur les parties d'un ouvrage à renforcer.
[0003] Dans un procédé classique couramment appliqué, dit procédé Lhermite, le renfort consiste
en une tôle d'acier collée sur du béton après préparation de la surface de collage.
Ce procédé classique a suivi diverses évolutions tenant compte notamment de l'évolution
technologique des matériaux, et plus particulièrement de l'évolution des matériaux
de substitution de la tôle, laquelle pose fréquemment des problèmes de mise en oeuvre
et nécessite des dispositions pour combattre la corrosion.
[0004] C'est ainsi que l'on a vu apparaître ces dernières années des techniques de renforcement
à base de matériaux composites sous forme de plaques collées (voir par exemple FR-A-2
594 871), puis sous forme de fibres collées (voir US-A-5 308 430) et de tissus collés.
Ces derniers types de renfort présentent de nombreux avantages, notamment leur commodité
de mise en oeuvre et leur aptitude à s'appliquer sur des surfaces de formes diverses.
[0005] Ces différents types de renfort collés améliorent très sensiblement le comportement
dynamique de l'ouvrage renforcé. Il est d'ailleurs très rare d'observer une rupture
du renfort lui-même. La figure 1 montre une coupe schématique d'une poutre en béton
armé 8 reposant sur deux appuis 9 voisins de ses extrémités, et dont la face inférieure
comporte, entre ces deux appuis 9, un renfort collé 10 résistant à la traction suivant
la direction longitudinale de la poutre. Le renfort collé 10 améliore le comportement
de la poutre 8 en réponse à un effort F tendant à la faire fléchir entre ses deux
appuis 9. Lorsque l'effort F est suffisamment important pour provoquer une rupture
de la structure de la poutre, cette rupture se produit généralement dans le béton
"de recouvrement", c'est-à-dire dans l'épaisseur de béton non armé située entre la
surface pourvue du renfort collé 10 et les fers d'armature sous-jacents 11. Typiquement,
la rupture 12 s'amorce au voisinage de l'une des extrémités du renfort collé 10 sous
l'effet de l'effort tranchant E résultant de la réaction R de l'un des appuis 9 et
de l'effort de traction T qu'exerce le renfort 10, puis se propage le long des fers
d'armature 11. En d'autres termes, c'est le béton de l'ouvrage qui cède, dans une
partie où il ne travaille pas en compression (son mode de sollicitation souhaité)
mais en cisaillement.
[0006] D'autre part, même si certains renforts, notamment ceux à base de tissus de fibres
de carbone, peuvent s'appliquer sur des supports de formes diverses, il peut demeurer
des obstacles gênant l'application continue de tels renforts, laissant ainsi subsister
des faiblesses dans l'ouvrage renforcé. Dans le cas d'un bâtiment, on pourra avoir
de telles discontinuités au niveau du passage d'une pièce à une autre à travers un
mur, ou d'un étage à un autre à travers un plancher. De même, si la surface à renforcer
présente des nervures transversales à une direction dans laquelle le renfort doit
procurer une résistance à la traction, ces nervures ne sont généralement pas revêtues
par le renfort étant donné qu'un drapage du renfort par dessus une telle nervure lui
ferait perdre l'essentiel de ses propriétés de résistance à la traction.
[0007] US-A-5 218 810 décrit un renfort composite qui n'adhère pas directement au support
contre lequel il est appliqué. Ce support est un élément en béton en forme de colonne,
que le renfort composite vient ceinturer pour former une coquille cohérente de protection.
Dans le document WO95/34724, il a été proposé d'étendre à des murs l'application de
tels renforts peu adhérents. L'effet de coquille étant impossible topologiquement,
la tenue du renfort sur le mur est assurée par des ancrages installés à l'aide de
trous percés dans le mur, ces ancrages pouvant être recouverts par le renfort.
[0008] La présente invention a pour but d'améliorer les renforcements d'ouvrages au moyen
de renforts collés en éliminant une grande partie des zones de faiblesse pouvant subsister.
[0009] L'invention propose ainsi un procédé de renforcement d'un ouvrage de construction,
tel qu'énoncé dans la revendication 1.
[0010] La mèche installée réalise une sorte d'armature entre la surface pourvue du renfort
collé et l'autre zone renforcée. La mise en place de ces mèches d'armature est aisée
dès lors que la surface est accessible pour y coller le renfort.
[0011] La mèche de fibres a l'avantage qu'elle est aisément rabattue et/ou étalée sur la
surface avant de la recouvrir par le renfort collé. Ceci assure une bonne transmission
des efforts tout en évitant de former des saillies importantes sur la surface renforcée.
[0012] On peut ainsi assurer des liaisons entre différentes portions d'un même ouvrage revêtues
de renforts collés respectifs.
[0013] Les fibres de la mèche sont de préférence en carbone. Il est toutefois possible d'utiliser
des fibres de verre ou des fibres synthétiques, ou même des fibres métalliques (corde
à piano).
[0014] Le renfort collé peut notamment être à base de tôle métallique ou en matériau composite.
[0015] De préférence, ce renfort consiste en une bande ou un tissu de fibres de carbone
qu'on colle sur la surface en enduisant la surface d'une résine à l'état fluide apte
à polymériser à température ambiante, puis en appliquant la bande ou le tissu sur
la surface enduite pour que la résine imprègne les fibres et assure le collage. Le
trou recevant la mèche peut alors être rempli avec la même résine que celle avec laquelle
on enduit la surface. Ces dispositions simplifient au maximum la mise en oeuvre du
procédé.
[0016] Un second aspect de l'invention se rapporte à un ouvrage de construction tel qu'énoncé
dans la revendication 5.
[0017] D'autres particularités et avantages de la présente invention apparaîtront dans la
description ci-après d'un exemple de réalisation non limitatif, en référence aux dessins
annexés dans lesquels :
- la figure 1, précédemment discutée, est une vue schématique d'un poutre en béton armé
pourvue d'un renfort collé et se rompant sous l'effet d'un effort de flexion ;
- la figure 2 est une vue en coupe et en élévation, suivant le plan II-II indiqué sur
la figure 3, d'une portion d'ouvrage en béton armé équipée d'un renfort collé ;
- la figure 3 est une vue de dessous de la portion d'ouvrage de la figure 2 ;
- la figure 4 est une vue schématique illustrant la mise en place d'une mèche de fibres
selon l'invention ;
- la figure 5 est une vue en coupe, suivant le plan V-V indiqué sur la figure 6, d'un
plancher nervuré renforcé conformément à la présente invention ; et
- la figure 6 est une vue de dessous, en coupe suivant le plan VI-VI indiqué sur la
figure 5, du plancher nervuré renforcé.
[0018] Les figures 2 et 3 illustrent un exemple d'application d'un renfort collé à une dalle
de plancher 15 en béton armé reposant sur des éléments de soutien 16, pouvant être
des murs, des poteaux ou analogues. Entre ces éléments de soutien 16, dont un seul
est représenté sur la figure 2, il est prévu de garnir la surface inférieure 17 de
la dalle 15 d'un renfort collé 18.
[0019] Le renfort 18 est destiné à résister à la traction suivant une direction principale
A allant d'un élément de soutien 16 à un autre. Le renfort 18 consiste de préférence
en une bande de fibres de carbone ensimées orientées parallèlement à la direction
A, ou encore en un tissu de fibres de carbone dont les fils de chaîne sont orientés
selon la direction A, les fibres de carbone étant imprégnées d'une résine durcissant
à température ambiante. La pose du renfort 18 peut notamment s'effectuer de la manière
suivante : une résine époxy, apte à polymériser à température ambiante, est enduite
à l'état liquide sur la surface 17 ; la bande ou le tissu est ensuite appliqué sur
la surface enduite pour que la résine imprègne les fibres et assure le collage. La
bande ou le tissu peut être appliqué par un simple marouflage, ne nécessitant pas
l'application d'une pression prolongée.
[0020] La résine utilisée est par exemple la résine époxy bi-composants constituée d'une
part par la résine de base de marque "CECA XEP 3935/A", et d'autre part par le durcisseur
de marque "CECA XEP 2919/B", ces deux composants étant fabriqués et commercialisés
par la société CECA S.A., 12 place de l'Iris, La Défense 2, Cedex 54, 92062 PARIS
LA DEFENSE (FRANCE).
[0021] Cette résine présente, lors de son application à l'état fluide, une viscosité à température
ambiante comprise entre 1 000 et 10 000 mPa.s.
[0022] Cette résine, une fois durcie, présente :
- une résistance au cisaillement compatible avec celle du matériau constituant l'ouvrage,
- une résistance à la rupture en traction comprise entre 5 et 100 MPa, avec un allongement
à la rupture compris entre 0,5 et 10%,
- et une résistance à la rupture en compression comprise entre 5 et 100 MPa, avec un
raccourcissement à la rupture compris entre 0,5 et 10%.
[0023] Les fibres de carbone ensimées constituant la bande ou le tissu 18 présentent une
résistance à la rupture en traction qui est supérieure à 1 500 MPa, et un module élastique
compris entre 200 et 400 GPa.
[0024] Pour assurer un renforcement du béton de recouvrement 19 situé entre la surface 17
et la zone 20 du volume de la dalle 15 comportant les fers d'armature 21, il est prévu
des mèches de fibres 23, 24 enfilées dans des trous 25, 26 percés entre la surface
17 et la zone 20. Les fibres de chaque mèche 23, 24 sont imprégnées d'une résine 27
qui remplit le trou 25, 26.
[0025] Les mèches 23, 24 consistent de préférence en des fibres de carbone ensimées pouvant
être de même nature que celles du tissu 18. La résine 27 dont les trous sont remplis
peut également être du même type que celle servant à l'imprégnation et au collage
du tissu 18.
[0026] La figure 4 illustre la mise en place d'une telle mèche de fibres. Dans une première
étape, on réalise le percement du trou 26. On applique ensuite la résine 27 à l'état
fluide en emplissant les trous 26 et en en enduisant la surface 17. On enfile ensuite
la mèche 24 dans le trou 26, en laissant dépasser une portion d'extrémité 28 de cette
mèche hors de la surface 17. On peut prévoir un point de colle au bout des fibres
de la mèche 24 pour faciliter l'introduction de cette mèche dans son trou. On désunit
ensuite les fibres de la mèche 24 dans la portion 28 dépassant de la surface 17, puis
on rabat ces fibres sur la surface 17 dans le film de résine, en les étalant le long
de la surface. La transmission des efforts entre la zone renforcée 20 et le renfort
collé 18 est la meilleure lorsque les fibres des extrémités 28 sont étalées en éventail
de part et d'autre de la direction principale A ainsi que le montre la figure 3. On
applique ensuite le tissu de renfort 18, on maroufle et on laisse prendre la résine.
[0027] Le dimensionnement des trous et des mèches de fibres, et leur répartition sur la
surface renforcée 17 seront en général définis sur la base des calculs de structure
réalisés par le bureau d'études.
[0028] Il est généralement judicieux de percer un trou relativement profond 23 dans une
région de la surface 17 qui sera recouverte par le renfort 18 et adjacente à un bord
29 de ce renfort. Ce trou 23 est percé dans une direction oblique par rapport à la
surface 17. Depuis la surface 17 vers le fond du trou 23, ce trou s'éloigne du centre
du renfort 18 ainsi que le montre la figure 2. La direction de percement du trou 25
et la direction principale A sont dans le plan de la figure 2 qui est perpendiculaire
à la surface 17. L'angle de percement de ce trou 25 peut être choisi de façon que
le trou 25 soit sensiblement perpendiculaire à l'effort tranchant s'exerçant au niveau
du bord 29 du renfort collé (cf figure 1). La mèche 23 réalise ainsi une sorte de
continuité de l'effort de traction entre le renfort collé 18 et les fers d'armature
21 du béton.
[0029] Il est prévu d'autres moyens de liaison entre les fers d'armature du béton et le
renfort collé 18, répartis sur l'étendue du renfort collé 18. Ces moyens de liaison
pourraient consister simplement en des clous ou analogue. Mais ils sont de préférence
constitués également par des mèches de fibres 24 noyées dans la résine 27 et engagées
dans des trous 26 percés transversalement à la surface 17, comme illustré par les
figures 2 à 4. Sur ces figures, les trous 26 sont représentés perpendiculaires à la
surface 17, mais on comprendra qu'ils pourraient également être inclinés dans le même
sens que les trous 25 prévus aux extrémités.
[0030] Il est possible d'exercer sur le tissu 18 une précontrainte par mise en tension selon
la direction A. La tension est appliquée à l'une ou aux deux extrémités du tissu et
maintenue jusqu'au durcissement complet de la résine de collage. Après relâchement
de la précontrainte, le renfort collé exerce sur la structure des efforts actifs à
l'encontre des charges sollicitantes.
[0031] Les figures 5 et 6 illustrent l'application, conforme à l'invention, d'un renfort
collé 32, pouvant être du même type que précédemment, sur un support irrégulier consistant,
dans l'exemple considéré, en la face inférieure d'un plancher nervuré 30, dont les
nervures 31 sont transversales à la direction principale A selon laquelle le renfort
doit résister aux efforts de traction.
[0032] On a ainsi non pas un mais plusieurs renforts 32, 32a, 32b... collés sur des surfaces
successives du plancher 30 situées dans le prolongement les unes des autres, mais
séparées les unes des autres par les nervures 31 qui gênent l'application continue
d'un renfort unique.
[0033] L'invention permet dans ce cas d'assurer une transmission des efforts de traction
entre deux renforts voisins séparés par une nervure 31.
[0034] Chaque trou 34 destiné à recevoir une mèche de fibres 35 est alors percé à travers
la nervure 31, de manière à affleurer les deux surfaces 33, 33a situées dans le prolongement
l'une de l'autre. La mèche de fibres 35 est introduite dans ce trou 34 en laissant
dépasser ses deux extrémités 36 de part et d'autre de la nervure 31. Au niveau de
ces deux extrémités 36, les fibres de la mèche 34 sont désunies et étalées de part
et d'autre de la direction A comme le montre la figure 6, pour assurer la meilleure
transmission des efforts.
1. Procédé de renforcement d'un ouvrage de construction (30), dans lequel on colle un
premier renfort (32) sur une première surface (33) de l'ouvrage, et un second renfort
(32a) sur une seconde surface (33a) de l'ouvrage, lesdites première et seconde surfaces
étant situées dans le prolongement l'une de l'autre, mais séparées par un obstacle
(31) gênant l'application continue d'un renfort unique, caractérisé en ce qu'avant
de coller les renforts, on perce au moins un trou (34) à travers l'obstacle (31) entre
lesdites première et seconde surfaces, et on remplit ledit trou avec de la résine
(27) et avec une mèche de fibres (35) dont on laisse respectivement dépasser deux
portions d'extrémités (36) du côté desdites première et seconde surfaces, chacun des
renforts étant ensuite collé par dessus une portion d'extrémité respective de la mèche
de fibres.
2. Procédé selon la revendication 1, dans lequel on désunit les fibres de la mèche (35)
dans chacune de ses portions d'extrémités (36), et on étale ces fibres sur chacune
des première et seconde surfaces (33,33a) avant de la recouvrir par son renfort collé
(32,32a).
3. Procédé selon la revendication 2 dans lequel chaque renfort (32,32a) est agencé pour
résister à la traction suivant une direction principale (A) desdites surfaces (33,33a),
et dans lequel les fibres de chaque portion d'extrémité (36) de la mèche (35) sont
étalées en éventail de part et d'autre de ladite direction principale.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, dans lequel les renforts
(32,32a) consistent en des bandes ou tissus de fibres de carbone qu'on colle en enduisant
les surfaces (33,33a) d'une résine à l'état fluide apte à polymériser à température
ambiante, puis en appliquant les bandes ou tissus sur les surfaces enduites pour que
la résine imprègne les fibres et assure le collage, et dans lequel on remplit le trou
(34) avec lamême résine (27) que celle avec laquelle on enduit les surfaces.
5. Ouvrage de construction, ayant au moins des première et seconde surfaces (33,33a)
respectivement pourvues de renforts collés (32,32a), lesdites première et seconde
surfaces étant situées dans le prolongement l'une de l'autre, mais séparées par un
obstacle (31) gênant l'application continue d'un renfort unique, caractérisé en ce
qu'au moins une mèche de fibres (35) s'étend entre lesdites première et seconde surfaces
dans un trou (34) rempli de résine (27), le trou (34) traversant l'obstacle entre
lesdites première et seconde surfaces, la mèche de fibre ayant deux portions d'extrémité
(36) qui dépassent respectivement sur lesdites première et seconde surfaces et par
dessus lesquelles sont collés lesdits renforts (32,32a).
6. Ouvrage de construction selon la revendication 5, dans lequel les fibres de la mèche
(35), dans ses portions d'extrémité (36), sont étalées sur lesdites surfaces (33,33a).
7. Ouvrage de construction selon la revendication 6, dans lequel les renforts (32,32a)
sont agencés pour résister à la traction suivant une direction principale (A) desdites
surfaces (33,33a), et dans lequel les fibres des portions d'extrémité (36) de la mèche
sont étalées en éventail de part et d'autre de ladite direction principale.
8. Ouvrage de construction selon l'une quelconque des revendications 5 à 7 dans lequel
chacun desdits renforts (32,32a) consiste en une bande ou un tissu de fibres de carbone
imprégnées d'une résine (27) qui assure le collage du tissu sur la surface (33,33a)
de l'ouvrage et qui est de même composition que la résine dont le trou (34) est rempli.