[0001] La présente invention se rapporte à un échappement à ancre suisse comprenant une
roue d'échappement munie de dents et une ancre munie d'une part d'une palette d'entrée
et d'une palette de sortie, en prise alternativement avec les dents de la roue d'échappement,
d'autre part d'une fourchette en prise périodiquement avec une cheville d'un plateau
solidaire de l'arbre d'un balancier régulateur.
[0002] L'échappement de type ancre suisse est composé d'une ancre pivotée autour d'un axe,
et d'une roue d'échappement solidaire d'un pignon d'échappement. Les dents de la roue
ainsi que les palettes de l'ancre avec lesquelles elles sont alternativement en contact
sont les éléments de liaison entre la roue et l'ancre. Le dard, appendice situé entre
les cornes de la fourchette à l'extrémité de la baguette de l'ancre opposée aux palettes,
empêche tout basculement de l'ancre pendant que le balancier parcourt librement un
arc supplémentaire, jusqu'au prochain passage de la cheville du plateau de balancier
entre les cornes de la fourchette.
[0003] Le fonctionnement de l'échappement à ancre suisse peut être divisé en quatre parties
distinctes :
- Le dégagement d'une dent de la roue d'échappement appuyant contre la face de tirage
(ou plan de repos) d'une des palettes,
- L'impulsion A provoquée par le glissement de l'arête d'une des dents de la roue d'échappement
contre le plan d'impulsion d'une des palettes,
- L'impulsion B provoquée par le glissement de l'arête d'une des palettes contre le
plan d'impulsion d'une des dents de la roue d'échappement,
- La chute d'une dent contre la face de tirage de l'autre des palettes.
[0004] Le dégagement se produit lorsque le balancier entre en contact dans la fourchette
de l'ancre. Ce dégagement provoque un léger recul de la roue d'échappement qui dépend
de l'angle de tirage de la palette, cette phase est donc consommatrice d'énergie pour
le balancier. L'énergie mise en jeu pour déverrouiller l'ancre correspond à une sécurité
qui permet de maintenir l'ancre dans l'une de ses deux positions stables.
[0005] Une fois le déverrouillage de la palette d'entrée effectué, lors de la première phase
d'impulsion, l'arête de la dent de la roue d'ancre est poussée par le couple fourni
par le ressort de barillet à travers le train de rouage contre le plan d'impulsion
de la palette d'entrée, ce qui engendre un couple autour de l'axe de pivotement de
l'ancre. Ce couple met la fourchette en contact avec la cheville du plateau de balancier
et débute la transmission d'énergie au balancier. Il s'agit de l'impulsion A.
[0006] Ensuite, l'arête de la dent de la roue d'échappement quitte le plan d'impulsion de
la palette, et c'est alors l'arête de la palette qui entre en contact avec le plan
d'impulsion de la dent de la roue d'ancre, c'est la seconde phase de transmission
d'énergie correspondant à l'impulsion B.
[0007] Finalement, lorsque la dent de la roue d'échappement quitte la palette d'entrée de
l'ancre, la roue d'échappement soumise au seul couple du ressort de barillet est arrêtée
par la face de repos ou de tirage de la palette de sortie, ce qui correspond à la
chute.
[0008] A ce moment, la valeur de l'engagement de la palette de sortie est appelé engagement
virtuel. La phase qui suit, appelée tirage, résulte de l'action combinée de la force
exercée par la dent de la roue d'échappement sur la face de tirage de la palette et
de l'orientation de cette face par rapport à l'axe d'oscillation de l'ancre, appelée
angle de tirage. L'ancre regagne ainsi sa seconde position stable et marque la fin
de la fonction d'entrée.
[0009] A ce stade, correspondant à une demi-oscillation du balancier, l'engagement de la
palette est dit total. Une demi-oscillation plus tard, le même scénario se reproduit
de manière symétrique pour la fonction de sortie.
[0010] La Théorie Générale de l'Horlogerie de L. Defossez (1952, La Chambre suisse de l'horlogerie)
détaille les différents types d'échappement, entre autre pour les échappements libres
à ancre. Si la dent de la roue et l'ancre ont chacune un plan d'impulsion, l'échappement
est à surface d'impulsion partagée, dont le représentant typique est l'échappement
à ancre suisse. L'échappement à surfaces d'impulsion partagées est clairement le plus
fiable pour une montre bracelet. Dans tous les cas mentionnés par L. Defossez, les
plans d'impulsion des palettes de l'ancre sont plus longs que ceux des dents de la
roue d'échappement.
[0011] Ce point de vue est confirmé et même amplifié par le
EP 1892589 qui préconise des palettes encore plus larges que dans les échappements à ancre suisse
standards. Dans ce document, l'arc occupé par les palettes, en particulier par la
palette de sortie Ls, est > 6.5°, et le rapport entre les angles décrits par les palettes
de sortie et d'entrée Ls, Le et une des dents d de la roue d'échappement correspond
à Ls/d > 2.5.
[0012] On a proposé dans le brevet
US 3'628'327 un échappement à ancre suisse dans lequel la longueur de plan d'impulsion des palettes
de l'ancre est plus faible que celui des dents de la roue. Ceci permet d'obtenir un
meilleur rendement, de 49% pour un échappement fonctionnant à 4Hz, contre 43% pour
un échappement à ancre suisse standard. Le rapport entre les longueurs respectives
du plan d'impulsion Lg d'une des dents de la roue d'échappement et du plan d'impulsion
La d'une des palettes de l'ancre est compris entre 1 et 2. La longueur des plans d'impulsion
des palettes reste supérieure à 200 µm.
[0013] Compte tenu des deux approches susmentionnées diamétralement différentes, poursuivant
toutes deux le but d'améliorer le rendement de l'échappement à ancre suisse, il a
semblé intéressant de voir dans quelle mesure il n'existerait pas une autre voie pour
atteindre un rendement encore meilleur et quel est ou sont les paramètres sur lesquels
il y a lieu d'agir pour atteindre ce résultat.
[0014] Le but de la présente invention est d'améliorer le rendement d'un échappement à ancre
suisse, y compris par rapport aux solutions préconisées par l'état de la technique.
[0015] A cet effet, cette invention a pour objet un échappement à ancre suisse selon la
revendication 1.
[0016] Les essais pratiques effectués avec des échappements réalisés selon l'objet de la
présente invention ont montré qu'il était possible d'améliorer leur rendement y compris
par rapport aux résultats obtenus avec les échappements de l'état de la technique.
[0017] Les dessins annexés illustrent, schématiquement et à titre d'exemple, deux formes
d'exécution de l'échappement à ancre suisse objet de la présente invention.
La figure 1 est une vue en plan d'un échappement à ancre suisse standard sur lequel
sont indiqués les différents paramètres entrant en ligne de compte pour améliorer
son rendement;
la figure 2 est une vue partielle à plus grande échelle de la figure 1;
les figures 3 et 4 représentent des diagrammes de rendement η de l'échappement en
fonction de différents paramètres pour des roues d'ancre comportant 24 dents et un
pointage (distance entre l'axe de balancier et l'axe de la roue d'ancre) de 3.0 mm
(voir également le tableau 2);
la figure 5 est une vue en plan d'une forme d'exécution de l'échappement objet de
l'invention.
[0018] Le tableau qui suit donne la définition des différents paramètres utilisés au cours
de la description qui suit. Ces paramètres sont indiqués sur les figures 1 et 2.
Ls/Le |
Angle mesuré sur la circonférence de la roue d'é-chappement et parcouru par l'arête
d'une dent de la roue d'échappement en contact avec la palette de sortie (respectivement
d'entrée) entre sa position de repos et la fin de son contact avec cette palette [°] |
d |
Angle mesuré sur la circonférence de la roue d'é-chappement, occupé par le plan d'impulsion
de l'une des dents de la roue d'échappement [°] |
La |
Longueur du plan d'impulsion de la palette [µm] |
Lg |
Longueur du plan d'impulsion d'une dent de la roue d'échappement [µm] |
L'a |
Largeur de la palette [µm] |
L'g |
Largeur de la dent, caractérisée par la projection du plan de la dent sur la normale
au rayon passant par le bec d'impulsion de cette dent [µm] |
Lpl |
Largeur relative de l'une des palettes, exprimée en pourcentage de la longueur d'arc
cumulée d'une dent et de cette palette.
 ou

|
[0019] L'architecture complète d'un échappement à ancre suisse peut être définie avec un
certain nombre de paramètres. Avant de pouvoir faire varier ces paramètres et étudier
le système, il est nécessaire d'établir le tracé fonctionnel de l'échappement. Ceci
se fait de façon connue et décrite dans la littérature, comme par exemple dans la
Théorie Générale de l'Horlogerie de L. Defossez.
[0020] Il apparaît après étude approfondie que le paramètre Lpl, la largeur relative des
palettes, exprimée en pourcentage de la longueur d'arc cumulée d'une dent et d'une
palette et égale à

pour la palette de sortie et à

pour la palette d'entrée, est influent. Cette largeur doit être minimisée, comme
montré dans le diagramme de la figure 3, car le rendement diminue avec cette grandeur
sur la plage considérée. Les autres paramètres sont soit déjà proches des valeurs
optimales, voire ont ces valeurs optimales, ou ont une influence relativement faible.
[0021] La diminution relative de la largeur de la palette s'accompagne de l'augmentation
de la largeur de la dent de la roue d'échappement pour conserver le même secteur angulaire
de transmission d'énergie et l'exploiter au maximum. De ce fait, on distingue deux
modes de transmission d'énergie, l'impulsion A lorsque l'arête de la dent se déplace
sur le plan d'impulsion de la palette en exerçant une poussée et l'impulsion B lorsque
le plan d'impulsion de la dent se déplace par rapport à l'arête de la palette en exerçant
une poussée.
[0022] La figure 3 illustre bien cette dépendance. On voit que le fait d'utiliser des palettes
de faible largeur (longueur de plan d'impulsion inférieure à 200 µm) permet d'obtenir
un meilleur rendement que celui donné dans le
US3628327 (49% contre plus de 51% dans le cas présent).
[0023] Tous les exemples sont donnés ici avec une largeur des palettes identiques à l'entrée
et à la sortie, mais il est évident que l'on peut être amené à varier les dimensions
des palettes d'entrée et de sortie.
[0024] Le nombre de dents de la roue d'échappement a peu d'influence sur le rendement de
l'échappement, et peut varier sur une large plage (par exemple, entre 16 et 30 dents).
L'angle formé par la ligne des centres (lignes reliant les centres des axes du balancier,
de l'ancre et de la roue d'ancre) ne possède pas d'influence significative sur le
rendement de l'échappement.
[0025] Avantageusement, le rapport entre l'angle de levée du balancier et celui de l'ancre
(angle formé par la tige de l'ancre entre les deux positions stables de l'ancre),
qui est typiquement de 3,6 dans l'échappement ancre suisse, se situe dans le cas de
la présente invention entre 3,7 et 7, préférentiellement à 4,5.
[0026] En s'appuyant sur l'étude qui précède, et compte tenu des diverses contraintes évoquées,
les géométries suivantes ont été réalisées dans le but de fabriquer une série de prototypes
et confronter les calculs aux mesures.
[0027] La figure 5 représente une forme d'exécution d'un échappement à ancre suisse selon
la présente invention. Ses paramètres correspondent à la référence 2 du tableau 2
ci-après. Cet échappement comporte une roue d'échappement de 24 dents. L'ancre est
réalisée par le procédé Liga en Ni avec des palettes de 0.125 mm d'épaisseur réalisées
de manière classique en rubis. Pour la roue, deux configurations sont testées, une
première en Ni avec une planche de 0.13 mm et une seconde en Si avec une planche de
0.15 mm. Il est évident que d'autres matières peuvent être utilisées, pour l'ancre,
les palettes de l'ancre et la roue. En particulier, l'ancre peut être réalisée en
une seule pièce avec des palettes intégrées.
[0028] La figure 1 représente un échappement à ancre suisse dans une configuration standard
à 20 dents, qui sert de base de comparaison. Ses paramètres correspondent à la référence
3 du tableau 2.
[0029] Pour la configuration de la figure 5, le modèle utilisé pour calculer les valeurs
consignées dans le tableau 2, permet de prévoir une augmentation du rendement d'environ
10% pour la solution en Ni et d'environ 11% pour la version allégée en Si.
[0030] Pour les tests de validation, la valeur absolue du rendement est difficile à prédire
puisque celle-ci dépend directement de la valeur du rendement de transmission entre
la roue d'ancre et la roue de seconde qui est difficilement estimable. Nous nous basons
donc sur des comparaisons de l'amplitude obtenue entre une configuration standard
et un échappement optimisé.
[0031] Le tableau 1 ci-dessous donne un aperçu des amplitudes mesurées pour les deux configurations
et l'échappement témoin (ancre suisse standard avec une roue d'ancre fabriquée en
Ni). Les amplitudes données ci-dessous sont des moyennes réalisées sur au moins cinq
pièces, l'écart-type sur ces moyennes étant de typiquement 5°.
TABLEAU 1
|
Numéro de référence tableau 2 |
Amplitude mesurée [°] |
Echappement témoin |
3 |
275 |
Roue en Si |
2 |
307 |
Roue en Ni |
2 |
310 |
TABLEAU 2
Ref. |
Largeur palette Lpl [%] |
Rendement η [%] |
Longueur plan d'impulsion de la palette La |
Rapport longueurs des plans d'impulsion Lg/La |
Angle palette Ls, Le [°] |
Rapport angles Ls/d |
Nombre de dents |
1 |
38.2 |
54.4% |
157 |
1.78 |
3.3 |
0.62 |
20 dents |
2 |
38.8 |
54.8% |
158 |
1.72 |
2.8 |
0.63 |
24 dents |
3 |
72.3 |
45.2% |
290 |
0.40 |
6.3 |
2.6 |
20 dents |
[0032] Il ressort de l'étude que dans l'échappement à ancre suisse objet de l'invention,
la largeur relative Lpl de chacune des palettes, est avantageusement ≤ 45%. Le rapport
de la longueur d'arc Ls, Le de l'une des palettes de sortie, respectivement d'entrée
à la longueur d'arc d d'une des dents de la roue d'échappement est de préférence inférieur
à 1. La longueur du plan d'impulsion La de l'une desdites palettes est avantageusement
inférieure à 200 µm. Le rapport entre la longueur du plan d'impulsion Lg de l'une
des dents de la roue d'échappement et la longueur du plan d'impulsion La de l'une
des palettes est préférentiellement supérieur à 1,5.
1. Echappement à ancre suisse comprenant une roue d'échappement munie de dents et une
ancre munie d'une part d'une palette d'entrée et d'une palette de sortie, en prise
alternativement avec les dents de la roue d'échappement, d'autre part d'une fourchette
en prise périodiquement avec une cheville d'un plateau solidaire de l'arbre d'un balancier
régulateur,
caractérisé en ce que la largeur relative Lpl de chacune desdites palettes, exprimée en pourcentage de
la longueur d'arc cumulée de l'une desdites dents et de l'une desdites palettes, mesurée
sur la circonférence de la roue d'échappement est :

où Ls et Le sont les longueurs d'arcs des palettes de sortie, respectivement d'entrée,
d est la longueur d'arc d'une dent de la roue d'échappement.
2. Echappement selon la revendication 1 dans lequel ladite largeur relative Lpl de chacune
desdites palettes, est ≤ 45%.
3. Echappement selon l'une des revendications précédentes, dans lequel le rapport de
la longueur d'arc Ls, Le de l'une des palettes de sortie, respectivement d'entrée
à la longueur d'arc d d'une des dents de la roue d'échappement est inférieur à 1.
4. Echappement selon l'une des revendications précédentes, dans lequel la longueur du
plan d'impulsion La de l'une desdites palettes est inférieure à 200 µm.
5. Echappement selon l'une des revendications précédentes, dans lequel le rapport entre
la longueur du plan d'impulsion Lg de l'une desdites dents et la longueur du plan
d'impulsion La de l'une des palettes est supérieur à 1,5.
6. Echappement selon l'une des revendications précédentes, dans lequel le rapport entre
l'angle de levée du balancier et l'angle de levée de l'ancre se situe entre 3,7 et
7, préférentiellement à 4,5.