[0001] L' invention se rapporte à une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie
fabriquée dans un alliage comprenant en poids au moins 75% d'or et au moins 6% de
cuivre.
[0002] La couleur de tels alliages d'or dépend de leurs teneurs en cuivre et en argent.
Une teneur en cuivre supérieure à 18% et une teneur en argent de l'ordre de 4% leur
confère une couleur rouge. La couleur évolue vers le rose puis vers le jaune si la
teneur en cuivre décroît de 18% à 15% puis de 15% à 6% et si la teneur en argent augmente
de 4% à 15%. La couleur est définie de façon conventionnelle par un point de l'espace
CIELAB formé d'un axe vert-rouge en abscisses, d'un axe bleu-jaune en ordonnées et
d'un axe représentatif du contraste (cf. norme ISO 7724 établie par la Commission
internationale de l'Eclairage). Les couleurs des alliages d'or sont définies dans
l'espace tri-chromatique selon la norme ISO 8654.
[0003] La demanderesse a constaté que des boîtiers ou des bracelets de montres fabriqués
dans ces alliages d'or usuels avaient tendance à subir une modification progressive
de leur couleur sous l'action de l'eau du robinet, de l'eau de mer, de l'eau des piscines,
de l'eau salée ou encore de l'eau savonneuse.
[0004] La littérature spécialisée rapporte une étude de ternissement accéléré effectuée
sur un alliage destiné à la fabrication de pièces de joaillerie et comprenant 75%
d'or, 12% de cuivre et 12% d'argent. Les tests se déroulent en phase gazeuse ou en
phase liquide. Le ternissement est déterminé quantitativement par la différence de
couleur de l'alliage avant et après le test. Les réactifs au contact desquels l'alliage
est exposé comprennent essentiellement du soufre pur ou des composés du soufre. Le
ternissement observé est attribué à la formation de sulfure d'argent Ag
2S. (cf. "Tarnishing of AuAgCu alloys", 43, pp. 48-55, 1992,
Werkstoffe und Korrosion).
[0005] Une autre étude a porté sur un alliage comprenant au plus 71% d'or, entre 12% et
14% de cuivre, entre 7,5% et 25% d'argent, entre 0,6% et 4% de platine et entre 0,9%
et 3,7% de palladium pour en déterminer le caractère biocompatible en vue de l'utiliser
pour la fabrication de prothèses dentaires. Des tests de corrosion sont effectués
à température ambiante dans une solution aqueuse contenant de l'acide lactique et
du chlorure de sodium, à un pH acide d' environ 2,3. Une augmentation de la concentration
des ions métalliques montre que le cuivre et l'argent passent en solution. La déplétion
des deux constituants est corroborée par une analyse des premières couches atomiques
de la surface de l'alliage effectuée par spectroscopie Auger. Dans les conditions
pH-métriques expérimentées, la déplétion du cuivre apparaît d'autant plus importante
que la teneur en or et en platine décroît. En revanche, la teneur en platine n'a pas
d'effet notable sur la dissolution de l'argent (cf. "Biocompatibility of dental alloys",
3(10), 2001,
Advanced engineering materials).
[0006] Enfin, une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie fabriquée dans un alliage
comprenant au moins 75% d'or et entre 15% et 23% de cuivre est connue de la demande
de brevet japonais JP 10245646 publiée en 1998. L'alliage comprend en outre entre
0,3% et 5% de palladium pour présenter une plus grande résistance à la fissuration
lors du moulage de la pièce.
[0007] L'un des buts de l'invention est d'améliorer la résistance à une modification de
couleur d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie fabriquée dans un
alliage d'or et soumise, en cours d'utilisation, à des milieux aqueux faiblement agressifs.
[0008] A cet effet, l'invention a pour objet une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de
joaillerie fabriquée dans un alliage comprenant en poids au moins 75% d'or et au moins
6% de cuivre, caractérisée en ce que l'alliage comprend également entre 0,5% et 4%
de platine.
[0009] La teneur en platine permet d'augmenter la résistance à une modification de la couleur
de la pièce soumise à l'action de l'eau du robinet, de l'eau de mer, de l'eau des
piscines, de l'eau salée ou encore de l'eau savonneuse.
[0010] Dans un mode particulier d'exécution de l'invention, la pièce d'horlogerie, de bijouterie
ou de joaillerie est fabriquée dans un alliage comprenant en outre 4% au plus de palladium
pour renforcer l'effet de résistance à une modification de couleur. C'est par exemple
le cas pour un alliage de couleur jaune comprenant entre 6% et 15% de cuivre.
[0011] D'autres avantages apparaîtront à la lumière de la description d'un mode particulier
de réalisation de l'invention illustrée par les dessins.
[0012] La figure 1 montre deux courbes expérimentales de décoloration obtenues respectivement
sur un alliage rouge selon l'invention, courbe (b), et sur un alliage rouge 5N selon
l'art antérieur, courbe (a).
[0013] Les figures 2a et 2b montrent deux profils de concentration obtenus respectivement
sur les deux alliages ayant subis le test de décoloration illustré par la figure 1.
[0014] Le tableau I rapporte les résultats de tests de décoloration obtenus sur différents
alliages selon l'invention.
[0015] Un alliage de référence 5N de couleur rouge comprenant 75% d'or, 21,5% de cuivre
et 4,5% d'argent est soumis à un test de décoloration. L'alliage est immergé dans
une solution neutre saturée de chlorure de sodium à une température de 40 degrés °C
pendant plusieurs dizaines de jours. La couleur est mesurée selon la norme ISO 7724.
La cinétique de décoloration est illustrée par la courbe (a) de la figure 1. En abscisse,
on porte le temps d'immersion en jour et en ordonnées, la norme du vecteur ΔElab reliant
les points représentatifs de la couleur de l'alliage dans l'espace CIELAB, entre l'instant
initial et les différents temps d'immersion. Par rapport à la plage de temps explorée,
la décoloration apparaît continue et monotone avec le temps d'immersion.
[0016] Un alliage de couleur rouge comprenant selon l'invention 76% d'or, 21% de cuivre
et 3% de platine est testé dans les mêmes conditions que celles de l'alliage de référence.
La cinétique de décoloration est illustrée par la courbe (b). Cette dernière montre
que la norme du vecteur reliant les points représentatifs de la couleur de l'alliage
selon l'invention entre l'instant initial et les différents temps d'immersion est
inférieur à ce qu'il est pour l'alliage de référence dépourvu de platine. Autrement
dit, la présence du platine a augmenté la résistance à la décoloration de l'alliage
selon l'invention. Au plan quantitatif, on définit un facteur d'amélioration par le
rapport entre les modifications de couleur de l'alliage de référence et de l'alliage
selon l'invention, considérées après une même durée d'immersion. Dans le cas présent,
le facteur d'amélioration est de 3 environ après un temps d'immersion de 60 jours.
[0017] Des analyses ont été effectuées par Rutherford Backscattered Spectroscopy pour explorer
une profondeur de matière significative par rapport au trajet des ondes lumineuses
dans les deux alliages testés précédemment, la part des ondes lumineuses réfléchies
déterminant la couleur de l'alliage.
[0018] Les figures 2a et 2b montrent les profils de concentration obtenus respectivement
sur l'alliage 5N de référence et sur l'alliage selon l'invention, après 60 jours d'immersion
dans la solution de test. Pour l'alliage 5N de référence, on observe figure 2a, une
diminution de la concentration en cuivre en proportion de celle de l'or sur une profondeur
de matière comprise entre les 10 premiers et les 20 premiers nanomètres ainsi que
le maintien de la concentration en argent sur cette même profondeur. En revanche,
figure 2b, la concentration en cuivre en proportion de celle de l'or diminue moins
fortement et moins profondément pour l'alliage selon l'invention.
[0019] Il ressort de ces analyses que la décoloration de l'alliage 5N de référence est due
à une dissolution du cuivre dans une couche profonde de quelques dizaines de nanomètres.
La teneur en platine permet de limiter la dissolution du cuivre dans l'alliage selon
l'invention et ainsi d'augmenter la résistance de ce dernier à la décoloration dans
la solution de test.
[0020] La cinétique de décoloration de l'alliage selon l'invention tend, par référence à
la courbe (b) de la figure 1, vers une valeur limite à partir du quinzième jour environ.
L'existence de cette valeur limite procède de l'équilibre thermodynamique stable que
la composition de l'alliage confère à matière. L'obtention d'une telle stabilisation
de la couleur de l'alliage demeure un résultat tout à fait inattendu dans les conditions
du test de décoloration utilisé. Ce test peut être utile au plan industriel pour procéder
à la finition d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie fabriquée dans
un alliage comprenant en poids au moins 75% d'or, au moins 6% et entre 0,5% et 4%
de platine, par lequel on immerge la pièce dans une solution saline saturée à pH neutre
pendant une durée et à une température déterminées pour atteindre la valeur d'équilibre
de la couleur de la pièce. D'une manière générale, toute solution permettant la dissolution
superficielle du cuivre pour atteindre la couleur d'équilibre pourrait être utilisée.
Il convient de relever que la valeur limite de décoloration illustrée par la courbe
(b) reste en deçà de la limite de perception par l'oeil d'une modification de couleur
de la pièce.
[0021] Le tableau I rapporte les résultats du test de décoloration effectué sur des alliages
de différentes compositions numérotés de 1 à 15. Une ligne du tableau indique la teneur
de l'alliage en or, cuivre, platine et palladium ainsi que la valeur limite de décoloration
ΔELab et le facteur d'amélioration de la décoloration après un test d'immersion de
60 jours. Les conditions expérimentales sont identiques à celles expérimentées précédemment
: immersion dans une solution saturée de chlorure de sodium à pH neutre et à température
de 40 degrés Celsius.
[0022] Les alliages selon l'invention dont les compositions sont référencées de 15 à 9 dans
le tableau I attestent d'un facteur d'amélioration de la résistance à la décoloration
compris typiquement entre 2 et 4.
[0023] Un alliage comprenant 91,7% d'or et 8,3% de cuivre présente un facteur d'amélioration
inférieur à l'unité, comme indiqué par la référence 8. Ce résultat montre que la simple
recherche d'une augmentation de la teneur en or a un effet opposé à celui de l'augmentation
de la résistance à la décoloration de l'alliage.
[0024] De même, l'ajout d'éléments comme l'aluminium, le niobium, le tantale, le titane
ou le silicium en vue de former une couche d'oxyde propre à limiter la dissolution
du cuivre dans la solution saline saturée à pH neutre ne conduit pas plus à une amélioration
de la résistance à la décoloration des alliages. Au contraire, les alliages dont les
compositions sont référencées de 7 à 3 dans le tableau I attestent d'un facteur d'amélioration
au plus égal à 1.
[0025] Les résultats indiqués dans le tableau I, référence 2, montrent enfin que l'ajout
de zinc dans le but de former une anode sacrificielle à la surface de l'alliage ne
conduit pas non plus à une amélioration de la résistance à la décoloration.
[0026] Le facteur d'amélioration dépend de la teneur pondérale du cuivre dans les alliages
selon l'invention. De préférence, cette teneur est comprise entre 15% et 18%. De préférence
encore, elle supérieure à 18% et plus particulièrement comprise entre 20% et 22% pour
une teneur en platine comprise entre 1,5% et 3%.
[0027] De surcroît, la teneur en platine comprise entre 0,5% et 4% confère aux pièces d'horlogerie,
de bijouterie ou de joaillerie selon l'invention une couleur qu'il était impossible
d'obtenir jusqu'à présent. Alors que le cuivre a un effet rougissant et l'argent un
effet verdissant, le platine a un effet blanchissant. L'ajout de platine ou de palladium
à l'effet grisaillant permet ainsi de passer graduellement de couleurs chaudes, discrètes
et veloutées pour les teneurs les plus faibles à des couleurs plus techniques et plus
froides pour les teneurs les plus élevées.
[0028] Plus particulièrement, une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie fabriquée
dans un alliage comprenant en poids au moins 75% d'or, entre 20% et 22% de cuivre,
entre 1,5% et 3% de platine et au plus 0,5% de l'un quelconque des éléments choisis
parmi l'argent, le cadmium, le chrome, le cobalt, le fer, l'indium, le manganèse,
le nickel ou le zinc possède une couleur nominale ayant dans l'espace CIELAB, une
abscisse égale à 7,41 suivant l'axe vert-rouge, une ordonnée égale à 15,67 suivant
l'axe bleu-jaune et une valeur de contraste égale à 86,75. En fonction de la composition
exacte de l'alliage, ces coordonnées peuvent varier entre 5,71 et 8,51 suivant l'axe
vert-rouge et entre 13,67 et 16,67 suivant l'axe bleu-jaune pour une valeur de contraste
L variant entre 76,75 et 96, 75.
[0029] L'invention s'applique à toute pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie
fabriquée à partir d'un alliage selon les procédés usuels à l'instar de l'usinage
ou du moulage à la cire perdue.
1. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie, fabriquée dans un alliage comprenant
en poids au moins 75% d'or et au moins 6% de cuivre, caractérisée en ce que l'alliage comprend également entre 0,5% et 4% de platine.
2. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie selon la revendication 1, caractérisée en ce que l'alliage comprend au moins 18% de cuivre.
3. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie selon la revendication 2, caractérisée en ce que l'alliage comprend entre 20% et 22% de cuivre et entre 1,5% et 3% de platine.
4. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie selon la revendication 1, caractérisée en ce que l'alliage comprend entre 15% et 18% de cuivre.
5. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie selon la revendication 1, caractérisée en ce que l'alliage comprend entre 6% et 15% de cuivre et au plus 4% de palladium.
6. Pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie selon la revendication 3, caractérisée en ce que l'alliage comprend en poids au plus 0,5% de l'un quelconque des éléments choisis
parmi l'argent, le cadmium, le chrome, le cobalt, le fer, l'indium, le manganèse,
le nickel ou le zinc.