[0001] La présente invention a pour objet des produits minces en alliages de titane β ou
quasi β ainsi que la fabrication par forgeage desdits produits minces.
[0002] Elle concerne plus précisément :
- des produits manufacturés, non axisymétriques, d'une épaisseur inférieure à 10 mm,
en alliages de titane β ou quasi β, qui présentent une microstructure originale ;
- un procédé pour la fabrication desdits produits qui, de façon caractéristique, est
basé sur une opération de forgeage.
[0003] Le contexte de conception et de développement de l'invention présentement revendiquée
a été celui de la fabrication de disques aubagés monoblocs (DAM) avec pales rapportées
par soudure friction linéaire. Lesdits disques aubagés monoblocs, en référence à leurs
propriétés mécaniques et notamment leur résistance à la fatigue vibratoire, sont généralement
en un alliage de titane β ou quasi β. Ils sont obtenus, à ce jour, par usinage, dans
un brut massif.
[0004] A l'encontre de l'obtention par forgeage des aubes de tels disques en un alliage
de titane β ou quasi β, il existait un réel préjugé. Le forgeage de structures en
alliages de titane β ou quasi β, c'est-à-dire de structures à gros grains, pour élaborer
des pièces de faibles épaisseurs (pales), ne pouvait a priori conduire qu'à de telles
pièces, aux propriétés mécaniques (notamment tenue aux chocs, résistance à la fatigue
vibratoire) décevantes.
[0005] De façon tout à fait surprenante, dans le cadre de la présente invention, des aubes
(produits minces) en alliages de titane β ou quasi β performantes (présentant une
bonne santé métallurgique et de bonnes caractéristiques mécaniques) ont été obtenues
par forgeage (c'est-à-dire avec économie de matière, par rapport à la technique d'usinage,
classiquement mise en oeuvre). Lesdites aubes ont de plus des durées de vie supérieures
à celles des aubes obtenues par usinage ; elles peuvent par ailleurs être obtenues
avec des géométries optimisées, permettant d'améliorer l'aérodynamique, donc les performances
du moteur dans lequel elles sont susceptibles d'intervenir.
[0006] L'invention a donc été conçue et développée, de manière non évidente, dans ce contexte
de la fabrication des disques aubagés monoblocs (DAM). Elle n'est toutefois nullement
limitée audit contexte ; elle s'exprime, également, tout naturellement dans des contextes
plus ou moins voisins, tels celui de la fabrication d'anneaux aubagés monoblocs (ANAM),
ceux de la réparation desdits disques aubagés monoblocs (DAM) et anneaux aubagés monoblocs
(ANAM), et plus généralement celui de la fabrication de produits minces en titane
β ou quasi β.
[0007] La maîtrise du forgeage, selon l'invention, de lopins en alliages de titane β ou
quasi β, de faibles épaisseurs, a permis l'obtention de produits minces, en lesdits
alliages de titane β ou quasi β, originaux de par leur microstructure à coeur.
[0008] Lesdits produits constituent le premier objet de la présente invention.
[0009] Le procédé de forgeage maîtrisé qui conduit auxdits produits en constitue le second
objet.
[0010] Selon son premier objet, la présente invention concerne donc des produits manufacturés,
non axisymétriques (les fils sont ainsi exclus), d'une épaisseur inférieure à 10 mm
(ces 10 mm précisent les notions de "faible épaisseur", de "produits minces", utilisées
dans le présent texte), en alliages de titane β ou quasi β, dont la microstructure
à coeur est constituée de grains entiers présentant un taux d'élancement supérieur
à 4 et un diamètre équivalent compris entre 10 et 300 µm.
[0011] Les alliages de titane β ou quasi β (que l'on peut aussi qualifier de proche β) sont
familiers à l'homme du métier. Ils présentent une structure hexagonale compacte. Ils
sont parfaitement définis, notamment dans les Handbooks américains (US) : l'ASMH (AMERICAN
SOCIETY MATERIAL HANDBOOK) et le MILH (MILITARY HANDBOOK). Leur utilisation est, à
ce jour, cantonnée à la fabrication de pièces forgées massives ou de fortes épaisseurs.
[0012] De façon caractéristique, les produits manufacturés de l'invention, en lesdits alliages,
sont des produits minces qui portent l'hérédité de leur procédé de fabrication, basé
sur une ou plusieurs opérations de forgeage. Leur microstructure à coeur est originale.
Les grains de ladite microstructure à coeur ont été corroyés.
[0013] Ils présentent un taux d'élancement supérieur à 4 ; ledit taux d'élancement étant
classiquement défini comme le rapport de la plus grande dimension sur la plus petite
dimension dans le plan de coupe axiale.
[0014] Ils présentent un diamètre équivalent compris entre 10 et 300 µm.
[0015] En lieu et place des gros grains tronqués que l'on trouve dans la structure de produits
équivalents (minces) obtenus par usinage, ce sont des grains entiers, écrasés, lenticulaires
que l'on trouve au coeur des produits de l'invention.
[0016] Les produits manufacturés de l'invention, de par les caractéristiques énoncées ci-dessus,
sont des produits nouveaux. Ces produits nouveaux sont susceptibles d'être obtenus
par forgeage. Comme expliqué précédemment, il existait un réel préjugé à chercher
à obtenir des structures minces par forgeage de structures plus épaisses à gros grains
et, de manière tout à fait surprenante, de telles structures minces se sont révélées
présenter des caractéristiques très intéressantes.
[0017] Les produits manufacturés de l'invention consistent avantageusement en des aubes
de compresseurs de turbomachines.
[0018] L'invention n'est toutefois nullement limitée à ce contexte. Les produits en cause
peuvent également consister en des hélices, de sous-marins notamment, en des pales
de ventilateurs ou mélangeurs (susceptibles d'intervenir dans des milieux justifiant
la constitution desdites pales en alliages de titane β ou quasi β). Cette liste ne
saurait être exhaustive.
[0019] Selon une variante particulièrement préférée (en aucun cas, limitative), les produits
manufacturés de l'invention sont en alliage Ti
17. Cet alliage, familier à l'homme du métier, est utilisé à ce jour pour fabriquer
des pièces massives, notamment des disques de compresseurs. Il présente des contraintes
d'écoulement élevées et a lui aussi la réputation d'être difficilement forgeable.
[0020] Il s'agit plus précisément de l'alliage :
TA5CD4, selon la nomenclature métallurgique,
TiAl5Cr2MO4, selon la nomenclature chimique.
[0021] De manière tout à fait surprenante, les inventeurs ont, dans le cadre de l'invention
présentement revendiquée, forgé des pièces minces, en ledit alliage Ti
17, avec des taux de corroyage importants ; lesdites pièces forgées présentant des propriétés
mécaniques élevées.
[0022] On en vient maintenant au deuxième objet de la présente invention, à savoir le procédé
de fabrication des produits nouveaux, décrits ci-dessus.
[0023] Ledit procédé de fabrication comprend :
- l'obtention d'un lopin émaillé ;
- la transformation, si nécessaire, dudit lopin en un produit long d'un diamètre équivalent
inférieur à 100 mm ;
- le forgeage dudit produit long ;
- la trempe dudit produit long forgé ; et
- le revenu dudit produit long forgé trempé.
[0024] Le produit à forger est, de façon classique, préalablement émaillé.
[0025] Ledit produit consiste généralement en un demi-produit, obtenu par filage ou forgeage
d'un matériau de départ, à plus gros diamètre équivalent (à plus forte épaisseur).
Il peut notamment s'agir d'une barre (présentant, par exemple, un diamètre de 25 mm),
obtenue par filage d'une billette. Les alliages en titane β ou proche β existent en
effet principalement sous la forme de telles billettes (destinées à la fabrication
de disques de compression par usinage).
[0026] Ce produit émaillé, généralement donc demi-produit émaillé, d'un diamètre (équivalent)
inférieur à 100 mm, est, selon l'invention, transformé par forgeage en un produit
manufacturé d'une épaisseur inférieure à 10 mm.
[0027] Pour l'obtention d'un tel produit manufacturé, aux propriétés optimisées, on préconise
la mise en oeuvre du forgeage dans les conditions ci-après. L'opération de forgeage
comprend au moins deux chaudes :
- une première chaude en sub ou super transus β, généralement à une température comprise
entre 700 et 1000°C ;
- une dernière chaude en super transus β, généralement à une température supérieure
à 880°C.
[0028] Les températures en cause sont bien évidemment dépendantes de l'alliage de Ti β ou
Ti quasi β concerné.
[0029] Le taux de réduction à chaque chaude est supérieur ou égal (avantageusement supérieur)
à 2 et les vitesses de forge (ou vitesses d'écrasement) sont comprises entre 1 et
1.10
-5 s
-1.
[0030] L'opération de forgeage peut tout à fait être limitée aux deux chaudes, telles que
précisées ci-dessus (la seconde desdites deux chaudes étant impérativement une chaude
en super transus β). Elle peut inclure une chaude supplémentaire, en sub ou super
transus β, avant la dernière (troisième) chaude en super transus β. Il n'est pas totalement
exclu qu'elle inclut plus de trois chaudes (la dernière de ces chaudes étant impérativement
une chaude en super transus β) mais l'intérêt de multiplier ainsi le nombre de chaudes
n'est pas évident.
[0031] L'opération de forgeage inclut donc généralement deux ou trois chaudes, mises en
oeuvre dans les conditions précisées ci-dessus.
[0032] De façon classique, le produit forgé est éventuellement ré-émaillé entre deux chaudes
successives.
[0033] Selon une variante de mise en oeuvre avantageuse, la matrice de forgeage est maintenue
à une température comprise entre 100 et 700°C.
[0034] L'opération de forgeage est classiquement suivie d'une trempe (généralement immédiatement
suivie d'une telle trempe). Une telle trempe peut notamment être mise en oeuvre sous
air pulsé, sous air calme, dans un bain d'huile ou sur matrice. Elle est avantageusement
mise en oeuvre dans des conditions qui induisent une vitesse de refroidissement inférieure
ou égale à celle induite par une trempe dans un bain d'huile.
[0035] Le revenu du produit forgé, trempé, est avantageusement mis en oeuvre à une température
comprise entre 620 et 750°C, pendant 3 à 5 h. On optimise ses conditions de mise en
oeuvre en fonction des caractéristiques recherchées pour le produit fini. On veille
à effectuer ledit revenu sous atmosphère inerte (notamment vide ou argon) si l'émaillage
est fissuré ou écaillé.
[0036] Selon une variante particulièrement avantageuse, le procédé de l'invention est mis
en oeuvre dans les conditions ci-après :
- le lopin est en alliage Ti17 (TA5CD4 ou TiAl5Cr2MO4);
- le forgeage comprend une première chaude à une température inférieure ou égale à 840
± 10°C (en sub transus β) ou à une température supérieure ou égale à 940 ± 10°C (en
super transus β) et une seconde chaude à une température de 940 ± 10°C (en super transus
β);
- la trempe est mise en oeuvre sur matrice puis à l'air calme ;
- le revenu est mis en oeuvre à 630°C pendant 4 h.
[0037] Il conduit à un produit, tel que décrit dans la première partie de ce texte, qui
peut notamment consister en une aube.
[0038] La fabrication d'une telle aube est précisée dans l'exemple ci-après, donné à titre
purement illustratif.
[0039] Sur les figures 1 et 2 annexées, on montre, à différentes échelles, la microstructure
à coeur - microstructure originale - d'une telle aube.
[0040] Sur la figure 1 - coupe dans les trois directions : coupe transversale selon le plan
A, longitudinale selon le plan B et faciale selon le plan C ; grossissement : x 20
- on voit clairement la forme lenticulaire des grains : fortement écrasés dans les
directions transversale et longitudinale et présentant une large face dans la coupe
faciale.
[0041] Sur la figure 2 - fort grossissement : x 5000 - on montre la microstructure interne
des grains. On a référencé 1 un grain écroui, 2 un grain recristallisé. Les aiguilles
α sont très fines et très enchevêtrées.
Exemple : Fabrication d'une aube en Ti17 par forgeage.
[0042] Le procédé mis en oeuvre comporte les étapes successives ci-après :
- filage d'une barre (φ < 100 mm) pour obtenir un lopin (φ : 27 mm) de 240 mm de long
;
- émaillage ;
- écrasement radial de la barre filée pour former la pale et le pied ;
- matrice de forgeage portée à 200°C ;
- vitesse de frappe (presse à vis) : 10-4 s-1 ;
- 1ère chaude : le lopin émaillé, maintenu 45 min à 940°C (chaude en super transus β) est
écrasé jusqu'à présenter une épaisseur de 13 à 8 mm.
- 2ême chaude : conditions identiques à la 1ère Le nouvel écrasement génère une pièce dont l'épaisseur varie de 9 à 1 mm.
- refroidissement sur matrice puis par air calme sur table ;
- revenu direct après forge de 630°C/4 h.
[0043] Il génère une aube dont la microstructure à coeur est telle que montrée sur les figures
annexées.
1. Produits manufacturés, non axisymétriques, d'une épaisseur inférieure à 10 mm, en
alliages de titane β ou quasi β, dont la microstructure à coeur est constituée de
grains entiers présentant un taux d'élancement supérieur à 4 et un diamètre équivalent
compris entre 10 et 300 µm.
2. Produits manufacturés selon la revendication 1, susceptibles d'être obtenus par forgeage.
3. Produits manufacturés selon l'une des revendications 1 ou 2, consistant en des aubes
de compresseurs de turbomachines.
4. Produits manufacturés selon l'une quelconque de revendications 1 à 3, en alliage Ti17 (TA5CD4 ou TiAl5Cr2MO4).
5. Procédé de fabrication d'un produit selon l'une quelconque des revendications précédentes,
caractérisé en ce qu'il comprend :
- l'obtention d'un lopin émaillé ;
- la transformation, si nécessaire, dudit lopin en un produit long d'un diamètre équivalent
inférieur à 100 mm ;
- le forgeage dudit produit long ;
- la trempe dudit produit long forgé ; et
- le revenu dudit produit long forgé trempé.
6. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que ledit forgeage comprend au moins deux chaudes, la première en sub ou super transus
β et la dernière en super transus β; le taux de réduction à chaque chaude étant supérieur
ou égal à 2 et les vitesses de forge étant comprises entre 1 et 1.10-5 s-1.
7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que ledit forgeage comprend trois chaudes ; une première et une seconde, indépendamment,
en sub ou super transus β et une troisième en super transus β.
8. Procédé selon l'une des revendications 6 ou 7, caractérisé en ce qu'il comprend un réémaillage du produit entre deux chaudes.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 5 à 8, caractérisé en ce que la matrice de forgeage est maintenue à une température comprise entre 100 et 700°C.
10. Procédé selon l'une quelconque des revendications 5 à 9, caractérisé en ce que ladite trempe est mise en oeuvre dans des conditions qui induisent une vitesse de
refroidissement inférieure ou égale à celle induite par une trempe dans un bain d'huile.
11. Procédé selon l'une quelconque des revendications 5 à 10, caractérisé en ce que ledit revenu est mis en oeuvre à une température comprise entre 620 et 750°C, pendant
3 à 5 h.
12. Procédé selon l'une quelconque des revendications 5 à 11,
caractérisé en ce que :
- ledit lopin est en alliage Ti17 (TA5CD4 ou TiAl5Cr2MO4) ;
- ledit forgeage comprend une première chaude à une température inférieure ou égale
à 840 ± 10°C ou à une température supérieure ou égale à 940 ± 10°C et une seconde
chaude à une température de 940 ± 10°C ;
- ladite trempe est mise en oeuvre sur matrice puis à l'air calme ; et
- ledit revenu est mis en oeuvre à 630°C pendant 4 heures.