[0001] La présente invention concerne les procédés ou dispositifs de détection ou de mesure
de gaz dans lesquels on génère un flux d'électrons dans une enceinte à vide à partir
d'une cathode à émission de champ comprenant un réseau de micropointes émettrices
d'électrons associées à une grille. Les électrons sont envoyés dans une cage d'ionisation
en présence du gaz à analyser et génèrent un flux d'ions qui est ensuite analysé par
un dispositif de traitement tel qu'un spectromètre de masse.
[0002] Comme générateur d'électrons, on a développé depuis quelques années des cathodes
à émission de champ à micropointes émettrices d'électrons, dans lesquelles des micropointes
conductrices de l'électricité sont réalisées sur un substrat conducteur approprié
et encastrées dans des cavités d'une couche isolante recouvrant le substrat, avec
leur extrémité venant en affleurement d'une grille polarisée positivement et comportant
des ouvertures au regard de chaque cavité. La forme acérée des sommets des micropointes
produit un effet d'amplification locale de champ électrique qui favorise l'émission
des électrons à température ambiante et permet d'obtenir cette émission à partir d'une
tension de seuil de l'ordre de 50 à 100 volts en fonction de la constitution du réseau
de micropointes. Un spectromètre de masse associé à une cathode froide à émission
de champ à micropointes est décrit dans le document EP 0 884 762 A. Une seconde cathode
ayant un filament à émission thermique permet d'améliorer l'analyse des gaz en disposant
de deux spectres pour lever les ambiguïtés.
[0003] Parmi les moyens de génération d'un flux d'électrons dans une enceinte à vide, les
cathodes à émission de champ, ou cathodes froides, présentent des avantages substantiels
par rapport aux sources traditionnelles constituées par un filament de tungstène chauffé
à une température de 1 000 à 2 000°C.
[0004] Notamment, les cathodes à émission de champ présentent un très bon rendement énergétique,
par le fait que les micropointes permettent d'émettre les électrons à partir de la
température ambiante, alors que les filaments de tungstène nécessitent un apport d'énergie
électrique de chauffage important pour amener le filament à une température permettant
l'émission d'électrons par effet thermoélectronique ; les ordres de grandeur des puissances
mises en jeu sont d'environ 10 watts pour un filament chauffé, à comparer à environ
0,2 watts pour une cathode à émission de champ.
[0005] Les cathodes à émission de champ présentent également l'avantage d'une grande rapidité
de réaction, aussi bien en début d'émission qu'en fin d'émission d'électrons ; il
est ainsi possible de les désactiver instantanément, contrairement à un filament de
tungstène dont la température et les propriétés émissives correspondantes ne baissent
que lentement à cause de son inertie thermique.
[0006] Les cathodes à émission de champ présentent également l'avantage de générer un faisceau
d'électrons directif, tous les électrons étant émis perpendiculairement à la surface
du réseau de micropointes, contrairement à un filament pour lequel les électrons sont
émis dans toutes les directions autour du filament.
[0007] L'absence de dissipation thermique est un autre avantage des cathodes à émission
de champ, évitant de perturber les circuits électroniques environnants qui sont sensibles
à la température.
[0008] Les cathodes à émission de champ fonctionnent correctement lorsque la pression résiduelle
gazeuse régnant à l'intérieur de l'enceinte à vide est inférieure à 10
-5 hPa environ. Mais la réalisation et le maintien d'une pression résiduelle suffisamment
basse dans l'enceinte à vide nécessitent des moyens de pompage appropriés, et surtout
un temps de pompage suffisamment long. Cela constitue un inconvénient dans les applications
pour l'analyse ou la détection des gaz, dans lesquelles le dispositif de génération
d'électrons est utilisé dans une enceinte où l'on réalise un vide intermittent : il
est nécessaire d'attendre l'obtention du vide suffisamment poussé avant de procéder
à l'analyse ou à la mesure.
[0009] Il y a donc un besoin pour fonctionner à des pressions résiduelles gazeuses supérieures
à 10
-5 hPa, qui peuvent être réalisées en des temps plus courts et avec des moyens plus
simples.
[0010] Cependant, pour une tension de polarisation donnée entre la cathode et la grille,
le flux d'électrons produit par les cathodes à émission de champ décroît à mesure
qu'augmente la pression résiduelle gazeuse dans l'enceinte à vide. On sait qu'a priori
l'augmentation de pression résiduelle gazeuse dans l'enceinte à vide nécessite, pour
l'obtention d'un flux donné d'électrons, d'augmenter la tension de polarisation de
la cathode. Ainsi, pour compenser une baisse de productivité de flux d'électrons en
présence d'une haute pression résiduelle gazeuse, les dispositifs de détection ou
de mesure de gaz augmentent généralement la tension de polarisation de grille. On
constate toutefois que la durée de vie des cathodes à émission de champ décroît très
rapidement à mesure qu'augmente la pression résiduelle gazeuse dans l'enceinte à vide.
Lors d'un fonctionnement de la cathode à émission de champ dans une atmosphère à pression
résiduelle supérieure à 10
-5 hPa, on constate l'apparition progressive de dégradations localisées par claquage
entre les micropointes et la grille, avec un risque important de claquage généralisé
et d'explosion par suite de la fusion des micropointes.
[0011] Le problème proposé par la présente invention est de concevoir un moyen de réduction
des risques de claquage des cathodes à émission de champ utilisées dans les dispositifs
de détection ou de mesure de gaz, pour une géométrie donnée de réseau de micropointes
et pour un flux donné d'électrons émis.
[0012] La présente invention résulte de l'observation surprenante selon laquelle les risques
de claquage, à flux constant d'électrons émis, diminuent sensiblement lorsqu'on chauffe
les micropointes de la cathode à émission de champ.
[0013] Ce résultat paraît surprenant, dès lors qu'un échauffement augmente l'agitation moléculaire
et est a priori susceptible d'augmenter les risques de claquage ; de même, un échauffement
volontaire des micropointes paraît a priori cumulatif avec l'échauffement résultant
de microclaquages localisés.
[0014] Ainsi, la présente invention met à profit cette observation pour résoudre le problème
du claquage des cathodes à émission de champ travaillant à des pressions supérieures
à 10
-5 hPa, en proposant un dispositif de détection ou de mesure de gaz, comprenant une
enceinte à vide contenant une anode formant cage d'ionisation pour générer un flux
de sortie d'ions, un dispositif de traitement pour la discrimination et la mesure
des ions du flux de sortie d'ions, et une cathode à émission de champ à réseau de
micropointes émettrices d'électrons associées à une grille et générant un flux d'entrée
d'électrons dans l'anode, et comprenant des moyens de chauffe pour amener et maintenir
les micropointes à une température supérieure à la température ambiante pendant l'émission
d'électrons.
[0015] Les moyens de chauffe peuvent avantageusement être adaptés pour amener et maintenir
les micropointes à une température supérieure à 300°C environ pendant l'émission d'électrons.
[0016] De bons résultats ont été obtenus en amenant et en maintenant les micropointes à
une température comprise entre 300°C et 400°C environ pendant l'émission d'électrons.
[0017] Selon un mode de réalisation avantageux, les micropointes sont portées par un substrat
incorporant les moyens de chauffe.
[0018] Par exemple, les moyens de chauffe sont des éléments électriquement résistifs logés
dans le substrat à proximité des micropointes et connectables à une source d'énergie
électrique.
[0019] Un tel dispositif de génération d'électrons peut fonctionner avec une cathode à émission
de champ logée dans une enceinte à vide où règne une pression résiduelle gazeuse supérieure
à 10
-5 hPa.
[0020] Le dispositif de traitement peut par exemple être un spectromètre de masse.
[0021] L'augmentation de la température des micropointes, à une température comprise entre
300°C et 400°C environ, a permis de conserver un même flux d'électrons avec une tension
de polarisation plus basse, évitant le claquage de la cathode. On a ainsi pu atteindre,
avec une même géométrie de cathode à émission de champ, une pression résiduelle gazeuse
de 10
-4 hPa dans l'enceinte à vide.
[0022] Ainsi, l'invention prévoit un procédé de détection ou de mesure de gaz, utilisant
une enceinte à vide contenant une anode formant cage d'ionisation pour générer un
flux de sortie d'ions, un dispositif de traitement pour la discrimination et la mesure
des ions du flux de sortie d'ions, et une cathode à émission de champ à réseau de
micropointes émettrices d'électrons associées à une grille et générant un flux d'entrée
d'électrons dans l'anode, et dans lequel les micropointes sont portées à une température
supérieure à la température ambiante, de préférence supérieure à 300°C, par exemple
comprise entre 300°C et 400°C environ.
[0023] Dans un tel procédé de détection ou de mesure de gaz, on réalise généralement dans
l'enceinte un vide intermittent.
[0024] D'autres objets, caractéristiques et avantages de la présente invention ressortiront
de la description suivante de modes de réalisation particuliers, faite en relation
avec les figures jointes, parmi lesquelles:
- la figure 1 est une vue schématique montrant un dispositif de génération d'électrons
par cathode à émission de champ selon un mode de réalisation de la présente invention,
appliqué à la réalisation d'un spectromètre de masse pour analyse ou détection d'un
gaz ; et
- la figure 2 est une vue schématique en coupe d'une cathode à émission de champ selon
un mode de réalisation particulier de la présente invention.
[0025] En se référant à la figure 2, une cathode à émission de champ 1 selon un mode de
réalisation de la présente invention comprend un support en céramique 2 portant un
substrat 3, par exemple en silicium ou autre matériau approprié et conducteur de l'électricité.
La face active 30 du substrat 3 porte un réseau de micropointes telles que les micropointes
4 à 7, logées dans des cavités correspondantes 8 à 11 prévues dans une couche isolante
12, par exemple en oxyde de silicium, dont la face extérieure est recouverte d'un
matériau conducteur formant une grille 13 percée au droit des cavités 8 à 11. Les
pointes des micropointes 4-7 viennent en affleurement de la surface de grille 13.
[0026] La dimension des cavités 8 à 11, et donc la dimension des micropointes 4 à 7, est
de l'ordre du micron en hauteur et en largeur. On réalise généralement des réseaux
de micropointes dont la densité est de l'ordre de 10 000 à 100 000 micropointes par
mm
2.
[0027] En se référant maintenant à la figure 1, la cathode à émission de champ 1 est logée
dans une enceinte à vide 14, et l'on distingue à nouveau le support 2, le substrat
3 et la grille 13. La grille 13 est polarisée positivement par rapport au substrat
3 par un générateur électrique de polarisation de grille 15.
[0028] La cathode à émission de champ 1 est associée à une anode 16 en forme de boîte à
parois en matériau amagnétique formant cage de Faraday et constituant une cage d'ionisation.
L'anode 16 comprend une fente d'entrée 17 pour la pénétration des électrons provenant
de la cathode à émission de champ 1, et une lumière 18 d'extraction des ions formés
dans la cavité intérieure de l'anode 16. La flèche 19 représente le flux d'entrée
d'électrons dans l'anode 16, et la flèche 20 illustre le flux de sortie des ions hors
de l'anode 16. Le flux de sortie 20 d'ions est envoyé à un dispositif de traitement
21, schématiquement représenté, comprenant des moyens de discrimination et de mesure
des ions contenus dans le flux de sortie 20 d'ions, par exemple un spectromètre de
masse.
[0029] L'anode 16 est polarisée positivement par rapport à la grille 13 par un générateur
électrique de polarisation d'anode 22.
[0030] L'enceinte à vide 14 est formée d'une paroi périphérique étanche ayant une sortie
d'extraction 23 reliée à une pompe à vide, et une entrée 24 par laquelle on fait pénétrer
un gaz à analyser. Ainsi, le dispositif illustré sur la figure 1 constitue un appareil
de détection ou de mesure de gaz.
[0031] Le flux d'électrons 19 dépend à la fois de la tension de polarisation de grille assurée
par le générateur électrique de polarisation de grille 15, et de la pression résiduelle
de gaz présente dans l'espace intérieur de l'enceinte à vide 14.
[0032] Selon l'invention, on chauffe les micropointes de la cathode à émission de champ
1, à une température supérieure à la température ambiante pendant l'émission de la
cathode à émission de champ 1, de façon à réduire la tension de polarisation de grille
nécessaire à l'obtention d'un flux d'électrons 19 donné, pour une pression résiduelle
donnée de gaz dans l'enceinte à vide 14. Autrement dit, pour une tension de polarisation
de grille donnée et un flux d'électrons de sortie donné, l'invention permet d'augmenter
la pression résiduelle de gaz à l'intérieur de l'enceinte à vide 14, réduisant ainsi
les risques de claquage de la cathode à émission de champ 1, et augmentant sa durée
de vie, ou permettant un fonctionnement à des pressions résiduelles supérieures. En
particulier, dans les conditions habituelles d'utilisation, il peut régner dans l'enceinte
14 un vide intermittent, c'est-à-dire une succession d'étapes à vide suffisant pour
le fonctionnement des moyens d'analyse ou de mesure de gaz, et d'étapes à pression
plus élevée par exemple pour l'introduction d'un objet à tester ou pour le raccordement
à un conteneur du gaz à analyser. L'invention permet d'accélérer les analyses ou mesures,
en autorisant le fonctionnement correct et fiable sans attendre qu'un vide très poussé
soit atteint dans l'enceinte à vide 14.
[0033] On a représenté, sur la figure 2, un mode de réalisation particulier des moyens de
chauffe permettant d'amener et de maintenir les micropointes 4 à 7 à une température
appropriée pendant l'émission d'électrons. Par exemple, ces moyens de chauffe sont
des éléments électriquement résistifs 25, 26, 27 et 28 isolés électriquement et logés
dans le substrat 3 à proximité des micropointes 4 à 7, et connectables à une source
d'énergie électrique.
[0034] En alternative, les moyens de chauffe peuvent être des éléments électriquement résistifs
logés dans le support 2 du substrat 3 et connectables à une source d'énergie électrique.
[0035] La source d'énergie électrique peut être un générateur de courant de chauffage 29
distinct illustré sur la figure 2. En alternative, on peut utiliser comme source d'énergie
électrique le générateur électrique de polarisation de grille 15, aux bornes duquel
sont connectés directement les éléments électriquement résistifs 25-28.
[0036] La présente invention n'est pas limitée aux modes de réalisation qui ont été explicitement
décrits, mais elle en inclut les diverses variantes et généralisations qui sont à
la portée de l'homme du métier.
1. Dispositif de détection ou de mesure de gaz, comprenant une enceinte à vide (14) contenant
une anode (16) formant cage d'ionisation pour générer un flux de sortie d'ions (20),
un dispositif de traitement (21) pour la discrimination et la mesure des ions du flux
de sortie d'ions (20), et une cathode à émission de champ (1) à réseau de micropointes
(4-7) émettrices d'électrons associées à une grille (13) et générant un flux d'entrée
d'électrons (19) dans l'anode (16), caractérisé en ce qu'il comprend des moyens de
chauffe (25-28) pour amener et maintenir les micropointes (4-7) à une température
supérieure à la température ambiante pendant l'émission d'électrons.
2. Dispositif selon la revendication 1, caractérisé en ce que les moyens de chauffe (25-28)
sont adaptés pour amener et maintenir les micropointes (4-7) à une température supérieure
à 300°C environ pendant l'émission d'électrons.
3. Dispositif selon la revendication 2, caractérisé en ce que les moyens de chauffe (25-28)
sont adaptés pour amener et maintenir les micropointes (4-7) à une température comprise
entre 300°C et 400°C environ pendant l'émission d'électrons.
4. Dispositif selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
les micropointes (4-7) sont portées par un substrat (3) incorporant les moyens de
chauffe (25-28).
5. Dispositif selon la revendication 4, caractérisé en ce que les moyens de chauffe (25-28)
sont des éléments électriquement résistifs logés dans le substrat (3) à proximité
des micropointes (4-7) et connectables à une source d'énergie électrique.
6. Dispositif selon la revendication 4, caractérisé en ce que les moyens de chauffe (25-28)
sont des éléments électriquement résistifs logés dans un support (2) du substrat (3)
et connectables à une source d'énergie électrique.
7. Dispositif selon l'une des revendications 5 ou 6, caractérisé en ce que la source
d'énergie électrique est un générateur de courant de chauffage (29) distinct.
8. Dispositif selon l'une des revendications 5 ou 6, caractérisé en ce que la source
d'énergie électrique est un générateur électrique de polarisation de grille (15) aux
bornes duquel sont connectés directement les éléments électriquement résistifs (25-28).
9. Dispositif selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que
la cathode à émission de champ (1) est logée dans une enceinte à vide (14) où règne
une pression résiduelle gazeuse supérieure à 10-5 hPa environ.
10. Dispositif selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, caractérisé en ce que
le dispositif de traitement (21) est un spectromètre de masse.
11. Procédé de détection ou de mesure de gaz, utilisant une enceinte à vide (14) contenant
une anode (16) formant cage d'ionisation pour générer un flux de sortie d'ions (20),
un dispositif de traitement (21) pour la discrimination et la mesure des ions du flux
de sortie d'ions (20), et une cathode à émission de champ (1) à réseau de micropointes
(4-7) émettrices d'électrons associées à une grille (13) et générant un flux d'entrée
d'électrons (19) dans l'anode (16), caractérisé en ce que les micropointes (4-7) sont
portées à une température supérieure à la température ambiante pendant l'émission
d'électrons.
12. Procédé selon la revendication 11, caractérisé en ce que les micropointes (4-7) sont
portées à une température supérieure à 300°C environ pendant l'émission d'électrons.
13. Procédé selon la revendication 12, caractérisé en ce que les micropointes (4-7) sont
portées à une température comprise entre 300°C et 400°C environ pendant l'émission
d'électrons.
14. Procédé selon l'une quelconque des revendications 11 à 13, caractérisé en ce qu'on
réalise dans l'enceinte un vide intermittent.