Domaine technique
[0001] La présente invention se rapporte le domaine de la micromécanique et plus particulièrement
celui de l'horlogerie. Elle concerne un procédé de réalisation de pièces micromécaniques,
réalisées en verre, notamment en verre céramique.
Etat de la technique
[0002] Parmi les verres, on appelle verre céramique (également appelée vitrocéramique) une
famille de verres obtenus par cristallisation contrôlée. Des verres appropriés sont
soumis à des traitements thermiques provoquant la nucléation puis la croissance de
phases cristallines de diamètre typiquement compris entre 20nm et 1µm. Ces matériaux
possèdent une porosité très faible, voire nulle. Après cristallisation, ils deviennent
opaques ou translucides, suivant la taille des zones cristallines. Les principales
vitrocéramiques sont constituées de SiO
2, Al
2O
3, MgO, LiO
2 ou Na
2O. La résistance mécanique des vitrocéramiques est très supérieure à celle des verres,
car les zones cristallines ralentissent ou arrêtent la propagation des fissures, avec
une contrainte de rupture typiquement comprise entre 150 et 600MPa. Une autre propriété
très intéressante des verres céramiques est leur potentiel à avoir un matériau de
structure isotropique avec un coefficient thermique de dilatation très faible (c'est-à-dire
inférieur à 5 x 10
-6K
-1) voire nul. En d'autres termes, une pièce réalisée en verre céramique peut présenter
des dimensions parfaitement stables, quelles que soient les fluctuations de température,
ce qui est notamment avantageux dans le cadre de ressorts spiraux et balanciers utilisés
dans les organes réglants des mouvements mécaniques horlogers.
[0003] Ces propriétés rendent les verres céramiques particulièrement attractifs pour réaliser
des pièces de précision, comme des pièces de mécanismes horlogers. Cependant, malgré
leur résistance mécanique supérieure à celle des verres, les verres céramiques restent
fragiles et, aux épaisseurs requises pour une utilisation dans le domaine de l'horlogerie,
typiquement de l'ordre de 150µm, les techniques courantes de micro-usinage ne peuvent
être utilisées, sans risque élevé que le verre ne casse.
[0004] La présente invention a pour but de proposer un procédé permettant de travailler
des pièces de verre, notamment en verre céramique, de très petites dimensions, de
manière extrêmement précise, avec des risques de casse réduits.
Divulgation de l'invention
[0005] Plus particulièrement, l'invention porte sur un procédé de réalisation d'au moins
une pièce micromécanique en verre, comprenant les étapes suivantes :
- se doter d'un premier wafer de verre présentant un coefficient de dilatation thermique
inférieur à 5 x 10-6K-1,
- soudure d'un deuxième wafer de verre présentant un coefficient de dilatation thermique
inférieur à 5 x 10-6K-1, au premier wafer, par l'intermédiaire d'une couche d'accroche, la pièce étant destinée
à être réalisée dans le deuxième wafer,
- croissance d'un masque métallique sur le deuxième wafer,
- gravure traversante du deuxième wafer à travers le masque métallique, et
- libération de la pièce en éliminant la couche d'accroche.
[0006] D'autres caractéristiques du procédé sont définies dans les revendications de la
présente demande.
Brève description des dessins
[0007] D'autres caractéristiques de la présente invention apparaîtront plus clairement à
la lecture de la description qui va suivre, faite en référence aux figures 1 à 6 annexées,
reprenant de manière schématique différentes étapes du procédé. On notera que les
épaisseurs des différentes couches ne sont pas représentatives.
Mode(s) de réalisation de l'invention
[0008] Pour des applications micromécaniques, notamment dans le domaine de l'horlogerie,
particulièrement des mouvements d'horlogerie, l'épaisseur des pièces fabriquées en
verre, notamment en verre céramique, est de l'ordre de 150µm, plus généralement comprise
entre 100 et 200µm. Dans le cadre d'un ressort spiral, les spires de ce dernier peuvent
également avoir une largeur du même ordre. Ces valeurs ne sont pas limitatives, mais
définissent sensiblement un domaine d'épaisseur où ces pièces présentent une tenue
mécanique qui leur permet d'être utilisées dans un mécanisme d'horlogerie, mais qui
ne leur permet pas d'être usinées par des techniques habituelles. Le verre utilisé
est fourni sous forme de wafers, c'est-à-dire de feuilles dans lesquelles les pièces
seront formées selon le procédé qui va être décrit ci-après. Les verres utilisés peuvent
être des verres fournis dans le commerce. Pour ce qui concerne les verres céramiques,
on peut utiliser le verre commercialisé sous le nom de ZERODUR™ par Schott. A titre
d'exemple non limitatif, le procédé décrit ci-dessous se rapporte à la réalisation
de pièces en verre céramique. L'homme du métier saura facilement l'adapter à d'autres
verres présentant un coefficient de dilatation thermique sensiblement nul.
[0009] Ainsi, une première étape du procédé selon l'invention, consiste à se doter d'un
premier wafer 10 de verre céramique. Comme on le comprendra par la suite, ce wafer
n'est pas destiné à être utilisé pour la réalisation des pièces, mais est destiné
à jouer une fonction de support ou de renfort mécanique.
[0010] Une couche d'accroche 12, de préférence de silicium amorphe, est ensuite déposée
sur le premier wafer. On relèvera que d'autres matériaux permettant de réaliser une
soudure momentanée peuvent être utilisés comme couche d'accroche, notamment du germanium,
de préférence amorphe.
[0011] Un deuxième wafer 14 en verre céramique est ensuite soudé, de préférence par soudure
anodique, au premier, par l'intermédiaire de la couche d'accroche (figure 1). L'homme
du métier maitrise parfaitement les techniques de soudure anodique, sans qu'il soit
besoin de les détailler davantage ici. Il pourrait être envisageable d'utiliser d'autres
techniques de soudure mettant également en jeu des températures modérées, permettant
de ne pas dégrader les propriétés du verre formant les wafer, ni l'état de surface
des wafers. Bien entendu, la couche d'accroche 12 peut être alternativement déposée
sur le deuxième wafer 14 avant l'étape de soudure. On notera que les pièces sont destinées
à être réalisées dans ce deuxième wafer. De préférence, les deux wafers sont identiques
(c'est-à-dire qu'ils sont fabriqués dans le même type de verre céramique et qu'ils
ont la même épaisseur et les mêmes dimensions de surface), et le deuxième wafer est
entièrement superposé au premier. Au moins toute la zone du deuxième wafer dans laquelle
des pièces seront formées est disposée sur le premier wafer.
[0012] Ainsi, le premier et le deuxième wafers sont réalisés en verre céramique, ce qui
permet de ne pas avoir d'effet négatif lié à une dilatation différentielle entre les
deux wafers qui pourrait conduire, lors du refroidissement après la soudure anodique,
à une déformation des wafers. De préférence, avec deux wafers identiques, parfaitement
superposés l'un à l'autre, on obtient un système symétrique, dans lequel les contraintes
subies lors de l'étape de gravure sont équilibrées.
[0013] Ensuite, un masque métallique 16 est réalisé par croissance sur la face libre du
deuxième wafer. De préférence, ce masque métallique est obtenu par une technique de
type LIGA, mettant en oeuvre un moule de résine photosensible 18. Plus particulièrement,
on dépose sur la face libre du deuxième wafer, une couche métallique conductrice 20,
permettant d'effectuer ultérieurement une croissance galvanique. On dépose ensuite
un masque de photoresist épais, de type SU8, ayant la forme et les dimensions des
pièces à réaliser (figure 2). Par croissance galvanique, de Nickel par exemple, on
réalise le masque métallique 16 dans les espaces laissés libres par le moule de résine
photosensible 18 (figure 3). Le moule est ensuite dissous, ainsi que la couche métallique
conductrice 20 rendue apparente par la dissolution du moule 18 (figure 4). Ces étapes
sont connues de l'homme du métier et ne sont donc pas décrites davantage. On libère
ainsi un masque métallique aux formes des pièces à réaliser.
[0014] Puis, on réalise une gravure traversante du deuxième wafer 14 à travers le masque
métallique 16 (figure 5). Cette gravure peut, selon un mode de réalisation avantageux,
être effectuée par une attaque plasma anisotrope en milieu fluoré, réalisée dans un
réacteur de type ICP (Inductively Coupled Plasma), dont les paramètres sont les suivants
:
- Température du substrat : compris entre -5 et -20°C, particulièrement -10°C;
- Débit de C4F8 : compris entre 10 et 20sccm, particulièrement 17sccm;
- Débit d'Ar : compris entre 20 et 80sccm, particulièrement 50sccm;
- Pression de travail : comprise entre 2 et 20.10-3mbar, particulièrement 8.10-3mbar;
- Puissance RF de plasma: compris entre 2000 et 3500W, particulièrement 2800W ;
- Puissance RF de porte substrat: compris entre 100 et 500W, particulièrement 200W.
[0015] Afin de libérer les pièces, on procède tout d'abord à l'élimination du masque métallique
16 et de la couche métallique conductrice 20 située sous lui, par gravure chimique
(figure 6). Puis, dans une étape non illustrée, la couche d'accroche 12 est dissoute,
de préférence par gravure isotrope, typiquement, mettant en oeuvre les paramètres
suivants :
- Température du substrat : compris entre 0 et 50°C, particulièrement 20°C;
- Débit de SF6: compris entre 100 et 500sccm, particulièrement 300sccm;
- Puissance RF plasma : compris entre 1000 et 2000W, particulièrement 1500W;
- Aucune puissance sur le porte substrat.
[0016] En alternative, la libération peut également être effectuée par attaque chimique
isotrope par voie humide, utilisant un bain de KOH ou de TMAH. On obtient ainsi les
pièces désirées, libérées du premier wafer support 10. De manière à faciliter leur
manipulation, le design des pièces peut être avantageusement prévu de manière à ce
qu'elles soient encore tenues entre elles par les parties inutiles du wafer, par exemple
par un point de liaison qui peut être facilement cassé par la suite.
[0017] Ainsi, le fait de souder le wafer à graver 14 sur un autre wafer support 10 permet
de renforcer sa tenue mécanique et ainsi, de pouvoir réaliser des pièces dans ce matériau,
malgré les difficultés liées à sa fragilité. En outre, les pièces sont maintenues
en place jusqu'à la dissolution de la couche d'accroche, puisqu'elles restent attachées
au wafer support par cette couche d'accroche.
[0018] La combinaison d'un masque métallique 16, obtenu par des procédés lithographiques,
et de la technique de gravure exposée ci-dessus, permet de particulièrement bien définir
les arêtes des pièces gravées. Ceci est important, étant donné que, à cause de leur
fragilité, les pièces obtenues ne peuvent être retouchées. L'état de surface, notamment
pour les arêtes, des pièces obtenues est également bien adapté aux applications micromécaniques
et notamment horlogères. On notera également que, la gravure du verre céramique étant
difficile, cette étape est très exothermique. De plus, le verre céramique conduit
mal la chaleur et des procédés de masquage conventionnels ne peuvent donc pas être
utilisés, car les masques en photoresist ne supporteraient pas la chaleur dégagée
lors de la gravure. Avantageusement, une couche d'accroche de silicium participe à
l'évacuation d'une partie de la chaleur produite. De même, le masque métallique doit
être suffisamment résistant aux conditions de gravure, de manière à ne pas être totalement
consommé lors de cette étape, tout en permettant de longues périodes de gravure. Le
Nickel est ainsi bien adapté à cette application. On pourrait aussi envisager d'utiliser
du Chrome, voire du Fer ou du Cuivre.
[0019] Ainsi est proposé un procédé permettant de réaliser, de manière précise et contrôlée,
des pièces micromécaniques en verre, en limitant grandement le risque de casse. La
précision obtenue est parfaitement compatible avec une utilisation dans le domaine
de l'horlogerie, notamment pour réaliser des éléments du mouvement, tant du bâti que
des pièces mobiles.
[0020] En utilisant un verre céramique tel que le ZERODUR™ ayant un coefficient thermique
de dilatation qui est sensiblement nul (c'est-a-dire inférieur à 5 x 10
-6K
-1, de préférence inférieur à 3 x 10
-6K
-1, de préférence inférieur à 2 x 10
-6K
-1), un lot de ressorts spiraux, chacun ayant par exemple des spires de dimensions en
section de l'ordre de 100-200µm, peut être micro-usiné sans risque de casse élevé.
Les spiraux résultants sont avantageusement dans un matériau de structure isotropique
avec une résistance mécanique importante tout en présentant une élasticité qui est
généralement indépendante de la température. De plus, un tel spiral peut aussi être
combiné avec un balancier réalisé selon le procédé de la présente invention afin d'obtenir
un système balancier spiral d'un isochronisme exceptionnel.
1. Procédé de réalisation d'au moins une pièce micromécanique en verre, comprenant les
étapes suivantes :
- se doter d'un premier wafer de verre (10) présentant un coefficient de dilatation
thermique inférieur à 5 x 10-6K-1,
- soudure d'un deuxième wafer de verre (14) présentant un coefficient de dilatation
thermique inférieur à 5 x 10-6K-1, au premier wafer, par l'intermédiaire d'une couche d'accroche (12), ladite pièce
étant destinée à être réalisée dans ledit deuxième wafer,
- croissance d'un masque métallique (16) sur le deuxième wafer,
- gravure traversante du deuxième wafer à travers le masque métallique, et
- libération de la pièce en éliminant la couche d'accroche.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit premier et ledit deuxième wafer sont choisis dans des verres présentant un
coefficient de dilatation thermique inférieur à 3 x 10-6K-1, de préférence inférieur à 2 x 10-6K-1.
3. Procédé selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que l'un et/ou l'autre des premier et deuxième wafers sont réalisés en verre céramique.
4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'il comprend en outre une étape d'élimination du masque métallique (16) avant l'élimination
de la couche d'accroche.
5. Procédé selon l'une des revendications précédentes,
caractérisé en ce que la croissance du masque métallique (16) est obtenue :
- par la mise en oeuvre d'un moule de résine photosensible (18) ayant la forme et
les dimensions de la pièce à réaliser, puis
- par la croissance galvanique de métal dans les espaces laissés libres par le moule
de résine photosensible,
- par dissolution du moule de résine photosensible de manière à libérer le masque
métallique.
6. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'étape de gravure est effectuée par attaque plasma anisotrope en milieu fluoré,
réalisée dans un réacteur de type ICP (Inductively Coupled Plasma).
7. Procédé selon la revendication 6,
caractérisé en ce que l'attaque plasma anisotrope est effectuée avec les paramètres suivants :
- Température du substrat : compris entre -5 et -20°C, particulièrement - 10°C;
- Débit de C4F8: compris entre 10 et 20sccm, particulièrement 17sccm;
- Débit d'Ar : compris entre 20 et 80sccm, particulièrement 50sccm;
- Pression de travail : comprise entre 2 et 20.10-3mbar, particulièrement 8.10-3mbar;
- Puissance RF de plasma: compris entre 2000 et 3500W, particulièrement 2800W ;
- Puissance RF de porte substrat: compris entre 100 et 500W, particulièrement 200W.
8. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'étape de libération est effectuée par gravure isotrope.
9. Procédé selon la revendication 8,
caractérisé en ce que ladite gravure isotrope est effectuée avec les paramètres suivants :
- Température du substrat : compris entre 0 et 50°C, particulièrement 20°C;
- Débit de SF6: compris entre 100 et 500sccm, particulièrement 300sccm;
- Puissance RF plasma : compris entre 1000 et 2000W, particulièrement 1500W;
- Aucune puissance sur le porte substrat.
10. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la couche d'accroche (12) est réalisée en silicium amorphe.
11. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le premier et le deuxième wafers ont une épaisseur comprise entre 100 et 200µm, typiquement
de 150µm.
12. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le premier et le deuxième wafers sont identiques en termes de type de verre, de l'épaisseur
et des dimensions de surface, et en ce que le premier et le deuxième wafers sont entièrement superposés l'un à l'autre lors
de l'étape de soudure.
13. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la couche d'accroche est déposée sur le premier wafer avant l'étape de soudure.
14. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la soudure des premier et deuxième wafers est réalisée par soudure anodique.
15. Pièce micromécanique en verre réalisée par un procédé selon l'une des revendications
précédentes.
16. Pièce micromécanique selon la revendication 15, caractérisée en ce que le deuxième wafer (14) est en un verre céramique qui possède une structure isotropique
et a un coefficient thermique de dilatation qui est inférieur à 5 x 10-6K-1.
17. Pièce micromécanique selon la revendication 15 ou 16, caractérisée en ce que la pièce est un ressort spiral.
18. Pièce micromécanique selon la revendication 15 ou 16, caractérisée en ce que la pièce est un balancier.