[0001] La présente invention se rapporte à un ressort de barillet pour mécanisme entraîné
par un ressort moteur, notamment pour pièce d'horlogerie, formé d'un matériau en verre
métallique.
[0002] On a déjà proposé dans le
EP 0 942 337 une montre comprenant un ressort moteur en métal amorphe. En réalité, seule une lame,
formée d'un stratifié comprenant des rubans d'épaisseurs allant jusqu'à 50µm en métal
amorphe assemblés avec de la résine époxy, est décrite dans ce document. En variante,
un assemblage de lames par soudage par points des deux extrémités et du point d'inflexion
de la forme libre du ressort a été proposé.
[0003] Le problème majeur d'une telle lame est le risque élevé de délaminage du stratifié
lors de sa mise en forme et suite aux armages et aux désarmages répétés auquel un
tel ressort est soumis. Ce risque est d'autant plus accentué que la résine vieillit
mal et perd ses propriétés.
[0004] Cette solution ne permet pas de garantir la fonctionnalité et le comportement en
fatigue du ressort. En outre, la modélisation de la forme théorique du ressort proposée
ne prend pas en compte le comportement d'un matériau stratifié.
[0005] La raison du choix d'utiliser plusieurs lames minces assemblées est due à la difficulté
d'obtenir des lames en verre métallique plus épaisses, alors que l'on connaissait
des procédés de fabrication de rubans d'une dizaine à une trentaine de microns par
trempe rapide, développés dans les années 1970 pour des rubans amorphes utilisés pour
leurs propriétés magnétiques.
[0006] Il est évident qu'une telle solution ne permet pas de répondre aux exigences de couple,
de fiabilité et d'autonomie qu'un ressort de barillet doit satisfaire.
[0007] Quant aux ressorts traditionnels en alliage Nivaflex
® notamment, la bande initiale d'alliage est formée en un ressort de barillet en deux
étapes:
- La bande est enroulée sur elle-même pour former une spirale serrée (déformation élastique)
et ensuite traitée dans un four pour fixer cette forme. Ce traitement thermique est
également essentiel pour les propriétés mécaniques car il permet d'augmenter la limite
élastique du matériau, par une modification de sa structure cristalline (durcissement
structurel par précipitation);
- le ressort en forme de spirale est estrapadé, donc déformé plastiquement à froid pour
prendre sa forme définitive. Ceci permet aussi d'augmenter le niveau de contrainte
à disposition.
[0008] Les propriétés mécaniques de l'alliage et la forme finale sont le résultat de la
combinaison de ces deux étapes. Un traitement thermique unique ne permettrait pas
d'obtenir les propriétés mécaniques souhaitées pour les alliages traditionnels.
[0009] Le fixage d'alliages métalliques cristallins implique une durée de traitement relativement
longue (plusieurs heures) à une température assez élevée pour induire la modification
recherchée de la structure cristalline.
[0010] Dans le cas des verres métalliques, les propriétés mécaniques du matériau sont intrinsèquement
liées à sa structure amorphe et sont obtenues immédiatement après solidification,
contrairement aux propriétés mécaniques des ressorts traditionnels en alliage Nivaflex
® qui sont obtenues par une suite de traitements thermiques à des étapes différentes
de leur procédé de fabrication. Par conséquent, et contrairement à l'alliage Nivaflex
®, un durcissement ultérieur par traitement thermique n'est pas nécessaire.
[0011] Traditionnellement, seul l'estrapadage permet de donner au ressort une forme optimale
qui permet une contrainte maximale de la bande sur toute sa longueur une fois le ressort
armé. Au contraire, pour un ressort en verre métallique, la forme optimale finale
est uniquement fixée par un seul traitement thermique, tandis que les hautes propriétés
mécaniques sont uniquement liées à la structure amorphe. Les propriétés mécaniques
des verres métalliques ne sont pas changées par le traitement thermique ou par la
déformation plastique, car les mécanismes sont totalement différents de ceux rencontrés
dans un matériau cristallin.
[0012] Le but de la présente invention est de remédier, au moins en partie, aux inconvénients
susmentionnés.
[0013] A cet effet, la présente invention a pour objet un ressort de barillet pour mécanisme
entraîné par un ressort moteur selon la revendication 1.
[0014] Le fait de réaliser un ressort de barillet en un ruban monolithique en verre métallique
permet de tirer tous les avantages de cette classe de matériaux, en particulier de
son aptitude à stocker une grande densité d'énergie élastique et à la restituer avec
un couple remarquablement constant. Les valeurs de la contrainte maximale et du module
de Young de ces matériaux permettent en effet d'augmenter le ratio σ
2/E par rapport aux alliages traditionnels, tel le Nivaflex
®.
[0015] Les dessins annexés illustrent, schématiquement et à titre d'exemple, une forme d'exécution
du ressort de barillet objet de l'invention.
La figure 1 est une vue en plan du ressort armé dans le barillet;
la figure 2 est une vue en plan du ressort désarmé dans le barillet;
la figure 3 est une vue en plan du ressort dans son état libre;
la figure 4 est un diagramme armage-désarmage d'un ressort de barillet en verre métallique.
[0016] Dans l'exemple exposé ci-dessous, les rubans destinés à former les ressorts de barillet
sont réalisés par la technique de la trempe sur roue (ou Planar Flow Casting) qui
est une technique de production de rubans métalliques par refroidissement rapide.
Un jet de métal en fusion est propulsé sur une roue froide qui tourne à grande vitesse.
La vitesse de la roue, la largeur de la fente d'injection, la pression d'injection
sont autant de paramètres qui vont définir la largeur et l'épaisseur du ruban produit.
D'autres techniques de réalisation de rubans peuvent également être utilisées, comme
par exemple le Twin Roll Casting.
[0017] L'alliage utilisé est Ni
53Nb
20Zr
8Ti
10Co
6Cu
3 dans cet exemple. De 10 à 20g d'alliage sont placés dans une buse de distribution
chauffée entre 1050 et 1150°C. La largeur de fente de la buse se situe entre 0,2 et
0,8mm. La distance entre la buse et la roue est entre 0,1 et 0,3mm. La roue sur laquelle
l'alliage en fusion est déposé est une roue en alliage de cuivre et entraînée à une
vitesse de 5 à 20m/s. La pression exercée pour faire sortir l'alliage en fusion à
travers la buse se situe entre 10 et 50kPa.
[0018] Seule une bonne combinaison de ces paramètres a permis de former des rubans d'une
épaisseur supérieure à 50µm, typiquement de >50 à 150µm et d'une longueur de plus
d'un mètre.
[0019] Pour un ruban soumis en flexion pure le moment élastique maximal est donné par la
relation suivante:
- e :
- Epaisseur du ruban [mm]
- h :
- Hauteur du ruban [mm]
- σmax :
- Contrainte maximale en flexion [N/mm2]
[0020] Le ressort de barillet libère son énergie lorsqu'il passe de l'état armé à l'état
désarmé. Le but est de calculer la forme que le ressort doit avoir dans son état libre
afin que chaque tronçon soit soumis au moment de flexion maximum dans son état armé.
Les figures 1 à 3 ci-dessous décrivent respectivement les trois configurations du
ressort de barillet à savoir armé, désarmé et libre.
[0021] Pour les calculs, le ressort dans son état armé (voir figure 1) est considéré comme
une spirale d'Archimède avec les spires serrées les unes contre les autres.
[0022] Dans ce cas un point quelconque sur l'abscisse curviligne peut être écrit par :
- rn:
- Rayon à l'état armé du nième tour [mm]
- rbonde:
- Rayon de la bonde du barillet [mm]
- n :
- Nb de tours d'armage
- e :
- Epaisseur du ruban [mm]
[0023] De plus la longueur de l'abscisse curviligne de chaque tour est donnée par :
- Ln :
- Longueur de l'abscisse curviligne du nième tour [mm]
- rn :
- Rayon à l'état armé du nième tour [mm]
- θ :
- Angle parcouru [rad]. Dans le cas d'un tour θ=2π
[0024] La forme du ressort dans son état libre est calculée en tenant compte des différences
de rayons de courbure afin que le ressort soit contraint au σ
max sur toute la longueur.
- Rayon à l'état libre du nième tour [mm]
- Mmax :
- Moment max [N mm]
- E :
- Module de Young [N/mm2]
- I:
- Moment d'inertie [mm4]
[0025] Par conséquent, pour calculer la forme théorique du ressort à l'état libre il nous
suffit de calculer les éléments suivants :
- 1. Calculer le rayon à l'état armé du nième tour par la relation (2) avec n=1,2, ....
- 2. Calculer la longueur de l'abscisse curviligne du nième tour par la relation (3).
- 3. Calculer le rayon à l'état libre du nième tour par la relation (4).
- 4. Pour finir calculer l'angle du segment du nième tour par la relation (3) mais en
remplaçant rn par

et en conservant la longueur de segment Ln calculée au point 2.
[0026] Avec ces paramètres, il est maintenant possible de construire le ressort à l'état
libre de manière à ce que chaque élément du ressort soit contraint au σ
max (figure 3).
[0027] Le ruban de verre métallique est obtenu par solidification rapide du métal liquide
sur une roue en cuivre ou alliage à haute conductivité thermique tournant à grande
vitesse. Une vitesse de refroidissement critique minimale est requise pour vitrifier
le métal liquide. Si le refroidissement est trop lent, le métal se solidifie par cristallisation
et perd ses propriétés mécaniques. Il est important, pour une épaisseur donnée, de
garantir le taux de refroidissement maximum. Plus celui-ci sera élevé, moins les atomes
auront le temps de relaxer et plus la concentration de volume libre sera importante.
La ductilité du ruban est alors améliorée.
[0028] La déformation plastique des verres métalliques, en-dessous d'environ 0.7 x la température
de transition vitreuse T
g [K], se fait de manière hétérogène par l'intermédiaire de l'initiation puis de la
propagation de bandes de glissement. Les volumes libres agissent comme sites de germination
des bandes de glissement et plus leur nombre est élevé, moins la déformation est localisée
et plus la déformation avant rupture est importante.
[0029] L'étape de Planar Flow Casting est donc déterminante pour les propriétés mécaniques
et thermodynamiques du ruban.
[0030] Entre la température de transition vitreuse T
g-100K et T
g, la viscosité diminue fortement avec la température, soit environ un ordre de grandeur
par élévation de 10K. La viscosité à T
g est généralement égale à 10
12 Pa·s, indépendamment de l'alliage considéré. Il est alors possible de modeler le
corps visqueux, en l'occurrence le ruban, pour lui donner sa forme désirée, puis la
refroidir pour figer durablement la forme.
[0031] Aux environs de T
g, l'activation thermique va permettre la diffusion des volumes libres et des atomes
au sein de la matière. Les atomes vont localement former des domaines plus denses,
proche d'une structure cristalline aux dépens des volumes libres, qui vont être annihilés.
Ce phénomène est appelé relaxation. La diminution du volume libre s'accompagne d'une
augmentation du module de Young et d'une diminution de la ductilité ultérieure.
[0032] A plus hautes températures (au-dessus de T
g), le phénomène de relaxation peut s'apparenter à un recuit. Par l'agitation thermique,
la diffusion des atomes est facilitée : la relaxation est ainsi accélérée et provoque
une fragilisation drastique du verre par annihilation du volume libre. Si le temps
de traitement est trop long, le matériau amorphe va cristalliser et perdre ainsi ses
propriétés exceptionnelles.
[0033] La mise en forme à chaud est donc un équilibre entre une relaxation suffisante pour
retenir la forme voulue et une diminution aussi faible que possible de la ductilité.
[0034] Pour y arriver, il faut chauffer et refroidir le plus rapidement possible, et maintenir
le ruban à la température voulue durant un temps bien maîtrisé.
[0035] L'alliage utilisé Ni
53Nb
20Zr
8Ti
10CO
6Cu
3 a été sélectionné pour son excellent compromis entre la résistance mécanique (3 GPa)
et sa faculté à vitrifier (diamètre critique de 3mm et ΔT (=T
g-T
x) de 50°C, T
x désignant la température de cristallisation). Son module élastique est de 130 GPa,
mesuré en traction et flexion.
[0036] Propriétés mécaniques :
Résistance maximale σmax= 3000 MPa
Déformation élastique εmax= 0.02
Module élastique E = 130 GPa
Propriétés thermodynamiques :
Transition vitreuse Tg = 593°C
Température de cristallisation Tx = 624°C
Température de fusion Tm = 992°C
[0037] Les rubans produits par la technique du Planar Flow Casting (PFC) ont une largeur
de plusieurs millimètres et une épaisseur supérieure à 50µm, typiquement comprise
entre >50 et 150µm. Selon un mode de réalisation, on a usiné, par la technique d'électroérosion
au fil, des rubans à la largeur et longueur typique d'un ressort de barillet. Un meulage
des flancs a été effectué, après quoi on a procédé à la mise en forme du ressort,
à partir de la forme théorique telle que calculée précédemment. Selon un autre mode
de réalisation, le ruban produit a directement la largeur désirée.
[0038] Pour procéder à la mise en forme, on utilise un posage du type de ceux utilisés généralement,
sur lequel on enroule le ressort pour lui donner sa forme libre, déterminée par la
forme théorique telle que calculée précédemment, en tenant compte d'une variation
entre la forme imposée par le posage et la forme libre réellement obtenue. Il a en
effet été constaté que les courbures (étant définies comme l'inverse du rayon de courbure)
du ressort à l'état libre après mise en forme étaient diminuées par rapport aux courbures
de la forme du posage. Les courbures du posage doivent donc être augmentées d'autant
pour que la forme libre obtenue corresponde à la forme théorique. En outre, la dilatation
de la forme dépend des paramètres de chauffe, de l'alliage et de son état de relaxation
initial, et vaut typiquement 25% dans les conditions utilisées ci-dessous.
[0039] Le ressort dans son posage a ensuite été introduit dans un four chauffé aux environs
de Tg (590°C) pour une durée de 3 à 5 minutes, dépendant du posage utilisé.
[0040] D'autres modes de chauffage peuvent être utilisés, tel que le chauffage par effet
Joule ou un jet de gaz inerte chaud par exemple.
[0041] Une fois le ressort ainsi formé, on a rivé à son extrémité externe une bride glissante
pour ressort de montre à remontage automatique en alliage Nivaflex
®, pour permettre d'effectuer des tests d'armage et de désarmage. La bride glissante
est nécessaire pour assurer la fonction d'un tel ressort, cependant sa méthode d'assemblage
à la lame ainsi que la matière de la bride peuvent varier.
[0042] La figure 4 montre la variation de couple en fonction du nombre de tours obtenue
avec le ressort calculé et mis en forme selon la méthode décrite dans ce document.
Cette courbe d'armage-désarmage est tout à fait caractéristique du comportement d'un
ressort de barillet. De plus, le couple, le nombre de tours de développement et le
rendement global sont pleinement satisfaisants compte tenu des dimensions du ruban.
1. Ressort de barillet pour mécanisme entraîné par un ressort moteur, notamment pour
pièce d'horlogerie, formé d'un ruban en verre métallique, caractérisé en ce que ce ruban est monolithique et d'épaisseur supérieure à 50 µm.
2. Ressort de barillet selon la revendication 1, dont l'épaisseur est comprise entre
>50 µm et 150µm.
3. Ressort de barillet selon l'une des revendications précédentes, dont la forme à l'état
libre est définie par le rayon à l'état armé du nième tour correspondant à la relation
:

dans laquelle
rn: Rayon à l'état armé du nième tour [mm]
rbonde: Rayon de la bonde du barillet [mm]
n : Nb de tours d'armage
e : Epaisseur du ruban [mm],
par la longueur de l'abscisse curviligne du nième tour correspondant à la relation
:

dans laquelle
Ln : Longueur de l'abscisse curviligne du nième tour [mm]
rn : Rayon à l'état armé du nième tour [mm]
θ : Angle parcouru [rad],
par le rayon à l'état libre du nième tour correspondant à la relation :

dans laquelle
Rayon à l'état libre du nième tour [mm]
Mmax : Moment max [N mm]
E : Module de Young [N/mm2]
I: Moment d'inertie [mm4],
et par l'angle du segment du nième tour correspondant à la relation :

de manière à ce que le ressort enroulé en spirale d'Archimède soit contraint à la
contrainte maximale en flexion σ
max sur toute sa longueur.