[0001] La présente invention concerne une méthode d'estimation de la richesse en carburant
de chaque cylindre d'un moteur à combustion interne à injection, à partir d'une mesure
de la richesse en aval du collecteur et d'un filtre non linéaire adaptatif.
[0002] La connaissance de la richesse, caractérisée par le rapport de la masse de carburant
sur la masse d'air, est importante pour tous les véhicules, qu'ils soient à motorisation
essence puisqu'elle conditionne une bonne combustion du mélange lorsqu'elle est proche
de 1, ou pour les véhicules à motorisation diesel pour lesquels l'intérêt de la connaissance
de la richesse est différent puisqu'ils fonctionnent à mélange pauvre (richesse inférieure
à 1). En particulier, les catalyseurs utilisant un piège à NOx perdent de leur efficacité
avec le temps. Afin de revenir à une efficacité optimale, la richesse doit être maintenue
proche de 1 pendant quelques secondes, pour revenir ensuite en fonctionnement normal
à un mélange pauvre. La dépollution par catalyse DeNOx nécessite donc un pilotage
précis de la richesse cylindre par cylindre.
[0003] Pour ce faire, une sonde, placée en sortie de la turbine (moteur turbocompressé)
et en amont du piège à NOx, donne une mesure de la richesse moyennée par le processus
d'échappement. Cette mesure, étant très filtrée et bruitée, est utilisée pour le contrôle
des masses injectées dans les cylindres lors des phases de richesse égale à 1, chaque
cylindre recevant alors la même masse de carburant.
[0004] Afin de contrôler d'une manière plus précise, et surtout individuelle, l'injection
des masses de carburant dans les cylindres, une reconstruction de la richesse dans
chaque cylindre est indispensable. L'implantation de sondes de richesse en sortie
de chaque cylindre n'étant pas envisageable sur véhicule étant donné leur prix de
revient, la mise en place d'un estimateur fonctionnant à partir des mesures d'une
seule sonde, permet avantageusement de connaître séparément les richesses de chaque
cylindre.
[0005] Un contrôle moteur pourra ainsi, à partir des richesses reconstruites, adapter les
masses de carburant injectées dans chacun des cylindres afin que les richesses soient
équilibrées dans tous les cylindres.
[0006] On connaît le document
FR-2834314 qui décrit la définition d'un modèle, puis son observation et son filtrage grâce
à un filtre de Kalman. Ce modèle ne contient aucune description physique du mélange
dans le collecteur, et ne tient pas compte des phénomènes très pulsatoires des débits.
[0007] L'estimation de la richesse dans les cylindres est uniquement conditionnée par les
coefficients d'une matrice, coefficients qui doivent être identifiés hors ligne grâce
à un algorithme d'optimisation. De plus, à chaque point de fonctionnement (régime/charge)
correspond un réglage différent de la matrice, donc une identification de ses paramètres.
Cet estimateur nécessite donc de mettre en place de lourds moyens d'essais (avec 5
sondes de richesse) d'acquisition, et s'avère peu robuste dans le cas d'un changement
de moteur.
[0008] La présente invention a pour objet de modéliser plus finement le processus d'échappement
afin, d'une part de se passer de l'étape d'identification, et d'autre part d'apporter
plus de robustesse au modèle d'estimation de richesse, et ceci pour tous les points
de fonctionnement du moteur. L'invention permet en outre d'effectuer une mesure tous
les 6°de rotation du vilebrequin et donc d'avoir une information haute fréquence de
la mesure de richesse, sans pour autant tomber dans le bruit de mesure.
[0009] Ainsi, la présente invention concerne une méthode pour estimer la richesse en carburant
dans chacun des cylindres d'un moteur à combustion interne comprenant un circuit d'échappement
de gaz comprenant au moins des cylindres reliés à un collecteur et un capteur de mesure
de la richesse (λ) en aval dudit collecteur. La méthode est caractérisée en ce qu'elle
comporte les étapes suivantes :
- on établit un modèle physique représentant en temps réel l'éjection des gaz dans chacun
desdits cylindres et leur parcours dans ledit circuit d'échappement jusqu'audit capteur;
- on définit une estimation de ladite richesse (λ) mesurée par ledit capteur à partir
d'au moins une variable dudit modèle ;
- on couple ledit modèle avec un estimateur non linéaire de type adaptatif dans lequel
on prend en compte ladite estimation de la mesure de richesse mesurée ;
- on réalise une estimation en temps réel de la valeur de la richesse dans chacun des
cylindres, à partir dudit estimateur non linéaire de type adaptatif.
[0010] On peut également évaluer un temps de retard dû au temps de transit des gaz et au
temps de réponse du capteur, en effectuant une perturbation test dans un cylindre
déterminé et en mesurant son effet au capteur.
[0011] Selon un mode de réalisation, le modèle physique peut comporter au moins les trois
types de variables suivants : la masse totale de gaz dans le collecteur d'échappement
(
MT), la masse d'air frais dans le collecteur d'échappement (
Mair) et les richesses dans chacun des cylindres (λ
i). Ce mode peut alors comporter au moins les deux types de données de sortie suivants
: la masse totale de gaz dans le collecteur d'échappement (
MT) et des débits massiques sortant desdits cylindres (
di).
[0012] La richesse (λ) mesurée peut être estimée en fonction de la masse totale de gaz dans
le collecteur d'échappement (
MT) et la masse d'air frais dans le collecteur d'échappement (
Mair).
[0013] L'estimation de la valeur de la richesse dans chacun des cylindres peut alors comporter
une correction en temps réel de l'estimation de la masse totale de gaz dans le collecteur
d'échappement (
MT), de l'estimation de la masse d'air frais dans le collecteur d'échappement (
Mair) et de l'estimation de la valeur de la richesse dans chacun des cylindres (λ
i).
[0014] Enfin, la méthode peut être appliquée à un contrôle moteur pour adapter les masses
de carburant injectées dans chacun des cylindres afin de régler la richesse dans tous
les cylindres.
[0015] La présente invention sera mieux comprise et ses avantages apparaîtront plus clairement
à la lecture de la description suivante d'un mode de réalisation, nullement limitatif,
illustré par les figures ci-après annexées, parmi lesquelles :
- la figure 1 présente schématiquement les éléments descriptifs du processus d'échappement
;
- les figures 2A et 2B illustrent les richesses de références

en fonction du temps (T) et les résultats de l'estimateur selon l'invention (̂λi) en fonction du temps (T), pour chacun des quatre cylindres ;
- la figure 3 illustre la structure de l'estimateur ;
- les figures 4A et 4B illustrent les richesses de références

en fonction du temps (T) et les résultats de l'estimateur avec prise en compte du
retard selon l'invention (̂λi) en fonction du temps (T), pour chacun des quatre cylindres.
[0016] Les intérêts d'une estimation de la richesse dans chacun des cylindres individuellement
sont nombreux par rapport à une estimation de la richesse moyenne de l'ensemble des
cylindres :
- gain sur le prix de revient si l'estimation est effectuée à partir d'une seule sonde
de richesse en sortie turbine ;
- réduction des émissions polluantes ;
- amélioration de l'agrément de conduite (régularisation du couple délivré) ;
- réduction de la consommation de carburant
- diagnostic du système d'injection (détection de la dérive d'un injecteur ou de la
défaillance du système d'injection).
Description du processus d'échappement:
[0017] Le processus d'échappement comprend le parcours des gaz entre la soupape d'échappement
jusqu'à l'air libre, en sortie du pot d'échappement. Le moteur de la présente mise
en oeuvre en exemple est un 4 cylindres de 2200 cm
3. Il est équipé d'un turbocompresseur à géométrie variable. Le schéma de la figure
1 présente les éléments descriptifs du processus d'échappement, dans la quelle :
- λ1 à λ4 représentent les richesses dans chacun des quatre cylindres ;
- SR représente la sonde de richesse ;
- CE correspond au collecteur d'échappement
- T correspond à la turbine du turbocompresseur ;
- DS1 à DS4 représentent les débits en sorties des cylindres.
[0018] La sonde de richesse (
SR) est située juste après la turbine (
T). Les gaz, après la combustion dans le cylindre, subissent les actions suivantes
:
- passage à travers la soupape d'échappement. Cette dernière étant commandée par un
arbre à came, la loi de levée est en forme de cloche. Les débits passeront d'une valeur
élevée, lors de l'ouverture de la soupape, à une valeur plus faible lorsque les pressions
cylindre et collecteur s'égaliseront, pour enfin ré-augmenter lorsque le piston commencera
à remonter pour éjecter les gaz d'échappement.
- passage dans une courte tubulure reliant le collecteur à la sortie de la culasse.
- phase de mélange dans le collecteur d'échappement (CE) où les débits (DS1 à DS4) des quatre cylindres se rejoignent. C'est ici que se produit le mélange des bouffées,
fonction du type de collecteur (symétrique ou asymétrique), de l'AOE (Avance Ouverture
Echappement) et du RFE (Retard Fermeture Echappement), qui détermineront la proportion
de recouvrements des débits.
- passage à travers la turbine qui fournit le couple nécessaire au compresseur, situé
en amont de l'admission. Bien que son action sur les débits soit peu connue, on peut
penser qu'elle va mélanger un peu plus encore les bouffées provenant des différents
cylindres.
- mesure par la sonde de type UEGO.
[0019] La composition des gaz d'échappement dépend des quantités de carburant et d'air introduites
dans la chambre de combustion, de la composition du carburant et du développement
de la combustion.
[0020] En pratique, la sonde de richesse mesure la concentration en O
2 à l'intérieur d'une chambre de diffusion, mise en relation avec la conduite d'échappement
par une barrière de diffusion fabriquée en matériaux poreux. Cette configuration pourra
induire des différences suivant l'emplacement de la sonde choisit, notamment à cause
des variations de températures et/ou de pressions à proximité de la sonde de richesse.
[0021] Ce phénomène de variation de richesse dépendant de la pression ou de la température
a cependant été négligé, puisque l'on s'intéresse à détecter des disparités de richesse
entre les cylindres, la valeur moyenne étant normalement conservée par l'estimateur.
[0022] Dans le modèle physique temps réel utilisé par l'estimateur selon l'invention, on
relie la richesse mesurée (λ) à la masse d'air (ou au débit d'air) se trouvant autour
de la sonde et à la masse totale (ou au débit total). Le modèle est basé sur une approche
trois gaz : air, carburant et gaz brûlés. Ainsi, on considère, qu'à mélange pauvre,
la totalité du gaz restant après combustion est un mélange d'air et de gaz brûlés.
Pour un mélange riche, le carburant étant en excès, on retrouve donc du carburant
imbrûlé et des gaz brûlés après combustion, tandis que tout l'air a disparu. En réalité,
la combustion n'est jamais à 100% complète, mais pour notre estimateur, la combustion
sera considérée comme complète.
[0023] On définit une formulation reliant la richesse aux masses des trois espèces citées.
Dans le cas d'un mélange pauvre : l'air est en excès, et il ne reste pas de carburant
après la combustion. Avant combustion, on suppose que sont présentes les masses suivantes
dans le cylindre, avec
Mair, la masse d'air,
Mcarb, la masse de carburant et
MgazB, la masse de gaz brûlés :

[0024] Sachant qu'il faut 14,7 fois plus d'air que de carburant pour être à la stoechiométrie,
on peut construire ce tableau indiquant les masses de chaque espèce avant et après
combustion :
| |
Masse d'air |
Masse de carburant |
Masse de gaz brûlés |
| Avant combustion |
x |
y |
0 |
| Après combustion |
x-14,7xy |
0 |
y+14,7xy |
[0025] La richesse λ représentant le rapport

on obtient après calculs la formulation suivante, uniquement valable si le mélange
est pauvre :

où PCO correspond au rapport

lorsque le mélange est stoechiométrique. PCO est le pouvoir calorifique du carburant.
[0026] Pour un mélange riche, la formule est la suivante :

[0027] Cependant, ces formules sont valables dans le cas où le mélange ne contient pas d'EGR,
puisque la présence de gaz brûlés à l'admission modifie les concentrations des trois
gaz à l'échappement.
[0028] Dans le présent mode de réalisation, seule la formule de richesse pour mélange pauvre
est utilisée dans l'estimateur, au niveau de l'intégration de la richesse dans l'équation
(7), en négligeant une très faible partie de l'air (<3%). Cependant, l'invention ne
se limite pas à ce mode, en effet, la formule est continue au voisinage d'une richesse
égale à 1, et son inversion ne pose pas de problème pour les mélanges riches.
[0029] Afin de mieux appréhender la manière dont se mélangent les gaz dans les conduites
d'échappement, un modèle de moteur diesel a été utilisé sous le logiciel AMESim de
la Société IMAGINE (France). Ce modèle, qui ne peut pas être inversé servira de référence
pour valider le modèle selon l'invention.
[0030] AMESim est un logiciel de modélisation 0D, particulièrement bien adapté aux phénomènes
thermiques et hydrauliques. Il permet notamment de modéliser des volumes, conduites
ou restriction.
[0031] Le modèle d'échappement comprend :
- les tubulures d'échappement représentées par un volume et un tube ;
- le collecteur d'échappement avec échanges thermiques ;
- la turbine et la vanne de by-pass ;
- un volume à la confluence des débits turbine et vanne ;
- un tube entre la turbine et la sonde de mesure ;
- un volume et un tube pour la ligne d'échappement.
[0032] Les blocs élémentaires de modélisation des tubulures, restrictions et volumes sont
décrits dans le manuel d'utilisation AMESim "Thermal Pneumatic Library". On utilise
les équations standards pour calculer un débit à travers une restriction et les conservations
d'énergie et de la masse. De plus, le modèle prend en compte les inerties des gaz,
ce qui est important pour étudier la dynamique de la composition des gaz.
[0033] Comme ce modèle est 0D, la dimension temps n'est pas prise en compte, et il n'est
pas possible de modéliser un temps de retard avec une approche physique. Si une variable
d'entrée est modifiée, la sortie est immédiatement changée. Le temps de transport
est ainsi négligé. Cette limitation est importante lorsque l'on essaye de travailler
sur des acquisitions en temps réel.
[0034] Selon l'invention, l'on définit un modèle physique temps réel unique pour modéliser
le système global, c'est-à-dire l'ensemble du parcours des gaz d'échappement, depuis
les cylindres jusqu'à l'échappement en aval de la turbine, en passant par le collecteur.
I- Définition d'un modèle physique temps réel
[0035] Dans le présent mode de réalisation, on considère que la variation de la température
est faible sur un cycle moteur, et que son action est limitée sur les variations de
débits. Ce sont en effet les variations de pressions qui sont primordiales dans le
processus, puisque directement reliées aux débits. On s'impose donc une température
fixe pour chaque élément : cylindres, collecteur et turbine. Les échanges de chaleur
ne sont donc pas non plus modélisés. Cette hypothèse de simplification se révèle sans
grande incidence.
[0036] Dans une première approche, deux gaz sont considérés: de l'air frais et des gaz brûlés.
Les équations classiques décrivent l'évolution de la masse totale des gaz dans les
volumes, et de la masse de l'air frais. Les gaz brûlés peuvent ensuite en être déduit.
Cette démarche est valable dans le cas d'un fonctionnement en mélange pauvre, mais
des équations similaires peuvent être écrites pour le carburant et les gaz brûlés,
dans le cas de mélange riche.
A) Modèle physique du collecteur d'échappement :
[0037] Le collecteur d'échappement est modélisé selon un volume dans lequel il y a conservation
de la masse. On suppose que la température est sensiblement constante, et déterminée
à partir d'abaque fonction de la charge et du régime moteur.
[0038] Selon l'invention, on a choisi de relier la richesse mesurée à la masse d'air se
trouvant autour de la sonde et à la masse totale. Ainsi, la conservation de la masse
totale dans le collecteur exprime le fait que la masse de gaz d'échappement dans le
collecteur est égal à la masse de gaz d'échappement entrante dans le collecteur (débit
de sortie des cylindres) diminuée de la masse sortante du collecteur. On suppose que
la composition du débit dans la turbine est la même qu'à la sortie du collecteur.
Ainsi la masse sortante du collecteur est égale au débit passant par la turbine. On
a ainsi la formule suivante pour la masse totale :

avec :
- Ne
- : Régime moteur
- α :
- Angle du vilebrequin
- MT
- : Masse totale dans le collecteur d'échappement
- di :
- Débit massique sortant du cylindre i
- dT :
- Débit total passant par la turbine
[0039] De même pour la conservation de la masse d'air, nous avons :

avec
- Ne :
- Régime moteur
- α :
- Angle du vilebrequin
- Mair :
- Masse d'air frais dans le collecteur d'échappement
- λi :
- Richesse dans chacun des cylindres
- di :
- Débit massique sortant du cylindre i
- dair :
- Débit d'air passant par la turbine
[0040] On décrit maintenant les modèles physiques permettant de déterminer le débit de sortie
des cylindres et les débits passant par la turbine.
Modèle permettant de déterminer le débit de sortie des cylindres : éjection des gaz
[0041] Le débit de sortie des gaz à la sortie des cylindres peut être modéliser grâce un
modèle physique décrivant le débit en sortie des soupapes d'échappement. Pour ce modèle,
d'éjection des gaz par les soupapes, on utilise trois variables :
- l'angle du vilebrequin (α);
- le débit aspiré par le cylindre dasp (variable estimée par le contrôle moteur en amont) ;
- la valeur moyenne de richesse mesurée par la sonde λ̅ sur un cycle.
[0042] Le débit sortant moyen est connu à partir du débit aspiré et du débit d'essence injectée.
La valeur instantanée du débit sortant, quant à elle, est basée sur un gabarit dépendant
du débit aspiré. Ce gabarit est un modèle physique (une courbe) reposant sur une loi
empirique permettant d'estimer un débit moyen pour un cylindre en fonction de l'angle
de vilebrequin à partir du régime moteur, de l'angle du vilebrequin, du débit aspiré
par le cylindre et de la valeur moyenne de richesse mesurée par la sonde sur un cycle.
Cette loi physique a pour seule contrainte de respecter le débit sortant moyen (aire
de la courbe) et de fournir une courbe rendant compte des deux phénomènes suivants
:
- l'équilibre de pression cylindre/échappement qui se traduit par un pic de débit en
fonction de l'angle du vilebrequin ;
- un débit qui se calque sur la section efficace de la soupape d'échappement qui se
traduit par un second pic de débit d'amplitude plus faible.
[0043] Ce gabarit (
d̅) fournit en sortie une allure (courbe) du débit massique en sortie des soupapes d'échappement
di, c'est-à-dire une estimation commune (
d̅) du débit pour tous les cylindres. Il est obtenu en corrélation avec les mesures
de banc moteur. En fonction du débit aspiré et de la richesse moyenne mesurée par
la sonde
λ̅, on effectue ensuite une homothétie du gabarit et l'on effectue un déphasage pour
chaque cylindre en fonction de l'angle de vilebrequin, pour déduire le débit de sortie
des gaz à la sortie de chaque cylindre :

avec :
- di(α) : le débit de sortie des gaz à la sortie du cylindre i ;
- d̅(α) : le gabarit, c'est-à-dire une estimation du débit en sortie des cylindres ;

- αi : l'angle de déphasage pour le cylindre i.
[0044] On peut observer schématiquement le déphasage de la courbe du gabarit sur la figure
1 (
DS1 à
DS4)
.
[0045] On décrit maintenant les modèles physiques permettant de déterminer le débit passant
par la turbine.
Modèle permettant de déterminer le débit passant par la turbine : modèle de la turbine
[0046] La turbine est modélisée selon un débit passant à travers une restriction du débit.
Le débit dans la turbine est généralement donné par cartographie (abaque) en fonction
du régime de la turbine et du rapport de pression amont/aval de la turbine.
[0047] Le débit passant par la turbine
dT est une fonction de la masse totale (
MT) dans le collecteur d'échappement, de la température dans le collecteur d'échappement,
du régime du turbocompresseur et de la géométrie du turbocompresseur. Les données
d'entrée de ce modèle sont donc :
- La masse totale de gaz d'échappement (MT) ;
- La masse d'air (Mair) ;
- Le régime moteur (Ne) ;
- Le régime de la turbine (du turbocompresseur).
[0048] Ce débit peut être estimé à partir d'une fonction concave de la masse totale
MT. Cette fonction est notée
p. Le débit dans la turbine s'écrit alors :
dT(
MT)
=MT.p(
MT).
[0049] La fonction
p est une fonction de type racine qui s'exprime en fonction d'une part du régime de
la turbine, et d'autre part en fonction du rapport entre la masse totale dans le collecteur
d'échappement (
MT) et la masse dans le collecteur dans les conditions atmosphériques (
M0). Ainsi la cartographie donne
p(
MT) en fonction du rapport

et du régime de la turbine (du turbocompresseur). La formule utilisée par cette cartographie
est :

où :
- f est une fonction polynomiale
- g est une constante
[0050] Les paramètres de la fonction f sont optimisés par corrélation avec la cartographie
de la turbine.
[0051] De plus la composition en air est supposée la même que dans le collecteur d'échappement.
Le débit d'air passant à travers la turbine est donc :

[0052] Ainsi, à l'aide des modèles physiques d'éjection des gaz et de la turbine, les équations
(1) et (2) s'écrivent :

[0053] Ce système d'équation (3) constitue le modèle physique du collecteur d'échappement.
Les données d'entrées de ce modèle sont :
- Ne :
- Régime moteur
- α :
- Angle du vilebrequin
- di:
- Débit massique sortant du cylindre i
- dT:
- Débit total passant par la turbine
- dair:
- Débit d'air passant par la turbine
- λi:
- Richesse dans chacun des cylindres
Et les inconnues du système sont :
- MT:
- Masse totale dans le collecteur d'échappement
- Mair:
- Masse d'air frais dans le collecteur d'échappement
[0054] La première équation contient une inconnue :
MT. La seconde en contient deux :
Mair et
λi. Ceci conduit aux hypothèses supplémentaires décrites ci-après.
B) Hypothèse sur les richesses sorties cylindre:
[0055] Pour compléter le modèle physique temps réel (RTM) du collecteur d'échappement, on
suppose que les richesses sorties cylindres sont constantes sur un point de fonctionnement,
on a donc :

En fait, le calcul s'effectuant en temps réel, l'on estime des constantes
λi.
C) Expression du modèle physique temps réel
[0056] Finalement, le modèle physique temps réel RTM peut se mettre sous la forme matricielle
suivante :

Les inconnues du modèle physique sont au final
MT, Mair et les
λi.
Les données de sorties du modèle physique sont
MT et
di.
D) Temps de retard de l'échappement:
[0057] Les temps de retard dus au transport du gaz dans les tubulures et les différents
volumes, ainsi que du temps « mort » de la sonde de mesure, n'est pas pris en compte
dans le modèle physique décrit ci-dessus (système d'équations 5). Cependant le modèle
a été construit de manière linéaire vis-à-vis de ce ces retards car on néglige le
transport dans les tubulures. Aussi, les retards peuvent être compilés en un seul
délai de retard pour l'ensemble du processus d'échappement, et le modèle physique
peut être inversé tel quel, l'influence du délai de retard pouvant être considéré
ultérieurement, comme explicité ci-après.
II- Estimateur de richesse :
[0058] Le modèle physique (5) décrit ci-dessus que la richesse en aval de la turbine (que
l'on considère identique à la richesse dans le collecteur) est exprimée comme une
fonction de la composition du débit de gaz à l'entrée du collecteur d'échappement.
[0059] Les données
mesurées sont :
- Richesse mesurée par la sonde: λ
[0060] Les autres données
connues du système sont :
- Régime moteur : Ne
- Angle du vilebrequin : α
- Régime de la turbine (du turbocompresseur)
- Débit aspiré par le cylindre
[0061] Les données
modélisées du système sont :
- Débit massique sortant du cylindre i : di
- Débit total passant par la turbine : dT
- Débit d'air passant par la turbine : dair
- Masse totale dans le collecteur d'échappement : MT
[0062] Les
inconnues sont donc :
- Richesses dans chacun des quatre cylindres : λi
- Masse d'air frais dans le collecteur d'échappement : Mair
[0063] Le modèle physique (5) est non linéaire, et il est impossible de résoudre un tel
système en temps réel. Il est donc nécessaire d'utiliser un estimateur, plutôt que
de chercher à calculer directement les inconnues du système. Le choix de l'estimateur
selon l'invention repose sur le fait que la structure du système est linéaire en fonction
des richesses dans les cylindres
λi (la variation de masse d'air est linéaire en fonction des
λi). Dans ce cadre, une technique particulièrement bien adaptée consiste à utiliser
un filtre adaptatif. Ainsi, pour estimer les inconnues à partir du modèle physique
RTM, la méthode selon l'invention propose de construire un estimateur basé sur un
filtre adaptatif. Cet estimateur permet, au final, une estimation de la richesse cylindre
à cylindre à partir de la mesure de richesse par le capteur situé derrière la turbine.
[0064] De façon générale les filtres adaptatifs sont des systèmes appliqués sur des données
bruitées pour obtenir une information utile à un certain instant t, ces systèmes étant
mis en oeuvre dans trois configurations :
- le filtrage, c'est-à-dire l'extraction de l'information utile au temps t à partir des données bruitées mesurées jusqu'au temps t inclus ;
- le lissage, qui utilisera aussi les données postérieures au temps t ;
- la prédiction, qui ne se sert que des données jusqu'au temps t-τ pour déduire l'information qui nous intéresse au temps t.
[0065] Dans notre cas, le but est de reconstruire, à partir des deux éléments considérés
comme des mesures
y1 =
MT et
y2 =
λ, les données suivantes :
- MT :
- Masse totale dans le collecteur d'échappement
- Mair :
- Masse d'air frais dans le collecteur d'échappement
- λi :
- Richesse dans chacun des cylindres
Les paramètres d'entrée, mesurés ou modélisés, de l'estimateur sont donc :
λ est mesuré par la sonde, et
MT est estimé à partir du modèle RTM (5).
[0066] En posant :
- M̂T :
- Estimateur de la masse totale dans le collecteur d'échappement
- M̂air:
- Estimateur de la masse d'air frais dans le collecteur d'échappement
- λ̂i :
- Estimateur de la richesse dans chacun des cylindres
l'estimateur s'écrit de la façon suivante :

En d'autres termes, il s'agît du modèle RTM (5) dans lequel on applique un terme correctif
pour chaque paramètre à estimer :
CMT, CMair, Cλi.
[0067] Le principe de l'estimateur est de faire converger le modèle physique (5), et par
conséquent les richesses
λi vers la réalité. En effet, le modèle (5) fournit en sortie
MT et
MAir, et l'on a par ailleurs les paramètres d'entrée Y. L'estimateur compare donc les valeurs
de sorties du modèle RTM avec les valeurs d'entrée, puis effectue les corrections
adéquates. Par exemple, les richesses
λi doivent s'adapter en fonction de l'erreur sur
M T et
λ : si l'erreur entre les valeurs d'entrée,
M T et
λ , et les valeurs estimées correspondantes,
M̂T et
λ̂ , est négative, alors il faut augmenter les valeurs estimées et réciproquement. C'est
pourquoi on écrit :

En appliquant le même principe pour les corrections de
MT et
Mair, on obtient :

où
L1,
L2,
Lλ sont des paramètres de réglages, permettant de contrôler la vitesse de convergence
de la solution aux trois inconnues. Ce sont des paramètres réels strictement positifs.
Ces paramètres sont réglés manuellement afin d'obtenir un bon compromis entre la vitesse
de convergence et la faible sensibilité au bruit de mesure.
Enfin, en utilisant l'équation de la richesse précédemment décrite, il est possible
d'estimer la richesse mesurée à partir de
MT et
Mair :

On en déduit :
Mair = (1
-λ)
MT
Et en utilisant les notations
y1 =MT et
y2 =
λ, l'estimateur du modèle physique RTM, basé sur le filtre adaptatif et sur l'estimation
de la richesse à partir de
MT et
Mair, s'écrit alors :

avec δ
T = 1
[0068] L'estimateur ainsi construit, permet de corriger en temps réel
MT, Mair et
λ, à partir d'une première valeur de
MT fournie par le modèle RTM et à partir de la mesure de richesse effectuée par la sonde.
[0069] On résout numériquement en temps réel le système (8), le calculateur faisant appel
à une discrétisation d'Euler explicite, bien connu de l'homme du métier.
Résultats en simulation : test de l'estimateur (8)
[0070] A partir des richesses individuelles connues, on estime par la modélisation de référence
AMESim une richesse au niveau de la sonde (
λ). Cette valeur de richesse (λ) est utilisée en entrée de l'estimateur. La dynamique
de la sonde n'a pas été prise en compte. On applique des déséquilibres d'injection
et on observe l'estimation cylindre à cylindre de la richesse (
λi) à partir de la mesure de richesse derrière la turbine (
λ).
[0071] Pour la simulation, on déséquilibre successivement les 4 cylindres en introduisant
80µs d'injection en plus sur le cylindre, puis on déséquilibre le cylindre 1 et 4
de la même façon. Les figures 2A et 2B montrent en bas les richesses de références

données par AmeSim en fonction du temps (T) et en haut les résultats de l'estimateur
(̂
λi) en fonction du temps (T). Les quatre courbes correspondent à chacun des quatre cylindres.
La performance de l'estimateur basé sur le filtre adaptatif est très bonne. On note
cependant une légère différence de phase, due à l'inertie du gaz qui n'est pas pris
en compte dans le présent modèle. On se propose donc de compléter le modèle et l'estimateur
par un estimateur du temps de retard à l'échappement.
Estimateur du temps de retard à l'échappement :
[0072] L'estimateur implémenté comme décrit plus haut, ne permet pas à la méthode d'estimation
de prendre en compte le temps de retard entre l'échappement cylindre et le signal
acquis par la sonde. Dans la réalité, le temps de retard provient de plusieurs sources
: temps de transport dans les tubulures et à travers les volumes, temps mort de la
sonde de mesure.
[0073] En appliquant un temps de retard D à l'entrée de l'estimateur sur les variables provenant
du modèle, on peut synchroniser l'estimateur avec les mesures de richesse. La structure
de l'estimateur avec retard est illustrée sur la figure 3, dans laquelle :
- Ne et α sont les données d'entrées du modèle RTM décrit par les équations (5) ;
- MMBO est le Modèle de Masse Boucle Ouverte (modèle RTM) ;
- D est le retard appliqué aux variables de sorties du modèle RTM (MMBO) ; ce retard est issu de l'équation (9) ;
- SR est la sonde de mesure de la richesse en aval de la turbine utilisée dans l'estimateur
via l'équation (7) ;
- ERFA est l'Estimateur de Richesse basé sur un Filtre Adaptatif et décrit par l'équation
(8) ;
- λi est la richesse du cylindre i estimée par l'ERFA.
[0074] Le temps de retard dépend des conditions de fonctionnement : vitesse du moteur, charge,
pression au collecteur d'échappement, etc. Comme le retard est difficile à modéliser,
on a développé une méthode d'identification, de manière à calculer en temps réel le
retard entre l'estimateur et les mesures sans appel à une instrumentation supplémentaire.
Le principe consiste à appliquer un petit échelon dans le voisinage du point d'injection
du cylindre 1, et à calculer les variations estimées de richesse pour chacun des cylindres.
Puis, un critère d'identification
Jk est construit de manière à pénaliser les variations des cylindres 2, 3, et 4.

avec :

: composition au pas k

: composition de référence
[0075] La pénalisation est donnée par
β. S'il y a une variation positive de la valeur de richesse estimée pour le cylindre
2, alors le temps de retard entre l'estimateur et les mesures est positif. S'il y
a une variation sur le cylindre 3, le retard est négatif et la pénalisation est négative.
Une variation du cylindre 4 peut être considérée comme une conséquence d'un retard
positif ou négatif. Le retard D appliqué aux variables de sorties du modèle RTM, est
un délai additif, il est calculé par moindre carré en minimisant
Jk.
[0076] Le critère
Jk est contrôlé à zéro par un contrôleur PI (Proportionnel Intégral) sur le retard de
l'estimateur. Quand le contrôleur est stabilisé, la variation de la richesse estimée
est maximale sur le cylindre 1, et minimale sur le cylindre 4. L'estimateur est alors
en phase avec les mesures.
Résultats :
[0077] Les figures 4A et 4B illustrent l'estimation de la richesse cylindre à cylindre par
l'estimateur décrit précédemment à 1500tr/min moyenne charge. Ces figures montrent
en haut les richesses de références

en fonction du temps (T) et en bas les résultats de l'estimateur (̂
λi) en fonction du temps (T). Les quatre courbes correspondent à chacun des quatre cylindres.
[0078] La présente invention concerne une méthode d'estimation comportant la construction
d'un estimateur, permettant, à partir de la mesure de richesse de la sonde (λ) et
de l'information de masse totale de gaz à l'intérieur du collecteur (
MT), d'estimer les richesses en sortie des quatre cylindres (λ
i). L'estimateur ainsi réalisé est performant, et surtout ne nécessite aucun réglage
supplémentaire dans le cas de changement du point de fonctionnement. Aucune phase
d'identification n'est nécessaire, seul un réglage des bruits de mesure et de modèle
doit être effectué, une seule et unique fois.
[0079] Pour rendre plus robuste l'estimation selon l'invention, quelles que soient les conditions
de fonctionnement, un contrôleur de temps de retard est mis en parallèle de l'estimateur,
permettant de recaler le temps de retard à la suite d'un échelon de temps d'injection
sur un cylindre. Ceci permet un calage optimal de l'estimateur, par exemple avant
une phase de richesse égale à 1.
[0080] L'invention permet en outre d'effectuer une mesure tous les 6° de rotation du vilebrequin
et donc d'avoir une information haute fréquence de la mesure de richesse, sans pour
autant tomber dans le bruit de mesure. De plus, la représentation haute fréquence
permet de tenir compte de l'effet pulsatoire du système. Le système modélisé est périodique
et permet d'obtenir un estimateur avec une meilleure dynamique : on anticipe la pulsation
de l'échappement.
[0081] Par ailleurs l'invention permet de réduire le temps de calcul d'un facteur 80 environ
par rapport aux méthodes antérieures.