[0001] La présente invention est relative aux torons individuellement protégés utilisés
dans les ouvrages de génie civil, notamment pour précontraindre ou suspendre des portions
d'ouvrage.
[0002] Ces torons comprennent un assemblage de fils métalliques torsadés entre eux, qui
sont le plus souvent au nombre de sept. Les fils métalliques sont fréquemment soumis
à un traitement électrochimique (galvanisation, galfanisation, ...) procurant une
certaine résistance à la corrosion.
[0003] On utilise couramment des torons non revêtus, en veillant à ce qu'il ne soient pas
placés dans un environnement corrosif. Ces torons sont mis en place directement dans
du béton, ou dans des gaines collectives remplies de coulis de ciment ou de graisses
ou cires pétrolières. La passivité du ciment ou la non corrosivité des produits pétroliers
renforce la protection contre la corrosion.
[0004] On connaît également des torons individuellement protégés par une gaine de matière
plastique, habituellement un polyéthylène à haute densité (PEHD) ou un époxy, qui
crée une barrière étanche autour des fils métalliques. Un produit de remplissage,
pouvant être de plusieurs types (cire, graisse, polymère...), comble les intervalles
existant entre les fils métalliques et la gaine individuelle pour renforcer la protection
du toron contre la corrosion.
[0005] Le produit de remplissage permet soit un glissement des fils métalliques toronnés
par rapport à leur gaine individuelle (toron gainé-graissé ou gainé-ciré), soit au
contraire une adhérence pour transmettre des efforts de cisaillement entre la gaine
et le toron (toron cohérent).
[0006] Dans le toron cohérent, le produit de remplissage est typiquement un polymère adhérisé
sur les fils et sur l'intérieur de la gaine. Le toron cohérent est notamment utilisable
lorsqu'il est nécessaire de transmettre des efforts tangentiels de la gaine aux fils
métalliques, ce qui est le cas par exemple dans les câbles porteurs de ponts suspendus
dans lesquels la charge transmise par chaque suspente provoque un effort tangentiel
sur le câble au niveau du collier d'accrochage de la suspente (voir EP-A-0 855 471).
[0007] Dans le toron gainé-graissé ou gainé-ciré, le produit de remplissage est un lubrifiant,
ce qui présente plusieurs avantages :
(a) améliorer le comportement en fatigue du toron en lubrifiant les contacts entre
ses fils métalliques ;
(b) éviter que la tension à laquelle le toron est soumis engendre, compte tenu de
la forme du toron, des concentrations de contrainte de cisaillement et/ou de traction
dans certaines portions du toron, ce qui risque de provoquer une fissuration de la
gaine et donc une perte d'étanchéité exposant le métal aux agents corrosifs ;
(c) dans certaines configurations, permettre le remplacement des torons un par un,
la gaine restant en place dans la structure.
[0008] En service, le câble comprenant un ou plusieurs torons gainés-graissés ou gainés-cirés
est soumis à des variations de tension et à des variations de température. Ces variations
provoquent des allongements différents de la gaine et des fils toronnés puisque la
matière plastique et le métal n'ont généralement pas les mêmes coefficients d'élasticité
et de dilatation thermique.
[0009] En particulier, la gaine a habituellement un coefficient de dilatation thermique
beaucoup plus élevé que les fils. Si on considère le cas de l'acier et du PEHD couramment
utilisés dans ce genre de toron, il y a un rapport de l'ordre de 20 entre les deux
coefficients de dilatation thermique. Il peut en résulter un endommagement de la gaine
qui s'allonge trop lorsqu'il fait chaud, ou inversement une perte d'étanchéité dans
les portions d'extrémité du câble lorsqu'il fait froid, la gaine se rétractant trop.
[0010] La présente invention a notamment pour but d'éviter ces inconvénients tout en conservant
certains au moins des avantages du toron gainé-graissé ou gainé-ciré.
[0011] Un toron selon l'invention comporte un groupement de brins métalliques torsadés,
une gaine en matière plastique contenant ledit groupement, et un produit souple de
remplissage comblant des interstices internes situés entre les brins torsadés du groupement
et un interstice périphérique situé entre la périphérie du groupement et la face intérieure
de la gaine. Selon l'invention, ledit interstice périphérique présente, dans une section
transversale du toron, une aire comprise entre P × e
min et 0,6 × S2, où P est le périmètre extérieur du groupement de brins, e
min = 0,05 mm et S2 est l'aire cumulée des intervalles compris entre la périphérie du
groupement et le plus petit cercle dans lequel s'inscrit le groupement.
[0012] Grâce à ces dispositions il est possible d'obtenir des torons « semi-adhérents »,
dans lesquels la quantité régulée de produit souple de remplissage permet de conserver
les avantages (a) et (b) du toron gainé-graissé tout en assurant que la gaine individuelle
suive les déformations macroscopiques des brins métalliques.
[0013] Les nervures hélicoïdales que présente la face intérieure de la gaine pénètrent dans
les gorges formées entre les brins périphériques adjacents. La coopération entre ces
nervures et ces gorges permet l'adaptation des déformations macroscopiques. La quantité
de produit de remplissage est ajustée de façon que cette pénétration ne soit pas trop
importante, ce qui risquerait de bloquer la gaine sur les brins par adhérence de forme
et donc d'engendrer dans la gaine des contraintes, notamment de cisaillement, susceptibles
de la déchirer.
[0014] Dans un mode de réalisation préféré de l'invention, la gaine du toron a une épaisseur
d'au moins φ/5, où φ est le diamètre de brins situés en périphérie du groupement de
brins torsadés.
[0015] Un autre aspect de l'invention se rapporte à une utilisation d'un toron tel que défini
ci-dessus comme élément de structure travaillant en traction dans un ouvrage de construction.
Le toron peut notamment faire partie d'un hauban d'un système de suspension de l'ouvrage
ou d'un câble de précontrainte de l'ouvrage.
[0016] Un troisième aspect de l'invention se rapporte à un procédé de fabrication d'un toron,
comprenant les étapes suivantes :
- enrober un groupement de brins métalliques torsadés avec un produit souple de remplissage
de façon que ledit produit comble des interstices internes situés entre les brins
torsadés du groupement et déborde sur la périphérie du groupement ;
- essuyer la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée
de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant
un volume par unité de longueur compris entre S1 + (P × emin) et S1 + (0,6 × S2), où S1 est l'aire cumulée desdits interstices internes sur une
section transversale du toron, P est le périmètre extérieur du groupement de brins
torsadés, emin = 0,05 mm et S2 est l'aire cumulée des intervalles compris entre la périphérie du
groupement et le plus petit cercle dans lequel s'inscrit le groupement ;
- extruder une gaine en matière plastique autour du groupement de brins enrobé de ladite
quantité de produit de remplissage.
[0017] L'étape d'essuyage est avantageusement accomplie au moyen d'un gabarit libre en rotation,
à travers lequel on fait passer le groupement de brins enrobé.
[0018] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront au cours de la
description suivante d'une de ses formes de réalisation, donnée à titre d'exemple
non limitatif, en regard du dessin joint, dans lequel :
- la figure 1 est une vue en coupe transversale d'un toron selon l'invention ;
- la figure 2 est une vue en coupe transversale du groupement de brins métalliques de
ce toron ;
- la figure 3 est un schéma d'une installation adaptée à la mise en oeuvre d'un procédé
selon l'invention ; et
- la figure 4 est un schéma de moyens d'essuyage de l'installation de la figure 3.
[0019] Le toron 1 représenté en figure 1 est constitué de plusieurs brins 2 d'acier torsadés
entre eux, qui sont ici au nombre de sept à savoir un brin central et six brins périphériques.
[0020] Le groupement de brins torsadés 2 est contenu dans une gaine 4 extérieure de matière
plastique flexible qui peut être une polyoléfine, notamment du PEHD, ou encore un
polyamide.
[0021] Un produit souple de remplissage 3, par exemple un polymère amorphe, une cire ou
une graisse pétrolière, comble les interstices définis par les brins 2 à l'intérieur
de la gaine. Ce produit 3 présente avantageusement des propriétés de lubrification.
Les interstices précités comprennent :
- des interstices internes 5 de section transversale en forme de triangle curviligne
dont les côtés sont constitués par des portions de circonférence de trois brins adjacents
;
- un interstice périphérique 6 situé entre les brins périphériques du toron et la face
intérieure de sa gaine 4.
[0022] En référence à la figure 2, on note S1 l'aire cumulée des triangles curvilignes précités
correspondant aux interstices internes 5, qui sont au nombre de six dans l'exemple
considéré. D'autre part, on note S2 l'aire cumulée, dans une section transversale
du toron, des intervalles 7 compris entre la périphérie du groupement de brins d'acier
2 et le plus petit cercle C dans lequel s'inscrit ce groupement. Ces intervalles 7
sont aussi au nombre de six dans l'exemple considéré, le cercle C étant tangent aux
six brins périphériques du toron. On note enfin P le périmètre extérieur du groupement
de brins et φ le diamètre des brins périphériques. Une valeur typique est φ = 5 mm,
le brin central ayant un diamètre légèrement supérieur, par exemple de 5,7 mm.
[0023] L'interstice périphérique 6 présente, dans la section transversale du toron, une
aire comprise entre P × e
min et 0,6 × S2, où e
min représente une épaisseur minimale de produit 3, qui est égale à 0,05 mm. L'épaisseur
minimale e de la gaine exterieure 4 est de préférence de φ/5 ou plus.
[0024] Pour réaliser un tel toron, on part d'un groupement de brins toronnés obtenu par
des procédés classiques de tréfilerie. Ces brins 2 peuvent avoir été, de façon connue,
soumis à un traitement électrochimique tel que galvanisation ou galfanisation, visant
à améliorer leur résistance à la corrosion.
[0025] En référence à la figure 3, on détord un tronçon du toron avant de le passer dans
la filière 10 d'extrusion de la matière plastique de la gaine 4, afin d'écarter ses
brins 2. Ceci peut être effectué en serrant les extrémités du tronçon dans deux mâchoires
11 soumises à un couple relatif de torsion dans le sens inverse du pas de toronnage.
Le produit souple de remplissage est introduit par projection ou injection dans le
tronçon détordu. Après libération des mâchoires 11, les brins se resserrent en emprisonnant
le produit 3 dans les interstices internes 5 et en faisant déborder ce produit sur
la périphérie du groupement de brins. On fait ensuite circuler le tronçon ainsi traité
dans un gabarit d'essuyage 12 servant à laisser la quantité adéquate de produit 3
sur le groupement de brins torsadés. En aval du gabarit 12 se trouve le système 16
d'injection de la matière plastique de la gaine 4 puis la filière d'extrusion 10 à
travers lequel le toron est tiré pour définir sa forme extérieure ainsi que l'épaisseur
e de la gaine.
[0026] La quantité de produit 3 laissée par le gabarit d'essuyage 12 représente, par unité
de longueur du toron, un volume compris entre S
min = S1 + (P × e
min) et S
max = S1 + (0,6 × S2) afin de satisfaire la condition précitée sur la dimension de l'interstice
périphérique 6.
[0027] Le gabarit d'essuyage 12 est illustré sur la figure 4. Il est monté sur la bague
interne d'un roulement à billes 13 afin d'être libre en rotation. Le toron enrobé
du produit 3 passe dans une ouverture 14 du gabarit 12, dont l'aire est comprise entre
S+S
min et S+S
max, où S est l'aire cumulée des sections des sept brins 2. La forme de cette ouverture
14 épouse celle du groupement de brins associé à l'interstice périphérique 6. Son
pourtour présente ainsi six dents 15 qui viennent se loger dans les gorges existant
entre les brins périphériques du toron. La libre rotation du gabarit 12 lorsque le
toron est tiré permet à ces dents 15 de suivre la trajectoire hélicoïdale des gorges
en maintenant la quantité désirée de produit 3.
[0028] Le toron ainsi réalisé est adapté pour former un élément de structure travaillant
en traction dans un ouvrage de construction, qui répond bien aux exigences exposées
en introduction. Il sera avantageusement utilisé dans des haubans (voir par exemple
EP-A-0 323 285) ou des câbles de précontrainte.
1. Toron comportant un groupement de brins métalliques torsadés (2), une gaine en matière
plastique (4) contenant ledit groupement, et un produit souple de remplissage (3)
comblant des interstices internes (5) situés entre les brins torsadés du groupement
et un interstice périphérique (6) situé entre la périphérie du groupement et la face
intérieure de la gaine, caractérisé en ce que ledit interstice périphérique présente, dans une section transversale du toron, une
aire comprise entre P x emin et 0,6 × S2, où P est le périmètre extérieur du groupement de brins, emin = 0,05 mm et S2 est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie
du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement.
2. Toron selon la revendication 1, dans lequel la gaine (4) a une épaisseur (e) d'au
moins φ/5, où φ est le diamètre de brins situés en périphérie du groupement.
3. Utilisation d'un toron selon la revendication 1 ou 2 comme élément de structure travaillant
en traction dans un ouvrage de construction.
4. Utilisation selon la revendication 3, dans laquelle le toron (1) fait partie d'un
hauban d'un système de suspension de l'ouvrage.
5. Utilisation selon la revendication 3, dans laquelle le toron (1) fait partie d'un
câble de précontrainte de l'ouvrage.
6. Procédé de fabrication d'un toron (1), comprenant les étapes suivantes :
- enrober un groupement de brins métalliques torsadés (2) avec un produit souple de
remplissage (3) de façon que ledit produit comble des interstices internes (5) situés
entre les brins torsadés du groupement et déborde sur la périphérie du groupement
;
- essuyer la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée
de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant
un volume par unité de longueur compris entre S1 + (P × emin) et S1 + (0,6 × S2), où S1 est l'aire cumulée desdits interstices internes sur une
section transversale du toron, P est le périmètre extérieur du groupement de brins
torsadés, emin = 0,05 mm et S2 est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie
du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement ;
- extruder une gaine en matière plastique (4) autour du groupement de brins enrobé
de ladite quantité de produit de remplissage.
7. Procédé selon la revendication 6, dans lequel l'étape d'essuyage est accomplie au
moyen d'un gabarit libre en rotation (12), à travers lequel on fait passer le groupement
de brins enrobé.
8. Procédé selon la revendication 6 ou 7, dans lequel on donne à la gaine (4) une épaisseur
(e) d'au moins φ/5, où φ est le diamètre de brins situés en périphérie du groupement.