Domaine de l'invention
[0001] L'invention se rapporte aux pièces de micromécanique, notamment à celles d'une montre
mécanique, dont certaines des pièces mobiles sont amenées à être lubrifiées.
Arrière-plan de l'invention
[0002] Il est connu que dans les mécanismes d'horlogerie, nombreuses sont les pièces en
mouvement et en contact avec frottement les unes avec les autres. Ces frottements
doivent être réduits le plus possible car ils peuvent affecter la précision et/ou
l'autonomie du mécanisme.
[0003] En effet, les frottements entrainent une usure des pièces, une augmentation de la
consommation d'énergie pour déplacer les pièces et un ralentissement du mouvement.
[0004] Pour réduire ces frottements il est donc connu d'utiliser des lubrifiants liquides
ou visqueux. Ces lubrifiants sont utilisés parcimonieusement sur des zones bien définies
et en quantités adaptées. Ce type de lubrifiant doit être capable de se glisser entre
deux pièces pour minimiser le frottement ou doit être déposé au cours du montage.
A contrario des capacités à se glisser entre deux pièces, il peut également s'échapper
de l'espace où il a été déposé. Il est en outre très sensible aux conditions environnementales
de température et d'humidité relative car sa viscosité évolue en fonction de celles-ci.
[0005] Un inconvénient d'une telle solution est que ces lubrifiants liquides ou visqueux
se modifient dans le sens de la dégradation, par exemple en se chargeant de poussières
ou en devenant plus visqueux ou en perdant de leurs capacités lubrifiantes par oxydation.
[0006] Un autre inconvénient est que ce type de lubrifiant étant fluide ou visqueux, le
mouvement des pièces tend à déplacer le lubrifiant de la zone des contacts vers une
zone non soumise à frottement.
[0007] Il est donc nécessaire de procéder régulièrement à un entretien qui consiste à nettoyer
les pièces en frottement et remplacer le lubrifiant usagé par un lubrifiant neuf aux
endroits appropriés.
[0008] La lubrification d'un mécanisme horloger a pour but de maîtriser les frottements
des pièces en mouvement. Elle obéit à des règles complexes et précises afin de garantir
une fiabilité maximale et durable. Son action, par un film d'huile ou de graisse,
empêche le contact direct des matières en présence, ce qui se traduit par une diminution
des pertes d'énergie et de l'usure, dues aux frottements, ainsi qu'une augmentation
du rendement mécanique. Selon les pièces en contact, différentes huiles ou graisses
sont appliquées avec des viscosités variables et dans des quantités bien déterminées.
[0009] En pratique, des pertes de lubrification sont observées dans le temps comme par exemple
sur des pièces en rotation qui exercent un effet projection et favorisent la fuite.
Par conséquent, des entretiens réguliers (nettoyage et/ou épilamage et huilage) doivent
être effectués sur les mouvements. Pour diminuer la fréquence et les coûts de ces
entretiens, différentes solutions ont été envisagées et appliquées dans l'industrie
horlogère.
[0010] La première solution est axée sur des formulations spéciales de lubrifiant. Le lubrifar
en est un exemple. II correspond à un mélange d'huile Moebius 9010 et de particules
solides de MoS
2. En production, ce mélange est déposé par spray sur les flancs de roues d'échappement,
donnant une coloration typique noire et pâteuse. Les micrograins permettent de piéger,
telle une éponge, l'huile thixotrope 9415 appliquée dans un second temps sur la roue.
Le lubrifar assure ainsi un fonctionnement plus stable et durable qu'une lubrification
standard. Cependant, il pose de forts problèmes esthétiques, surtout pour les marques
haut de gamme qui ont de hauts critères dans ce domaine.
[0011] Une autre solution consiste à structurer la matière de base constituant la pièce
mouvement. Une telle solution est décrite dans le document
DE 102009046647. La pièce de base en aluminium ou alliage d'aluminium comprend un revêtement à base
d'oxydes formé par oxydation anodique. Ce revêtement bien que dur possède une structure
alvéolaire avec des pores pouvant recevoir une huile, graisse ou un lubrifiant solide.
Cependant, une telle solution ne permet pas d'être appliquée de façon sélective sur
des zones précisément délimitées de la pièce. De plus, elle est limitée à un seul
type de matière de base, à savoir les alliages à base d'aluminium.
Résumé de l'invention
[0012] L'invention a notamment pour objectif de pallier les différents inconvénients de
ces techniques connues.
[0013] Plus précisément, un objectif de l'invention est de fournir une lubrification localisée
permettant d'optimiser le rôle du lubrifiant.
[0014] L'invention a également pour objectif, au moins dans un mode de réalisation particulier,
de fournir une lubrification qui soit fiable et durable.
[0015] Ces objectifs, ainsi que d'autres qui apparaîtront plus clairement par la suite,
sont atteints selon l'invention à l'aide d'une pièce de micromécanique, destinée notamment
aux mécanismes d'horlogerie, comprenant localement au moins une zone microstructurée
au moyen d'un laser, la zone microstructurée présentant une surface tridimensionnelle
formée de microcavités configurées pour servir de réservoir pour une substance lubrifiante.
[0016] Ainsi, l'objet de la présente invention, par ses différents aspects fonctionnels
et structurels décrits ci-dessus, permet d'obtenir une pièce dont les zones soumises
aux frottements présentent une lubrification localisée permettant d'optimiser le rôle
du lubrifiant et d'en augmenter l'efficacité en concentrant le lubrifiant dans les
zones soumises aux frottements, la technique de gravure par laser présentant l'avantage
d'offrir une très grande précision de réalisation.
[0017] Conformément à d'autres variantes avantageuses de l'invention :
- la zone microstructurée présente un réseau de microcavités distribuées de manière
régulière ;
- la profondeur P des microcavités est inférieure ou égale à 100 µm ;
- le diamètre L des microcavités est comprise entre 0.1 µm et 100 µm, et de préférence
entre 1 µm et 10 µm ;
- la profondeur P et le diamètre L des microcavités peuvent varier au sein d'une même
zone microstructurée ;
- la profondeur P des microcavités est supérieure au diamètre L des microcavités ;
- les microcavités se présentent sous la forme de trous ou de canyons ;
- la zone microstructurée est réalisée par un procédé d'usinage par impulsions laser,
par exemple picoseconde ou femtoseconde ;
- la zone microstructurée est en métal, céramique, polymère ou composite. Comme métal
ou alliage métallique, on peut citer en exemple l'acier, l'aluminium, le titane, le
laiton, le nickel ou l'or ;
- la zone microstructurée peut aussi être en rubis, en silicium, en quartz ou encore
en diamant.
[0018] Selon l'invention, la zone microstructurée peut être une paroi intérieure d'un barillet,
un axe de mobile en rotation, des palettes d'échappement, des dents de roue d'échappement,
ou encore des pierres de pivotement.
Description sommaire des dessins
[0019] D'autres particularités et avantages ressortiront clairement de la description qui
en est faite ci-après, à titre indicatif et nullement limitatif, en référence aux
dessins annexés, dans lesquels :
- les figures 1a et 2a sont des vues schématiques de dessus d'une zone microstructurée
selon deux modes de réalisation distincts ;
- les figures 1b et 2b sont respectivement des vues en coupe selon les plans II et III
des figures 1 a et 2a ;
- les figures 3a et 3b illustrent respectivement une vue en perspective d'une palette
d'échappement présentant une zone microstructurée et une vue en coupe de la palette.
Description détaillée des modes de réalisation préférés
[0020] Une pièce de micromécanique selon un mode de réalisation particulier va maintenant
être décrite dans ce qui suit faisant référence conjointement aux figures 1a, 1b,
2a, 2b, 3a et 3b.
[0021] L'invention concerne une pièce de micromécanique, destinée notamment aux mécanismes
d'horlogerie, comprenant localement au moins une zone microstructurée 1 au moyen d'un
laser, la zone microstructurée 1 présentant une surface tridimensionnelle formée de
microcavités 10 configurées pour servir de réservoir pour une substance lubrifiante.
[0022] Un premier mode de réalisation est illustré à la figure 1a, et représente schématiquement
une zone microstructurée 1 d'une pièce de micromécanique. On peut observer des microcavités
10 formées sur la surface de la pièce de manière régulière.
[0023] La zone microstructurée 1 est formée par un réseau de microcavités 10 formées au
moyen d'un laser dont la durée des impulsions est de l'ordre de la femtoseconde c'est-à-dire
10
-15 seconde (typiquement 100 fs). La durée des impulsions peut aller de la femtoseconde
à la picoseconde (10
-12 seconde). Le laser est utilisé afin de modifier la structure de la pièce de micromécanique
et former localement une zone microstructurée 1 présentant une surface tridimensionnelle.
A cet effet, le laser est mis en mouvement de manière à ce qu'il balaie la surface
de la pièce à microstructurer afin de provoquer localement une modification de la
structure du matériau de la pièce.
[0024] On peut également imaginer que c'est la pièce qui est mise en mouvement, ou bien
une combinaison des deux, de manière à modifier la structure de la pièce.
[0025] Selon l'invention, la zone microstructurée 1 présente un réseau de microcavités 10
distribuées de manière régulière en suivant un schéma précis comme illustré à la figure
1a. La distribution des microcavités peut bien évidemment être réalisée de manière
aléatoire en programmant les déplacements du laser et/ou de la pièce.
[0026] Les microcavités 10 formant la surface tridimensionnelle peuvent être définies selon
les trois paramètres suivants : la forme, les dimensions, à savoir le diamètre L et
la profondeur P, et la surface de recouvrement.
[0027] La profondeur P des microcavités 10 est avantageusement inférieure ou égale à 100
µm, et le diamètre L des microcavités 10 est compris entre 0.1 µm et 100 µm, et de
préférence entre 1 µm et 10 µm.
[0028] Selon un mode de réalisation particulier de l'invention, la profondeur P et le diamètre
L des microcavités 10 peuvent varier au sein d'une même zone microstructurée 1. On
peut par exemple envisager qu'un premier tiers de la zone microstructurée 1 présente
des microcavités 10 ayant une profondeur de 1 µm et un diamètre de 10 µm, qu'un deuxième
tiers de la zone microstructurée 1 présente des microcavités 10 ayant une profondeur
de 10 µm et un diamètre de 100 µm, et qu'un troisième tiers présente des microcavités
10 ayant une profondeur de 1 µm et un diamètre de 10 µm. Ainsi les combinaisons peuvent
varier en fonction des besoins de l'homme du métier, c'est-à-dire en fonction du type
d'application et du type de pièce .
[0029] Selon une variante de l'invention, la profondeur P des microcavités 10 est supérieure
au diamètre L des microcavités, de l'ordre de trois par exemple.
[0030] Selon les besoins de l'homme du métier, les microcavités 10 peuvent prendre différentes
formes, et être par exemple de forme hémisphérique, elliptique, parallélépipédique
ou encore se présenter sous la forme de rainures. Des modes de réalisation présentant
respectivement des microcavités 10 de forme hémisphérique et des microcavités 10 sous
la forme de rainures sont illustrés aux figures 1 a et 2a.
[0031] Selon l'invention, les microcavités 10 formant la zone microstructurée 1 peuvent
occuper une surface variable, par exemple les microcavités peuvent occuper 20% de
la surface de la zone microstructurée de manière à ne pas saturer de substance lubrifiante
la zone microstructurée 1.
[0032] Comme on peut l'observer sur la vue en coupe à la figure 1b, selon la ligne II-II
de la figure 1a, le diamètre L des microcavités 10 peut varier en fonction de la profondeur
P. II en est de même pour la largeur L des rainures sur la vue en coupe à la figure
2b, selon la ligne III-III de la figure 1 b.
[0033] Selon la pièce de micromécanique recevant la modification, la zone à microstructurer
peut être en métal, en alliage métallique, céramique, polymère ou composite. Les métaux
ou alliages métalliques peuvent être par exemple en acier, aluminium, titane, laiton,
nickel ou en or. La zone à microstructurer peut aussi être en rubis, en silicium,
en quartz ou encore en diamant.
[0034] Les pièces de micromécanique présentant au moins une zone microstructurée 1 peuvent
être, par exemple, une paroi intérieure d'un barillet, un axe de mobile en rotation,
des palettes d'échappement, des dents de roue d'échappement, ou encore des pierres
de pivotement.
[0035] Un exemple de réalisation pour une palette 100 d'une ancre est illustré aux figures
3a et 3b.
[0036] En se référant aux figures 3a et 3b, on observe une palette d'ancre 100. La palette
est une pièce généralement en rubis dont toutes les faces sont polies et qui est chassée
et collée dans un logement 104 ménagé dans le bras 101 d'une ancre 102. La palette
100 comprend un plan d'impulsion 100a, un plan de repos 100b et un plan de fuite 100c,
le plan d'impulsion 100a et le plan de fuite 100c se coupant selon une arrête de sortie
ou bec d'impulsion 100d. Le plan d'impulsion 100a et le plan de repos 100b coopèrent
respectivement avec les dents 106 d'une roue d'échappement et plus particulièrement
avec le plan de repos 106a et le bec de repos 106b des dents 106. La roue d'échappement
tourne de manière classique pas à pas dans le sens de la flèche F. Les points de lubrification
particulièrement importants sont donc le plan d'impulsion 100a et le plan de repos
100b de sorte qu'une présence de lubrifiant entre les dents de la roue d'échappement
et ces plans est nécessaire au cours des différentes phases de fonctionnement de l'échappement.
[0037] Pour ce faire, la palette 100 comprend une zone microstructurée servant de réservoir
pour ce lubrifiant. On notera que les dimensions de la zone microstructurée sont sensiblement
équivalentes ou supérieures à celles de la dent 106 de roue d'échappement.
[0038] Selon l'invention, la zone microstructurée relie le plan de fuite 100c au plan d'impulsion
100a et au plan de repos 100b de manière à établir une zone de lubrification sur la
surface en contact avec les dents 106 de la roue d'échappement.
[0039] Comme on peut l'observer sur la figure 3b, le lubrifiant 107 qui est déposé sur la
zone microstructurée de la palette 100 sous la forme d'une goutte s'introduit par
capillarité dans les microcavités et remplit ces dernières jusqu'à ce que se forme
une goutte 107a qui fait légèrement saillie à partir du plan d'impulsion 100a. Une
goutte 107b se forme également sur le plan de repos 100b lorsque la palette 100 est
en contact avec la dent 106.
[0040] Grâce à ces différents aspects de l'invention, on dispose d'une palette d'échappement
présentant une lubrification localisée permettant d'optimiser le rôle du lubrifiant
et d'en augmenter l'efficacité en concentrant le lubrifiant dans les zones soumises
aux frottements. Le lubrifiant étant piégé dans la zone microstructurée, les phénomènes
de fuites et migrations sont diminués et la durée de la lubrification est considérablement
augmentée. De même, la fréquence et les coûts d'entretien du mouvement de la montre
sont diminués.
[0041] Bien entendu, la présente invention ne se limite pas à l'exemple illustré mais est
susceptible de diverses variantes et modifications qui apparaîtront à l'homme de l'art.
En particulier, toute pièce formant le mouvement d'une montre et soumise à des frottements
est susceptible de comprendre une zone microstructurée telle que décrite précédemment.
NOMENCLATURE
[0042]
1. Zone microstructurée,
10. Microcavité,
100. Palette,
100a. Plan d'impulsion,
100b. Plan de repos,
100c. Plan de fuite,
100d. Arrête de sortie,
101. Bras,
102. Ancre,
104. Logement,
106. Dent,
106a. Plan de repos,
106b. Bec de repos,
107a, 107b. Goutte de substance lubrifiante,
P. Profondeur de la microcavité,
L. Diamètre ou largeur de la microcavité.
1. Pièce de micromécanique, destinée notamment aux mécanismes d'horlogerie, comprenant
localement au moins une zone microstructurée (1) au moyen d'un laser, la au moins
une zone microstructurée (1) présentant une surface tridimensionnelle formée de microcavités
(10) configurées pour servir de réservoir pour une substance lubrifiante.
2. Pièce de micromécanique selon la revendication 1, dans laquelle la au moins une zone
microstructurée (1) présente un réseau de microcavités (10) distribuées de manière
aléatoire.
3. Pièce de micromécanique selon la revendication 1, dans laquelle la au moins une zone
microstructurée (1) présente un réseau de microcavités (10) distribuées de manière
régulière.
4. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, dans laquelle
la profondeur P des microcavités (10) est inférieure ou égale à 100 µm.
5. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans laquelle
le diamètre L des microcavités (10) est comprise entre 0.1 µm et 100 µm, et de préférence
entre 1 µm et 10 µm.
6. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans laquelle
la profondeur P et le diamètre L des microcavités (10) peuvent varier au sein d'une
même zone microstructurée (1).
7. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, dans laquelle
la profondeur P des microcavités (10) est supérieure au diamètre L des microcavités
(10).
8. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, dans laquelle
les microcavités (10) peuvent être de forme hémisphérique, elliptique, parallélépipédique
ou encore sous forme de rainures.
9. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, dans laquelle
la zone microstructurée (1) est réalisée par un procédé d'usinage par impulsions laser
picoseconde ou femtoseconde.
10. Pièce de micromécanique selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, dans laquelle
la zone microstructurée (1) est en métal, alliage métallique, céramique, polymère,
composite, silicium, rubis, quartz ou en diamant.
11. Pièce de micromécanique selon la revendication 10, dans laquelle le métal ou l'alliage
métallique est à base d'acier, d'aluminium, de laiton, de nickel, de titane ou d'or.
12. Pièce de micromécanique selon la revendication 10 ou 11, dans laquelle la zone microstructurée
(1) peut être une paroi intérieure d'un barillet, un axe de mobile en rotation, des
palettes d'échappement, des dents de roue d'échappement, ou encore des pierres de
pivotement.