[0001] La présente invention se rapporte à un cadran émail pour montre, ainsi qu'à un procédé
de fabrication d'un cadran émail.
[0002] On connaît depuis très longtemps les cadrans émail dans le domaine de l'horlogerie
et de la pendulerie. De tels cadrans ont été utilisés plus particulièrement pour les
pendules, pendulettes et pour les montres de poches. Tous ces cadrans sont de forme
ronde et l'émail est déposé généralement sur un substrat en cuivre, plat ou bombé.
[0003] L'apparition de la montre bracelet et celle de nouvelles techniques de fabrication
des cadrans de montres ont coïncidé avec la disparition de ce type de cadrans, qui
n'ont survécus essentiellement que dans le domaine des pendules et des montres de
poches. Il n'en demeure pas moins que les cadrans émail présentent des caractéristiques
intéressantes, dans la mesure où ils sont pratiquement inaltérables et permettent
de recevoir des décors peints avec une palette de couleurs extrêmement vives et riches
contenant des pigments d'oxydes métalliques.
[0004] Ce type de cadrans associe donc une durée de vie pratiquement indéfinie sans subir
d'altération et permet aussi de conférer un aspect bien particulier à la montre, notamment
sur le plan du décor. Toutefois, il est apparu que ces cadrans ne pouvaient être produits
avec les techniques classiques que pour des cadrans ronds. En effet, les cadrans de
toute autre forme, carrés, rectangulaires, polygonaux en particulier, subissent au
cours des cuissons successives, des déformations dues aux déséquilibres des tensions
qui s'exercent sur le substrat au cours des cuissons et refroidissements répétés et
qui proviennent de sa forme non circulaire. Ceci est sans doute une des raisons pour
lesquelles on ne connaît pas de cadran de montre émail de forme autre que ronde, l'autre
raison venant du fait que les cadrans émail étaient principalement, voire exclusivement,
destinés aux montres de poches qui étaient généralement rondes. De plus, ce problème
de la déformation s'aggrave encore lorsque le cadran de forme non circulaire est galbé,
ce qui a pour effet d'augmenter encore les possibilités de déformation.
[0005] Outre le problème de la déformation du substrat, les cadrans émail de forme non circulaire,
posent des problèmes d'adhérence et de différence de coefficient de dilatation entre
le substrat et l'émail blanc. De plus, lorsque l'émail blanc et la peinture qui le
recouvre au moins partiellement sont protégés par un fondant de finition, qui est
une couche d'émail transparent, des fissures peuvent se produire dans la couche de
fondant de finition, surtout dans les zones galbées du cadran de forme, due à la trop
faible dureté de l'émail blanc qui se comporte comme un élément mouvant. Pour cette
même raison la couche de fondant n'adhère pas à l'émail blanc. Le revêtement peint
déposé sur la couche d'émail blanc pose également un problème de déformation des traits
peints. Ce problème de déformation est particulièrement apparent lorsque des lettres
ou des chiffres sont peints, notamment lorsqu'il s'agit de chiffres romains, constitués
de traits droits.
[0006] Ceci montre la complexité des problèmes à résoudre pour pouvoir réaliser un cadran
émail de forme non circulaire, en particulier un cadran galbé, qui ne se déforme pas,
dont l'émail ne se fissure pas et dont les traits du décor et/ou des inscriptions
peintes ne se déforment pratiquement pas, tout au moins de façon perceptible.
[0007] Le but de la présente invention consiste à résoudre les problèmes susmentionnés en
vue de pouvoir remédier aux défauts constatés sur les cadrans émail de forme non circulaire
pour montres, plus particulièrement pour montres bracelets.
[0008] A cet effet, la présente invention a tout d'abord pour objet un cadran émail pour
montre selon la revendication 1. Elle a également pour objet un procédé de fabrication
d'un cadran émail pour montre, de forme non circulaire selon la revendication 5.
[0009] La description qui suit donnera plusieurs exemples de réalisations de cadrans émail
de formes non circulaires pour montres, selon la présente invention.
[0010] Le substrat utilisé dans ces exemples est de l'acier doux à très faible teneur en
carbone, inférieure à 0,08% et de préférence à 0,004%. Il s'agit de tôles laminées
à froid pour émaillage par vitrification. Les aciers utilisés sont désignés DC03ED
ou DC04ED selon la norme européenne EN 10027-1.
[0011] Ces tôles d'acier doivent être traitées avant émaillage pour obtenir, d'une part
une surface parfaitement dégraissée, d'autre part une structure superficielle homogène.
Il faut en effet éliminer les produits qui recouvrent les tôles laminées, constitués
d'un mélange de graisses d'emboutissage et d'huile anticorrosives.
[0012] Le dégraissage peut se faire soit par brûlage, par traitement aux hydrocarbures,
ou par dégraissage alcalin, suivi de plusieurs rinçages. Cette opération est suivie
d'un décapage à l'acide sulfurique dilué (60 à 90g d'acide concentré de densité 1,84/l
d'eau), pendant une dizaine de minutes à température supérieure à 70°C, immédiatement
suivie d'une neutralisation dans un bain légèrement alcalin à 0,3-0,5% Na
2O à 65-80°C, puis séchage à l'air chaud.
[0013] Le substrat ainsi préparé est alors prêt à recevoir une couche d'émail de masse qui
constitue d'une part un agent d'adhérence entre le support et la couverte d'émail
blanc qui sera déposée ultérieurement, d'autre part permet d'équilibrer les dilatations
entre le substrat et la couverte d'émail blanc. Cette couche d'émail de masse permet
encore d'absorber les gaz qui se dégagent de la tôle au moment de la cuisson.
[0014] L'émail de masse utilisé dans les exemples qui vont suivre présente la composition
suivante, exprimée en g :
| Fritte dure |
40 20 20 |
| Fritte moyenne |
40 40 30 |
| Fritte tendre |
20 40 50 |
| Quartz |
10 |
| Argile |
6 |
| Bentonite |
0,25 |
| Nitrite de sodium |
0,10 |
| Borax |
0,50 |
| Carbonate de magnésium |
0,15 |
| Eau |
50 à 55 |
[0015] La barbotine d'émail préparée à l'aide de cette composition est broyée jusqu'à l'obtention
de la finesse et de la densité désirée, déterminées expérimentalement, étant entendu
qu'une trop grande finesse augmente la tension superficielle de l'émail et peut provoquer
un retrait. Ensuite elle est passée dans un séparateur magnétique pour enlever les
particules ferreuses.
[0016] La couche d'émail de masse est déposée sur tout le substrat (recto, verso et tranche)
à l'aide d'un pistolet de projection, suivi d'un séchage destiné à éliminer l'eau
avant la cuisson de l'émail de masse. Tous les modes de séchage habituels peuvent
être utilisés, à l'air libre, dans une étuve ou par rayonnement.
[0017] Ensuite l'émail de masse est cuit dans un four box électrique chauffé entre 760°
et 860°C de façon à obtenir un revêtement uniforme.
[0018] La préparation de l'émail blanc est réalisé à partir de produits du commerce disponibles
à l'état pulvérulent ou en morceaux. Dans un cas comme dans l'autre, ce produit doit
être broyé pour obtenir une poudre fine aux grains réguliers dont la grosseur se situe
aux environs de 10 à 15 µm. Pour réduire le plus possible la contamination de la poudre
d'émail par des corps étrangers, le broyage s'effectue de préférence dans un broyeur
en agathe. De l'eau distillée est ajoutée à la poudre et le broyage est entrecoupé
de plusieurs lavages pour éliminer les impuretés et le limon constitué par les plus
fines particules d'émail qui restent en suspension dans l'eau.
[0019] Le broyage à partir de morceaux est évidemment plus long qu'à partir de poudre plus
ou moins grossière. Par contre, celle-ci contient beaucoup plus d'impuretés provenant
des tamis, des filtres magnétiques et des revêtements des broyeurs.
[0020] L'émail obtenu est alors acidifié à l'aide d'acide nitrique dilué à 40% (60% d'acide
dans 40% d'eau) pour dissoudre les éléments métalliques non assimilés au sein de l'émail,
les sels divers issus de l'émail durant son broyage (limon) et pour dissoudre les
matières organiques qui peuvent se trouver en suspension dans l'eau.
[0021] Un autre effet de l'acidification de l'émail est de le durcir. Ce durcissement étant
directement lié à la proportion d'acide introduit dans la barbotine d'émail, ce qui
permet de régler la dureté de la couche d'émail, comme on l'expliquera par la suite.
[0022] L'ajustement de cette dureté constitue une opération de grande importance pour le
succès final. En effet, comme expliqué précédemment, la bonne dureté de l'émail blanc
est la condition pour que la couche de fondant de finition ne se fissure pas, notamment
au niveau du galbe. Les essais réalisés on montré que la dureté de l'émail blanc doit
se situer entre 5 et 6, de préférence autour de 5,5, sur l'échelle de Mohs, utilisée
pour mesurer la dureté des matières minérales. En outre, la bonne dureté de l'émail
blanc est la condition pour que les traits peints à sa surface ne se déforment pas.
[0023] La pratique a montré que la mesure de dureté sur l'échelle de Mohs est une mesure
grossière, manquant de sensibilité dans le cas de la présente invention. En pratique,
pour les besoins de l'invention, cette dureté est ajustée en se basant sur la déformation
des traits de peinture à sa surface, ainsi que sur l'absence de fissure de la couche
de fondant de finition, c'est-à-dire en fonction du résultat obtenu. L'ajustement
de cette dureté varie d'un émail à l'autre et ne peut être déterminée que de façon
empirique. Pour un même émail, cet ajustement est par contre parfaitement reproductible.
[0024] Une fois que l'émail à été broyé à la granulométrie désirée et acidifié, il est stocké
dans des boîtes hermétiques. Une partie de l'émail est mouillé avec de l'eau distillée,
l'autre partie est séchée. L'émail mouillé est appliqué au pinceau puis séché avant
d'être cuit entre 700° et 790° dans un four box. Il est ensuite refroidi lentement
puis dégraissé à l'alcool industriel.
[0025] On applique ensuite une deuxième couche d'émail séché, à l'aide d'un tamis très fin
et on procède à une deuxième cuisson. Enfin on applique une nouvelle couche d'émail
séché suivie d'une cuisson. Lorsque l'émail est froid, il est dégraissé et repassé
au four pour égaliser les trois couches.
[0026] On procède alors au lapidage de l'émail avec un papier abrasif de 15µ - 9µ et de
l'eau pour éviter l'échauffement, jusqu'à l'obtention d'une épaisseur désirée régulière
sur toute la surface du cadran.
[0027] L'égalisation finale s'effectue après un nouveau dégraissage à l'alcool, en repassant
le cadran au four entre 700° et 790°C. L'émail dépoli durant le lapidage se vitrifie
et se retend. Cette opération peut être répétée si nécessaire.
[0028] A ce stade, l'épaisseur du cadran est au maximum de 1,1 mm, comprenant l'épaisseur
du substrat, celle de l'émail de masse recouvrant les deux faces du substrat et celle
de l'émail blanc.
[0029] La prochaine étape consiste à déposer la peinture. Cette peinture comprend les chiffres
et les caractères destinés à indiquer les heures, les minutes et divers indications
relatives notamment à la marque. Cette peinture peut aussi être décorative et comporter
plusieurs couleurs, en utilisant les peintures vitrifiables habituelles vendues pour
l'émail et qui sont généralement constituées par des pigments d'oxydes métalliques
que l'on mélange à une essence grasse ou un autre milieu de dispersion approprié,
dans une proportion fonction de la consistance souhaitée.
[0030] Ces couleurs vitrifiables sont broyées très finement et sont appliquées au pinceau
sur l'émail blanc puis elles sont cuites entre 750°C et 830°C, ce qui a pour effet
de vitrifier les couleurs et de les incruster dans l'émail blanc.
[0031] La dernière opération consiste à appliquer le fondant de finition. La préparation
de ce fondant s'effectue par broyages et lavages alternés comme pour l'émail blanc
sans adjonction d'acide nitrique, pendant environ 35 minutes. Cette opération a pour
but d'améliorer la transparence du fondant de finition. Lorsqu'il est suffisamment
broyé et lavé, le fondant de finition est séché.
[0032] Il est appliqué au tamis par couches successives avec une cuisson entre chaque couche.
Au total une dizaine de couches sont appliquées, chaque couche étant cuite entre 650°
et 750°C. L'épaisseur totale de la couche de fondant de finition est de l'ordre de
0,1 mm.
[0033] Deux sortes d'émail blanc ont été utilisées pour effectuer les essais. Le premier
provient de la cristallerie de Saint-Paul, Limoges, France et porte la référence «
Blanc 160 », tandis que le second est fabriqué par Blythe, Londres, Grande-Bretagne.
[0034] 10 g d'émail « Blanc 160 » ont été broyés quatre fois 4 min avec lavages alternés.
Il a ensuite été traité à l'acide nitrique (10 gouttes) pendant dix minutes, ce qui
permet d'assurer une bonne tenue de la peinture et d'éviter au fondant de finition
de se fissurer.
[0035] 10 g d'émail blanc 263T6 de Blythe vendu par Johnson Mattey ont été broyés 6x4 min.
Ensuite la poudre est traitée à l'acide avec deux gouttes de l'acide nitrique susmentionné
pendant 5 min.
[0036] La peinture s'adapte parfaitement à la texture du fond blanc et le fondant de finition
ne se fissure pas lors du lapidage.
[0037] Il ressort des essais effectués, que pour chaque type d'émail on doit effectuer des
essais pour fixer les paramètre du procédé, en particulier pour adapter la dureté
de la couche d'émail blanc pour éviter la déformation de la peinture et les fissures
dans le fondant de finition.
1. Cadran émail pour montre, caractérisé en ce qu'il présente un substrat en acier doux de forme autre que circulaire dont l'épaisseur
est d'au moins 0,45 mm, dont au moins le recto et le verso sont recouverts d'un agent
d'adhérence et en ce que sur la partie couvrant le recto dudit substrat s'étend une épaisseur d'émail blanc
dont une partie au moins est recouverte d'un décor et/ou d'inscriptions peintes.
2. Cadran émail selon la revendication 1, dans lequel ledit agent d'adhérence est un
émail de masse qui recouvre au moins ses deux faces.
3. Cadran émail selon l'une des revendications précédentes dans lequel ledit substrat
métallique est en acier décarburé dont la teneur en carbone n'est pas supérieure à
0,08%, de préférence pas supérieure à 0,004%.
4. Cadran émail selon l'une des revendications précédentes, dans lequel ledit substrat
est galbé.
5. Cadran émail selon l'une des revendications précédentes, dans lequel une épaisseur
de fondant de finition recouvre ledit émail blanc et le décor et/ou les inscriptions
peintes qui le recouvre au moins partiellement.
6. Procédé de fabrication d'un cadran émail pour montre de forme non circulaire, caractérisé en ce que l'on prend un substrat en acier doux présentant la forme désirée, on recouvre ledit
substrat d'un agent d'adhésion, on dépose sur elle au moins une couche d'émail blanc
dont la dureté est choisie pour permettre de recevoir ultérieurement des traits de
peinture sans que ceux-ci ne subissent de déformation substantielle et pour permettre
de recevoir un fondant de finition sans qu'il ne se fissure, on cuit cet émail, on
lapide et égalise ladite couche, on dépose et on cuit de ladite peinture sur au moins
une partie de la surface dudit substrat en fonction du décor et/ou des inscriptions
désirées.
7. Procédé selon la revendication 6, selon lequel on enrobe ce substrat avec une épaisseur
d'émail de masse en tant qu'agent d'adhérence, on cuit cet émail de masse, on effectue
le lapidage de l'épaisseur d'émail de masse recouvrant le recto dudit substrat et
on égalise ladite épaisseur d'émail de masse.
8. Procédé de fabrication selon l'une des revendications précédentes, dans lequel on
ajuste la dureté dudit émail blanc en le soumettant à un processus d'acidification.
9. Procédé selon l'une des revendications 6 à 8, selon lequel on dépose une pluralité
de couches de fondant de finition pour recouvrir la surface de ladite couche d'émail
blanc et de peinture déposée sur elle.