Domaine technique
[0001] La présente invention concerne un procédé destiné à prévenir la contrefaçon ou l'altération
d'une surface imprimée ou gravée.
Etat de la technique
[0002] Les systèmes usuels destinés à prévenir la contrefaçon ou l'altération de documents
imprimés ou gravés peuvent être classés en différents groupes:
- les hologrammes, les impressions de motifs spéciaux
- les impressions avec encres spéciales
- les codes utilisant des encres invisibles
- les systèmes à puce
[0003] Les hologrammes, motifs spéciaux et autres décorations sont difficiles à reproduire
car leur réalisation nécessite un équipement spécial. Ils sont spécialement conçus
pour interférer avec les systèmes de photocopie classique de telle sorte que la copie
soit visiblement différente de l'original. Ces systèmes peuvent être contrôlés visuellement
sans l'aide de dispositifs particuliers mais présentent l'inconvénient d'être coûteux,
assez connus pour être reproduits sans problèmes par des experts en contrefaçon, et
finalement leur visibilité nuit à l'esthétique de l'objet protégé (emballage de parfum
par exemple). Leur visibilité est également la raison de leur efficacité limitée dans
la mesure où un pirate peut facilement identifier l'élément de sécurité, soit pour
le copier, soit pour l'effacer physiquement.
[0004] Les impressions avec encres spéciales utilisent des propriétés chimiques particulières
de l'encre pour fournir une réaction déterminée à une action particulière. Ainsi,
les encres fluorescentes deviennent très lumineuses quand elles sont éclairées par
une longueur d'onde particulière, certaines encres sont même invisibles à la lumière
naturelle, d'autres encres changent de couleur en fonction de leur orientation ou
de leur température (et peuvent se révéler en chauffant le papier avec un doigt),
etc. Les encres spéciales ont comme point commun d'être particulièrement coûteuses
et de nécessiter d'opérer des modifications dans la chaîne de production industrielle
habituelle (masque supplémentaire pour l'offset par exemple). De plus, bien que plus
robuste à la contrefaçon que le groupe précédent, il est également possible de reproduire
leurs effets dans la mesure où le pirate peut contrôler par lui-même la fidélité de
sa copie par rapport à l'original dès qu'il dispose du dispositif faisant réagir l'encre.
[0005] Les codes utilisant des encres invisibles, à la différences des deux groupes précédents,
permettent de cacher une information numérique. Ces codes peuvent être des caractères,
des codes barres, des codes 2D, etc. En plus de son coût élevé et propre aux encres
invisibles, ce système a deux inconvénients majeurs. D'une part, du fait de la nature
des codes utilisés, il est localisé sur une certaine partie du document ou de l'emballage
et il est donc possible de le détruire sans altérer la totalité de la surface. D'autre
part, les codes utilisés ont toujours des particularités géométriques (barres, figures
géométriques, caractères, etc) les identifiant clairement comme des dispositifs anti-copie.
Cela facilite grandement la tache du pirate cherchant à révéler et à reproduire l'encre.
De plus dès que le pirate sait réaliser cette reproduction, il détient ipso facto
le moyen de reproduire le code.
[0006] Finalement les systèmes basés sur des mémoires ou processeurs embarqués cumulent
les inconvénients d'être très coûteux, inesthétiques et localisés. Leur application
principale consiste plus à sécuriser une communication, ou à stocker dynamiquement
une information plutôt qu'à distinguer un original d'une copie.
[0007] L'un des buts de la présente invention est de remédier aux inconvénients des procédés
connus permettant de prévenir la contrefaçon ou l'altération de documents imprimés
ou gravés par voie numérique.
[0008] A cet effet, la présente invention concerne un procédé destiné à prévenir la contrefaçon
ou l'altération de documents imprimés ou gravés caractérisé par l'incorporation d'un
filigrane numérique dans une partie ou dans l'ensemble du document.
[0009] La technique du filigrane numérique, également connue sous le nom de tatouage numérique,
est une technique permettant de
cacher des informations de manière
robuste et imperceptible dans des données multimédia telles que la musique, la vidéo, les images, les documents,
etc. L'information qui est cachée s'appelle la
signature. Cette signature peut être par exemple un numéro, un nom ou même une image. Après
la protection des données multimédia avec un filigrane numérique on parle d'image
signée, de vidéo signée, etc.
[0010] Jusqu'ici, la technique du filigrane numérique n'a été utilisée que dans le but de
retrouver la signature sur une éventuelle copie, pour prouver l'origine de l'information.
[0011] « Cacher » comporte un sens bien spécifique dans ce contexte : par exemple dans le
cas d'une image, on changera légèrement la couleur de certains pixels, et dans le
cas d'une musique on modifiera un peu le son de temps à autre.
[0012] « Imperceptible » veut dire que les modifications introduites sont telles qu'un individu
ne peut pas distinguer les données originales des données signées par ses propres
sens. Par exemple, une image signée doit avoir exactement la même apparence qu'une
image normale, une musique signée doit sembler tout à fait normale, de même pour une
vidéo ou n'importe quelle autre donnée. Tout le problème consiste à faire en sorte
qu'un ordinateur soit capable de détecter cette information cachée alors qu'elle échappe
à nos sens. Il existe aussi des applications où un filigrane visible est acceptable
voire même souhaitable. Cela permet notamment d'augmenter encore la robustesse et
un contrôle visuel de la présence d'un filigrane. Le principe qui demeure est que
le filigrane ne doit pas être dérangeant visuellement.
[0013] La «robustesse » d'un filigrane signifie que l'on doit pouvoir retrouver la signature
après n'importe quelle manipulation de données signées. Prenons par exemple le cas
d'une image signée : on doit pouvoir la comprimer, l'imprimer, la scanner ou la tourner
sans jamais perdre la signature.
[0014] De nombreuses publications ont été faites sur les différentes techniques permettant
de cacher un filigrane dans une image, dans une vidéo ou un signal audio. En ce qui
concerne les images, ces dernières peuvent se classer en fonction de la technique
utilisée pour le marquage : certaines opèrent des modifications directement dans le
domaine spatial (voir par exemple [1]
M. Kutter, F. Jordan, F. Bossen, "Digital watermaking of color images using amplitude
modulation", Journal of Electronic Imaging, vol. 7, n° 2, pp. 326-332, April 1998.), d'autres opèrent ces modifications dans un domaine transformé (par exemple le
domaine fréquentiel) voire des domaines intermédiaires comme les ondelettes (voir
[2]
Shelby Pereira, Sviatoslav Voloshynovskiy and Thierry Pun, Optimized wavelet domain
watermark embedding strategy using linear programming, In Harold H. Szu and Martin
Vetterli eds., Wavelet Applications VII (part of SPIE AeroSense 2000), Orlando, Florida
USA, April 26-28 2000.).
[0015] Ces techniques peuvent également être utilisées pour le marquage de vidéo, moyennant
certaines adaptations. D'autres techniques spécifiquement dédiées au marquage de vidéo
sont aussi possibles en définissant de nouveaux domaines transformés comme les sous-bandes
3D ou les vecteurs de mouvements (par exemple, voir [3] brevet
US 5,960,081, Video watermarking using motion vectors et [4] demande de brevet
EP 0762417 A2, Video watermarking in the compressed domain).
[0016] Comme on l'a déjà mentionné, la technique du filigrane numérique a été jusqu'ici
utilisée dans le but de retrouver la signature sur une éventuelle copie pour prouver
l'origine des informations présentes sur la copie, grâce à la présence du filigrane
que l'on retrouve sur la copie. Ceci impliquait dans tous les cas l'utilisation d'un
filigrane robuste.
[0017] Dans le procédé de la présente invention, le but de l'incorporation du filigrane
numérique sur la surface est différent, puisque sa présence est destinée à prévenir
l'authentification ou l'altération de la surface concernée, c'est-à-dire de permettre
d'apporter la preuve qu'il s'agit de la surface authentique si le filigrane est présent
ou qu'il s'agit d'une copie ou que la surface a été altérée si le filigrane est absent.
Dans le cas où le filigrane est incorporé à des fins d'authentification de la surface
par rapport à des copies, la robustesse du filigrane doit être réduite de façon qu'une
copie de la surface se traduise alors par un échec de la lecture du filigrane numérique.
On parle alors de filigrane "fragile". Un exemple typique d'application consiste à
empêcher la contrefaçon de papiers-valeurs comme les billets de banque. Dans le cas
où le filigrane est incorporé afin d'éviter l'altération de tout ou partie de la surface,
le filigrane peut être robuste ou fragile.
[0018] La présente invention réunit simultanément un ensemble de caractéristiques présentes
seulement de manière isolée dans les systèmes connus destinés à prévenir la contrefaçon
ou l'altération de documents imprimés ou gravés mentionnés plus haut :
- Invisibilité
Le filigrane est imprimé en utilisant des couleurs et des résolution imperceptibles
à l'oeil nu. Cela permet donc de protéger par exemple un emballage sans que son graphisme
en soit altéré, ce qui est important pour des raisons marketing.
- Non localité
Le filigrane peut recouvrir la totalité de la surface d'un document imprimé. Il n'est
donc pas possible de l'effacer sans altérer le document, par exemple en grattant la
surface. En pratique, cette propriété permet par exemple d'éviter les marchés gris,
c'est à dire les produits revendus par des distributeurs non autorisés. En effet,
ces derniers effacent parfois le code (code 2D invisible par exemple) identifiant
leur revendeur en « fraisant » la surface de l'emballage où le code est imprimé.
- Prix
Le filigrane est imprimé en utilisant des systèmes d'impression traditionnels. En
ce qui concerne l'impression industrielle (offset, etc), il s'intègre totalement dans
la chaîne de production et n'induit aucun coût supplémentaire. En ce qui concerne
l'impression personnelle (jet d'encre, laser, etc), il est totalement compatible avec
les imprimantes du commerce. Dans les deux cas, la lecture se fait avec un scanner
digital standard. Ce faible prix ouvre des marchés nouveaux : d'une part en ce qui
concerne l'impression industrielle, les emballages de produits de luxe ou pharmaceutiques,
ainsi que les certificats, les chèques, les billets d'entrées, etc. D'autre part pour
l'impression personnelle, il permet à n'importe qui possédant un équipement standard
de créer et vérifier des documents sécurisés et personnalisés. Par exemple un médecin
peut cacher le nom des médicaments prescrits dans le papier utilisé pour imprimer
son ordonnance. Il est possible de programmer une imprimante pour qu'elle cache un
filigrane dans tout document imprimé permettant ainsi d'identifier plus tard la date
de l'impression, le nom de l'utilisateur, etc.
- Stockage d'information
En plus d'authentifier l'original, le filigrane contient une information numérique
(typiquement de plusieurs dizaines de bits par centimètres carrés) qui est encodée
ou retrouvée à l'aide d'une clé. En pratique ce stockage permet par exemple de sécuriser
une information imprimée en texte visible (donc susceptible d'être modifiée). En effet
il est alors possible d'encoder la même information dans le filigrane et donc de pouvoir
détecter toute modification dans le texte du document (date, montant, identité, etc.).
Une application concerne les contrats dont on veut s'assurer de la date d'émission.
Un autre exemple avec les billets de banque : le numéro de série peut être caché dans
chaque billet, ainsi il est impossible de créer des faux billets avec des numéros
différents car il faudrait pouvoir générer à chaque fois le filigrane correspondant.
- Système de lecture et d'écriture à clé
Afin de pouvoir créer et lire le filigrane, il faut utiliser la même clé. En contrôlant
l'accès aux clés, on peut donc contrôler quand et par qui chaque filigrane est créé
ou lu, ce qui est essentiel : en effet cela complique beaucoup le piratage consistant
à créer un nouveau filigrane (le plus simple restant de copier un filigrane existant).
D'autre part le pirate sera dans l'incapacité de vérifier qu'un filigrane a été copié
avec succès (car pour le lire, il est nécessaire de connaître la clé utilisée pour
le cacher). La sécurité offerte par ce système de clé est donc supérieure à celle
d'une information imprimée par exemple avec une encre invisible et révélée par ultraviolet,
où le pirate peut aisément vérifier et donc améliorer l'encre qu'il contrefait.
- Difficile à identifier visuellement
Même en utilisant des dispositifs (filtres, microscopes) particuliers, il est difficile
d'identifier la présence d'un filigrane car son aspect visuel se rapproche de celui
du grain du papier. Il n'a pas de caractéristique géométrique simple et n'a de sens
que pour le programme de détection et muni de la bonne clé. Pour tous les papiers
de valeur qui font l'objet d'une analyse fine de la part des pirates, cette qualité
est primordiale.
- Difficile à copier
L'utilisation combinée de certaines couleurs (jaune sur fond blanc par exemple) et
de hautes résolutions d'impression (1200 dpi par exemple) permet d'obtenir un filigrane
difficile ou impossible à reproduire sur un équipement de copie classique.
[0019] Les méthodes qui sont entièrement réalisées dans le domaine digital cachent généralement
le filigrane en augmentant et en diminuant l'intensité des couleurs de certains points,
ce qui signifie que certains pixels sont éclaircis alors que d'autres sont assombris,
comme illustré sur la Figure 1 : le graphe montre la variation de luminance des pixels
d'une image en fonction de leur position X et pour une position Y identique. Les quatre
pics illustrent l'effet d'une modulation symétrique de ce signal obtenue en augmentant
ou en diminuant localement son intensité.
[0020] Il est cependant certains cas où une modulation symétrique est impossible à réaliser,
soit pour des raisons mathématiques (image à signer entièrement blanche ou noire)
ou pratiques (liée à la technique d'impression).
[0021] La présente invention propose de moduler asymétriquement la couleur des pixels. La
Figure 2 donne un exemple de modulation asymétrique obtenue en assombrissant la couleur
de certains pixels. Cette modulation peut alors être positive ou négative selon que
de la couleur est ajoutée ou retirée. Le graphe de la figure montre la variation de
luminance des pixels d'une image en fonction de leur position X et pour une position
Y identique. Les deux pics illustrent l'effet d'une modulation asymétrique de ce signal
obtenue en diminuant uniquement son intensité. La Figure 3 donne quelques exemples
d'images de filigrane numériques.
[0022] Ainsi, un autre objet de la présente invention est de proposer un procédé pour cacher
et/ou retrouver un filigrane numérique, caractérisé par l'utilisation d'une modulation
asymétrique de l'amplitude d'une composante lumineuse visible ou invisible.
Description détaillée de l'invention
[0023] La description qui suit, donnée à titre d'exemple, se réfère au dessin annexé sur
lequel:
- la Figure 1 illustre un exemple de modulation symétrique;
- la Figure 2 illustre un exemple de modulation asymétrique;
- la Figure 3 illustre des exemples de filigranes asymétriques;
- la Figure 4 illustre la mise en oeuvre du procédé intégré avec une technique d'impression
offset standard;
- la Figure 5 illustre la mise en oeuvre du procédé avec une étape d'impression offset
séparée;
- la Figure 6 illustre la mise en oeuvre du procédé avec une étape d'impression offset
séparée;
- la Figure 7 illustre la mie en oeuvre du procédé avec une imprimante à jet d'encre;
- la Figure 8 est un schéma bloc du procédé de signature d'un matériau en trois étapes;
- la Figure 9 est un schéma bloc du procédé de lecture d'une image uniforme signée en
trois étapes; et
- la Figure 10 est un schéma bloc du procédé de lecture d'une image non-uniforme signée
en trois étapes.
[0024] Un exemple de modulation symétrique est illustré à la Figure 1. Le graphe montre
la variation de luminance des pixels d'une image en fonction de leur position X et
pour une position Y identique. Les quatre pics illustrent l'effet d'une modulation
symétrique de ce signal obtenue en augmentant ou en diminuant localement son intensité.
[0025] Un exemple de modulation asymétrique est illustré à la Figure 2. Le graphe montre
la variation de luminance des pixels d'une image en fonction de leur position X et
pour une position Y identique. Les deux pics illustrent l'effet d'une modulation asymétrique
de ce signal obtenue en diminuant uniquement son intensité.
Impression du filigrane
[0026] Différentes stratégies sont envisageables pour imprimer un filigrane à modulation
asymétrique, selon qu'il est positif ou négatif. De plus, il est possible de choisir
soit une impression
séparée, soit une impression
simultanée à l'impression d'un autre motif visuel (fond, texte ou graphique).
[0027] Une manière d'obtenir une modulation asymétrique positive consiste à utiliser une
technique de surimpression en imprimant le filigrane par-dessus les couleurs propres
du matériau et autres informations déjà imprimées et donc sans tenir compte des variations
locales des couleurs à la surface de ce matériau. Cette approche impose que les valeurs
des composantes de couleur du matériau ne peuvent qu'être assombries lors de la signature
puisque de l'encre supplémentaire est ajoutée. Mathématiquement, cela correspond à
une modulation asymétrique positive de la couleur des points. Dans son principe, cette
approche peut être appliquée à n'importe quel procédé d'impression. Certaines spécificités
de l'impression du filigrane peuvent dépendre du procédé d'impression. Les cas particuliers
de l'impression de type offset et jet d'encre pour la réalisation d'une modulation
positive sont détaillés ci-dessous.
[0028] La Figure 4 illustre la mise en oeuvre du procédé ci-dessus utilisant une modulation
positive avec une technique d'impression industrielle de type offset dans le cas d'une
impression simultanée du filigrane. Dans cet exemple, une impression quadrichromie
45 est réalisée (par exemple pour un emballage 40) ce qui signifie que quatre couleurs
d'encre différentes sont utilisées pour chacun des masques jaune 41, cyan 42, magenta
43 et noir 44. Le filigrane numérique pouvant comporter une couleur unique, il est
en général souhaitable d'utiliser pour le filigrane une des couleurs déjà sélectionnées
pour l'impression standard. La Figure 4 montre comment les différents masques peuvent
alors être appliqués. Dans ce cas, l'impression du filigrane s'intègre totalement
dans la chaîne d'impression industrielle standard et n'induit donc aucun coût supplémentaire.
Par exemple, le masque jaune peut être utilisé simultanément pour deux choses différentes
: d'une part il contient la composante jaune de l'image à imprimer et d'autre part
il contient l'image du filigrane. Les outils informatiques utilisés lors du
flashage du film offset permettent de réaliser facilement cette intégration.
[0029] Une autre alternative possible consiste à utiliser un masque
séparé pour le filigrane comme illustré sur la Figure 5. Dans ce cas, le filigrane est surimprimé
lors d'une étape supplémentaire avec un masque et éventuellement une encre qui lui
est propre (ici le magenta). Le masque 51 définit alors les points du filigrane qui
sont imprimés par-dessus le matériau préalablement imprimé 50. Cette méthode, bien
que plus coûteuse à mettre en oeuvre par l'imprimeur, présente l'avantage de pouvoir
aisément changer le filigrane lors de la production. Cela permet par exemple d'appliquer
un filigrane identifiant différents pays de vente à une série d'emballages identiques.
Il est à noter que lorsque des encres de type non couvrantes sont utilisées, il est
également possible d'imprimer l'image finale par-dessus le filigrane digital, comme
illustré sur la Figure 6. Dans ce cas, c'est le procédé inverse qui est utilisé, le
filigrane étant préalablement imprimé 60 sur le matériau, l'image finale étant surimprimée
lors d'une étape supplémentaire. Les masques jaune 61, cyan 62, magenta 63 et noir
64 sont utilisés pour surimprimer le motif. L'encre étant transparente, le filigrane
60 situé sous le motif peut encore être détecté dans le résultat final 65.
[0030] Un autre procédé d'impression utilisable est de type jet d'encre comme illustré par
la Figure 7. L'illustration montre un exemple de système d'impression à jet d'encre
utilisant quatre couleurs, jaune 71, cyan 72, magenta 73 et noir 74, leurs têtes d'impression
75 et le matériau imprimé 70. Le filigrane est surimprimé sur le matériau. La mise
en oeuvre d'une imprimante à jet d'encre pour l'impression d'un filigrane est particulièrement
simple dans la mesure où la grande majorité des pilotes d'imprimantes gèrent automatiquement
le mélange des couleurs permettant d'obtenir une teinte particulière. L'étape de décomposition
quadrichromique est donc le plus souvent inutile. Il faut cependant noter que, dépendant
des pilotes et des imprimantes, il peut parfois être souhaitable de choisir une couleur
de filigrane correspondant à des couleurs fondamentales de l'imprimante, ceci afin
d'éviter d'obtenir des couleurs tramées ou des problèmes d'alignement entre des points
de différentes couleurs. Comme avec l'impression offset, l'impression du filigrane
peut être
simultanée avec les informations ou motifs destinés à être imprimés normalement. Il est également
possible d'imprimer le filigrane
séparément, par-dessus ou par-dessous le motif final. En particulier, du texte peut être surimprimé
sur le matériau signé lui-même, ce texte pouvant éventuellement être lié au filigrane.
Par exemple, les chiffres clés d'un contrat peuvent ainsi être cachés dans le filigrane
du papier et permettre ainsi d'en garantir l'intégrité.
[0031] La réalisation d'une modulation négative peut être réalisée lors d'une impression
simultanée en suivant le même principe que décrit précédemment car il est toujours possible
de soustraire de la couleur au niveau du fichier électronique: sur le motif à imprimer,
les points correspondant au filigrane sont alors éclaircis. Pour réaliser une impression
séparée avec une modulation négative, il est par contre nécessaire d'utiliser une encre particulière
: par exemple, dans le cas d'une encre visible, une solution consiste à utiliser une
encre de type
couvrante. La synthèse de différentes possibilités d'impression du filigrane est présentée dans
le tableau ci-dessous :
|
Impression simultanée |
Impression séparée |
Modulation
asymétrique positive |
Possible |
Possible
par surimpression ou
sousimpression |
Modulation |
Possible |
Possible |
Paramètres contrôlant la visibilité du filigrane
[0032] Quels que soit le type de modulation ou d'impression choisis, la visibilité finale
du filigrane ainsi que sa fragilité à la duplication est contrôlée par un ensemble
commun de paramètres :
- Taille des points : il s'agit du diamètre des points du filigrane obtenus après impression.
La taille minimale des points est fixée par la technologie d'impression. Des valeurs
entre 300 et 1200 points par pouces sont courantes. Plus la taille des points est
petites, moins le filigrane est visible.
- Couleur des points : En fonction de la couleur, de la texture et des motifs éventuels
appliqués au matériaux, certaines couleurs peuvent être plus ou moins visibles. Par
exemple, il est usuel d'utiliser une couleur jaune pour des fonds blancs (modulation
positive séparée ou simultanée).
- Densité du filigrane : Cette dernière définit le ratio entre le nombre de points imprimés
par unité de surface (mesurée également en points). Des valeurs typiques de 0.02 ou
moins peuvent être utilisées. Une taille de point très fine permet d'augmenter la
densité du filigrane.
- Quantité d'encre : Lorsque le procédé d'impression le permet, il est intéressant de
jouer sur la quantité d'encre utilisée pour imprimer chaque point.
- Tramage : La technique de tramage (demi-teintes) permet de reproduire n'importe quelle
couleur à partir des différentes couleurs fondamentales. Il est alors préférable que
la taille du tramage soit suffisamment fine par rapport à la taille des points.
- Type d'encre : Des substances non visibles peuvent également être utilisées.
[0033] L'influence de certains de ces paramètres est illustrée sur la Figure 3. Le filigrane
1 est visible. La visibilité plus faible du filigrane 2 est obtenue en diminuant simultanément
la densité et la taille des points. Le filigrane 3 comporte en plus un éclaircissement.
Lecture du filigrane
[0034] La difficulté principale réside dans la capacité à retrouver le filigrane asymétrique.
D'une manière générale, la majorité des techniques de tatouage peuvent extraire l'information
de l'image signée sans utiliser l'image originale. Certaines techniques réalisent
d'abord une prédiction de ce qu'était l'image originale à partir de l'image signée
et peuvent ensuite en déduire quelle est la signature. Cette technique est encore
applicable dans le cas présent. Dans le cas où le matériau possède une couleur initiale
uniforme et connue, il est possible de supprimer cette prédiction. C'est en particulier
le cas d'une feuille de papier blanc. Cela permet d'augmenter la fiabilité de la détection
et donc de diminuer la visibilité du filigrane jusqu'à l'extrême limite de sensibilité
d'un scanner optique. En conséquence, cela rend très difficile la duplication du matériau
signé, par exemple par photocopie : en effet, les pertes propres à tout système de
reproduction affaiblissent en général cette signature au-dessous du seuil de détectabilité.
Une application consiste à inclure un tel filigrane sur des papiers dont on souhaite
éviter la copie, comme des billets de banque par exemple.
[0035] Afin d'augmenter la fiabilité de la détection, il est également possible de coder
la signature en utilisant la différence entre des paires de pixels et de calculer
ensuite la moyenne de ces différences. D'un point de vue statistique, cela augmentera
la corrélation de la détection avec pour résultat une signature plus fiable.
Réalisation de l'invention
[0036] Une mode de réalisation de l'invention consiste à utiliser comme base un algorithme
de filigrane numérique de type spatial à modulation symétrique d'amplitude, comme
par exemple celui décrit dans [1]. On parle de modulation
symétrique d'amplitude d'un signal lorsque la valeur du signal est augmentée en certains points
et diminuées en d'autre points. Dans cette technique, une composante de couleur d'un
ensemble de pixels
c(k) est modifiée d'une valeur
v correspondant à l'amplitude de la modulation et en fonction du signe du bit
b={-1,1} à cacher ainsi que d'un générateur aléatoire
a(
k) défini par une clé et donnant deux valeurs {-1,1}.

[0037] Dans l'équation (1), l'ensemble des points défini par
v.b.a(k) constitue le filigrane (Figure 8, étape 84) qui est ajouté à l'image originale
c(k) pour donner l'image signée
c(k)'. C'est cette dernière qui est alors imprimée selon la présente invention.
[0038] Dans le cas d'une modulation asymétrique positive (filigrane en surimpression par
exemple), ce n'est plus l'image
c(k)' mais le filigrane lui-même
v.b.a(k) qui est imprimé par-dessus une image
c(k). En effet, la composante c du support (bleu, luminance, etc...) a déjà une valeur
initiale
o(k) et ne peut qu'être augmentée lors de la surimpression. La formule suivante est alors
appliquée :

[0039] La Figure 8 donne un schéma bloc du procédé complet : l'ensemble des points constituant
le filigrane 85 est calculé 84 à partir de la valeur du bit à cacher 81 et de la clé
82 définissant la séquence aléatoire
a(k). La valeur des points étant positives ou négatives, comme défini par l'équation (1).
L'équation (2) est équivalente à seuiller 86 les valeurs du filigrane 85 en ne conservant
que les valeurs positives puis à ajouter 88 ces valeurs 87 à l'image à signer 83 pour
obtenir l'image signée 89. Par comparaison avec la formule (1) correspondant à une
modulation symétrique de l'amplitude selon le signe de
b.a(k), cette technique est qualifiée de «modulation asymétrique d'amplitude ». De plus,
le signe de la modulation
b.a(k) étant positif, la modulation est dite positive.
[0040] Dans le cas où le filigrane est réalisé par une impression simultanée, le procédé
peut encore être amélioré en opérant de manière à ce que le filigrane domine sur les
valeurs du masque original. Mathématiquement, ce concept se formalise de la manière
suivante :

où M est la valeur maximum autorisée par le masque, c'est-à-dire la valeur correspondant
à la couleur du document avant signature. L'équation montre clairement la modulation
positive par rapport à zéro et illustre également le fait qu'aux positions où le filigrane
est caché, l'image sous-jacente n'est pas prise en compte (domination du filigrane
sur les valeurs originales). Ce procédé présente l'avantage que le nombre effectif
de points contribuant au filigrane augmente, pouvant atteindre un facteur 2 dans le
meilleur case.
[0041] Il est également possible d'obtenir une modulation négative en imprimant une couleur
uniforme
u « percée » par le filigrane. L'équation (2) devient alors :

[0042] Dans tous les cas (modulation asymétrique positive ou négative), si le générateur
aléatoire
a(k) génère le même nombre de valeurs positives et négatives, il en résulte que, statistiquement,
la moitié des pixels
c(k) est modifiée. Si la valeur de
v est choisie suffisamment faible et que la finesse d'impression est suffisamment haute,
l'impression de ces points peut être faite de manière invisible.
[0043] La nouvelle valeur des points
c(k)' peut être mesurée sur la feuille imprimée en utilisant un scanner optique. Deux cas
se présentent alors selon que la couleur du matériau est uniforme et connue ou non.
[0044] Dans le premier cas, l'information b est alors aisément retrouvée dans la mesure
où
o(k)=Constante,
v et
a(k) sont tous connus par avance. La multiplicité des points modifiés crée une redondance
permettant d'assurer la robustesse de la technique au bruit par corrélation statistique.
La Figure 9 est un schéma bloc décrivant le procédé : l'image signée obtenue par scanner
est soustraite de l'image originale afin de restituer le filigrane. Le bit constituant
la signature est alors calculé. optionellement, une étape supplémentaire de filtrage
peut-être réalisée si des informations visibles ont été imprimées par dessus l'image
uniforme signée. L'image signée 91 est préalablement filtrée 92 afin d'éliminer d'éventuels
bruits (rayures, salissures, texte imprimé par dessus le filigrane, etc). L'image
obtenue 93 est alors soustraite 94 de l'image originale 95 afin d'extraire le filigrane
96. La valeur du bit b est alors retrouvée selon les techniques classiques de détection
de filigrane, comme décrit dans l'article [5]
M. Kutter, "Watermarking resisting to translation, rotation, and scaling.", Proceedings
of SPIE International Symposium on Voice, Video, and Data Communications, November
1998, et qui consiste essentiellement à inverser l'équation (2) et corréler statistiquement
la valeur du bit b retrouvé 99 sur plusieurs pixels k afin de garantir une bonne robustesse
aux erreurs éventuelles pouvant par exemple survenir lors du l'acquisition numérique
de l'image.
[0045] Cette méthode est généralisable à plusieurs bits
b et permet alors de coder n'importe quelle information numérique comme un numéro ou
une chaîne de caractères.
[0046] Le deuxième cas est illustré par le schéma bloc de la figure Figure 10 où l'image
originale est prédite à partir de l'image signée, l'image signée est soustraite de
l'image prédite afin de restituer le filigrane, le bit constituant la signature est
alors calculé. Un filtre de débruitage 105, par exemple de type Wiener, est utilisé
pour réaliser une prédiction 106 de l'image originale
o(k) à partir de l'image signée 101. La différence 102 entre ces deux images constitue
alors le filigrane 107 qui peut être décodé 103 en utilisant la clé 108 pour retrouver
le bit 104 de la même manière que précédemment (Figure 9). L'erreur de prédiction
étant notablement plus importante que dans le premier cas, le nombre de bits b codés
de cette manière est systématiquement inférieur.
[0047] Dans la pratique il peut également être utile d'imprimer des informations visibles
par-dessus le filigrane numérique. C'est le cas par exemple d'une feuille blanche
de papier qui comporte un filigrane numérique et par dessus laquelle est imprimé un
texte. Ceci est réalisable en choisissant des couleurs ou des intensités distinctes
pour le filigrane et pour les informations visibles. Il est ensuite possible de filtrer
l'image avant la détection du filigrane (Figure 9, étape 92) pour différencier le
filigrane du texte imprimé et ainsi éliminer les parties ne comportant pas le filigrane.
Une méthode consiste par exemple à utiliser la composante bleu pour le filigrane et
à imprimer le texte du document en noir.
[0048] Finalement, la mise en oeuvre de la détection requiert un scanner optique capable
de numériser le document sur lequel le filigrane est imprimé. Le positionnement sur
le scanner n'étant jamais parfait, il est nécessaire de pouvoir retrouver l'information
codé par le filigrane après d'éventuelles translations et rotations. Une technique
convenable consiste à utiliser la méthode décrite par [5] qui est basée sur un filigrane
auto-correllé (pour compenser les rotations) et une technique d'inter-corrélation
(pour compenser les translations).
Autres applications
[0049] Le procédé peut également être appliqué à d'autres secteurs que l'impression. Par
exemple, il est possible d'utiliser un laser pour graver des surfaces métalliques,
des pierres, de la céramique, etc, et encoder ainsi un filigrane digital. Les applications
concernées sont alors par exemple les pièces de l'industrie automobile ou aéronautique
ou des objets de luxe dans les secteurs de la joaillerie ou des objets de valeurs.
On peut également imaginer de cacher des filigranes sur des CD-ROM ou CD audio, sur
la face sérigraphiée ou sur la face gravée (encre ou laser).