[0001] La présente invention se rapporte aux procédés qui permettent de minimiser la signature
magnétique d'un bâtiment naval, c'est à dire les perturbations apportées au champ
magnétique local terrestre par la présence d'un tel bâtiment. Ceci permet d'éviter
le repérage d'un tel bâtiment par des dispositifs de mesure du champ magnétique, en
particulier par les détonateurs magnétiques des mines et des torpilles.
[0002] Il est connu que pour éviter une telle détection on utilise, en particulier sur les
bâtiments navals destinés à chasser les mines, des systèmes qui permettent de réduire
la signature magnétique de ces bâtiments. On utilise pour cela généralement des bobines
formées d'un câble enroulé sur un certain nombre de tours. Ces bobines sont appelées
boucles de courant. On alimente ces boucles avec un courant électrique à partir d'un
dispositif adéquat tel qu'un amplificateur de courant réglable. L'intensité de ce
courant est commandée par le réglage de cet amplificateur à partir d'un dispositif
de mesure du champ magnétique comportant généralement un magnétomètre placé dans la
mature du bateau et dont les indications sont reprises par des moyens de calcul qui
permettent de délivrer les signaux de commande des amplificateurs.
[0003] L'aimantation d'un corps ferromagnétique comprend généralement deux composantes,
l'une constante correspondant à l'aimantation dite permanente de ce corps, et l'autre
variable, dite induite, qui correspond aux variations de l'aimantation sous l'effet
du champ terrestre local. Pour compenser ces deux types d'aimantations, les boucles
sont généralement alimentées par un courant constant auquel est superposé un courant
variable en fonction de la mesure du champ terrestre local.
[0004] Dans le cas particulier des chasseurs de mines, comme la coque est réalisée en matériaux
non magnétiques tels que du bois ou de l'aluminium, on utilise généralement des boucles
locales qui entourent les objets ferromagnétique de taille importante, par exemple
les moteurs et les organes de propulsion.
[0005] On pensait jusqu'à présent que les matériels utilisés ne permettaient pour des questions
de puissance et d'encombrement, que de compenser une faible aimantation résiduelle,
en générant des champs magnétiques d'intensité au plus égale à 1 Gauss.
[0006] Pour ne pas avoir à compenser des champs magnétiques plus importants, on était alors
amené à traiter magnétiquement le bâtiment au port en le faisant passer à l'intérieur
d'une station de traitement fixe, dite côtière, permettant de le soumettre à un champ
magnétique initialement très important correspondant à la saturation des masses magnétiques
du bâtiment. On faisait ensuite décroître progressivement l'intensité magnétique en
la faisant varier de manière alternative pour décrire un cycle d'hystérésis du matériau,
jusqu'à ce que l'aimantation de celui-ci soit réduite à un minimum. Les installations
ainsi utilisées sont de très grande taille et sont alimentées par une source de puissance
très importante, qui ne peut correspondre qu'à une installation fixe, ce qui exclu
de l'embarquer à bord d'un bâtiment naval.
[0007] Dans ces conditions, l'installation embarquée ne sert qu'à compenser l'aimantation
permanente résiduelle et à s'opposer à l'aimantation induite sous l'effet du champ
terrestre local, qui est variable en fonction du temps et du lieu.
[0008] Cependant, comme on le sait, l'aimantation d'un matériau ferromagnétique est un phénomène
particulièrement compliqué, qui n'est absolument pas linéaire et comporte des effets
d'hystérésis très importants.
[0009] Dans ces conditions, l'état magnétique résiduel du bateau va évoluer dans le temps
sous l'effet des différents champs qui lui sont appliqués, tant le champ terrestre
local que le passage à proximité de sources aimantée telles que d'autres bâtiments
eux-mêmes non immunisés ou encore l'action des courants électriques circulant dans
les différents moteurs utilisés à bord.
[0010] Dans ces conditions, les systèmes de compensation embarqués ne compensent plus au
fur et à mesure du temps qui passe l'aimantation résiduelle que d'une manière de plus
en plus imparfaite. La signature magnétique du bateau se dégrade donc de plus en plus
et peut atteindre assez rapidement des valeurs dangereuses susceptibles d'entraîner
la mise à feu des mines éventuellement rencontrées. Cette situation est particulièrement
dangereuse pour les chasseurs de mines qui par principe sont destinés à évoluer à
proximité des mines.
[0011] Pour pallier ces inconvénients, l'invention propose un procédé selon les revendications
annexées.
[0012] D'autres particularités et avantages de l'invention apparaîtront clairement dans
la description suivante, présentée à titre d'exemple non limitatif en regard des figures
annexées qui représentent :
- la figure 1, une représentation schématique d'un bâtiment muni d'un dispositif d'immunisation
connu en soi; et
- la figure 2, le schéma d'un dispositif d'immunisation magnétique selon l'invention.
[0013] Le bâtiment 101 représenté sur la figure 1 est réalisé le plus possible en matériaux
amagnétiques, par exemple en aluminium et/ou en bois pour la coque, mais il comprend
nécessairement un certain nombre d'appareils, par exemple les moteurs et les propulseurs,
réalisés en matériaux ferromagnétiques. L'ensemble subit régulièrement au port des
opérations de démagnétisation, et pour compléter le résultat obtenu par ces opérations,
les organes ferromagnétiques sont entourés par des boucles locales telles que 102.
Ces boucles sont alimentées par un dispositif d'alimentation électrique 103 qui injecte
dans les boucles des courants électriques dont l'intensité est déterminée en fonction
des indications d'un magnétomètre 104 situé dans la mature afin de l'éloigner de l'influence
du champ magnétique crée par le bâtiment lui-même.
[0014] Ce dispositif d'immunisation magnétique est représenté de manière plus détaillée
sur la figure 2. Il comprend des boucles d'immunisation dont on n'a représenté qu'un
jeu dans un seul plan. Ces boucles sont alimentées par des amplificateurs de courant
203 eux-mêmes alimentés par un dispositif d'alimentation électrique 205. L'amplificateur
de courant 203 délivre le courant nécessaire en fonction d'un signal de commande reçu
d'un organe de calcul 206, qui élabore ces signaux en fonction des indications reçues
d'un magnétomètre 204.
[0015] Selon l'invention, la boucle d'immunisation 202 est doublée par une boucle de traitement
212, qui est identique à la boucle 202 mais dont le nombre de tours est nettement
plus grand. On augmente ainsi le nombre d'Ampères-tours disponibles à ce niveau pour
un même courant fourni par l'amplificateur 203, ce qui augmente le champ magnétique
disponible pour traiter l'organe situé à l'intérieur de la boucle. Contrairement aux
préjugés qui régnaient jusqu'à présent, les inventeurs ont ainsi établi que l'on pouvait
à partir d'un même amplificateur de courant obtenir un champ magnétique beaucoup plus
élevé simplement en augmentant le nombre de tours de la bobine, ce qui permet alors
d'effectuer un traitement de démagnétisation local en utilisant des moyens internes
au bateau 101, ce que l'on ne croyait pas jusqu'à présent possible. A titre d'exemple
numérique, on peut très facilement passer de 100 Ampères-tours à 600 Ampères-tours.
[0016] Selon l'invention, ce traitement est appliqué de manière régulière, par exemple toutes
les 24 h, est lancé à partir d'un séquenceur 207, lequel commande en conséquence les
moyens de calcul 206. Ce séquenceur commande également le fonctionnement d'un commutateur
208 qui est inséré entre les boucles 202 et 212 et l'amplificateur de courant 203.
De cette manière, on ne met en service la boucle de traitement 212 que pendant la
période où l'on procède à la démagnétisation. On évite ainsi le risque de procéder
à une modification accidentelle de la magnétisation pendant le fonctionnement normal
du système d'immunisation.
[0017] En fait, bien que les phénomènes d'aimantation soient difficilement modélisables
et que les problèmes d'hystérésis compliquent beaucoup les problèmes, la situation
où se trouve le bateau n'est quand même pas celle initiale avant la démagnétisation
au port, où l'état magnétique est totalement indéterminé et peut prendre localement
des valeurs très importantes et très différentes d'un point à l'autre. En effet, comme
on l'a dit plus haut, le bâtiment a d'abord subi un traitement de démagnétisation
au port dont il est sorti dans un état presque neutre au point de vue magnétique,
avec juste quelques aimantations résiduelles qui peuvent être compensées par le système
d'immunisation. La dégradation de cet état magnétique s'effectue lentement en fonction
des circonstances et ne prend des proportions vraiment importantes, justiciables d'une
nouvelle démagnétisation au port dans des installations conséquentes, qu'au bout d'un
temps relativement long.
[0018] Dans ces conditions, en procédant selon l'invention à des rectifications de cet état
magnétique relativement fréquentes en partant d'une déviation faible, on peut effectivement
avec les moyens simples décrits plus haut contenir la dérive de l'état magnétique
dans des limites acceptables et qui permettront par là-même de continuer à appliquer
régulièrement le traitement selon l'invention, lequel possède donc en quelque sorte
un caractère auto régénérateur.
[0019] On sait en effet que les moyens considérables qui sont mis en oeuvre dans les stations
côtières de désaimantation permettent, non seulement de désaimanter l'ensemble d'un
bateau en le faisant passer à l'intérieur de très grandes bobines dans lesquelles
circulent des courants intenses, mais encore de mesurer de manière relativement précise
le comportement de ce bateau, plus particulièrement des masses magnétiques de celui-ci,
en fonction des champs magnétiques qui lui sont appliqués.
[0020] L'invention propose précisément d'utiliser les paramètres ainsi déterminés, qui sont
suffisamment précis, même en tenant compte des phénomènes d'hystérésis qui perturbent
quelque peu les mesures, pour pouvoir effectuer ultérieurement des corrections d'amplitude
relativement faible en mettant en oeuvre des moyens beaucoup moins importantes que
ceux de la station côtière.
[0021] En outre, à chaque fois que l'on procède à un traitement, journalier de préférence,
de démagnétisation, on mémorise les séquences de traitement effectuées, ce qui permet
d'actualiser l'historique du traitement et d'affiner le traitement qui va être mis
en oeuvre à ce moment.
[0022] Les différentes étapes de calcul qui sont alors mises en oeuvre sont les suivantes
:
- On mesure tout d'abord à l'aide du magnétomètre 204 les trois composantes Hx, Hy,
et Hz du champ terrestre local.
- On détermine ensuite en fonction de la composante verticale Hz le courant lz qui doit
circuler dans les boucles horizontales pour engendrer un champ vertical s'opposant
aux effet de Hz. Pour cela on applique la formule suivante :

[0023] Les valeurs de I
zo et de H
zo sont celles qui ont été obtenues dans la station de réglage côtière et qui ont été
mémorisées dans les moyens de calcul 206.
- On détermine ensuite en fonction de Hx et Hy le courant moyen lyo qui est à appliquer dans les boucles verticales qui engendrent un champ horizontal
parallèle à l'axe du bateau. En effet, c'est essentiellement dans cette direction
qu'il convient de démagnétiser le bateau, mais la valeur du champ à appliquer dépend
également de la composante latérale du champ magnétique terrestre. La valeur de ce
courant l0 est obtenue par :

- On applique enfin la séquence de désaimantation à partir d'une loi préprogrammée dans
les moyens de calcul, en faisant circuler dans les boucles verticales un courant ly tel que :

[0024] Dans cette formule, le courant I
MAX est la valeur maximale du courant pouvant être délivrée par l'amplificateur 203,
et la pulsation ω est donnée par ω =

dans laquelle la période π est de l'ordre d'une dizaine de seconde.
[0025] Ces courants l
z et l
y sont appliqués pendant une séquence de démagnétisation dont la durée est de l'ordre
de quelques minutes. Une telle durée est tout à fait compatible avec les périodes
disponibles pendant les missions opérationnels du bâtiment.
1. Procédé pour minimiser la signature magnétique d'un bâtiment naval (101) qui a été
préalablement démagnétisé dans une station côtière et qui comprend des moyens (102-104)
d'immunisation magnétique permettant de compenser des variations instantanées de cette
signature, dans lequel on applique à ces moyens d'immunisation pendant des intervalles
de temps distincts une séquence de démagnétisation déterminée à partir des paramètres
de démagnétisation mémorisés lors de la démagnétisation côtière initiale, caractérisé
en ce que cette séquence est également déterminée à partir de la mesure du champ terrestre
local, et en ce que l'on utilise des boucles locales de démagnétisation (212) venant
doubler les boucles locales d'immunisation (202) et alimentées par le même générateur
que ces boucles d'immunisation par l'intermédiaire d'un commutateur (208) fermé pendant
la séquence de démagnétisation pour augmenter le nombre d'Ampères-tours circulant
dans ces boucles.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la séquence est journalière
et dure quelques minutes.
3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que l'on
applique dans les boucles horizontales un courant l
z déterminé par :

dans laquelle I
zo est le courant de démagnétisation et H
0 la composante verticale du champ terrestre local déterminé lors de l'immunisation
côtière et H
z la composante verticale du champ terrestre local lors de l'immunisation en mer.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l'on
applique aux boucles verticales un courant I
y (t) déterminé par :

dans laquelle I
MAX est le courant maximum disponible dans les moyens d'immunisation, τ une période de
l'ordre d'une dizaine de seconde et y
o est donnée par :

où I
o est la valeur du courant de démagnétisation utilisé pendant la démagnétisation côtière,
et H
x et H
y sont les deux composantes horizontales du champ magnétique local pendant la démagnétisation
en mer.