[0001] La présente invention concerne un procédé d'hydrotraitement d'un mélange de composés
hydrocarbonés comprenant de quatre à huit atomes de carbone, riche en oléfines et
en composés monoaromatiques. Il concerne plus particulièrement l'hydrotraitement des
coupes résultant de la distillation de pétroles bruts, du vapocraquage, du réformage
catalytique, du craquage catalytique, du cokage ou de tous procédés produisant de
telles coupes et les coupes issues du traitement de la houille comme les essences
de houille.
[0002] Il est bien connu d'hydrotraiter toutes les coupes issues de la distillation des
pétroles bruts en présence d'hydrogène et d'un catalyseur constitué de métaux de transition
supportés sur des oxydes réfractaires. Il est beaucoup moins évident d'hydrotraiter
dans ces conditions des mélanges hydrocarbonés contenant de fortes quantités d'oléfines
de composés de C4 à C8 et contenant de fortes proportions de composés monoaromatiques
tels que le benzène, le toluène et le xylène. Au cours de l'hydrotraitement, il y
a hydrogénation totale ou partielle des oléfines et des dioléfines et oligomérisation
des composés monoaromatiques formant des composés en C12 et plus. Or lorsque la charge
hydrogènée et désulfurée subit ultérieurement le traitement classique de distillation
extractive par solvant afin d'extraire les composés monoaromatiques contenus, certains
oligomères présents, formés lors de l'hydrotraitement ne peuvent être éliminés du
solvant car leur point d'ébullition est trop proche de celui du solvant. En conséquence,
ces oligomères s'accumulent dans le solvant d'extraction et il devient périodiquement
nécessaire d'arrêter la distillation pour changer le solvant afin de l'épurer. Le
coût de cette opération n'est pas négligeable en ce qu'il comprend le coût d'épuration
du solvant, le coût d'achat éventuel du nouveau solvant propre, le coût opératoire
lié à l'interruption de l'unité pour changer de solvant et le coût correspondant à
la perte en composés monoaromatiques qui ne peuvent être vendus.
[0003] Ces problèmes d'hydrogénation sélective des composés oléfiniques en présence de fortes
quantités de composés aromatiques ont été résolus dans le brevet français 2.376.100.
Ce brevet propose de prétraiter le catalyseur supporté constitué d'au moins un métal
noble sur alumine, comme le ruthénium, le rhodium, le platine et/ou le palladium par
un courant d'ammoniac gazeux et éventuellement en continuant le traitement par injection
de cet ammoniac gazeux dans le réacteur durant l'hydrogénation elle-même. Un tel traitement
présente l'inconvénient majeur de devoir prétraiter le catalyseur in-situ dans une
atmosphère contrôlée d'ammoniac seul ou en mélange avec un autre gaz inerte tel que
l'azote, donc sous pression. Une telle situation est peu appréciée en milieu industriel
car elle impose des contraintes de sécurité. En outre, par cette voie, il est difficile
de contrôler la quantité d'ammoniac mis en contact avec le catalyseur : une quantité
trop importante d'ammoniac conduit à une désactivation du catalyseur, y compris pour
les réactions escomptées.
[0004] La présente demande vise donc un procédé qui ne nécessite ni prétraitement du catalyseur,
ni d'introduction de composés azotés gazeux dans le gaz d'hydrogénation. Elle vise
un procédé simple qui peut être facilement mis en oeuvre quelle que soit l'unité d'hydrotraitement,
avec un catalyseur peu onéreux comparé aux catalyseurs contenant des métaux nobles
tels que le platine et le palladium, qui peut s'adapter aux charges dont la composition
peut varier en concentration en oléfines et en composés monoaromatiques et qui permet
une bonne désulfuration de la charge.
[0005] On entend ici par oléfines les composés monooléfiniques et dioléfiniques généralement
présents dans les charges envoyées pour hydrotraitement.
[0006] La présente invention a donc pour objet un procédé d'hydrotraitement d'un mélange
de composés hydrocarbonés de C4 à C8, riche en oléfines et en composés monoaromatiques,
par hydrogénation en présence d'un catalyseur solide caractérisé en ce qu'on introduit
un précurseur d'ammoniac dans la charge de composés hydrocarbonés et que le catalyseur
comprend au moins un métal de transition supporté sur au moins un oxyde réfractaire.
[0007] On entend par métal de transition tout métal de transition à l'exception des métaux
dits nobles, notamment le platine et le palladium.
[0008] Un des avantages du procédé est lié à l'introduction d'un précurseur d'ammoniac dans
la charge qui permet de libérer au cours de la réaction, de l'ammoniac gazeux qui
est présent lors de la réaction d'hydrogénation sélective des oléfines et qui peut
être récupéré et recyclé avec l'hydrogène inutilisé. Parmi les autres avantages liés
à l'invention, ce procédé permet de contrôler avec précision la quantité d'ammoniac
libéré au cours de la réaction d'hydrotraitement. En outre, il permet de limiter les
réactions non souhaitées d'oligomérisation tout en maintenant une excellente activité
du catalyseur pour les réactions souhaitées d'hydrogénation sélective des oléfines
et de désulfuration de la charge.
[0009] Sans être liée par une théorie, la Demanderesse a constaté que d'une part, l'oligomérisation
des composés aromatiques résulte de la présence de sites acides sur le catalyseur,
ces sites étant de forces acides variables. D'autre part, l'efficacité de la réaction
d'hydrotraitement dépend de l'électrodéficience du support catalytique qui elle-même
est corrélée avec son acidité.
[0010] Il s'agit donc de bloquer sélectivement les sites responsables des réactions d'oligomérisation
des composés aromatiques, sites dont la force acide est telle qu'ils restent saturés
d'ammoniac dans les conditions retenues de température et pression pour la réaction
d'hydrotraitement dans le cadre de la présente invention. Malgré tout, dans ces conditions,
il reste suffisamment de sites électrodéficients pour maintenir une bonne activité
du procédé d'hydrotraitement.
[0011] De façon plus précise, dans le cadre de la présente invention, on injecte au plus
1000 ppm en poids d'équivalent molaire azote de précurseur d'ammoniac dans la charge.
Pour une efficacité optimale du procédé selon l'invention, on injectera de 5 à 1000
ppm en poids d'équivalent molaire azote de précurseur d'azote, et de préférence de
10 à 200 ppm.
[0012] Pour la mise en oeuvre du procédé, les précurseurs d'ammoniac sont choisis parmi
les composés azotés susceptibles de libérer de l'ammoniac gazeux dans les conditions
de l'hydrotraitement.
[0013] Dans un mode préféré de l'invention, le précurseur d'ammoniac est choisi parmi les
amines linéaires et branchées, les polyamines, les imines, et l'urée et ses dérivés.
Les amines et les polyamines sont choisies dans le groupe constitué par les mono,
di et trialkylamines comprenant de 1 à 10 atomes de carbone par groupement alkyles,
les groupements alkyles étant linéaires ou cycliques, et les polyalkylamines comprenant
de 1 à 5 atomes d'azote, chaque groupement alkylés comprenant de 1 à 6 atomes de carbone
sous forme linéaire ou ramifiée. Les amines et les polyamines préférées sont choisies
parmi la méthylamine, l'éthylamine, la propylamine, la butylamine, la pentylamine,
l'hexylamine, l'heptylamine, la cyclohexylamine, la cycloheptylamine, la diméthylamine,
la diéthylamine la dipropylamine, la dibutylamine, la triméthylamine, la triéthylamine,
la tripropylamine, la tributylamine, la méthylènediamine, l'éthylènediamine, la propylènediamine,
la butylènediamine, la diméthylènetriamine, la diéthylènetriamine, la dipropylènetriamine,
la triéthylènetétramine, la tripropylènetétramine, la tétraéthylènepentamine et la
tétrapropylènepentamine, la cyclohexylamine, la triéthylamine et l'éthylènediamine
étant préférées.
[0014] Le catalyseur nécessaire au procédé selon l'invention est constitué d'au moins un
métal choisi dans le groupe constitué par le nickel, le cobalt, le molybdène, le vanadium
et le tungstène ; le nickel seul et les combinaisons nickel/molybdène, cobalt/molybdène
et nickel/tungstène sont préférés. Ce ou ces métaux sont supportés sur au moins un
oxyde réfractaire choisi parmi l'alumine, la silice, les silicoalumines, les aluminophosphates,
la zircone, la magnésie et les oxydes de titane, rutile et anatase, ces oxydes se
présentant sous forme amorphe ou cristalline.
[0015] Pour une efficacité optimale de la réaction d'hydrotraitement, on opère à une température
comprise entre 50 et 400°C, sous une pression comprise entre 10
6 Pa et 10
7Pa, de préférence entre 3x10
6 Pa et 6x10
6 Pa, et une vvh variant de 0,5 à 10h
-1.
[0016] Dans un mode préféré du procédé d'hydrotraitement, l'ammoniac gazeux formé excédentaire
peut être recyclé dans le gaz de recycle riche en hydrogène. Ceci présente l'avantage
de limiter la quantité de précurseur d'ammoniac injectée dans la charge.
[0017] Les exemples ci-après sont donnés pour illustrer l'invention sans vouloir en limiter
la portée.
EXEMPLE I
[0018] Le présent exemple décrit les conditions dans lesquelles l'invention est réalisée
en présentant le gain apporté par l'introduction de précurseur d'ammoniac dans une
charge industrielle à hydrotraiter et cela pour différents précurseurs d'ammoniac
et pour différentes concentrations de ceux-ci.
[0019] La charge à hydrotraiter est un mélange à 21 % en poids d'une coupe C6 de réformage
et 79% en poids d'une coupe C6 d'essence de pyrolyse. Elle contient :
- 57% en poids de benzène
- 12% en poids d'oléfines
- 12 ppm en poids de soufre total
[0020] La teneur en benzène a été mesurée en application de la méthode UOP 744-86 référencée
dans le « Laboratory test methods for petroleum and its products », publié par UOP
Process Division, (UOP Inc. 20 UOP Plaza-Algonquin Mt Prospect Roads-Des Plaines-Illinois
60016).
La teneur en oléfines est déterminée par la mesure du nombre de brome en application
de la norme ASTM D1159, et la teneur en soufre par la méthode ASTM D2622.
[0021] Trois précurseurs d'ammoniac ont été utilisés sur une unité pilote d'hydrotraitement
pour 100ml de catalyseur, à une température de 200°C, une pression de 26.5x10
5 Pa, fonctionnant avec un rapport H2/hydrocarbures de 230NI/l, la wh de la charge
étant de 1.6h
-1.
[0022] Ces précurseurs sont la triéthylèneamine ou TEA, la cyclohexylamine ou CHA et l'éthylènediamine
ou EDA.
[0023] L'efficacité pour chacun des essais effectués s'apprécie par rapport à la diminution
du nombre de composés en C12 formés, à la diminution du nombre de brome et à la diminution
de la teneur en soufre. Les résultats sont donnés dans le tableau I ci-après.
TABLEAU I
| Nature du précurseur |
Equivalent N (ppm pds) |
Teneur en C12 (ppm pds) |
Indice de brome* (mgBr2/100g) |
Soufre (ppm pds) |
Azote** (ppm pds) |
| Aucun |
0 |
215 |
8 |
<0.5 |
<0.5 |
| TEA |
25 |
11 |
76 |
0.5 |
<0.5 |
| |
100 |
12 |
657 |
<0.5 |
<0.5 |
| |
200 |
13 |
758 |
1 |
<0.5 |
| CHA |
10 |
5 |
14 |
<0.5 |
<0.5 |
| EDA |
25 |
1 |
63 |
<0.5 |
<0.5 |
| |
30 |
1 |
99 |
0.5 |
<0.5 |
| *indice de brome = 10-3 x nombre de brome |
| **déterminé par la norme ASTM D5762 |
[0024] Les résultats obtenus indiquent que l'injection de EDA, de TEA ou de CHA comme précurseurs
d'ammoniac dans la charge entrant dans une unité d'hydrotraitement permet de notablement
diminuer la formation de composés en C
12. On peut aisément constater qu'il est possible d'optimiser la quantité d'amine à
ajouter à la charge afin de satisfaire simultanément aux spécifications en indice
de brome, lié à la concentration d'oléfines, et à la concentration en soufre. On notera
que les amines sont totalement décomposées au cours de la réaction puisque la teneur
en azote est inférieure à 0.5ppm en poids.
EXEMPLE II
[0025] Le présent exemple vise à souligner l'efficacité du procédé quelles que soient les
concentrations relatives de la charge en oléfines et en composés monoaromatiques.
[0026] Dans ce sens deux charges industrielles dont la composition est donnée ci-dessous
ont été testées selon la procédure décrite dans l'exemple I mais à des températures
de réaction différentes. Leur composition est donnée dans le tableau II ci-après.
TABLEAU II
| Charge |
Nature |
T°C |
Nombre de brome (gBr2/100g) |
Benzène (%pds) |
Soufre (ppm pds) |
| 1 |
Coupe C6 essence de pyrolyse |
240 |
30 |
85 |
60 |
| 2 |
21% (1) + 79% (2) |
200 |
7 |
57 |
12 |
[0027] Dans l'exemple, on utilise la cyclohexylamine ou CHA comme précurseur d'ammoniac.
[0028] Les résultats obtenus avec et sans précurseur d'ammoniac pour chacune de ces charges
sont donnés dans le tableau III ci-après.
TABLEAU III
| Charge |
CHA (équiv. Molaire N en ppm pds) |
Production de C12 (ppm pds) |
Indice de brome (mgBr2/100g) |
Soufre (ppm pds) |
Azote (ppm pds) |
| 1 |
0 |
489 |
78 |
<0.5 |
<0.5 |
| |
40 |
8 |
83 |
<0.5 |
<0.5 |
| 2 |
0 |
276 |
11.5 |
<0.5 |
<0.5 |
| |
10 |
4.5 |
14 |
<0.5 |
<0.5 |
[0029] On constate d'après ce tableau que l'ajout du précurseur d'azote permet quelle que
soit la nature de la charge de diminuer la formation de composés en C12 par oligomérisation,
tout en maintenant les caractéristiques requises du produit final attendu, y compris
en azote, le précurseur se décomposant totalement.
1. Procédé d'hydrotraitement d'un mélange de composés hydrocarbonés de C4 à C8, riche
en oléfines et en composés monoaromatiques, par hydrogénation en présence d'un catalyseur
solide caractérisé en ce qu'on introduit un précurseur d'ammoniac dans la charge de composés hydrocarbonés et
que le catalyseur comprend au moins un métal de transition supporté sur au moins un
oxyde réfractaire.
2. Procédé selon la revendication 1 caratérisé en ce qu'on injecte au plus 1000 ppm équivalent
molaire azote de précurseur d'ammoniac dans les composés hydrocarbonés.
3. Procédé selon les revendications 1 et 2 caractérisé en ce qu'on injecte de 5 à 1000 ppm équivalent molaire azote de précurseur d'azote, et de préférence
de 10 à 200ppm.
4. Procédé selon les revendications 1 à 3 caractérisé en ce que le précurseur d'ammoniac est choisi parmi les composés azotés susceptibles de libérer
de l'ammoniac gazeux dans les conditions de l'hydrotraitement.
5. Procédé selon les revendications de 1 à 4 caractérisé en ce que le précurseur d'ammoniac est choisi parmi les amines linéaires et branchées, les
polyamines, les imines, et l'urée et ses dérivés.
6. Procédé selon la revendication 5 caractérisé en ce que les amines et les polyamines sont choisies dans le groupe constitué par les mono,
di et trialkylamines comprenant de 1 à 10 atomes de carbone par groupement alkyles,
les groupements alkyles étant linéaires ou cycliques, et les polyalkylamines comprenant
de 1 à 5 atomes d'azote, chaque groupement alkyles comprenant de 1 à 6 atomes de carbone
sous forme linéaire ou ramifiée.
7. Procédé selon les revendications 5 et 6 caractérisé en ce que les alkylamines et les polyalkylamines sont choisies parmi la méthylamine, l'éthylamine,
la propylamine, la butylamine, la pentylamine, l'hexylamine, l'heptylamine, la cyclohexylamine,
la cycloheptylamine, la diméthylamine, la diéthylamine la dipropylamine, la dibutylamine,
la triméthylamine, la triéthylamine, la tripropylamine , la tributylamine, la méthylènediamine,
l'éthylènediamine, la propylènediamine, la butylènediamine, la diméthylènetriamine,
la diéthylènetriamine, la dipropylènetriamine, la triéthylènetétramine, la tripropylènetétramine,
la tétraéthylènepentamine et la tétrapropylènepentamine, la cyclohexylamine, la triéthylamine,
et l'éthylènediamine étant préférées.
8. Procédé selon les revendications 1 à 7 caractérisé en ce que la réaction d'hydrotraitement est effectuée à une température comprise entre 50 et
400°C, une pression comprise entre 106 Pa et 107Pa, de préférence entre 3x106 Pa et 6x106 Pa, et une vvh variant de 0,5 et 10h-1.
9. Procédé selon les revendications 1 à 8 caractérisé en ce que l'oxyde réfractaire formant support dans le catalyseur est choisi parmi l'alumine,
la silice, la zircone, les silicoalumines, les aluminophosphates, la zircone, la magnésie
et les oxydes de titane, rutile et anatase, sous forme amorphe ou cristalline.
10. Procédé selon les revendications 1 à 9 caractérisé en ce que dans le catalyseur, les métaux de transition sont choisis parmi le nickel, le cobalt,
le molybdène, le vanadium et le tungstène pris seuls ou en mélange, le nickel seul
et les combinaisons nickel/molybdène, cobalt/molybdène et nickel/tungstène étant préférés.
11. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 caractérisé en ce que l'ammoniac gazeux formé excédentaire est recyclé dans le gaz de recycle riche en
hydrogène.