[0001] La présente invention concerne un dispositif comportant un chargement énergétique
à déconfinement contrôlé. Elle concerne aussi une munition équipée d'un tel chargement.
Elle s'applique notamment pour la sécurisation de munition par déconfinement de la
charge explosive.
[0002] Notamment dans le domaine militaire, de graves accidents dus à des charges explosives
sont survenus sur des bateaux, dans des entrepôts, sur des terrains opérationnels,
en temps de guerre comme en temps de paix. Certains de ces accidents ont entraîné
de lourdes pertes humaines et matérielles.
[0003] Des accidents qui à l'origine auraient pu par leur nature rester sans réelles conséquences
ont pris des proportions phénoménales en raison de la présence, dans un environnement
proche, d'armements qui ont réagi violemment allant jusqu'à la détonation nominale
de leurs chargements. Ces armements ont réagi ainsi car ils étaient alors agressés
d'une manière ou d'une autre.
[0004] Il est alors apparu le besoin de disposer d'armements sécurisés ne réagissant nominalement
qu'à la demande. Dans toutes les autres situations d'agression que peuvent subir ces
armements, ils ne doivent alors réagir que modérément sans entraîner de pertes humaines
et matérielles.
[0005] Les autorités concernées à travers le monde ont donc élaboré un référentiel permettant
de classer les différents armements selon leur niveau de sécurisation atteint. Un
tel référentiel peut notamment définir un certain nombre d'épreuves auxquelles seront
soumis les armements et leurs niveaux de réaction admissible en environnement accidentel.
Ces épreuves sont représentatives des agressions que peuvent voir les armements au
cours de leur vie opérationnelle.
[0006] Pour atteindre les objectifs de sécurisation exigés, plusieurs axes de recherche
ont été explorés. Des évolutions sont apparues au niveau de la nature même des chargements
énergétiques rendus moins sensibles par l'utilisation de liants polymères, du polybutadiène
par exemple, ou par l'adjonction de molécules flegmatisantes. Des travaux ont également
été menés sur l'architecture même des armements. A ce jour, il s'avère que pour répondre
au mieux aux objectifs fixés, la combinaison des ces solutions est nécessaire.
[0007] Parmi les épreuves permettant de tester le comportement des munitions face à certaines
agressions, celle correspondant à un échauffement lent de la munition est très contraignante.
Un cas réel d'échauffement lent peut être celui d'une charge placée dans une soute
à proximité d'un incendie.
[0008] Un but de l'invention est notamment de permettre de minimiser la réaction d'une munition
soumise à cette agression.
[0009] A cet effet, l'invention a pour objet un dispositif comportant un chargement énergétique
confiné dans une enveloppe, caractérisé en ce que le chargement se dilatant lors d'un
changement de phase à une température inférieure à sa température de décomposition,
l'enveloppe comporte au moins deux parties reliées par une liaison mécanique adaptée
pour se rompre sous l'effet de la pression interne de l'enveloppe provoquée lors d'un
changement de phase du chargement.
[0010] Le changement de phase du chargement est par exemple une fusion.
[0011] Avantageusement, les deux parties s'écartent l'une de l'autre après rupture de la
liaison puis conservent par exemple un écart constant provocant une ouverture de l'enveloppe.
[0012] Dans un mode de réalisation particulier, le chargement comporte du trinitrotoluène.
[0013] Les deux parties sont par exemple assemblées au moyen de goupilles.
[0014] L'invention concerne également une munition équipée d'un dispositif tel que décrit
précédemment.
[0015] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à l'aide de la
description qui suit faite en regard de dessins annexés qui représentent :
- la figure 1, un exemple de munition à chargement énergétique ;
- la figure 2, un exemple de réalisation d'un dispositif selon l'invention ;
- les figures 3a et 3b, un exemple de liaison mécanique utilisée dans un dispositif
selon l'invention ; et
- la figure 4, un autre exemple de réalisation d'un dispositif selon l'invention.
[0016] La figure 1 illustre, par une coupe transversale, un premier exemple de munition
comportant un confinement d'un chargement explosif. Il s'agit d'une charge à génération
de noyau, de réalisation classique. Cette charge comporte principalement un dispositif
de mise à feu 1, le chargement explosif 2, un moyen 3 pour conformer une onde de choc,
un revêtement 4 et une enveloppe de confinement 5. Le revêtement de forme concave
ferme l'enveloppe 5 de forme cylindrique pour confiner le chargement explosif 2. Lors
de l'explosion du chargement, le revêtement 4 est projeté pour se transformer en un
projectile 6 destiné à impacter ou à pénétrer une cible.
[0017] Pour qu'un chargement explosif détone sous l'effet d'un échauffement, plusieurs conditions
doivent être réunies dont celle du confinement de l'explosif. En supprimant l'une
de ces conditions, la détonation devient plus difficile à se réaliser mais pas impossible.
Si le chargement n'est plus confiné, la probabilité pour que celui-ci détone suite
à une agression thermique devient très faible, le risque devenant alors celui d'une
combustion classique.
[0018] Les dispositifs de déconfinement sont apparus comme une solution intéressante pour
atteindre les objectifs de sécurisation, notamment pour l'épreuve d'échauffement lent.
Deux facteurs sont utilisés pour déclencher le déconfinement, l'élévation de température
ou l'élévation de pression.
[0019] Les dispositifs axés sur l'élévation de température incluent un élément de liaison
mécanique perdant ses caractéristiques mécaniques à partir d'une certaine température,
généralement de l'ordre de 120° C. Au-delà de cette température, la rupture de la
liaison, sous l'effet d'un faible effort, permet le déconfinement du chargement énergétique
d'une munition. La température de dégradation de l'élément de liaison mécanique est
choisie suffisamment éloignée de la température de décomposition du chargement.
[0020] Les dispositifs de déconfinement axés sur l'élévation de pression incluent une liaison
mécanique fragilisée, qui sous l'effet d'une pression interne, se rompt. Cela permet
alors un déconfinement du chargement énergétique de la munition. Cette surpression
est obtenue en tout début de décomposition du chargement énergétique avant que celui-ci
ne transite en régime détonant. Ces dispositifs sont plus critiques puisque leur fonctionnement
requiert le début de décomposition du chargement énergétique. Potentiellement, ils
génèrent des projections plus importantes qui devront être piégées par un moyen annexe,
par exemple un emballage.
[0021] La figure 2 présente un autre exemple de générateur pouvant être incorporé dans une
munition. Ce générateur 21, présenté selon une coupe transversale, comporte une charge
énergétique 2 confinée à l'intérieur d'une enveloppe métallique 22.
[0022] L'enveloppe 22 est par exemple formée d'au moins deux parties 221, 222 reliées entre
elles par une liaison mécanique 25 pouvant se rompre. A cet effet, cette liaison mécanique
25 est par exemple réalisée par des goupilles reliant rendant solidaire mécaniquement
les deux parties 221, 222. La deuxième partie 222 forme par exemple le culot du générateur.
Une fusée 24 est par exemple fixée à l'avant de ces deux parties 221, 222.
[0023] Un déconfinement selon l'invention utilise avantageusement le changement de phase
de matériau formant la charge énergétique 2, ce changement de phase faisant suite
à une élévation de température.
[0024] Le principe de fonctionnement de l'invention peut être décrit en considérant comme
charge explosive le TNT, trinitrotoluène ou tolite. Le TNT est un explosif de chargement
de munitions. La température de fusion du TNT est de l'ordre de 80° C, sa température
de décomposition est de l'ordre de 290 °C.
[0025] A l'état solide, le TNT coulé à une masse volumique apparente voisine de 1,59 g/cm
3. A l'état liquide, elle n'est que de 1,46 g/cm
3. Cet écart représente une augmentation de volume de 9% lors du passage de l'état
solide à l'état liquide. Un déconfinement selon l'invention est basé sur ce type d'écart
volumique résultant de ce changement de phase.
[0026] A titre d'exemple, une munition de calibre 120 mm de type par exemple de celle représentée
sur la figure 2 peut présenter un volume disponible pour le chargement d'environ 2,7
dm
3. Lorsque la température au coeur du chargement est supérieure à la température de
fusion du TNT, c'est-à-dire supérieure à 80° C, le volume nécessaire pour contenir
tout le chargement à l'état liquide devrait être alors de l'ordre de 2,7 x 1,59/1,46
= 2,94 dm
3. Cela entraîne alors une augmentation de 0,24 dm
3 de volume. Cet écart de volume important et surtout non disponible dans la munition
entraîne une élévation de pression énorme pouvant potentiellement atteindre plusieurs
centaines de bars. Dans l'exemple de réalisation de la figure 2, le cisaillement des
goupilles de fixation du culot 222 permet de limiter cette élévation à quelques dizaines
de bars. Cette pression hydraulique, due au TNT liquide, associée au montage spécifique
du culot 222 conduit à un déconfinement maîtrisé sans aucune projection puisque le
culot ne recule alors dans ce cas que de quelques centimètres. Ce déconfinement est
par ailleurs important. Le TNT liquide peut alors se répandre dans un emballage prévu
à cet effet, dans lequel est stockée la munition. Si la température continue à augmenter
le TNT peut s'auto-enflammer et adopter un régime de combustion normal sans aucun
risque de transition en détonation.
[0027] Les figures 3a et 3b illustrent un exemple de réalisation de la liaison mécanique
entre les deux parties 221, 222 de l'enveloppe métallique 22.
[0028] La figure 3a représente la liaison avant rupture des goupilles 31 maintenant les
deux parties en position fermée. Les deux parties ayant au moins chacune une saillie
32, 33, la deuxième partie 222, par exemple le culot, est emmanchée en rotation dans
la première partie de sorte que les deux saillies soient en vis-à-vis.
[0029] La figure 3b représente l'enveloppe en position ouverte, après déconfinement contrôlé
par rupture des goupilles 31. Les deux parties 221, 222 sont écartées de quelques
dizaines de centimètres ouvrant ainsi l'enveloppe. Les deux parties sont maintenues
dans cette position d'ouverture, écartées, du fait au moins de la saillie 32 de la
première partie 221 qui retient le culot 222 par contact avec la saillie 33 de ce
dernier.
[0030] D'autres modes de réalisation de liaisons mécaniques sont bien sûr possible. Il est
par exemple possible de n'utiliser que des goupilles et ne pas produire un écartement
contrôlé.
[0031] La figure 4 illustre un exemple de système 41 de liaison à goupilles 42. La partie
arrière 222 et fixée à la partie avant 221 au moyen de goupilles 42. A cet effet,
la partie arrière 222 est emboîtée dans la partie avant 221, les goupilles 42 traversant
les parois ainsi emboîtées pour les maintenir fixées.
[0032] Dans un autre mode de réalisation, les parties 221 et 222 forment un seul et même
bloc. Dans ce cas la rupture de lien peut se faire par exemple à l'avant, entre ce
bloc 221, 222 et une partie 44 fixée par filetage 43, par exemple une fusée. Le filetage
43 est alors prévu pour rompre sous l'effet de l'élévation de pression interne provoquée
lors d'un changement de phase du chargement 2.
[0033] L'invention a été décrite pour une munition du type de la figure 2 ou de la figure
4, mais elle peut aussi s'appliquer à d'autres munitions, d'autres engins équipés
d'un chargement explosif, par exemple du type de celle de la figure 1. L'invention
a aussi été décrite pour un chargement à base de TNT, mais elle peut s'appliquer à
d'autres charges énergétiques à changement de phase. De préférence sa température
de fusion est très éloignée de sa température de décomposition, cet éloignement faisant
office de marge de sécurité du dispositif. Le coefficient de dilation induit par le
changement de phase est suffisamment important pour engendrer des contraintes importantes
au niveau de la structure de la munition permettant notamment de conduire à une ouverture
maîtrisée et prédéterminée par conception de la munition, comme illustré par exemple
par les figures 3a et 3b.
1. Dispositif comportant un chargement énergétique (2) confiné dans une enveloppe (22),
caractérisé en ce que le chargement se dilatant lors d'un changement de phase à une température inférieure
à sa température de décomposition, l'enveloppe comporte au moins deux parties (221,
222) reliées par une liaison mécanique (25, 31, 32, 33, 43) adaptée pour se rompre
sous l'effet de l'élévation de la pression interne de l'enveloppe provoquée lors d'un
changement de phase du chargement (2).
2. Dispositif selon la revendication 1, caractérisé en ce que le changement de phase du chargement (2) est une fusion.
3. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que le chargement (2) comporte du trinitrotoluène (TNT).
4. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que les deux parties sont assemblées au moyen de goupilles (31, 42) formant la liaison
mécanique.
5. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que les deux parties (221, 222) s'écartent l'une de l'autre après rupture de la liaison
puis conservent un écart constant provocant une ouverture de l'enveloppe.
6. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'une partie (222) forme le culot de l'enveloppe.
7. Dispositif selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'une partie forme un bloc unique (221, 222), l'autre partie (44) étant fixée par filetage
(43) à ce bloc, le filetage (43) formant la liaison mécanique.
8. Munition équipée d'un dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes.