[0001] La présente invention a trait à un procédé de fabrication d'une fonte à graphite
sphéroïdal (GS) brute de coulée bainitique, ainsi qu'à son application à la fabrication
de vilebrequins.
[0002] En général, une fonte GS bainitique est obtenue selon un procédé de fonderie complexe
comprenant entre autres, après l'élaboration et la fusion d'un alliage métallique
de composition chimique déterminée telle que la suivante, par exemple,
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| 3,50 |
2,40 |
0,30 |
0,70 |
1 |
0,25 |
des étapes traditionnelles successives de :
- traitement de sphéroïdisation suivi d'une inoculation graphitisante,
- de coulée et de moulage,
- de refroidissement et de
- parachèvement avant usinage.
[0003] Les pièces ainsi obtenues en sortie de fonderie présentent une structure perlitique
et ce n'est qu'après un traitement thermique approprié connu (Revue FFA 106 Juin-Juillet
1991) dit de trempe étagée, comprenant cinq phases distinctes et réalisé sur des pièces
brutes ou en cours d'usinage juste après les opérations d'ébauche et avant la finition,
que la transformation bainitique est réalisée.
[0004] Dans une perspective de réduction des coûts élevés de traitement occasionnés par
la trempe étagée bainitique classique décrite ci-dessus, d'autres méthodes ont été
proposées notamment par Wilford C.F et Clarkson I. dans la revue The Foundryman rapportant
des extraits de la 86 ième Conférence Annuelle, Institute of British Foundrymen's,
du 22 Juillet 1989 :
[0005] Dans ce document, pas moins de six essais de cycle thermique sont réalisés sur des
éprouvettes parmi lesquels :
- la méthode de refroidissement dans le moule jusqu'à température ambiante :
Cette méthode est présentée comme étant d'application limitée. La forte teneur
en éléments d'alliage mis en oeuvre dans cette méthode génère des surcoûts ainsi que
des hétérogénéités de structure dans les pièces, avec de la ferrite dans les parties
massives et de la martensite dans les minces.
- la technique du décochage à chaud :
L'idée essentielle est de réaliser un décochage à chaud du moule, lorsque la température
des pièces avoisine 900 °C. Elles sont transférées immédiatement dans un four de traitement
à température d'austénitisation. Le reste du traitement restant inchangé c'est à dire
l'homogénéisation et la trempe en bain de sels ou sur lit fluidisé à 350 °C pendant
30 à 120 min.
et en variante,
- la technique de décochage à chaud à 900 °C suivie d'un refroidissement à l'air calme
jusqu'à la température de 400 °C. A cette température les pièces sont immergées dans
de la vermiculite afin de refroidir le plus lentement possible simulant ainsi le maintien
en bain de sels. Ce mode de traitement permet d'obtenir une structure bainitique à
condition d'avoir une fonte suffisamment riche en élément d'alliage pour la massivité
de la pièce.
[0006] Même si selon les mêmes auteurs la technique de décochage à chaud est loin d'être
souple, imposant par exemple que l'unité de traitement thermique soit située relativement
à proximité de l'installation de moulage... cette technique comparée aux précédentes
est considérée comme avantageuse car elle permet d'obtenir des pièces aux caractéristiques
mécaniques identiques à celles en fonte bainitique traditionnelle, avec un gain de
l'ordre de 200 kW par tonne de pièce.
[0007] Il reste que ces méthodes alternatives à la trempe étagée bainitique classique ont
été manifestement réalisées au stade du laboratoire sur des éprouvettes de forme simple.
Elles ne paraissent pas adaptées à une transposition industrielle s'agissant de fabriquer
des pièces de forme beaucoup plus complexe telles que des vilebrequins, par exemple.
[0008] Par ailleurs, un refoidissement dans le moule jusqu'à température ambiante tel qu'enseigné
dans l'article cité ci-dessus impliquerait, en raison de sa durée trop longue notamment
12-15 h, de créer un stock tampon de pièces ce qui est une solution peu viable au
stade industriel.
[0009] Aussi c'est de manière surprenante et en quelque sorte en vainquant un préjugé qu'il
a pu être fabriqué, par un procédé de fonderie dénué de traitement thermique et comportant
une étape de refroidissement
in situ dans le moule à vitesse contrôlée, des pièces telles que des vilebrequins qui présentent
en tout point une structure bainitique supérieure.
[0010] La présente invention, vise donc essentiellement à s'affranchir de tout traitement
thermique du type trempe étagée bainitique et à surmonter les inconvénients des méthodes
mentionnées ci-dessus, et a pour objet un procédé d'obtention d'une fonte GS à structure
bainitique finale à l'état brut de coulée.
[0011] Aussi la présente invention a trait à un procédé de fabrication de pièces en fonte
à graphite sphéroïdal bainitique brute de coulée, comprenant les étapes suivantes
consistant à
- (i) élaborer un alliage métallique liquide de composition chimique choisie,
- (ii) procéder à un traitement de sphéroïdisation,
- (iii) réaliser des moules,
- (iv) couler l'alliage métallique liquide dans les moules, et
- (v) refroidir les moules coulés placés sur un équipement mobile dans un dispositif
à vitesse de refroidissement contrôlée,
ledit procédé étant caractérisé en ce que les compositions chimiques utilisées
sont les suivantes :
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| |
| 3,30 à 3,60 |
2,30 à 2,60 |
0,20 à 0,40 |
0,80 |
2,00 à 3,00 |
0,50 à 1,00 |
et en ce que l'étape de refroidissement des pièces dans les moules a une durée
minimale choisie de 5 h.
[0012] Outre une forte réduction des coûts qu'il occasionne -pas d'investissement dans des
fours de traitement thermique-, le procédé selon l'invention, autorisant l'absence
de chauffage et de maintien à haute température (Austénitisation), évite les déformations
et conduit à une meilleure précision dimensionnelle des pièces.
[0013] Le procédé conforme à la présente invention va maintenant être décrit de manière
plus détaillée dans ces différentes caractéristiques et avantages en prenant comme
exemple purement illustratif et non limitatif, la fabrication de vilebrequins et en
référence aux dessins annexés, dans lesquels
la Figure 1 montre le refroidissement des vilebrequins in situ dans le moule et
les Figures 2 et 3 sont des analyses micrographiques des structures bainitiques supérieures
obtenues après mise en oeuvre du procédé selon l'invention.
[0014] L'étape (i) d'élaboration de l'alliage métallique liquide du procédé selon l'invention
est réalisée dans un four 25 tonnes à induction basse fréquence selon la méthode dite
Tap and Charge, où à chaque prélèvement de 3600 kg de l'alliage métallique liquide
à la température de 1500 °C, on recharge aussitôt la même quantité de charge solide
par l'intermédiaire de bennes. Les matières entrant dans le lit de fusion sont : les
retours de vilebrequins (jets et rebuts) pour 40 %, le complément étant assuré par
de l'acier conditionné sous forme de paquets de tôles compactées.
[0015] Avant chaque chargement d'une benne au four sont effectuées les corrections nécessaires
afin de maintenir la composition chimique visée, en fonction de la quantité et du
type de matière constituant l'alliage métallique liquide.
[0016] Dans le cadre de la présente invention, les valeurs pondérales des éléments de l'alliage
sont données à ± 0,05 % après analyse spectrométrique sur pièces.
[0017] Les compositions chimiques utilisées préférées sont les suivantes :
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| |
| 3,50 |
2,40 |
0,25 |
0,80 |
2,00 |
1,00 |
et
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| |
| 3,50 |
2,40 |
0,25 |
0,80 |
3,00 |
0,50 |
[0018] Bien entendu, les teneurs en Nickel et / ou en Molybdène peuvent varier dans l'intervalle
respectivement de 2-3 % et 0,5-1 %, en fonction de la taille, la forme et la massivité
des pièces que l'on souhaite fabriquer.
[0019] L'étape (ii) de sphéroïdisation a lieu dans la poche 3600 kg suivant le procédé Tundish
cover, c'est-à-dire que les produits sont disposés en fond de poche juste avant le
prélèvement de l'alliage métallique, avec tout d'abord un mélange Ferro-Silico-Calcium-Magnésium
(36 kg), recouvert ensuite par un inoculant tel que du Ferro-Silicium (10 kg), lui-même
recouvert d'acier sous forme de riblons servant de couverture. La sphéroïdisation
a ainsi lieu dans la poche dite de traitement sphéroïdisant au cours du transfert
vers l'aire de coulée.
[0020] Arrivée à destination, la poche est décrassée puis transvasée dans les poches de
coulée. On ajoute au moment du transvasement un mélange Ferro-Silico-Lanthane. Ce
dernier jouant le rôle d'inoculant graphitisant et ayant pour fonction de combattre
la micro-retassure.
[0021] Après décrassage on procède à la coulée des moules.
[0022] L'étape (iii) de moulage du procédé selon la présente invention est effectuée de
préférence suivant la technique des sables au silicate de soude durcis au dioxyde
de carbone (CO
2), par exemple à l'aide d'une machine à mouler à carrousel 4 postes, disponible dans
le commerce auprès de la Société OSBORN.
[0023] Le moule se compose de manière avantageuse de deux parties symétriques séparées par
la descente de coulée commune. Dans chaque partie sont disposés deux vilebrequins
avec une masselotte centrale commune alimentant les pièces par le deuxième maneton.
Le fait de masselotter permet de garantir une pièce exempte de défaut.
[0024] Selon le procédé conforme à la présente invention, la coulée est avantageusement
réalisée verticalement.
[0025] A l'étape (iv) du procédé selon l'invention, le moule après sa coulée est transporté
vers un tunnel de refroidissement approprié à vitesse de refroidissement contrôlée.
Un tel tunnel est par exemple celui vendu par la Société SIETAM. Avant l'entrée dans
le tunnel de refroidissement, on procède au défonçage, où les mottes (la grappe de
vilebrequin et le sable) sont débarrassées des frettes métalliques (châssis) et sont
placées ensuite sur un plateau mobile à l'intérieur du tunnel.
[0026] Ce n'est qu'après une durée minimale contrôlée de 4,5 h qu'à lieu la décoche, où
on sépare avantageusement la grappe de vilebrequin du sable à l'aide d'une grille
vibrante placée après la ligne de refroidissement.
[0027] C'est au cours de cette étape qu'a lieu, conformément à la présente invention, la
transformation bainitique et qu'avantageusement le vilebrequin présente plus précisément
une structure composée de bainite supérieure, une fois celui-ci arrivé à la décoche.
Exemple 1:
[0028] Mesure du refroidissement dans le moule d'un alliage de composition chimique suivante
:
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| 3,50 |
2,40 |
0,30 |
0,80 |
2,00 |
1,00 |
[0029] Les paramètres de moulage et d'élaboration de l'alliage métallique sont les mêmes
que ceux décrits précédemment.
[0030] Un demi-moule est instrumenté avec 4 thermocouples par vilebrequin, disposés dans
des zones plus ou moins massives dans les parties supérieure et inférieure du moule.
[0031] Sur les différentes parties de la pièce analysée, on observe la présence d'une structure
à graphite sphéroïdal avec un pourcentage surfacique de l'ordre de 8,9 % et environ
260 sphéroïdes/mm
2. On constate la présence de graphite dégénéré, ainsi que des hétérogénéités dans
la taille des nodules et ceci principalement dans les paliers.
[0032] La structure est composée de bainite (voir Figure 2) avec présence de carbures de
solidification au niveau des joints de cellules, ceux-ci n'excédant pas 1 %, mais
pouvant par endroit former un réseau.
[0033] La courbe de refroidissement est telle que représentée à la Figure 1.
[0034] En schématisant un début de transformation à 450 °C et une fin à 350 °C, la queue
du vilebrequin suivie de près par le plateau sont les premières parties à atteindre
le domaine bainitique au bout de 3,5 h et les premières à le quitter 2,5 h après.
Les parties les plus lentes sont les paliers ainsi que les manetons, la zone bainitique
étant atteinte 4,5 h après coulée, et la sortie s'effectuant également après 2,5 h.
Exemple 2 :
[0035] Mesure du refroidissement dans le moule d'un alliage de composition chimique suivante
:
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| 3,50 |
2,40 |
0,30 |
0,80 |
3,00 |
0,50 |
[0036] Les paramètres de moulage et d'élaboration de l'alliage métallique sont les mêmes
que ceux décrits précédemment.
[0037] Un demi-moule est instrumenté comme à l'Exemple 1.
[0038] On obtient un graphite sphéroïdal, avec environ 270 sphéroïdes/mm
2 et toujours du graphite dégénéré et des hétérogénéités dans les tailles de nodules.
[0039] La structure est composée de bainite supérieure avec la présence de ferrite autour
des nodules (voir Figure 3). La concentration des carbures de fin de solidification
en joint de cellules a disparu pour laisser la place à quelques carbures isolés.
[0040] L'allure des courbes de refroidissement est identique à celles de l'Exemple 1, ce
qui permet de confirmer que les parties refroidissant le plus rapidement sont les
plateaux et les queues. Ces parties franchissent la température de 450 °C au bout
de 3,5 h après coulée, et 2,5 h plus tard la température de 350 °C. Quant aux parties
plus massives, le début de réaction théorique s'effectue seulement 4,5 h après la
coulée, la réaction s'achevant 2,5 h après.
[0041] Les deux Exemples précédents confirment que le temps de séjour / refroidissement
dans le moule nécessaire à l'obtention de vilebrequins entièrement bainitiques est
au minimum de 5 h avant de pouvoir procéder à la décoche.
[0042] Dans les deux vilebrequins, tels qu'analysés dans les deux Exemples précédents, on
note également l'absence de ferrite à l'état libre et de toute autre structure indésirable.
[0043] Grâce au procédé selon l'invention sont obtenus des vilebrequins ayant une structure
bainitique supérieure aux caractéristiques mécaniques suivantes :
Résistance à la traction Rm = 850 à 950 MPa,
Allongement A % = 3 à 6 %,
Dureté Brinell HB = 300 à 330.
[0044] Dans les années récentes, le développement de la motorisation diesel à injection
directe a nécessité l'emploi de matériaux plus résistants aux sollicitations mécaniques.
On observe ainsi que le nombre de vilebrequins réalisés en acier forgé augmente au
détriment de celui obtenu avec la fonte GS classique à matrice perlitique.
[0045] Aussi, le procédé selon la présente invention de production de pièces, tels que des
vilebrequins par exemple, en fonte GS à matrice bainitique supérieure, présente l'avantage
d'être moins onéreux tout en étant aussi performant qu'un procédé utilisant de l'acier
forgé.
1. Procédé de fabrication de pièces en fonte à graphite sphéroïdal bainitique brute de
coulée, comprenant les étapes suivantes consistant à
- (i) élaborer un alliage métallique liquide de composition chimique choisie,
- (ii) procéder à un traitement de sphéroïdisation
- (iii) réaliser des moules
- (iv) couler l'alliage métallique liquide dans les moules
- (v) refroidir les moules coulés placés sur un équipement mobile dans un dispositif
de refroidissement à vitesse contrôlée,
caractérisé en ce que la composition chimique utilisée est la suivante :
| %C |
%Si |
%Mn |
%Cu |
%Ni |
%Mo |
| |
| 3,30 à 3,60 |
2,30 à 2,60 |
0,20 à 0,40 |
0,80 |
2,0 à 3,0 |
0,5 à 1,0 |
et en ce que l'étape de refroidissement des pièces dans les moules a une durée
minimale choisie de 5 h.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'étape (ii) est réalisée
avant le transfert vers l'aire de coulée en disposant, en fond de poche juste avant
le prélèvement de l'alliage métallique, un mélange Ferro-Silico-Calcium-Magnésium,
qu'on recouvre ensuite par un mélange de Ferro-Silicium, lui-même recouvert d'acier.
3. Procédé selon la revendication lou 2, caractérisé en ce que l'étape (iii) est effectuée
au moyen de sable au silicate de soude durci au dioxyde de carbone (CO2).
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes caractérisé en ce que
la coulée de l'alliage métallique dans les moules a lieu verticalement.
5. Application du procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes à la
fabrication de vilebrequins.