[0001] La présente invention concerne l'utilisation de vecteurs viraux adéno-associés ou
vecteur AAV, pour délivrer à des cellules cibles, des séquences antisens dirigées
contre des sites d'épissage d'un gène codant une protéine à domaines dispensables,
ainsi que ses applications thérapeutiques, en particulier dans le traitement de la
maladie de Duchenne.
[0002] Ainsi, des séquences judicieusement choisies introduites dans un vecteur selon l'invention
sont capables de donner naissance à des transcrits produisant une protéine dystrophine
plus courte, mais fonctionnelle, corrigeant certaines formes de la maladie de Duchenne.
[0003] La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est une maladie génétique portée par le
chromosome X et qui touche environ 1 garçon sur 3 500. Elle se caractérise par l'absence
d'une protéine de 427 kiloDaltons, la dystrophine cytosquelettique, ce qui a pour
conséquence la mort des fibres musculaires, corrélée à une détérioration musculaire
sévère et progressive.
[0004] La dystrophine est une protéine modulaire présentant une région centrale composée
de 24 domaines répétés de type "spectrin-like". Des protéines dépourvues de certaines
de ces séquences répétées peuvent toutefois être parfaitement fonctionnelles ou du
moins seulement partiellement défectives, comme constaté dans les formes atténuées
(Becker) de DMD.
[0005] En revanche, la majorité des mutations graves du gène de la dystrophine consiste
en des délétions d'un ou plusieurs exons perturbant le cadre de lecture du messager
final ou bien des mutations ponctuelles, présentes dans les régions codantes ou exons,
qui introduisent des codons stops ou des décalages de la phase de lecture. Dans les
deux cas, ces mutations se traduisent par l'absence de dystrophine.
[0006] A titre d'illustration, un grand nombre de cas cliniques de la maladie de Duchenne
est lié à des délétions multi-exoniques (génotypes DMD sévères : Δ45-50; Δ47-50 ;
Δ48-50; Δ49-50 ; Δ50 ; Δ52) dont le cadre de lecture pourrait être rétabli par suppression
de l'exon 51 (génotypes BMD légers: Δ45-51 ; Δ47-51 ; Δ48-51 ; Δ49-51 ; Δ51-52).
[0007] Différentes stratégies et techniques ont été envisagées pour tenter de "réparer"
les gènes mutés de la dystrophine.
[0008] Le remplacement du gène de la dystrophine dans les fibres musculaires malades, ou
la compensation par des greffes de cellules saines des cellules nécrosées, a révélé
des difficultés considérables.
[0009] La troisième voie envisagée, actuellement la plus exploitée, consiste à tenter de
réparer l'ADN muté grâce à l'utilisation d'oligo-nucléotides antisens (ou AON) permettant
de sauter certains exons et de parvenir ainsi à l'expression d'une protéine tronquée
mais fonctionnellement efficace. Cette technique dite "saut d'exon" ou "exon skipping"
préconise l'utilisation d'oligo-nucléotides complémentaires à des séquences impliquées
dans l'épissage des exons à masquer.
[0010] Les études actuellement menées sur cette voie sont essentiellement réalisées sur
des souris
mdx atteintes de ladite maladie, en raison d'une mutation non-sens introduisant un codon
stop dans l'exon 23 du gène murin de la dystrophine.
[0011] La difficulté principale de cette technologie consiste à introduire d'une manière
stable et durable un oligo-nucléotide (AON) non dégradé dans les fibres musculaires
malades, en particulier
in vivo.
[0012] Dans un premier temps, il a été envisagé d'injecter directement lesdits oligonucléotides,
éventuellement en association avec un détergent synthétique, tel que l'agent F127.
Ainsi, des séquences avantageuses à administrer par cette voie pour masquer l'exon
19 ou 45 du gène humain de la dystrophine sont par exemple décrits dans les demandes
de brevet
EP 1 054 058 et
EP 1 191 098, respectivement. Cependant, au vu de la courte durée de vie de ces oligonucléotides
dans le muscle, ce mode de traitement nécessite des injections régulières, relativement
contraignantes.
[0013] Par ailleurs, il a été tenté d'introduire ces séquences dans des vecteurs pour les
véhiculer dans les cellules cibles. A ce jour, seuls des essais
in vitro ont été réalisés: les constructions utilisées sont basées sur l'utilisation de rétrovirus
et sont testées uniquement sur des cultures cellulaires. Les résultats rapportés se
sont avérés peu probants, ou du moins insuffisants pour envisager une transposition
in vivo.
[0014] Par exemple, le document
WO 02/24906 illustre l'utilisation de ces deux méthodes distinctes pour exclure l'exon 46 dans
des cellules humaines.
[0015] L'ensemble des travaux réalisés sur le transfert vectoriel des AON a principalement
révélé que :
i) la présence de petites séquences de type snRNA (small nuclear RNA) permet une meilleure
translocation au niveau du noyau des cellules cibles et une meilleure transcription
des séquences. Ainsi, le document WO 03/095647 préconise la sélection avantageuse des snRNA de type U2 et U3 ;
ii) la présence simultanée de deux séquences cibles impliquées dans l'épissage d'un
même exon améliore l'efficacité du saut dudit exon (1, 2).
[0016] Cependant, à cette heure, aucune solution pour réaliser du saut d'exons
in vivo, hormis l'injection d'oligo-nucléotides avec les inconvénients mentionnés ci-dessus,
n'a été proposée.
[0017] Pour la première fois, les inventeurs proposent une construction donnant des résultats
in vivo remarquables quant à la restauration de l'activité de la protéine dystrophine dans
le contexte de la maladie de Duchenne.
[0018] En outre, ces résultats obtenus sur la dystrophine peuvent être étendus à toute protéine
à domaines dispensables. Peuvent ainsi être concernés tous les gènes de nature multiexonique
codant une protéine à domaines dispensables dont la délétion (via le saut d'exons)
n'affecte pas ou peu l'activité de la protéine.
[0019] A cet effet, l'invention propose de construire un vecteur viral adéno-associé comprenant
:
- une séquence snRNA modifiée de type U7;
- le promoteur natif de U7 ;
- au moins une séquence antisens dirigée contre au moins un site d'épissage d'au moins
un exon, ledit exon codant un domaine dispensable de la dystrophine.
[0020] Dans la suite de la description, l'ensemble constitué par ces trois entités (séquence
snRNA / promoteur U7 / séquence(s) antisens) est appelé "cassette U7".
[0021] Parmi la multitude de vecteurs disponibles, le Demandeur a avantageusement sélectionné
un vecteur d'origine virale, à savoir un dérivé des virus adéno-associés ou AAV.
[0022] Parmi les 8 sérotypes identifiés, l'AAV utilisé dans le contexte particulier de la
DMD est préférentiellement un AAV1, c'est à dire qu'il est composé d'une capside du
sérotype 1. En effet, l'AAV1 s'avère transduire le plus efficacement les cellules
musculaires.
[0023] En revanche, les séquences d'origine virale, en particulier les ITR, associées au
transgène sont avantageusement issues de l'AAV2. Il en résulte que le vecteur viral
adéno-associé final est, selon un mode avantageux de réalisation, un pseudotype 2/1.
[0024] Ledit vecteur contient en outre une séquence snRNA modifiée. Les snRNA ou small nuclear
RNA sont des ARN de petite taille, présents dans le noyau des cellules et impliqués
dans certaines étapes de maturation des pré-ARNm. Ils sont appelés U1, U2 ... U10.
[0025] Parmi ces différents types de snRNA, celui de type U7 normalement impliqué dans la
maturation des ARN prémessagers codant les histones est préférentiellement utilisé
en tant que transporteur.
[0026] Le snRNA en question peut être aussi bien d'origine humaine que murine, dans la mesure
où ces petites séquences sont hautement conservées entre les différentes espèces.
Préférentiellement, le snRNA utilisé dans l'invention est celui de souris.
[0027] On entend par "snRNA modifié", un ARN dans lequel les séquences impliquées dans la
fonction initiale du snRNA sont inactivées. Ces séquences peuvent également être modifiées
de manière à augmenter le niveau d'expression dudit snRNA.
[0028] Par exemple, dans le cas de U7, la séquence du site de fixation de la "small nuclear
ribonucléoprotéine" (ou Sm protéine) est modifiée de manière à inactiver la maturation
des ARN prémessagers codant les histones et parallèlement à augmenter la concentration
nucléaire en U7snRNA. Par ailleurs, la séquence de 18 nucléotides complémentaires
au site 3' de maturation des ARN prémessagers codant les histones est remplacée par
les séquences antisens d'intérêt.
[0029] En pratique, ces modifications peuvent être introduites au moyen de la mutagénèse
dirigée par PCR.
[0030] Le gène snRNA ainsi modifié est ensuite cloné dans le vecteur AAV, préférentiellement
entre ses deux séquences ITR.
[0031] La présente invention pourrait également être réalisé avec des séquences U1 ou U2,
mais moyennant davantage de modifications et pour une efficacité moindre.
[0032] Un vecteur selon l'invention comporte également un promoteur permettant d'exprimer
les séquences antisens à un niveau suffisant pour assurer leur activité biologique
et thérapeutique. De nombreux promoteurs utilisables dans le contexte des AAV sont
connus de l'homme du métier. Cependant, selon un mode privilégié de réalisation, l'expression
des séquences antisens est placée sous le contrôle du promoteur natif du snRNA utilisé
dans la construction. Dans le cas où le U7 est préféré, c'est donc le promoteur de
U7 qui assure la transcription des séquences antisens.
[0033] Le vecteur selon l'invention comporte également au moins une séquence antisens dirigée
contre au moins un site d'épissage d'au moins un exon, c'est à dire capable d'interférer
avec l'épissage dudit exon. La séquence antisens est préférentiellement une séquence
complémentaire à au moins une séquence choisie dans le groupe suivant : site d'épissage
5' (donneur) ; site d'épissage 3' (accepteur) ; séquence intronique BP (Branching
Point) ; et éventuellement des régions internes riches en purine, plus spécifiquement
des ESE (Exon-internal Splicing Enhancer).
[0034] Avantageusement, pour assurer l'exclusion d'un même exon, deux séquences antisens
ayant des cibles distinctes, préférentiellement le site 5' donneur et la séquence
BP, sont introduites dans un même vecteur recombinant selon l'invention.
[0035] Il peut également être associé dans une même construction des séquences antisens
dirigées contre des sites d'épissage d'au moins deux exons distincts.
[0036] Alternativement, il est possible d'utiliser plusieurs constructions, chacune portant
une séquence antisens distincte, lesdites séquences étant dirigées contre un ou plusieurs
exons.
[0037] En pratique, lorsque plusieurs séquences antisens (dirigées contre le même exon ou
plusieurs exons distincts) sont associées, les différents cas de figure suivants peuvent
se présenter :
- les séquences antisens sont intégrées dans une même cassette U7, portée par un unique
vecteur AAV ; ou
- les séquences antisens sont intégrées dans différentes cassettes U7, portées par un
unique vecteur AAV ; ou
- les séquences antisens sont intégrées dans différentes cassettes U7, chacune portée
par un vecteur AAV.
[0038] Dans le cadre de l'invention, les séquences antisens sont spécifiques des différents
sites d'épissage des exons constituant le gène de la dystrophine, quelque soit son
origine.
[0039] Le gène murin de la dystrophine présente un intérêt évident puisque la souris constitue
un modèle animal expérimental de choix. Ainsi, une souris
mdx, portant une mutation dans l'exon 23 du gène murin de la dystrophine et produisant
une protéine tronquée inactive, présente les symptômes de la DMD. Dans ce contexte,
les séquences antisens sont donc dirigées contre les séquences impliquées dans l'épissage
de l'exon 23.
[0040] Plus particulièrement, un vecteur selon l'invention comporte une séquence SEQ ID
1 comprenant un gène U7snRNA modifié comme décrit ci-dessus et intégrant des séquences
antisens dirigées contre le site 5' donneur (SEQ ID 2) et la séquence BP (SEQ ID 3)
de l'exon 23 du gène murin de la dystrophine placées sous le contrôle du promoteur
U7, introduit entre les 2 séquences ITR du vecteur AAV.
[0041] De manière très intéressante, la fonctionnalité de tels vecteurs a été validée par
le Demandeur chez un animal de grande taille, à savoir le chien. En effet, il existe
des chiens naturellement myopathes en raison d'une mutation dans le site accepteur
d'épissage de l'intron 6 de sorte que la non-prise en compte de l'exon 7 dans l'ARNm
final annule le cadre de lecture, les exons 6 et 8 n'étant pas en phase. Le saut simultané
des exons 6 et 8 permet théoriquement de restaurer un cadre de lecture opérationnel,
l'ARNm final étant alors dépourvu des exons 6, 7 et 8. Ainsi, l'association de vecteurs
selon l'invention, comprenant les séquences antisens SEQ ID 27 et 28, dirigées contre
des régions ESE des exons 6 et 8, respectivement, s'est avérée efficace.
[0042] En vue de la thérapie humaine, les séquences antisens choisies sont dirigées contre
au moins un site d'épissage d'au moins un exon du gène humain de la dystrophine, dont
l'exclusion génère une protéine tronquée mais active.
[0043] Comme discuté précédemment, l'exon 51 du gène humain de la dystrophine, et plus particulièrement
les séquences impliquées dans son épissage, sont des cibles avantageuses dans le cadre
de l'invention. Ainsi, son exclusion du transcrit codant la dystrophine pourrait être
bénéfique dans le traitement d'environ 20% des cas cliniques génotypés de maladie
de Duchenne aujourd'hui répertoriés.
[0044] Ainsi, il a été montré par les inventeurs qu'une construction adaptée dans le cadre
de l'invention comprenait la séquence SEQ ID 4, associant deux séquences antisens
SEQ ID 5 et SEQ ID 6 dirigées contre des régions internes riches en purines de l'exon
51 du gène humain de la dystrophine, à la place des séquences SEQ ID 2 et 3 dans la
séquence SEQ ID 1.
[0045] D'autres séquences antisens humaines, utilisables dans le cadre de l'invention, sont
les suivantes :
- DA5' de séquence SEQ ID 7 dirigée contre le site 5' de l'exon 51 ;
- DA3' de séquence SEQ ID 8 dirigée contre le site 3' de l'exon 51 ;
- G5' de séquence SEQ ID 9 dirigée contre le site 5' de l'exon 51 ;
- GBP de séquence SEQ ID 10 dirigée contre le site BP de l'exon 51 ;
- ESE4, ESE16 et ESE28 de séquence SEQ ID 11, 12 et 13, respectivement, dirigées contre
des sites de type ESE de l'exon 51 ;
- Ex51AONlong1 de séquence SEQ ID 25 ;
- Ex51AONlong2 de séquence SEQ ID 26.
[0046] Ces séquences sont préférentiellement associées en tandem dans un vecteur selon l'invention.
Préférentiellement, DA5' (SEQ ID 7) et DA3' (SEQ ID 8) ou G5' (SEQ ID 9) et GBP (SEQ
ID 10) sont associées.
[0047] Les séquences SEQ ID 25 et SEQ ID 26 correspondent aux séquences SEQ ID 5 et SEQ
ID 6 plus longues. Elles sont préférentiellement associées. Etant donné leur grande
taille, chacune est avantageusement intégrée à une cassette U7, portée soit par le
même vecteur AAV, soit par deux vecteurs AAV distincts à utiliser en tandem.
[0048] De manière très intéressante, le Demandeur a montré dans la présente invention que
la nature de la séquence antisens pouvait jouer un rôle important dans l'efficacité
de la construction et que d'autre part, il était possible d'évaluer l'efficacité de
ces séquences par des expériences
in vitro réalisées sur des cellules musculaires cibles en transposant lesdites cassettes U7
dans un vecteur lentiviral.
[0049] Selon un autre aspect, l'invention concerne donc également un vecteur lentiviral
comprenant :
- une séquence snRNA modifiée de type U7 ;
- le promoteur natif de U7 ;
- au moins une séquence antisens choisie dans le groupe comprenant SEQ ID 2, SEQ ID
3, SEQ ID 27, SEQ ID 28 ; SEQ ID 5, SEQ ID 6, SEQ ID 7, SEQ ID 8, SEQ ID 9, SEQ ID
10, SEQ ID 11, SEQ ID 12, SEQ ID 13, SEQ ID 25, SEQ ID 26.
[0050] Le Demandeur a montré qu'un tel vecteur présente une efficacité dans le saut de l'exon
51 humain, bien supérieure à celle observée avec la construction de De Angelis
et al.
(1). Pour la première fois, il rapporte la production non équivoque de dystrophine
in vivo après injection de cellules de patient (delta 49-50) génétiquement modifiées à l'aide
d'un vecteur lentiviral selon l'invention dans des souris SCID-mdx.
[0051] Préférentiellement, le vecteur lentiviral remplaçant le vecteur viral adéno-associé
selon l'invention est un lentivirus SIN de dernière génération ("self inactivating").
Toutefois, tout vecteur lentiviral peut être utilisé pour insérer une "cassette U7".
La construction et la manipulation des vecteurs lentiviraux sont bien connues de l'homme
du métier.
[0052] Ces vecteurs lentiviraux présentent des applications complémentaires à celles des
AAV recombinants selon l'invention. Alors que ces derniers sont voués à être injectés
in situ dans les muscles cibles, les vecteurs lentiviraux permettent d'une part de tester
l'efficacité de séquences antisens potentielles
in vitro, directement dans les cellules musculaires différenciées issues du patient à traiter.
D'autre part, si ces vecteurs sont introduits dans des myoblastes, précurseurs musculaires,
voire des cellules souches, il est possible d'envisager la greffe
in situ de cellules transfectées.
[0053] Fait donc également partie de l'invention tout type de cellule transfectée par le
vecteur recombinant, et en particulier des cellules musculaires, en particulier de
type fibres musculaires (myotubes), précurseurs musculaires (myoblastes) ou toute
cellule capable de différenciation musculaire.
[0054] Un tissu musculaire ou un organisme non humain transfecté par ledit vecteur sont
également compris dans l'étendue de la protection recherchée. Parmi les organismes
non humains, les animaux - en particulier les souris - sont préférés.
[0055] La présente demande décrit pour la première fois un potentiel thérapeutique pour
les vecteurs revendiqués. La présente invention se rapporte donc également à des compostions
pharmaceutiques comprenant comme principe actif au moins un vecteur tel que défini
dans la présente demande, ainsi que l'utilisation de ce vecteur comme médicament.
En outre, comme mentionné ci-dessus à propos des vecteurs lentiviraux, des cellules
transfectées peuvent également avoir un potentiel thérapeutique dans le cadre de greffes.
[0056] Une composition pharmaceutique selon l'invention contient le vecteur ou les cellules
revendiqués, associés à un véhicule pharmaceutiquement acceptable et inerte.
[0057] Lorsque les vecteurs selon l'invention sont à injecter au niveau des muscles malades,
la composition pharmaceutique se présente préférentiellement sous forme liquide. La
concentration en vecteur, la quantité à injecter et la fréquence des injections sont
déterminées aisément par l'homme du métier.
[0058] Au vu des effets remarquables observés
in vivo sur la restauration de la dystrophine dans les fibres musculaires atteintes de DMD,
l'utilisation du vecteur ou des cellules selon l'invention pour la préparation d'un
médicament destiné au traitement de la maladie de Duchenne est également revendiquée.
[0059] Plus généralement, un vecteur selon l'invention peut être utilisé pour le traitement
de toute maladie associée au dysfonctionnement d'une protéine à domaines dispensables,
le saut d'au moins un exon codant un domaine dispensable rétablissant son fonctionnement.
[0060] Hormis le dysfonctionnement de la dystrophine associé à la maladie de Duchenne illustré
ici, certaines myopathies sont par exemple liées à un dysfonctionnement de la protéine
à domaines dispensables qu'est la dysferline et peuvent donc être traitées avec un
vecteur selon l'invention.
[0061] Dans leur emploi
in vivo, des vecteurs selon l'invention se sont avérés être stables, avoir une localisation
subcellulaire spécifique et produire des quantités thérapeutiquement actives et permanentes
d'antisens.
[0062] Plus généralement, la présente demande démontre le potentiel du système AAV-U7snRNA
comme outil pour l'inactivation ou la modification d'ARNm chez les animaux.
[0063] L'invention et les avantages qui en découlent ressortiront mieux des exemples de
réalisation suivants à l'appui des figures annexées.
Figure 1 :
- (A) Le diagramme du haut montre une illustration schématique de la structure de la dystrophine
intacte (427 kDa). Elle est composée de plusieurs domaines : un domaine de liaison
à l'actine (ABD) en N-terminal, un domaine central en bâtonnet constitué de 24 motifs
répétés "spectrine-like" (R) ainsi que 4 segments charnières (H) capables de conférer
de la flexibilité, et un domaine riche en cystéines (CR) qui fixe la β-dystroglycane
et d'autres membres du complexe associé à la dystrophine, à proximité de l'extrémité
C-terminale. Le diagramme du milieu représente l'ARNm de la dystrophine (environ 14
000 bases) constitué de 79 exons. Dans les souris mdx, le remplacement d'une cytosine par une thymidine dans l'exon 23 à la position 3185
de la séquence codante crée un codon STOP prématuré. Le diagramme du bas met en évidence
les séquence cibles au niveau de la séquence BP (branch point ; BP22 ; SEQ ID 3) en
amont de l'exon 23 et en aval du site donneur d'épissage (SD23 ; SEQ ID 2) pour forcer
la machinerie en charge de l'épissage à sauter l'exon muté tout en maintenant un cadre
de lecture ouvert.
- (B) Structure du vecteur AAV(U7-SD23/BP22). La cassette U7-SD23/BP22 est constituée du
promoteur U7 (position -267 à +1, boîte hachurée), la séquence U7 snRNA modifiée (boîte
grisée et séquence correspondante en dessous) et les séquences en aval de la position
116 (boîte ouverte). Cette cassette a été placée entre deux séquences inversées répétées
terminales (ITR) de AAV2 (SEQ ID 1).
Figure 2 :
- (A) Détection du snRNA modifié U7-SD23BP22 (a) et du snRNA U7 endogène (B) suite à l'injection
intramusculaire du vecteur AAV. Des échantillons d'ARN totaux ont été analysés à 0,
15 et 30 jours (colonnes 1, 2 et 3, respectivement) par RT-PCR. Les produits correspondants
de 60pb ont été visualisés sur gel d'agarose. Détection de l'ARNm de la dystrophine
avec le saut de l'exon 23. Des échantillons d'ARN totaux ont été analysés à 0, 15
et 30 jours par RT-PCR nichée, en utilisant des paires de primers dans l'exon 20 et
26. La bande de 901 pb qui correspond à l'ARNm sans saut (*) est la seule espèce détectée
au jour 0 (colonne 1), et est progressivement remplacée par un fragment de 688 pb
(**) qui correspond à l'ARNm ayant perdu l'exon 23.
- (B) Séquence en ADN de la bande de 688 pb après purification sur gel.
- (C) Immunodétection des protéines totales extraites des muscles jambiers antérieurs,
colorées avec des anticorps monoclonaux anti-dystrophine Dys1 (les flèches indiquent
la dystrophine entière de 427 kDa : colonne 1, mdx, non injectée ; colonne 2, mdx, 2 semaines après injection, colonne 3, mdx, 1 mois après injection; colonne 4, C57B16). Chaque colonne a été chargée avec une
quantité totale de protéine de 40 µg. Le même profil a été observé avec des anticorps
Dys2 (résultats non montrés).
Figure 3 : Restauration de la dystrophine dans des souris mdx après administration de AAV(U7-SD23/BP22). Coloration immunologique avec Dys2-Ab
de sections transversales entières du "hind limb anterior" compartiment (muscle jambier
antérieur = TA et extensor digitorum longus* = EDL) de (A) C57B16 normale, (B) mdx non traitées, (C-E) souris mdx après 2, 4 et 12 semaines après injection intramusculaire, et (F) mdx 4 semaines après libération vectorielle intra-artérielle. Echelles (A-D) : 0,5 mm
; (E-F) : 1 mm.
Figure 4 : Restauration du complexe protéique associé à la dystrophine dans des muscles mdx traités. Les colonnes de gauche, centrale et de droite montrent des sections du muscle
jambier antérieur de C57B16 normale, mdx non traitées et souris mdx après traitement, respectivement. Les sections ont été immunocolorées vis à vis de
la dystrophine (A,B,C), de l'α-sarcoglycane (D,E,F), la β-sarcoglycane (G,H,I) et la β-dystroglycane (J,K,L). Le même lot de fibres révertantes (*), présentant de la dystrophine ainsi que le
complexe protéique associé, est montré sur les séries de sections des souris non traitées.
Figure 5 : La restauration de la dystrophine dans des muscles mdx traités rétablit la susceptibilité normale au dommage induit par l'exercice. (A) enregitrements superposés de la tension produite par les muscles EDL de a) C57B16,
b) mdx non traitées et c) souris mdx après 45 jours de traitement, au cours de 5 contractions toniques avec extension
forcée. Les muscles isolés ont été soumis à des stimulations répétitives (125 Hz)
pendant 360 ms, à des intervalles de 3 min. Pendant les premières 160 ms, la tension
s'est développée isométriquement, puis une extension forcée correspondant à 10% de
la longueur L0 pour laquelle le muscle produit une force maximale a été imposée à une vitesse de
1 longueur de fibre par seconde. Après relaxation, le muscle est revenu à sa longueur
de repos. La chute de la force a été quantifiée par (F1-F5)/F1, avec F1 la force isométrique développée juste avant l'extension dans le premier tétanus,
et F5 celle de la cinquième. La chute de la force a atteint en moyenne 15% pour des muscles
C57B16 contre 65% chez mdx. Pour les mdx traités montrés en c), la réduction de la chute de la force a été de 17%, indiquant
une pleine réacquisition des propriétés mécaniques des fibres musculaires. (B et C) Détection au bleu d'Evans des fibres musculaires endommagées par l'exercice dans
les jambiers antérieurs des pattes non traitées (B) ou traitées (C) d'un seul animal
mdx, 60 jours après l'administration du traitement. Les fibres endommagées incorporent
le bleu d'Evans, dont la fluorescence est détectée dans le canal rouge. La dystrophine
a été colorée immunologiquement avec Ab-dys2 (vert).
Figure 6 :
- (A) Séquence de la région intron 5 - intron 8 chez le chien GMRD. La mutation responsable
du phénotype est identifiée.
- (B) Schéma de l'épissage de l'ARNm chez le chien GMRD.
- (C) Schéma de l'interruption de la phase de lecture à la fin de l'exon 6 aboutissant
à une dystrophine atrophiée.
Figure 7 :
- (A) Localisation des séquences cibles situées dans les séquences ESE de l'exon 6 (C6ESE2
; SEQ ID 27) et de l'exon 8 (C8ESE1 ; SEQ ID 28).
- (B) Schéma de l'épissage de l'ARNm chez le chien GMRD, après saut d'exons multiples réalisé
avec les séquences antisens C6ESE2 et C8ESE1.
- (C) Schéma de la séquence protéique de la dystrophine synthétisée après le saut d'exons
multiples.
Figure 8 : Restauration de la dystrophine dans des chiens GRMD adultes, obtenue 2 mois après
une injection intramusculaire unique d'une préparation contenant les vecteurs AAV(U7-ex6)
intégrant la séquence antisens SEQ ID 27 et AAV(U7-ex8) intégrant la séquence antisens
SEQ ID 28. Coloration immunologique avec Dys2-Ab de sections transversales entières.
Echelle 1 mm.
Figure 9 : Immunodétection des protéines totales extraites des muscles jambiers antérieurs,
colorées avec des anticorps monoclonaux anti-dystrophine Dys2 : colonne 1, dystrophine
humaine chez sujet sain ; colonne 2, dystrophine chez chien sain, colonne 3, chien
GRMD 2 mois après le traitement; colonne 4, chien GRMD non traité. Chaque colonne
a été chargée avec une quantité totale de protéine de 40 µg.
Figure 10 :
- (A) Localisation des séquences cibles permettant le saut de l'exon 51 dans le gène humain
de la dystrophine : la séquence antisens H51a a la séquence SEQ ID 6 et la séquence
antisens H51b a la séquence SEQ ID 5. Les séquences antisens AS et DS sont comme décrites
par DeAngelis (1).
- (B) Schéma de l'intégration de la cassette U7 dans le vecteur lentiviral.
- (C) Détection de l'ARNm de la dystrophine humaine avec le saut de l'exon 51. Les échantillons
d'ARN totaux ont été analysés par RT-PCR nichée. La flèche noire correspond à l'ARNm
sans saut (*), alors que la flèche blanche indique l'ARNm dépourvu de l'exon 51.
Figure 11 : Restauration de la dystrophine dans des souris SCID-mdx, obtenue 1 mois et demi après
l'injection dans les muscles tibialis antérieur de cellules souches delta 49-50 transduites
par le vecteur Lent(U7-H51ab) intégrant les séquence antisens SEQ ID 5 et 6. Coloration
immunologique avec Dys3.
A- ETUDE EXPERIMENTALE CHEZ LA SOURIS
I) MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. Construction
[0064] Le gène entier U7 snRNA (445 pb) a été obtenu par PCR sur l'ADN génomique de la souris
avec les oligonucléotides: 5'-TAACAACATAGGAGCTGTG-3' (SEQ ID 14) et 5'-CAGATACGCGTTTCCTAGGA-3'
(SEQ ID 15). Le domaine Sm (AATTTGTCTAG ; SEQ ID 16) a été optimisé en smOPT (AATTTTTGGAG
; SEQ ID 17), ainsi que décrit antérieurement
(3), et la région du U7 capable de s'apparier avec le pré-ARNm a été échangée avec une
séquence de 44 nucléotides complémentaires à la fois à la région couvrant la séquence
BP (branch point) en amont de l'exon 23 du gène de la dystrophine (BP22: 5'-AAATAGAAGTTCATTTACACTAAC-3'
; SEQ ID 3) et la région en aval du site donneur d'épissage (SD23: 5'-GGCCAAACCTCGGCTTACCT-3'
; SEQ ID 2). Le fragment résultant U7smOPT-SD23/BP22 a ensuite été inséré entre 2
séquences inversées répétées terminales de AAV2 (SEQ ID 1).
2. Vecteurs
[0065] Des vecteurs recombinants pseudotypés AAV2/1 ont été préparés dans des cellules 293,
comme déjà décrit
(4), en cotransfectant 3 plasmides: pAAV2 (U7smOPT-SD23/BP22) codant le génome rAAV2,
pXX6 arborant les fonctions "adenovirus helper" et pAAV1p1TRCO2 qui suppléent les
gènes
rep et
cap de AAV1. Les titres en vecteurs ont varié entre 10
12 et 10
13 génomes de vecteur (vg) ml
-1.
3. Animaux et méthodes de délivrance
[0066] Toutes les procédures animales ont été exécutées conformément au protocole approuvé
par l'institution et dans des conditions strictes de confinement biologique. Un premier
groupe de souris
mdx (âgées de 8 semaines) a reçu par injection 50µl PBS (tampon salin phosphate) contenant
10
12 (vg) AAV(U7-SD23/BP22) dans les muscles jambiers antérieurs des pattes postérieures
droites. Les muscles contre-latéraux ont été utilisés comme contrôles. Un second groupe
de souris
mdx du même âge ont été soumis à une perfusion intra-artérielle de 2x10
13 vecteurs à travers l'artère fémorale. Les souris ont été sacrifiées à des temps donnés,
les muscles ont été congelés dans de l'isopentane refroidi à l'azote liquide et stockés
à -80°C.
4. Histologie
[0067] Des coupes transversales (8 µm) en série, réalisées à intervalles de 200 µm sur la
longueur du muscle, ont été examinées pour la dystrophine (NCL-DYS2; anticorps monoclonaux
murins contre le domaine C-terminal; NovoCastra) et les protéines associées à la dystrophine
(β-dystroglycane, α et β-sarcoglycane; Novocastra) par détection immunologique, conformément
aux instructions du fabricant. Les anticorps monoclonaux ont été détectés à l'aide
d'anticorps biotinylés suivis par avidine-FITC (M.O.M Kit, Vector Laboratories). Les
coupes préparées on été analysées par microscopie confocale à laser (Leica). Les tissus
intermédiaires ont été collectés pour des analyses ultérieures de protéines et d'ARN.
5. Analyse par détection immunologique
[0068] Les sections des couches intermédiaires ont été collectées et extraites avec un tampon
de lyse contenant 4% SDS, 125 mM Tris-HCl pH 6.4, 4 M urée, 10% β-mercaptoéthanol,
10% glycérol, 0.001% bleu de bromophénol. Après séparation par centrifugation, le
contenu en protéines a été mesuré à l'aide du test Bio-Rad "Protein Assay". Les échantillons,
ajustés à 40 µg de protéines, ont été chargés sur des gels de polyacrylamide à 6%,
soumis à électrophorèse et transférés sur des membranes de nitrocellulose qui ont
été incubées avec soit NCL-DYS1 (anticorps monoclonaux murins contre la séquence répétée
R8 du domaine "spectrine-like" en bâtonnet de la dystrophine; NovoCastra) ou NCL-DYS2,
dilué au 1:100, suivi d'une incubation avec des anticorps secondaires de raifort conjugués
à la peroxydase (1:1000) et un système d'analyse "ECL Analysis System" (Amersham).
6. Analyse d'ARN
[0069] Les ARN totaux ont été isolés d'un pool des coupes intermédiaires en utilisant le
réactif TRIZOL (Life Technologies). Pour détecter U7 et U7smOPT-SD23/BP22, la transcription
inverse a tout d'abord été réalisée sur les ARN totaux avec de la Supercript II reverse
transcriptase en présence d'héxamères aléatoires (In vitrogen). Puis, les ADNc ont
été amplifiés grâce à la Taq polymérase (Promega) avec 5'-AAGTGTTACAGCTCTTTTAG-3'
(SEQ ID 18 localisée dans l'U7 sauvage) ou 5'-AAGGCCAAACCTCGGCTTAC-3' (SEQ ID 19 localisée
dans l'U7smOPT-SD23/BP22) et 5'-AGGGGTTTTCCGACCGAAG-3' (SEQ ID 20) pour 30 cycles
(94°C/30 s; 55°C/30 s; 72°C/30 s). Les produits de PCR ont été analysés sur des gels
d'agarose à 2%. Pour détecter l'ARNm de la dystrophine, de la RT-PCR nichée a été
réalisée avec 200 ng d'ARN totaux. La première réaction a eu lieu avec les primers
Ex20ext (SEQ ID 21 ; 5'CAGAATTCTGCCAATTGCTGAG-3') et Ex26ext (SEQ ID 22 ; 5'-TTCTTCAGCTTGTGTCATCC-3')
pendant 30 cycles (94°C/30 s; 55°C/1 min; 72°C/2 min). Puis 2 µl de la première réaction
ont été amplifiés pendant 23 cycles avec Ex20int (SEQ ID 23 ; 5'-CCCAGTCTACCACCCTATCAGAGC-3')
et Ex26int (SEQ ID 24 ; 5'-CCTGCCTTTAAGGCTTCCTT-3'). Les produits de PCR ont été analysés
sur des gels d'agarose à 2%, et des bandes spécifiques ont été purifiées pour analyse
de séquence.
7. Physiologie du muscle
[0070] Les muscles extensor digitorum longus (EDL) de souris contrôles ou traitées ont été
disséqués pour évaluer les propriétés contractiles/mécaniques. Les muscles isolés
ont été connectés d'un côté à un entraîneur électromagnétique et de l'autre côté à
un capteur de force, et ont été stimulés au moyen d'électrodes placées parallèlement
au muscle. Les contractions isométriques toniques et liées à une secousse brève (125
Hz; 360 ms, séparées par des temps de repos de 3 min) ont été étudiées à L
0 (la longueur à laquelle la force tonique isométrique maximale est observée). La tension
isométrique a été calculée en divisant la force par la surface estimée de la section
(cross-sectional area : CSA) du muscle. En supposant que les muscles ont une forme
cylindrique et une densité de 1,06 mg.mm
-3, la CSA correspond au poids humide du muscle divisé par sa longueur de fibres
(5). Les contractions excentriques induisent d'une manière caractéristique des dommages
musculaires corrélés à une rupture de membrane. Elles ont lieu lorsque un muscle contracté
au maximum est étiré de force, ce qui mène à une chute de force. Ici, les muscles
ont été allongés de 10% de la longueur L
0 pour laquelle le muscle produit une force maximale à une vitesse de 1 longueur de
fibre par seconde. Cinq contractions excentriques ont été appliquées à des intervalles
de 3 min. La chute cumulée de la force isométrique a été quantifiée comme décrit précédemment
(5).
II) RÉSULTATS
[0071] Un ARN de type U7 a été modifié afin d'y introduire des séquences antisens, aptes
à interférer avec le processus de maturation des ARN messagers (ARNm), dans le noyau.
La séquence du U7snRNA a été optimisée de manière à transporter des séquences antisens
dirigées contre les introns 22 et 23 du gène murin de la dystrophine. Les séquences
dans l'intron 22 ont été choisies de manière à entrer en compétition avec la fixation
du U2snRNA au niveau du site d'épissage BP (Branching Point) (BP22 ; SEQ ID 3), et
des séquences dans l'intron 23 correspondant au site de fixation de U1 au niveau du
site donneur (SD23 ; SEQ ID 2) (Figure 1). Ces séquences ont été utilisées dans une
stratégie de double cible, comme préconisé par Brun
et al. (2).
[0072] Le gène U7 modifié, comprenant à la fois le promoteur et les éléments 3', a été placé
dans une construction basée sur AAV-2, qui a été introduite dans la capside AAV-1
pour obtenir une haute efficacité du transfert de gènes dans les muscles squelettiques.
Des souris
mdx adultes (âgées de 8 semaines) ont reçu en injection dans le muscle jambier antérieur
une dose unique de 10
10 génomes de vecteur et ont été analysées à différents temps, entre 2 et 16 semaines.
L'analyse moléculaire du saut de l'exon 23 a été réalisée par RT-PCR nichée sur les
ARN totaux préparés à partir des muscles ayant reçu l'injection. Un transcrit plus
court, en l'occurrence dépourvu de l'exon 23, a été détecté. Il représentait de 5
à 10% du matériel amplifié, 2 semaines après injection et devenait l'espèce majoritaire
après un mois (Figures 2B et 2C). Cette lente accumulation des transcrits ayant subi
le saut d'exon n'a pas résulté de l'expression progressive du transgène pendant les
premières semaines suivant le transfert de gènes médié par AAV, puisque les niveaux
du U7 modifié, mesurés à 2 et 4 semaines, se sont avérés équivalents et représentaient
5 fois le niveau du U7snRNA endogène (Figure 2A). Plutôt, cela suggère une disponibilité
limitée du pré-ARNm et une rotation lente de l'ARNm maturé de la dystrophine dans
les fibres musculaires.
[0073] En accord avec la génération de transcrits ayant subi le saut d'exon, la protéine
dystrophine a été détectée à la fois par immunodétection dans des extraits musculaires
mais aussi par immunofluorescence sur des sections tissulaires (Figure 3). Les niveaux
de dystrophine reflétaient ceux des ARNm produits (de 0,5% à 30% du niveau normal
à 2 et 4 semaines, respectivement). Le saut d'exon a généré des espèces protéiques
immunoréactives de la taille attendue, sans évidence de la présence de multiples produits
de dégradation. Il est à noter que la différence en poids moléculaire entre la protéine
sauvage et tronquée ne peut pas être résolue sur le gel montré. Virtuellement, toutes
les fibres du muscle ayant reçu l'injection ont été détectées positivement à partir
de 4 semaines après l'injection et la protéine était typiquement localisée à la périphérie
des fibres. Des coupes histologiques des muscles traités ont montré distinctement
la disparition du phénotype dystrophique, avec des fibres qui ont retrouvé leur forme
polygonale normale et l'absence de cellules inflammatoires.
[0074] Un groupe d'animaux
mdx a reçu le vecteur AAV-U7 par perfusion intra-artérielle à haute pression dans la
patte inférieure. Cela a abouti, après un mois, à la restauration efficace de la dystrophine
dans la plupart des fibres, dans tous les muscles de la patte perfusée, dont TA et
EDL (Figure 3F). En plus de la dystrophine, les protéines associées incluant l'α-sarcoglycane,
la β-sarcoglycane et la β-dystroglycane ont été détectées à la périphérie des fibres
des animaux traités (Figure 4). Cela a confirmé que le produit de l'ARNm ayant subi
le saut d'exon contient un domaine C-terminal de fixation de la dystroglycane qui
est essentiel à la fonction d'ancrage à la membrane de la dystrophine.
[0075] La susceptibilité aux dommages induits par l'exercice a été évaluée chez les animaux
traités en mesurant la résistance aux contractions toniques suivies d'une élongation
forcée. Pour cette expérience, les souris ont reçu une dose unique de AAV-U7 dans
le muscle EDL et ont été analysées après 45 jours. Alors que les muscles des animaux
mdx étaient incapables de supporter des élongations répétées, les muscles traités exprimant
une dystrophine rétablie dans plus de 70% de leurs fibres présentaient des performances
essentiellement équivalentes aux muscles normaux avec une chute de force de 17% suivant
5 stimuli, comparé à 15% pour les sauvages (Figure 5A). Les dommages induits par l'exercice
ont aussi été évalués en soumettant les souris
mdx injectées dans le muscle jambier antérieur à une course de grande envergure, suivie
d'une injection au Bleu d'Evans, un colorant imperméable aux cellules. Les lésions
musculaires, mises en évidence par l'entrée du colorant dans les fibres, étaient significatives
dans le muscle traité (Figure 5B) et absentes dans le muscle non traité contre-latéral
du même animal (Figure 5C).
B- ETUDE IN VIVO CHEZ LE CHIEN
[0076] Les résultats obtenus chez la souris ont pu être transposés à un animal de grande
taille, à savoir le chien GRMD. Le chien GRMD présente une mutation ponctuelle dans
le site accepteur d'épissage de l'intron 6 (AG transformé en GG ; Fig. 6A), interdisant
l'inclusion de l'exon 7 dans l'ARNm de la dystrophine (Fig. 6B). L'ARNm ainsi formé
(delta exon 7) présente un décalage du cadre de lecture lié au déphasage des exons
6 et 8 (Fig. 6B et C).
[0077] Deux ARN de type U7 ont été modifiés afin d'y introduire des séquences antisens,
aptes à interférer avec la machinerie d'épissage au voisinage des exons 6 et 8 (Fig.
7A), de sorte que les exons 6, 7 et 8 ne soient pas pris en compte dans l'ARNm final
(multi-skipping ; Fig. 7B). Cet ARNm, dont le cadre de lecture est restauré, permet
la production d'une protéine légèrement tronquée dans le domaine ABD (Fig. 7C), mais
théoriquement parfaitement fonctionnelle.
[0078] L'efficacité des vecteurs AAV(U7-ex6) intégrant la séquence antisens SEQ ID 27 et
AAV(U7-ex8) intégrant la séquence antisens SEQ ID 28 a été testée
in vivo par injection loco-régionale chez des sujets GRMD adultes. La figure 8 illustre le
niveau de dystrophine obtenu 2 mois après une injection intramusculaire unique d'une
préparation de 500 µl contenant un mélange des deux vecteurs (∼10
11 particules virales). Cette dystrophine est également détectable par Western-blot
(figure 9). Comme chez la souris, le complexe de protéines associées à la dystrophine
est également restauré suggérant indirectement le bon fonctionnement de la « quasi-dystrophine
» induite par saut multi-exon.
C- ETUDE IN VITRO CHEZ L'HOMME
[0079] Nous avons développé une approche permettant de combiner les approches de thérapie
cellulaire et de saut d'exon dans des populations de cellules capables de participer
à la régénération musculaire
in vivo. Pour cela, nous avons développé des vecteurs lentiviraux véhiculant des cassettes
U7 susceptibles d'induire des sauts thérapeutiques (modèles murin, canin et humain).
[0080] A titre d'exemple, nous présentons ci-dessous la restauration de dystrophine dans
des cellules d'un patient DMD présentant une délétion des exons 49-50.
[0081] Différents vecteurs Lenti(U7ex51 humains) ont été générés, l'un d'entre eux portant
les séquences précédemment décrites par DeAngelis (1) (Fig. 10A et B). Nos résultats
montrent dans des conditions de transduction, de culture et d'analyse identiques que
les séquences cibles précédemment publiée (U7-ASDS) ne fonctionnent que très modestement
et ne permettent pas la restitution d'un niveau de dystrophine compatible avec un
rationnel thérapeutique (Fig. 10C). En revanche, le vecteur (U7-H51ab), intégrant
les séquences antisens SEQ ID 5 et SEQ ID 6, se révèle extrêmement efficace et autorise
la modification quasi complète des ARNm dystrophine qui sont ici tous débarrassés
de l'exon 51 ciblé par le vecteur (Fig. 10C).
[0082] Des cellules souches AC133+ circulantes (20 x 10
4) fraîchement prélevées chez un patient DMD (delta 49-50) ont été transduites par
le vecteur Lent(U7-H51ab) intégrant les séquences antisens SEQ ID 5 et SEQ ID 6, et
rapidement réinjectées dans les muscles tibialis antérieur de souris SCID-mdx dans
le dessein de faire la preuve de la possibilité d'un saut d'exon thérapeutique
in vivo à partir de cellules de patients DMD.
[0083] L'analyse histologique, après un mois et demi, démontre de façon conclusive la restauration
de dystrophine humaine (révélation par anticorps DYS3 ne croisant pas avec la dystrophine
murine) dans de nombreuses fibres musculaires vraisemblablement chimères homme/souris
(Fig. 11).
BIBLIOGRAPHIE
[0084]
- 1) De Angelis FG, Sthandier O, Berarducci B, Toso S, Galluzzi G, Ricci E, Cossu G, Bozzoni
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of exon 51 of the dystrophin pre-mRNA induce exon skipping and restoration of a dystrophin
synthesis in Delta 48-50 DMD cells", PNAS U.S.A. 2002 Jul 9;9(14):9456-61.
- 2) Brun C, Suter D, Pauli C, Dunant P, Lochmuller H, Burgunder JM, Schumperli D, Weis
J, "U7 snRNAs induce correction of mutated dystrophin pre-mRNA by exon skipping",
Cell Mol Life Sci. 2003 Mar;60(3):557-66.
- 3) Gorman L, Suter D, Emerick V, Schumperli D, Kole R, "Stable alteration of pre-mRNA
splicing patterns by modified U7 small nuclear RNAs", PNAS U.S.A. 1998; 95:4929-34.
- 4) Snyder RO et al., "Efficient and stable adeno-associated virus-mediated transduction
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- 5) Fougerousse F, Gonin P, Durand M, Richard I, Raymackers JM, "Force impairment in calpain
3-deficient mice is not correlated with mechanical disruption ", Muscle Nerve 2003;
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