[0001] La présente invention concerne le domaine du contrôle de la phase de combustion d'un
moteur à combustion interne. Notamment la présente invention se rapporte à une méthode
pour détecter une combustion anormale, du type pré allumage à bas régime et à forte
charge, dans une chambre de combustion d'un tel moteur.
[0002] Elle concerne plus particulièrement mais non exclusivement une telle méthode appliquée
à un moteur à allumage commandé « downsizé », fonctionnant sous très fortes charges.
[0003] Les moteurs à allumage commandé ont l'avantage de limiter les émissions polluantes
locales (HC, CO et NO
x) grâce à l'excellente adéquation entre le mode de fonctionnement (à richesse 1) et
leur système de post-traitement simple et à bas coût. Malgré cet avantage fondamental,
ces moteurs sont mal positionnés en termes d'émissions de gaz à effet de serre, car
les moteurs Diesel qui leur font concurrence peuvent atteindre des émissions de CO
2 inférieures de 20 % en moyenne.
[0004] La combinaison du "downsizing" et de la suralimentation est une des solutions qui
se répand de plus en plus pour abaisser la consommation des moteurs à allumage commandé.
Malheureusement, le mécanisme classique de combustion dans ces moteurs peut être perturbé
par des combustions anormales. Ce type de moteur comprend au moins un cylindre comportant
une chambre de combustion délimitée par la paroi latérale interne du cylindre, par
le haut du piston qui coulisse dans ce cylindre et par la culasse. Généralement, un
mélange carburé est renfermé dans cette chambre de combustion et subit une étape de
compression, puis une étape de combustion sous l'effet d'un allumage commandé, par
une bougie. Ces étapes sont regroupées sous le vocable de « phase de combustion »
dans la suite de la description.
[0005] II a pu être constaté que ce mélange carburé peut subir différents types de combustion,
et que ces types de combustion sont la source de différents niveaux de pression, ainsi
que de contraintes mécaniques et/ou thermiques, dont certaines peuvent endommager
gravement le moteur.
[0006] La première combustion, dite combustion conventionnelle ou combustion normale, est
le résultat de la propagation de la combustion d'un mélange carburé comprimé lors
d'une étape préalable de compression du moteur. Cette combustion se propage normalement
selon un front de flamme à partir de l'étincelle générée à la bougie, et ne risque
pas de détériorer le moteur.
[0007] Un autre type de combustion est une combustion avec cliquetis, qui résulte d'une
auto-inflammation indésirable dans la chambre de combustion. Ainsi, après l'étape
de compression du mélange carburé, la bougie est actionnée pour permettre l'allumage
de ce mélange carburé. Sous l'effet de la pression générée par le piston, et de la
chaleur dégagée par le début de la combustion du mélange carburé, il se produit une
auto-inflammation brutale et localisée d'une partie du mélange carburé comprimé, avant
que n'arrive le front de flamme issu de l'allumage du mélange carburé par la bougie.
Ce mécanisme, dénommé cliquetis, conduit à une augmentation locale de la pression
et de la température et peut engendrer, en cas de répétitions, des effets destructifs
sur le moteur et principalement au niveau du piston.
[0008] Enfin, un autre type de combustion est une combustion anormale due à un pré allumage
du mélange carburé avant que la bougie n'initie l'allumage du mélange carburé présent
dans la chambre de combustion.
[0009] Cette combustion anormale affecte en particulier les moteurs qui sont le résultat
d'une opération de "miniaturisation", plus connu sous le terme anglais de "downsizing".
Cette opération vise à diminuer la taille et/ou la cylindrée du moteur tout en conservant
la même puissance et/ou le même couple que des moteurs conventionnels. Généralement,
ce type de moteurs est principalement de type essence et est fortement suralimenté.
[0010] Il a pu être constaté que cette combustion anormale se réalise à fortes charges,
et généralement lors des bas régimes de fonctionnement du moteur, lorsque le calage
de la combustion du mélange carburé ne peut pas être l'optimum à cause du cliquetis.
Compte tenu des fortes pressions et des températures élevées atteintes dans la chambre
de combustion par la suralimentation, un démarrage de combustion anormale peut se
produire, sporadiquement ou de façon continue, bien avant le moment où se réalise
l'allumage du mélange carburé par la bougie. Cette combustion se caractérise par une
première phase de propagation de flamme qui est calée trop tôt par rapport à celle
d'une combustion conventionnelle. Cette phase de propagation peut être interrompue
par une auto-inflammation qui va concerner une grande partie du mélange carburé présent
dans la chambre de combustion, beaucoup plus grande que dans le cas du cliquetis (jusqu'à
50 %, contre 5 à 10 % pour les cas extrêmes de cliquetis intenses).
[0011] Dans le cas où cette combustion anormale se produit de façon répétitive, de cycle-moteur
à cycle-moteur, et se réalise à partir d'un point chaud du cylindre par exemple, celle-ci
est dénommée "pré allumage sur surface chaude". Si cette combustion se produit de
manière violente, aléatoire et sporadique, elle est appelée "claquement" ou "rumble"
(« preignition »).
[0012] Cette dernière combustion anormale entraîne des niveaux de pressions très élevés
(120 à 250 bar), ainsi qu'une augmentation des transferts thermiques qui peuvent entraîner
une destruction partielle ou totale de l'équipage mobile du moteur, comme le piston
ou la. bielle. Ce type de pré allumage constitue actuellement une véritable limite
à la miniaturisation ("downsizing") des moteurs à allumage commandé. II s'agit d'un
phénomène très complexe qui peut avoir de multiples origines. Plusieurs hypothèses
ont été évoquées dans la littérature pour expliquer son apparition mais aucune d'entre
elles n'a pour l'instant été clairement validée, il semble même plutôt que plusieurs
de ces causes potentielles se manifestent simultanément et interagissent entre elles.
Cette interaction, la violence du phénomène et son caractère stochastique rendent
son analyse extrêmement compliquée. De plus, les différentes études sur le sujet se
heurtent toutes au problème de l'identification même de ces combustions anormales.
Il est en effet difficile de dire si un moteur est plus sensible qu'un autre au pré
allumage tant qu'on est incapable de statuer sur la nature de chacune des combustions
au sein d'un échantillon donné.
[0013] Une méthode permettant de détecter et de caractériser en nombre et en intensité ces
combustions anormales est donc de première nécessité, car elle permet justement d'établir
cette hiérarchie et d'identifier les pistes qui permettent d'améliorer la conception
et les réglages des moteurs. Cette opération est particulièrement intéressante lors
des développements de moteurs au banc moteur.
État de la technique
[0014] La méthodologie générale de traitement de ces combustions anormales est schématisée
sur la figure 1, avec dans un premier temps une phase de prévention (PP) pour limiter
au maximum les chances d'apparition du phénomène, puis une phase de détection (PD)
lorsque la prévention n'a pas suffit à éviter le phénomène, pour déterminer si oui
ou non il y a lieu d'intervenir dans le cycle même où le pré allumage a été détecté
au moyen d'une phase corrective (PC).
[0015] La phase de détection comporte une phase d'acquisition de signaux, puis une phase
de traitement de signaux permettant de détecter l'apparition du pré allumage à forte
charge, de le caractériser et de le quantifier.
[0016] On connaît par la demande de brevet
EP 1.828.737, une méthode pour détecter l'apparition du pré allumage à forte charge, de type
rumble. Cette méthode est basée sur la mesure d'un signal relatif au déroulement de la combustion,
et une comparaison avec un signal-seuil. La présence d'une combustion anormale, de
type "rumble", dans la chambre de combustion, est détectée lorsque l'amplitude du
signal dépasse de façon significative celle du signal-seuil. Selon cette méthode,
le signal-seuil correspond à l'amplitude du signal produit lors d'une combustion avec
cliquetis ou lors d'une combustion normale (conventionnelle).
[0017] Cependant, selon cette méthode, la détection ainsi réalisée ne permet pas d'agir
au cours du cycle même de la détection. Les actions de corrections de ce type de pré
allumage ne peuvent donc être réalisées qu'après la réalisation d'un tel phénomène,
ce qui peut nuire sérieusement à l'intégrité du moteur.
[0018] On connaît également la méthode décrite dans le brevet
FR 2.897.900. Selon cette méthode, on peut agir plus rapidement après la détection du pré allumage
: on est capable d'agir au cours du même cycle que le cycle de détection du phénomène.
Pour ce faire, le signal-seuil est préalablement calculé, c'est-à-dire avant le fonctionnement
du moteur, puis stocké dans des tables de données du calculateur, appelées cartographies.
[0019] Cependant, l'utilisation de cartographies, ne permet pas de détecter à tout moment,
c'est-à-dire en temps réel, le début d'un tel phénomène. De ce fait, il est toujours
possible que la détection se fasse trop tardivement. De plus, aucune quantification
de l'évolution du phénomène ne peut être réalisée. Ainsi, la nécessité ou non d'appliquer
une phase de correction repose uniquement sur la comparaison de deux amplitudes à
un instant donné. Or un tel phénomène peut très bien débuter, puis s'arrêter sans
entraîner de dommage pour le moteur, et donc ne pas nécessiter de phase corrective.
[0020] On connaît par la demande de brevet
FR 2.952.678 un procédé de détection de combustion anormale pour moteurs à combustion interne
à allumage commandé, à partir de plusieurs indicateurs de la combustion. Selon ce
procédé, on détermine plusieurs indicateurs de la combustion, tels que le CA10 et
la PMI, et l'on transforme ces indicateurs en nouveaux indicateurs ayant des dispersions
plus faibles que celles des indicateurs non transformés pour des combustions normales.
Puis, on détermine un paramètre caractérisant une distribution de N valeurs de ces
nouveaux indicateurs de la combustion, acquises sur N cycles précédant le cycle en
cours. On détecte alors le début d'une combustion anormale en comparant ce paramètre
avec un seuil, et on contrôle le déroulement de la combustion anormale détectée dans
la chambre de combustion.
[0021] Toutes ces méthodologies antérieures ont pour objectif de quantifier la fréquence
d'apparition du pré allumage, sans fournir une bonne représentation de la violence
(intensité) de ces phénomènes détectés. Or, les culasses ne peuvent être dimensionnées
de manière pertinente que si la fréquence et l'intensité potentielles des pré allumages
sont connues.
[0022] L'objet de l'invention concerne un procédé permettant de détecter en temps réel l'apparition
d'une combustion anormale, de caractériser sa fréquence d'apparition et son intensité,
avec les dispositifs et systèmes couramment utilisés dans les moteurs, de façon à
prendre des mesures permettant de l'éviter dans la suite du fonctionnement du moteur,
au cours du même cycle que celui de la détection. La méthode s'appuie sur la définition
d'un espace multidimensionnel dont chaque dimension correspond à un indicateur de
la combustion, et sur la définition dans cet espace, d'une surface fermée délimitant
les combustions normales des combustions anormales. La position et la distance d'un
point correspondant à une combustion, par rapport à cette surface, permet de qualifier
le caractère anormale de cette combustion ; ainsi que la sévérité de ce caractère
anormal.
Le procédé selon l'invention
[0023] De façon générale, l'invention concerne un procédé de contrôle de combustion d'un
moteur à combustion interne à allumage commandé, dans lequel on enregistre au moins
un signal représentatif d'un état de la combustion au moyen d'au moins un capteur
placé sur le moteur. Le procédé comporte les étapes suivantes :
- on choisit des indicateurs de la combustion que l'on peut déduire dudit signal, et
l'on définit un espace multidimensionnel dont chaque dimension correspond à un desdits
indicateurs, et dans lequel toute combustion peut être représentée par un point ;
- on définit dans ledit espace une surface fermée de façon à envelopper des points correspondant
à des combustions normales et à ne pas envelopper des points correspondant à des combustions
anormales ;
puis pour chaque combustion d'un cycle moteur :
- on représente ladite combustion du cycle par un point dans ledit espace multidimensionnel
en déterminant pour cette combustion lesdits indicateurs ;
- on détermine une position dudit point par rapport à ladite surface et l'on en déduit
un caractère anormal de ladite combustion ;
- on détermine une distance entre ledit point et ladite surface, et l'on en déduit une
sévérité du caractère anormal ; et
- on contrôle le déroulement de la combustion anormale détectée en fonction de la sévérité
du caractère anormal.
[0024] Selon un mode de réalisation, on définit la surface en réalisant les étapes suivantes
:
- on choisit une équation définissant ladite surface, ladite équation comportant au
moins un paramètre ;
- on réalise un ensemble de combustions dans lequel des combustions normales et des
combustions anormales sont connues, et l'on représente ledit ensemble de combustions
dans ledit espace multidimensionnel formant un nuage de points ;
- on détermine au moyen d'une analyse en composantes principales des directions principales
dudit nuage de points, et on détermine une dispersion des points selon chaque direction
principale ;
- on modifie ledit paramètre de façon à ce que l'extension de la surface dans chaque
direction principale soit égale à la dispersion dans cette direction.
[0025] Selon ce mode, on peut définir un coefficient multiplicateur que l'on applique à
chaque dispersion avant la modification du paramètre. Ce coefficient multiplicateur
peut être choisi entre 2,4 et 2,6, de préférence égale à 2,5.
[0026] Selon l'invention, on peut mettre à jour ladite surface à partir d'un point issu
d'une nouvelle combustion. Ladite surface peut être une surface de type quadrique.
[0027] Enfin, selon un mode de réalisation, les indicateurs sont normalisés.
Présentation des figures
[0028] Les autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture
de la description donnée ci-après en se référant aux figures annexées où :
- la figure 1 montre la méthodologie générale de traitement des combustions anormales
de type pré allumage ;
- la figure 2 montre un moteur utilisant la méthode de détection selon l'invention ;
- la figure 3 donne un exemple de représentation tridimensionnelle de données calculées
sur un point de fonctionnement avec pré allumage ;
- la figure 4 présente une superposition de données normalisées obtenues sur différents
points de fonctionnement ;
- la figure 5 illustre un exemple d'identification des directions principales - Zoom
sur la figure de droite (les axes principaux peuvent ne pas paraître orthogonaux à
cause des différentes échelles) ;
- la figure 6 illustre la détermination de l'épaisseur optimale de la surface de normalité
;
- la figure 7 représente une estimation de l'enveloppe des combustions normales par
une surface quadrique en utilisant un coefficient multiplicateur de 2.5 ;
- la figure 8 illustre la distance des pré allumages à la normalité (représentée par
la taille des cercles).
Description détaillée du procédé
[0029] Sur la figure 2, un moteur à combustion interne 10 suralimenté à allumage commandé,
en particulier de type essence, comprend au moins un cylindre 12 avec une chambre
de combustion 14 à l'intérieur de laquelle se produit la combustion d'un mélange d'air
suralimenté et de carburant.
[0030] Le cylindre comprend au moins un moyen d'alimentation en carburant sous pression
16, par exemple sous la forme d'un injecteur de carburant 18 contrôlé par une vanne
20, qui débouche dans la chambre de combustion, au moins un moyen d'admission d'air
22 avec une soupape 24 associée à une tubulure d'admission 26 se terminant par un
plénum 26b (non représenté sur la figure), au moins un moyen d'échappement des gaz
brûlés 28 avec une soupape 30 et une tubulure d'échappement 32 et au moins un moyen
d'allumage 34, comme une bougie, qui permet de générer une ou plusieurs étincelles
permettant d'enflammer le mélange carburé présent dans la chambre de combustion.
[0031] Les tubulures 32 des moyens d'échappement 28 de ce moteur sont raccordées à un collecteur
d'échappement 36 lui-même connecté à une ligne d'échappement 38. Un dispositif de
suralimentation 40, par exemple un turbocompresseur, est placé sur cette ligne d'échappement
et comprend un étage d'entraînement 42 avec une turbine balayée par les gaz d'échappement
circulant dans la ligne d'échappement et un étage de compression 44 qui permet de
faire admettre un air d'admission sous pression dans les chambres de combustion 14
par les tubulures d'admission 26.
[0032] Le moteur comprend des moyens 46a de mesure de la pression cylindre, disposés au
sein même du cylindre 12 du moteur. Ces moyens de mesure sont généralement constitués
par un capteur de pression qui permet de générer un signal représentatif de l'évolution
de la pression dans un cylindre.
[0033] Le moteur peut également comporter des moyens 46b de mesure de la pression d'admission,
disposés dans le plénum 26b. Ces moyens de mesure sont généralement constitués par
un capteur de pression absolue, de type piézoélectrique, qui permet de générer un
signal représentatif de l'évolution de la pression d'admission dans le plénum d'admission.
[0034] Le moteur comprend également une unité de calcul et de commande 48, dénommée calculateur
moteur, qui est reliée par des conducteurs (pour certains bidirectionnels) aux différents
organes et capteurs du moteur de façon à pouvoir recevoir les différents signaux émis
par ces capteurs, comme la température de l'eau ou la température de l'huile, pour
les traiter par calcul et ensuite commander les organes de ce moteur pour assurer
son bon fonctionnement.
[0035] Ainsi, dans le cas de l'exemple montré à la figure 2, les bougies 34 sont reliées
par des conducteurs 50 au calculateur moteur 48 de façon à commander le moment de
l'allumage du mélange carburé, le capteur de pression cylindre 46a est connecté par
une ligne 52 à ce même calculateur moteur pour lui envoyer les signaux représentatifs
de l'évolution de la pression dans le cylindre, et les vannes 20 de commande des injecteurs
18, sont raccordées par des conducteurs 54 au calculateur 48 pour commander l'injection
de carburant dans les chambres de combustion. Les moyens 46b sont également connectés
par une ligne 53 au calculateur moteur 48.
[0036] Au sein d'un tel moteur, le procédé selon l'invention permet de détecter l'apparition
d'un phénomène de pré allumage à forte charge (du type
rumble), de caractériser sa fréquence d'apparition et son intensité, en s'appuyant sur une
caractérisation simultanée de valeurs de plusieurs indicateurs de combustion (CA10,
PMI, ...).
[0037] La méthodologie générale de traitement de ces combustions anormales comporte plusieurs
étapes :
- la première de ces étapes concerne les actions de prévention qui ont pour but de limiter
au maximum les chances d'apparition du pré allumage ;
- dans le cas où cette phase de prévention ne suffit pas, une seconde étape de détection
physique du pré allumage doit être mise en oeuvre (par un choix de capteurs par exemple)
;
- vient ensuite une phase de traitement des données qui doit permettre de caractériser
le pré allumage ;
- et finalement, une dernière phase d'action corrective est réalisée pour déterminer
si oui ou non il y a lieu d'intervenir dans le cycle même où le pré allumage a été
détecté ou au cours des cycles qui suivent.
[0038] L'invention entre dans le cadre de la troisième étape. Selon un exemple de réalisation,
le procédé comporte les étapes suivantes :
- on enregistre au moins un signal (pression dans le cylindre) représentatif de l'état
de la combustion au moyen d'au moins un capteur placé dans le moteur ;
- on choisit des indicateurs de la combustion que l'on peut déduire de ce signal, et
l'on définit un espace multidimensionnel dont chaque dimension correspond à un des
indicateurs, et dans lequel toute combustion peut être représentée par un point ;
- on définit dans cet espace une surface fermée de façon à envelopper des points correspondant
à des combustions normales et à ne pas envelopper des points correspondant à des combustions
anormales ;
puis pour chaque combustion d'un cycle moteur :
- on représente la combustion du cycle en cours par un point dans l'espace multidimensionnel
en déterminant pour cette combustion les indicateurs ;
- on détermine la position du point par rapport à la surface et l'on en déduit le caractère
anormal de la combustion en cours ;
- on détermine la distance entre le point et la surface, et l'on en déduit la sévérité
du caractère anormal ; et
- on contrôle le déroulement de la combustion anormale détectée en fonction de la sévérité
du caractère anormal.
[0039] On enregistre au moins un signal représentatif de l'état de la combustion, au moyen
d'un capteur placé dans le moteur. Selon un mode de réalisation on choisit la pression
cylindre. La mesure de la pression cylindre est réalisée à partir des moyens 46a de
mesure de la pression cylindre. L'instrumentation des cylindres pour une mesure de
pression est de plus en plus courante sur les véhicules.
[0040] L'invention permet d'utiliser d'autres mesures que la pression cylindre, telle que
le couple instantané, le régime instantané, le niveau de vibrations (capteurs accélérométriques),
signal d'ionisation,....
[0041] Puis, on réalise une phase préliminaire (étapes 1 et 2 ci-après) à la détection en
temps réel d'une combustion anormale.
1. Choix d'indicateurs de la combustion et définition d'un espace multidimensionnel
[0042] Au cours de cette étape, on choisit des indicateurs de la combustion que l'on peut
déduire du signal mesuré, et l'on définit un espace multidimensionnel dont chaque
dimension correspond à un des indicateurs, et dans lequel toute combustion peut être
représentée par un point.
[0043] Selon un mode de réalisation on choisit le CA10. Le CA10 représente l'angle vilebrequin
auquel seulement 10 % de la charge introduite a été consommée. De ce fait, il est
particulièrement bien adapté pour mettre en évidence une anomalie se produisant en
début de combustion comme le pré allumage.
[0044] Cependant, une simple identification des pré allumages n'est pas suffisante puisque
le but recherché est également de caractériser la dangerosité de ces combustions anormales.
Par conséquent, il est nécessaire de choisir également des variables qui représentent
explicitement la violence des pré allumages.
[0045] La figure 3 donne un exemple de représentation tridimensionnelle de données calculées
sur un point de fonctionnement avec pré allumage. En plus du CA10, les valeurs de
pression (PCA10) et de dérivée de pression (DPCA10) au CA10 ont été retenues. Intuitivement,
on comprend que les valeurs prises par la pression et la dérivée de pression au CA10
sont déterminantes pour les valeurs qu'elles prendront ensuite au cours du cycle,
en particulier pour leurs valeurs maximales (en d'autres termes, une combustion qui
part fort a de très grandes chances de continuer et de finir très fort...).
[0046] L'invention peut également utiliser d'autres indicateurs de combustion :
- à partir de la pression cylindre : PMI, pression cylindre maximale, angle vilebrequin
à la pression maximale, CAxx, maximum de dégagement d'énergie,... ;
- à partir du couple instantané : maximum de couple, dérivée maximale de couple, ...
;
- à partir du régime instantané : maximum de vitesse, accélération maximale, ... ;
- le volume de la chambre de combustion, ou le gradient de volume à certains moments
(au CA10 par exemple).
[0047] Plusieurs tests de représentations tridimensionnelles de données comme celle de la
figure 3 ont été réalisés sur différents points de fonctionnement, mais également
sur différents moteurs et avec différents carburants. Systématiquement, ces tests
ont mis en évidence des corrélations entre les différentes variables et la normalisation
des données a permis de montrer que ces tendances étaient répétables. La figure 4
présente une superposition de données normalisées (CA10n, PCA10n, DPCA100n) obtenues
sur différents points de fonctionnement. Les combustions normales occupent une zone
assez compacte de l'espace et forment un nuage de données condensé alors que les pré
allumages ont tendances à sortir de ce nuage (tout comme les combustions tardives
mais dans une moindre mesure).
2. Définition d'une surface fermée délimitant les combustions normales
[0048] Un objectif de l'invention, est de délimiter les combustions normales pour extraire
ensuite plus facilement des informations sur les combustions anormales en termes de
distance à la normalité.
[0049] Pour ce faire, on définit dans l'espace multidimensionnel une surface fermée de façon
à envelopper des points correspondant à des combustions normales et à ne pas envelopper
des points correspondant à des combustions anormales.
[0050] Pour ce faire, on peut utiliser un premier ensemble de points correspondant à des
combustions normales du moteur, et un second ensemble de points correspondant à des
combustions anormales du moteur. Ces ensembles sont représentés dans l'espace multidimensionnel,
et l'on ajuste une surface enveloppant les points correspondant au premier ensemble,
en évitant les points du second ensemble.
[0051] Un exemple de mise en oeuvre est décrit ci-après, dans lequel la délimitation est
réalisée en deux temps :
- i. en identifiant tout d'abord les directions principales présentes au sein du jeu
de données (les directions sont représentées par des flèches blanches sur la figure
5) ;
- ii. puis en déterminant une modélisation pertinente des combustions normales (figure
7).
[0052] Chaque combustion est représentée dans l'espace multidimensionnel de représentation
sous forme d'un point dont les coordonnées sont les valeurs des indicateurs calculés
à l'étape précédente. Après plusieurs cycles, les combustions forment un nuage de
points dans cet espace de représentation.
[0053] Dans un premier temps, on détermine les directions principales de ce nuage de points,
c'est-à-dire les directions dans lesquelles le nuage s'étend, ou en d'autres termes
les directions dans lesquelles la dispersion est maximale. Selon un exemple, l'identification
des directions principales est réalisée de manière robuste via un algorithme d'analyse
en composantes principales (ACP). Mais d'autres algorithmes peuvent être utilisés
à cet effet.
[0054] La figure 5 illustre un exemple d'identification des directions principales : les
axes principaux sont représentés par des flèches blanches ; ils peuvent ne pas paraître
orthogonaux à cause des différentes échelles.
[0055] Dans un second temps, on construit une enveloppe (surface) autour des points correspondant
à des combustions normales. Il est primordial de correctement déterminer cette surface
optimale, qui ne doit être ni trop grande (le risque serait alors d'inclure des pré
allumages), ni trop petite (le risque serait alors de sur estimer le nombre de pré
allumages en considérant certaines combustions normales comme étant anormales). Pour
construire cette enveloppe, on choisit une forme d'enveloppe, puis on l'ajuste au
nuage de points le long des directions principales du nuage.
[0056] Selon un exemple, on calcule les trois premières directions principales, et l'on
choisit une enveloppe de type quadrique (d'autres types de surface pourraient également
être utilisés). Une quadrique, ou surface quadratique, est une surface de l'espace
euclidien de dimension 3, lieu des points vérifiant une équation cartésienne de degré
2. On peut citer par exemple : l'ellipsoide, l'hyperboloïde, le paraboloïde elliptique,
le paraboloïde hyperbolique, le cylindre (elliptique, hyperbolique ou parabolique).
[0057] On ajuste ensuite les paramètres de la surface quadrique afin qu'elle soit centrée
sur le centre du nuage.
[0058] Dans le cas d'un ellipsoïde, l'équation est :
- x, y, et z représentent les trois directions principales formant un repère orthonormé,
dont le centre est le centre du nuage de points.
- a, b et c sont les paramètres de la surface quadrique à ajuster.
[0059] Puis, on estime la dispersion (par exemple l'écart-type) des données sur chacune
des directions principales. Cette estimation peut être avantageusement réalisée suite
à l'ACP, c'est-à-dire en même temps que la détermination des directions principales.
La dispersion sur chacune des directions principales x, y et z définit l'extension
de la surface quadrique : les paramètres a, b et c sont choisis de façon à ce que
l'extension de la surface quadrique dans la direction x (respectivement y et z) soit
égale à la dispersion dans la direction x (respectivement y et z).
[0060] Selon un mode de réalisation, on calcule un coefficient multiplicateur aux dispersions
calculées. L'augmentation progressive de ce coefficient multiplicateur permet d'augmenter
la taille de la surface enveloppant les combustions normales. Ainsi, selon notre exemple
de surface quadrique de type ellipsoïde, les paramètres a, b et c sont choisis de
façon à ce que l'extension de la surface quadrique dans la direction x (respectivement
y et z) soit égale à la dispersion dans la direction x (respectivement y et z), multipliée
par un coefficient multiplicateur.
[0061] En utilisant un jeu de données synthétique, dans lequel les combustions normales
et les combustions avec pré allumages sont connues, ont peut définir ces coefficients
multiplicateurs. Le constat réalisé est illustré sur la figure 6. L'objectif est de
déterminer l'inflexion (Pl) de la courbe (C) représentant le nombre de points (n)
contenus à l'intérieur de la surface de normalité, en fonction du coefficient multiplicateur
(CM). En effet, cette inflexion correspond au moment où, malgré l'augmentation de
la taille de la surface de normalité, de moins en moins de points n'entrent dans cette
surface. On atteint alors la séparation entre les combustions normales et les combustions
anormales beaucoup plus dispersées, et qui demandent donc des coefficients multiplicateurs
plus élevés pour être englobées dans la surface de normalité. Sur cette figure, un
coefficient multiplicateur de 2.5 permet donc d'englober toutes les combustions normales.
La même démarche appliquée sur près de 600 jeux de données générés manuellement a
conduit au même résultat avec une valeur autour de 2.5 (entre 2.4 et 2.6).
[0062] La figure 7 représente une estimation de l'enveloppe des combustions normales par
une surface quadrique en utilisant un coefficient multiplicateur de 2.5.
[0063] Cette surface définie avant la phase de détection à chaque cycle d'une combustion
anormale, peut être affiné à chaque cycle, en intégrant au nuage de point les points
issus des combustions des cycles précédant le cycle en cours.
[0064] Une fois ces étapes préliminaires (définition d'un espace multidimensionnel et d'une
surface de référence) réalisées, on peut, à partir du signal, détecter une combustion
anormale à chaque cycle moteur.
3. Identification et qualification des combustions anormales
[0065] Au cours de chaque cycle, on calcule les indicateurs de la combustion, à partir du
signal, et pour chaque combustion. Puis, on réalise les étapes suivantes :
- on représente la combustion du cycle en cours par un point dans l'espace multidimensionnel
en déterminant pour cette combustion les indicateurs ;
- on détermine la position du point par rapport à la surface et l'on en déduit le caractère
anormal de la combustion en cours ;
- on détermine la distance entre le point et la surface, et l'on en déduit la sévérité
du caractère anormal.
[0066] Une méthode pour calculer la distance d'un point à une ellipsoïde est décrite par
exemple dans le document suivant :
David Eberly, 2011, "Distance from a Point to an Ellipse, an Ellipsoid, or a Hyperellipsoid",
Geometric Tools, LLC. Dans le cas d'une surface quadrique de degré dg, un mode de calcul consiste à calculer
la distance d1 du point à l'ellipsoïde de mêmes paramètres a, b, c, ce qui fournit
une bonne approximation pratique de la distance exacte. Un autre type de calcul possible
consiste à déterminer la droite radiale qui joint le centre de la surface quadrique
au point considéré, puis à calculer la plus petite distance « radiale » d2 entre le
point considéré et les deux intersections (la droite radiale intersecte généralement
la surface en deux points : l'un proche, l'autre plus éloigné (de l'autre côté du
centre) ; il convient de prendre la distance au point le plus proche.) entre la surface
quadrique et la droite radiale, et à considérer la plus petite des deux distances
d1 et d2. La distance peut être ainsi légèrement surestimée, ce qui préserve l'aspect
préventif de la détection proposée.
[0067] Cette distance constitue un indicateur de la combustion à chaque cycle. Si la distance
indique que le point caractérisant la combustion est en dehors du nuage, cela indique
un pré allumage, et plus cette distance est grande, plus l'intensité du phénomène
est importante.
[0068] La prise en compte simultanée de plusieurs variables permet ainsi de construire au
travers de cette distance un critère "combiné" (et ce même si ces différentes variables
devaient être partiellement corrélées).
[0069] La figure 8 illustre cette distance par la taille des cercles utilisés pour représenter
les différents cycles. Cette figure représente le CA10 en fonction du cycle NbC. On
retrouve ainsi un résultat attendu, à savoir que plus un pré allumage se déclenche
tôt dans le cycle (CA10 faible) et plus il a de chance d'être violent (cercle de taille
importante).
[0070] Toutefois, le procédé selon l'invention permet de mieux classer ces différents pré
allumages car l'éloignement à la normalité n'est pas uniquement fonction du CA10 mais
bien de plusieurs variables combinées. En d'autres termes, le processus de traitement
permet d'associer à des cycles ayant des CA10 similaires des cercles de tailles différentes,
i.e. des intensités différentes. Les deux exemples du bas de la figure 8 illustrent ce
phénomène avec les cycles 650 et 671 choisis à iso CA10 (environ 374 °V). Ici il est
important de souligner que les distances sont différentes bien que les CA10 soient
équivalents.
[0071] Remarques : le procédé possède plusieurs degrés de liberté :
- le nombre de variables utilisées ;
- la méthode d'identification des directions principales ;
- la méthode et le type de modélisation des combustions normales ;
- la méthode de calcul de la distance d'un point à la surface modélisée.
[0072] Autre avantage de la méthodologie : comme on peut le voir sur la partie haute de
la figure 8, les combustions tardives ressortent elles aussi à cause de leurs distances
à la normalité elles aussi anormalement élevées. Cette méthodologie peut donc aussi
être utilisée pour caractériser les combustions tardives et les ratés de combustion.
On appelle "combustions tardives", des combustions qui ont été correctement initiées
à la bougie mais qui se développent lentement et conduisent donc à une perte de rendement.
On appelle "ratés de combustion", des combustions qui n'ont pas été initiées du tout
à la bougie (suite à un défaut de richesse par exemple). En termes de pression cylindre,
on observe alors qu'une simple compression / détente (ou dans le meilleur des cas
juste une très faible combustion).
[0073] Ces deux types de combustion ne représentent pas de danger contrairement au pré allumage
mais il y a tout de même un intérêt à les détecter car elles sont synonymes de mauvais
rendement ou d'émissions importantes du fait des défauts de combustion.
4- Contrôle de la combustion anormale
[0074] Enfin, on contrôle le déroulement de la combustion anormale détectée en fonction
de la sévérité du caractère anormal.
[0075] Au moyen de la position par rapport à la surface, le calculateur moteur peut détecter
le début d'une combustion anormale de type "pré allumage" dans la chambre de combustion.
Et grâce à la distance par rapport à la surface, le calculateur moteur peut détecter
la sévérité de cette combustion anormale.
[0076] En cas de combustion anormale, et si la sévérité est avérée, ce calculateur lance
ensuite les actions nécessaires au contrôle de cette combustion afin d'éviter la poursuite
d'une telle combustion.
[0077] Par contrôle de la combustion anormale, il est entendu non seulement la possibilité
de maîtriser le déroulement de cette combustion pour éviter les augmentations brutales
de pressions destructrices mais aussi d'arrêter complètement une telle combustion,
telle que par étouffement.
[0078] A titre préférentiel, ce contrôle de la combustion est réalisé par une réinjection
de carburant à un angle de vilebrequin déterminé par les injecteurs 18. Plus précisément,
le calculateur commande les vannes 20 de façon à ce que l'injecteur du cylindre concerné
permette d'introduire dans la chambre de combustion une quantité de carburant sous
forme liquide. La quantité de carburant réinjectée dépend de la constitution du moteur
et peut aller de 10 % à 200 % de la quantité de carburant initialement introduite
dans cette chambre de combustion. De ce fait, le carburant réinjecté sert à contrarier
la flamme qui commence à se déployer lors de la combustion anormale. Cette réinjection
permet soit de souffler cette flamme, soit d'étouffer cette flamme par augmentation
de la richesse du mélange carburé. De plus, le carburant injecté sous forme liquide
utilise la chaleur présente autour de cette flamme pour se vaporiser et les conditions
de température autour de la flamme vont baisser en retardant la combustion du mélange
carburé et surtout son auto-inflammation.
[0079] Après cette injection de carburant, la pression dans le cylindre, augmente mais moins
brutalement. Cette pression décroît ensuite pour atteindre un niveau compatible avec
le niveau de pression d'une combustion conventionnelle.
[0080] Par ce mécanisme, tout développement d'une combustion anormale avec une grande vitesse
de combustion et des pressions élevées est prohibé. Bien entendu, la mise en oeuvre
des moyens pour contrôler la combustion anormale se fait à chaque cycle durant lequel
une telle combustion est détectée par le calculateur.
[0081] Les actions du procédé telles que décrites ci-dessus peuvent être combinées à d'autres
actions plus lentes, telles que la fermeture du papillon, pour empêcher que les conditions
de pression de la chambre de combustion soient favorables à une combustion anormale
dans les cycles qui suivent. Le choix de l'action est fonction de la sévérité du caractère
anormal de la combustion.