[0001] L'invention a pour objet un procédé de dépôt par projection thermique d'un revêtement
anti-usure sur une pièce mécanique et, plus particulièrement, une pièce de turbine
à gaz réalisée en titane ou en alliage de titane comme une aube de soufflante ou de
compresseur de turbomachine.
[0002] Les aubes de soufflante ou de compresseur sont un bon exemple de pièces sujettes
à l'usure lors du fonctionnement de la turbine. Ces aubes sont encastrées par leur
pied dans des rainures de forme adaptée, ménagées à la périphérie de disques mobiles
en rotation, ci-après dénommés disques de compresseur ou de soufflante.
[0003] Lors du fonctionnement du turboréacteur, les pieds d'aube se déplacent dans lesdites
rainures sous l'effet de la force centrifuge et des vibrations. La forme des pieds
d'aube est ajustée à celle des rainures pour permettre de tels déplacements relatifs.
Les surfaces des pieds d'aube qui viennent en appui contre le bord desdites rainures,
sous l'effet de la force centrifuge, subissent des contraintes de compression significatives
(qui sont généralement cycliques). Ces contraintes combinées au mouvement vibratoire
endommagent et usent lesdites surfaces. L'usure constatée est d'autant plus importante
que les pieds d'aube et les disques de la soufflante ou du compresseur sont réalisés
en titane ou en alliage de titane. En effet, le coefficient du frottement titane/titane
est assez élevé.
[0004] Pour protéger les pieds d'aube, il est connu d'utiliser des revêtements anti-usure
qui sont des alliages cuivre nickel (CuNi), les alliages cuivre aluminium (CuAI) ou
encore des alliages cuivre nickel indium (CuNiIn). On préfère généralement utiliser
ce dernier type d'alliage (CuNiIn) car il présente de meilleures caractéristiques
mécaniques à hautes températures.
[0005] Pour déposer ces alliages sur les pieds d'aube, on utilise habituellement une méthode
de projection thermique dite projection plasma. Cette méthode peut être mise en oeuvre
à l'aide d'un pistolet à plasma tel que celui décrit dans la demande
US 3,145,287. La projection plasma consiste à amener de la poudre d'alliage au niveau d'une torche
à plasma produisant un jet de gaz à très haute température : plus de 2 000°C. La vitesse
de projection des particules est, quant à elle, comprise entre 100 et 400 m/s.
[0006] La microstructure du revêtement déposé par projection plasma présente toutefois une
porosité et une oxydation très élevées, qui affectent les propriétés mécaniques du
revêtement. En outre, ce revêtement adhère mal sur le titane ou ses alliages. Ainsi,
dans la pratique, on constate un écaillage rapide du revêtement qui supporte mal les
contraintes auxquelles il est soumis lors du fonctionnement de la turbine.
[0007] On utilise également pour déposer des revêtements anti-usure, un second type de projection
thermique : la projection thermique de type dit HVOF pour « High Velocity Oxy Fuel
» qui consiste à mettre à profit la combustion d'oxygène et d'un gaz combustible tels
que le propane, le propylène, l'hydrogène, ou le méthylacétylène propadiène, pour
chauffer et propulser des grains de poudre d'alliage fondus à très grande vitesse.
Les températures atteintes avec ce procédé sont comprises entre 1500 et 2 000°C et
les vitesses de projection entre 300 et 700 m/s. Un exemple de dépôt d'alliage de
base nickel réalisé par projection HVOF est décrit dans la demande de brevet
US 5,518,683.
[0008] Bien que la durée de vie des dépôts obtenus avec un procédé HVOF est meilleure que
celle des dépôts réalisés par projection plasma, on constate néanmoins un écaillage
rapide du revêtement dans des conditions usuelles de fonctionnement de la turbomachine.
[0009] L'invention a pour but de proposer un nouveau procédé de dépôt permettant de déposer
des revêtements anti-usure plus résistants aux contraintes auxquelles ils sont soumis,
que les revêtements obtenus par les procédés existants.
[0010] Pour atteindre ce but, l'invention a pour objet un procédé de dépôt par projection
thermique d'un alliage de cuivre, de nickel et d'indium, en tant que revêtement anti-usure,
sur une pièce mécanique, caractérisé en ce qu'on dépose ledit revêtement par projection
thermique de type dit AC-HVAF, pour « Activated Combustion High Velocity Air Fuel
».
[0011] On dépose un revêtement en alliage de cuivre, de nickel et d'indium car ce type de
revêtement est mécaniquement très résistants à hautes températures.
[0012] La projection thermique de type dit AC-HVAF est une technique connue qui a pour principale
différence avec la projection HVOF pré-citée, l'utilisation d'un mélange d'air et
d'un gaz combustible comme le propane (au lieu d'un mélange d'oxygène et de gaz) que
l'on brûle pour chauffer et propulser une poudre d'alliage à très grande vitesse.
Avec la projection AC-HVAF, la vitesse de projection des particules d'alliage fusionnées
est sensiblement comprise entre 600 et 800 m/s et les températures atteintes varient
entre 800 et 1 500°C.
[0013] Les températures atteintes lors d'une projection de type AC-HVAF sont inférieures
à celles atteintes lors d'une projection de type HVOF ou plasma. On limite ainsi l'oxydation
des particules projetées.
[0014] En outre, les vitesses de projection susceptibles d'être obtenues avec le procédé
AC-HVAF sont supérieures aux vitesses obtenues par projection plasma ou HVOF. Ainsi,
le laps de temps entre le moment où les particules sont projetées et celui où elles
atteignent la pièce à revêtir, durant lequel les particules sont particulièrement
sensibles à l'oxydation, est diminué. Il en résulte, là encore, une diminution de
l'oxydation du revêtement.
[0015] De plus, l'énergie cinétique élevée des particules projetées sur la pièce à revêtir
permet, d'une part, un meilleur accrochage de ces particules sur cette pièce et, d'autre
part, d'obtenir un revêtement plus compact qui présente une porosité inférieure à
celle obtenue avec les procédés utilisés jusqu'à présent. En particulier, la structure
du revêtement obtenu est unitaire et non lamellaire.
[0016] La diminution de la porosité et de la quantité d'oxyde dans le revêtement se traduit
concrètement pas une diminution du nombre d'amorces de ruptures potentielles dans
la microstructure du revêtement. Il en résulte une meilleure résistance aux contraintes
mécaniques et plus particulièrement aux contraintes en compression auxquelles le revêtement
est soumis. Comme, en outre, le revêtement est plus compact et adhère mieux à la pièce
qu'il revêt, on constate pratiquement que les problèmes d'écaillage interviennent
moins rapidement lors du fonctionnement de la turbine à gaz, et que la durée de vie
du revêtement de l'invention est bien meilleure que celle des revêtements connus.
[0017] Enfin, la projection thermique AC-HVAF est par nature un procédé plus économique
que la projection plasma.
[0018] Avantageusement, ledit revêtement est en alliage de base cuivre.
[0019] Avantageusement encore, ledit revêtement est en alliage de base cuivre comprenant
de 30% à 42% de nickel, en masse, et de 2% à 8% d'indium, en masse.
[0020] Avantageusement encore, on peut utiliser pour ledit revêtement un alliage de base
cuivre comprenant de 34% à 38% de nickel, en masse, et de 4% à 6% d'indium, en masse.
[0021] Comme on l'a déjà souligné, les revêtements CuNiIn sont des revêtements intéressants
car ils sont mécaniquement très résistants à hautes températures.
[0022] Lors de ses recherches visant à améliorer la durée de vie des revêtements anti-usure
de ce type, la société demanderesse a constaté que les températures de fusion des
alliages CuNiIn étaient très inférieures aux températures atteintes lors d'une projection
plasma, et inférieures à celles atteintes lors d'une projection de type HVOF. Au contraire,
les températures atteintes lors d'une projection AC-HVAF se révèlent du même ordre
que les températures de fusion des alliages CuNiIn. Ainsi, on constate qu'en utilisant
le procédé AC-HVAF, il est possible de fondre un alliage CuNiIn en évitant toute oxydation
inutile, liée à des températures trop élevées. Le procédé AC-HVAF se révèle donc particulièrement
bien adapté au dépôt de revêtements CuNiIn.
[0023] Avantageusement, on dépose sur le revêtement anti-usure CuNiIn, après son dépôt,
une couche de vernis lubrifiant comprenant par exemple du disulfure de molybdène (MoS
2) et une résine organique. En effet, les revêtements CuNiIn présentent une rugosité
élevée et il est recommandé de le recouvrir d'une couche de vernis à faible coefficient
de frottement, pour favoriser le glissement et limiter l'usure. L'ensemble revêtement
CuNiIn et couche de lubrifiant, donne des résultats entièrement satisfaisants en terme
de protection de la pièce et de durée de vie du revêtement.
[0024] Bien que le seul exemple de pièce cité dans le présent mémoire soit une aube de compresseur
ou de soufflante de turbomachine, en titane, il est clair que le procédé de l'invention
peut être utilisé pour revêtir tout type de pièce, qu'elle soit ou non en titane ou
en l'un de ses alliages. Par exemple, le procédé peut être utilisé pour revêtir au
moins une pièce parmi deux pièces de turbine à gaz, quelles qu'elles soient, susceptibles
d'être en contact l'une avec l'autre.
[0025] L'invention et ses avantages seront mieux compris à la lecture de la description
détaillée qui suit, de modes de réalisation de l'invention, donnés à titre d'exemples
non limitatifs. La description fait référence aux figures annexées sur lesquelles
:
- la figure 1 est un graphique comparatif ;
- la figure 2 est une micrographie d'un revêtement CuNiIn déposé par projection AC-HVAF
conformément au procédé de l'invention ;
- la figure 3 est une micrographie d'un revêtement CuNiIn déposé par projection plasma
;
- la figure 4 schématise un dispositif permettant de simuler les contraintes exercées
sur un pied d'aube de soufflante en service ; et
- la figure 5 est un graphique représentant un cycle de variation de la force de traction
exercée sur un pied d'aube de soufflante en service, en fonction du temps.
[0026] Le graphique de la figure 1 représente en abscisse les vitesses de projection en
m/s et en ordonnée les températures de projection en °C obtenues avec différentes
méthodes de projection thermique. Sur ce graphique, sont tracés des domaines de températures
et de vitesses de projection, des projections plasma, HVOF et AC-HVAF. Par ailleurs,
le domaine des températures de fusion d'un alliage CuNiIn, est représenté.
[0027] On constate sur ce diagramme que, conformément à ce qui a été précédemment décrit,
les températures atteintes en projection AC-HVAF sont adaptées au domaine de fusion
d'un alliage CuNiIn utilisé selon l'invention, et permettent de faire fondre cet alliage
sans surchauffe inutile (surchauffe à éviter car elle favoriserait l'oxydation). Par
ailleurs, on constate que de plus grandes vitesses de projection peuvent être obtenues
par la projection AC-HVAF.
[0028] Nous allons maintenant décrire un exemple de mise en oeuvre du procédé selon l'invention,
selon lequel on a déposé un alliage CuNiIn sur une pièce en alliage de titane de type
TA6V. Les conditions opératoires étaient les suivantes :
- Dispositif utilisé :
torche AC-HVAF modèle SB-500 commercialisée par la société Uniquecoat Technologies.
- Poudre utilisée :
Composition : alliage CuNiIn comprenant 36% en masse de Ni, 5% en masse de In, et
un solde en Cu ;
Taille des particules : 11 à 45 microns ;
Chargement de la torche : 8kg/h ;
Gaz transporteur : azote.
- Paramètres de fonctionnement de la torche :
Gaz : propane ;
Pression de l'air : 85 psi ;
Pression 1, propane : 74 psi
Pression 2 (0) de propane : 38 psi ;
Pression du gaz transporteur : 41 psi ;
Distance : 150 à 165 mm ;
Taux de dépôt du revêtement : 45 microns par passage.
[0029] Informations concernant la pièce revêtue :
Préparation : sablage avec des particules d'oxyde d'aluminium de taille moyenne égale
à 300 microns ;
Température initiale : 29°C ;
Variation de température : 50 à 95°C.
[0030] L'épaisseur du revêtement déposé était de 165 microns mais des épaisseurs supérieures
auraient pu être obtenues sans difficulté particulière. La porosité du revêtement
mesurée était quant à elle inférieure à 1%.
[0031] La micrographie de la figure 2 a été réalisée sur un revêtement CuNiIn déposé par
AC-HVAF, conformément à l'invention, tandis que la micrographie de la figure 3 a été
réalisée sur un revêtement CuNiIn obtenu par projection plasma.
[0032] Les oxydes et les porosités apparaissent sous forme de tâches noires parmi la couche
de revêtement 2 déposée sur le substrat 1.
[0033] Il apparaît clairement que la présence d'oxydes et de porosités est moindre dans
le revêtement de la figure 2 que dans celui de la figure 3. Par ailleurs, on constate
que le revêtement de la figure 2 présente une microstructure compacte et unitaire
tandis que celle du revêtement de la figure 3 est lamellaire. Par conséquent le revêtement
déposé avec le procédé de l'invention est moins sujet au délaminage (et donc à l'écaillage)
que celui obtenu par projection plasma. Au final, la microstructure du revêtement
de la figure 2 est mécaniquement plus résistante.
[0034] Pour simuler les contraintes mécaniques auxquelles une aube de soufflante est soumise
en service, on a réalisé un dispositif semblable à celui de la figure 3 dans lequel
une pièce mécanique 10 qui remplace l'aube est montée au niveau de son pied 14 à l'intérieur
d'une rainure 15 définie entre deux montants 16a et 16b maintenus en position entre
deux mâchoires 18. L'assemblage ainsi réalisé est analogue à un assemblage à queue
d'aronde. Les montants 16a et 16b remplacent ici le disque de soufflante. Le pied
14 de la pièce 10 présente deux surfaces 14a et 14b en contact avec les montants 16a
et 16b. On a exercé une force de traction F cyclique sur la pièce 10. L'évolution
de la force F en fonction du temps est représentée figure 5.
[0035] Le comportement d'un revêtement CuNiIn déposé par projection AC-HVAF selon l'invention
a été testé pour 30 000 cycles de traction. Après 30 000 cycles, aucun écaillage et
aucune usure n'ont été constatés. Avec un revêtement CuNiIn déposé par projection
plasma, un écaillage apparaît entre 15 000 et 19 000 cycles.
[0036] Ce test illustre l'amélioration significative en terme de durée de vie de revêtement,
que l'invention permet d'obtenir.
1. Procédé de dépôt par projection thermique d'un alliage de cuivre, de nickel et d'indium,
en tant que revêtement anti-usure, sur une pièce mécanique, caractérisé en ce qu'on dépose ledit revêtement par projection thermique de type dit AC-HVAF.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit revêtement est en alliage de base cuivre.
3. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce que ledit revêtement est en alliage de base cuivre comprenant de 30% à 42% de nickel,
en masse, et de 2% à 8% d'indium, en masse.
4. Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce que ledit revêtement est en alliage de base cuivre comprenant de 34% à 38% de nickel,
en masse, et de 4% à 6% d'indium, en masse.
5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que ledit revêtement est en alliage de base cuivre comprend 36% de nickel, en masse,
et 5% d'indium, en masse.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que ladite pièce mécanique à revêtir est une pièce en titane ou en alliage de titane.
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'on dépose ledit revêtement sur au moins une pièce parmi deux pièces de turbine à gaz,
susceptibles d'être au contact l'une de l'autre.
8. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'on dépose ledit revêtement sur un pied d'aube de soufflante ou de compresseur d'une
turbomachine, et/ou le disque de la soufflante ou du compresseur dans lequel ledit
pied d'aube est encastré.