[0001] La présente invention concerne l'utilisation d'un acier de composition déterminée
pour la fabrication d'une pièce mécanique, typiquement une pièce sécable, et notamment
pour la fabrication d'une bielle sécable pour moteur à combustion interne, et le procédé
d'obtention de cette pièce.
[0002] Certaines pièces mécaniques, telles que les bielles de moteur à combustion interne,
sont constituées de deux éléments séparables assemblés par des moyens de fixation
tels que des vis. Si, historiquement, dans le cas des bielles, les deux parties étaient
fabriquées indépendamment puis usinées et assemblées, le développement du procédé
de casse contrôlée s'est généralisé sur les quinze dernières années. Ce procédé, par
lequel une seule pièce est désormais formée, par exemple par forgeage, puis cassée
de manière contrôlée avant un réassemblage à l'aide de moyens de fixation, a permis
une simplification considérable des chaînes de fabrication.
[0003] Pour les pièces sécables fabriquées en acier, comme c'est souvent le cas pour les
moteurs à combustion interne modernes, des nuances spécifiques sont utilisées (par
exemple la nuance dite C70S6) ou ont été développées spécialement pour cet usage.
[0004] Par exemple, le document
EP-B1-0 779 375 décrit un procédé de fabrication d'une pièce sécable et l'acier utilisé à cet effet,
ce dernier ayant une composition spécifiquement ajustée pour rendre l'acier apte à
l'opération de casse contrôlée. De même, le document
EP-B1-1 051 531 s'applique au même domaine technique, et décrit une nuance conçue pour améliorer
les performances des pièces fabriquées, notamment par l'utilisation d'une addition
de vanadium significative (0,20-0,50 % en poids).
[0006] Il convient de noter deux points importants sur l'ensemble des aciers décrits dans
les documents précédemment cités.
[0007] Tout d'abord, l'ensemble des aciers des documents précités ont une structure ferrito-perlitique
avec, dans certains cas, un taux de ferrite contrôlé.
[0008] D'autre part, ces nuances sont spécifiquement conçues pour ne pas nécessiter de traitement
thermique après le forgeage.
[0009] Ces nuances sont ainsi mises en oeuvre dans un procédé comportant typiquement les
étapes suivantes :
Dans un premier temps, on approvisionne un lopin obtenu par sciage ou cisaillage d'une
barre laminée.
[0010] Puis on réchauffe le lopin à des températures typiquement comprises entre 1050 et
1280°C.
[0011] Puis on donne à la pièce ainsi chauffée la forme souhaitée, par forgeage.
[0012] Puis on laisse la pièce se refroidir, le plus souvent à l'air.
[0013] Puis on procède à un nettoyage, par exemple par sablage, et à l'usinage de la pièce.
[0014] Enfin, on procède à la casse contrôlée de la pièce, et à son réassemblage, avec éventuellement
des opérations d'usinage de finition.
[0015] Dans la très grande majorité des procédés, les caractéristiques mécaniques sont obtenues
à la fin du refroidissement, et peuvent d'ailleurs être modulées par l'utilisation
d'un refroidissement accéléré (utilisation de ventilateurs pour obtenir une convection
forcée) ou ralenti (mise en caisse de la pièce) par rapport à un refroidissement naturel
à l'air libre et calme. Dans de très rares cas et sur des applications très spécifiques,
un traitement thermique de trempe et revenu peut être utilisé, pour atteindre des
caractéristiques mécaniques supérieures, mais de telles gammes de fabrication ne sont
pas compatibles avec la fabrication de bielles sécables.
[0016] Afin de répondre aux sollicitations toujours plus élevées rencontrées par les pièces
mécaniques dans les moteurs à combustion interne, les aciers spéciaux pour la fabrication
de pièces forgées ont subi une évolution constante. Dans le cas des aciers ferrito-perlitiques,
l'utilisation de teneurs en vanadium de l'ordre de 0,2-0,3% a permis d'atteindre des
niveaux élevés de caractéristiques mécaniques sans pour autant nécessiter de traitement
thermique (
EP-B1-1 051 531). Ainsi, par exemple, sur les bielles sécables pour l'automobile (de section typique
équivalente à un cylindre de 10 à 25 mm de diamètre) utilisant les nuances ferrito-perlitiques
36MnV4S ou 46MnVS6mod (K. Lipp and H. Kauffman, Schmiede- und Sinterschmiede-Werkstoffe
für PKW-Pleuel, MTZ, 2011), on mesure des limites d'élasticité pouvant atteindre 850
MPa, contre 600-650 MPa sur des matériaux plus conventionnels. Ceci s'accompagne,
bien entendu, de valeurs élevées de résistance mécanique, mais avec pour contrepartie
une diminution importante de l'usinabilité.
[0017] Les nuances de ce type ont toutefois atteint leurs limites pour ce type d'application.
Une première limitation réside dans le fait que les propriétés mécaniques citées précédemment
ne peuvent être obtenues que sur des pièces de dimensions modestes (bielles pour moteurs
de véhicules légers par exemple), et elles diminuent rapidement avec l'augmentation
de la dimension des composants. Ainsi, la nuance 36MnV4S, qui permet d'obtenir une
limite élastique conventionnelle Rp
0.2 de 850 MPa sur une bielle automobile (K, Lipp and H, Kauffman, Schmiede- und Sinterschmiede-Werkstoffe
für PKW-Pleuel, MTZ, 2011), présente une Rp
0.2 de 700 MPa sur une barre de diamètre 55 mm. Une seconde limitation tient à la grande
sensibilité aux conditions de refroidissement des résultats obtenus avec ces nuances
(déjà reflétée dans la sensibilité aux dimensions de la pièce), lorsqu'elles sont
utilisées au maximum de leurs performances. De ce fait, s'il est possible, en laboratoire,
d'obtenir des valeurs de Rp
0.2 atteignant 900-940 MPa, ces résultats sont difficilement transposables à une production
industrielle.
[0018] Les solutions techniques actuelles pour la fabrication de pièces sécables, et en
particulier de bielles, sont donc aujourd'hui limitées aux niveaux de performances
mentionnés ci-dessus.
[0019] Une évolution à première vue évidente pour l'homme de métier consisterait, par exemple,
à augmenter encore les teneurs en V. Ceci serait toutefois peu efficace car seul le
vanadium en solution solide avant refroidissement peut contribuer au durcissement
par précipitation. Or, à des teneurs supérieures à 0,35-0,40%, il devient difficile
d'effectuer une remise en solution complète des précipités contenant du V, même pour
les températures de forgeage communément utilisées (de l'ordre de 1250°C).
[0020] Le but de l'invention est de proposer une nuance et un procédé de fabrication de
pièces sécables permettant de dépasser les limitations soulignées ci-dessus avec en
particulier :
- la possibilité d'obtenir des caractéristiques mécaniques élevées, se traduisant par
un bénéfice mesurable sur les performances en fatigue et en tassement ;
- la possibilité d'obtenir ces caractéristiques mécaniques de manière robuste, c'est-à-dire
de rendre ces caractéristiques peu sensibles aux fluctuations des paramètres du procédé
de mise en forme.
[0021] A cet effet, l'invention a pour objet un acier pour pièce sécable mise en forme à
chaud, caractérisé en ce que sa composition consiste en, exprimée en pourcentages
pondéraux :
- 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
- 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
- Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
- Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
- 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
- Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
- Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
- Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
- Traces ≤ B ≤ 0,010%,
- Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
- Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
- Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
- Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
- Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
- Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
- Traces ≤ N ≤ 0,025% ;
- Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V'= V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


et en ce que sa microstructure comporte au moins 60% d'un mélange de ferrite bainitique
et de carbures ou d'austénite résiduelle, le reste de la microstructure comportant
au plus 40% de martensite et/ou de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite, la présence
de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite étant limitée à au plus 10%.
[0022] De préférence, Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
[0023] Dans ce cas, de préférence traces ≤ N ≤ 0,010%.
[0024] L'invention a également pour objet un procédé de fabrication d'une pièce mécanique,
caractérisé en ce que :
- on met en forme à chaud en phase austénitique un demi-produit en acier dont la composition
consiste en, exprimée en pourcentages pondéraux :
* 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
* 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
* Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
* Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
* 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
* Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
* Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
* Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
* Traces ≤ B ≤ 0,010%,
* Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
* Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
* Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
* Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
* Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
* Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
* Traces ≤ N ≤ 0,025 ;
* Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


- on réalise un refroidissement à l'air calme, ou à l'air pulsé, ou sous un capot ou
en caisse dudit demi-produit, de préférence à des vitesses de refroidissement supérieures
ou égales à 0,3°C/s dans l'intervalle 750-550 °C et comprises entre 0,1 et 5°C/s dans
l'intervalle 550-300 °C ;
- on réalise au moins un revenu dudit demi-produit refroidi à une température Trev comprise
entre 450 et 680°C pendant une durée totale de 15 min à 10 h.
[0025] De préférence, Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
[0026] Dans ce cas, de préférence traces ≤ N ≤ 0,010%.
[0027] On peut réaliser après le refroidissement suivant la mise en forme à chaud une mise
en forme du demi-produit, par exemple par usinage ou conformage, qui rapproche les
dimensions du demi-produit des dimensions définitives précises du produit sans modifier
sa microstructure.
[0028] On peut réaliser après le revenu une mise en forme du demi-produit, par exemple par
usinage ou conformage, qui confère au demi-produit les dimensions définitives précises
du produit sans modifier sa microstructure.
[0029] On peut procéder à une casse contrôlée de ladite pièce mécanique, si celle-ci est
une pièce mécanique sécable.
[0030] On peut procéder à au moins un traitement thermique supplémentaire ultérieurement
audit revenu, ledit traitement supplémentaire ayant un paramètre de revenu inférieur
à celui dudit revenu.
[0031] L'invention a également pour objet une pièce mécanique en acier, caractérisée en
ce que :
- sa composition consiste en, exprimée en pourcentages pondéraux :
* 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
* 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
* Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
* Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
* 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
* Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
* Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
* Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
* Traces ≤ B ≤ 0,010%,
* Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
* Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
* Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
* Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
* Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
* Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
* Traces ≤ N ≤ 0,025 ;
* Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


et dont la microstructure comporte au moins 60% d'un mélange de ferrite bainitique
et de carbures ou d'austénite résiduelle, le reste de la microstructure comportant
au plus 40% de martensite et/ou de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite, la présence
de ferrite proeutectoïde et/ou de perlite étant limitée à au plus 10%.
[0032] De préférence, Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
[0033] Dans ce cas, de préférence traces ≤ N ≤ 0,010%.
[0034] Il peut s'agir d'une pièce sécable.
[0035] Il peut s'agir d'une bielle de moteur à explosion.
[0036] Comme on l'aura compris, l'invention consiste d'abord à préparer un acier de composition
précise, lui conférant une température Bs de début de formation de la bainite relativement
basse et une relation liant les teneurs en V, Nb et Cu assurant d'une part les performances
élevées de la pièce, et d'autre part une bonne sécabilité du produit final de par
la facilitation de la rupture de type fragile. La mise en forme à chaud et le refroidissement
qui suit, qui est un refroidissement à une vitesse modérée assurée par de l'air calme,
de l'air pulsé ou une mise sous capot ou en caisse du demi-produit, procurent au demi-produit
une structure majoritairement bainitique, dont le restant (à hauteur de 40% au maximum)
est essentiellement de la martensite avec une quantité de ferrite pro-eutectoïde +
perlite ne dépassant pas 10%. Un revenu de précipitation est ensuite pratiqué pour
ajuster les propriétés mécaniques.
[0037] Dans un tout autre domaine que celui des pièces sécables, les nuances dites « bainitiques
» (voir les documents
EP-B1-0 787 812,
S. Engineer, H. Justinger, P. Janssen, M. Härtel, C. Hampel, F. Randelhoff, Int Conf
Steel in Cars and Trucks, Salzburg, Austria, 2011, et
H. Roelofs, S. Hasler, M. Lembke, F.G. Caballero, Int Conf Steel in Cars and Trucks,
Salzburg, Austria, 2011) connaissent une popularité croissante dans le cadre de la substitution aux aciers
trempé-revenus (par rapport auxquels elles permettent d'éviter un traitement thermique),
ou pour remplacer les aciers ferrito-perlitiques microalliés (par exemple le 38MnSiV5)
avec un gain de performances.
[0038] On rappelle que ces nuances bainitiques ont des compositions adaptées de manière
à obtenir, avec peu voire sans contrôle du refroidissement, une microstructure majoritairement
bainitique dans la chaude de forge. L'emploi du terme « nuance bainitique » dans la
suite du document devra se comprendre dans ce sens, et ce qu'on entend par « majoritairement
bainitique » sera explicité plus loin.
[0039] Outre l'avantage de permettre de supprimer les traitements thermiques de trempe et
revenu dans certaines chaines de fabrication, ces nuances présentent en général des
résistances à la flexion par choc (résilience) supérieures à celles des nuances ferrito-perlitiques
de même résistance mécanique. Dans le cadre des pièces sécables, toutefois, cet avantage
devient un inconvénient majeur, car l'opération de casse contrôlée nécessite une faible
résistance à la flexion par choc.
[0040] Un autre inconvénient majeur des nuances bainitiques de refroidissement continu est
qu'elles présentent souvent des valeurs modestes pour leur rapport Rp
0.2/Rm. Ainsi, il est fréquent d'obtenir des Rp
0,2 de l'ordre de 650-750 MPa, pour des résistances mécaniques, toutefois, de l'ordre
de 1100-1200 MPa. Cette différence de comportement est d'autant plus marquée si l'on
considère la limite d'élasticité vraie, qui peut-être bien plus faible que la limite
conventionnelle pour les microstructures bainitiques telles qu'obtenues après refroidissement
continu (et ce, par comparaison avec les microstructures ferrito-perlitiques).
[0041] Or, au moins pour le cas particulier des bielles sécables, un des critères de dimensionnement
est, en plus de la résistance à la fatigue, la résistance au tassement en compression.
Il s'agit, de manière simplifiée, de prévenir toute déformation permanente de la bielle
lors d'une ou de quelques surcharge(s) importante(s) mais de durée limitée. Cette
résistance est en général évaluée sur quelques cycles seulement (ordre de grandeur
de la dizaine). En première approximation, elle est corrélée à la limite d'élasticité
vraie, de sorte que l'utilisation de nuances bainitiques telles que définies à l'heure
actuelle conduit à des performances très en retrait par rapport à celles des nuances
ferrito-perlitiques.
[0042] De manière corollaire, un second inconvénient majeur du faible rapport Rp
0,2/Rm des nuances bainitiques est qu'il faudra, pour obtenir une limite d'élasticité
conventionnelle proche de celle des nuances ferrito-perlitiques, augmenter le Rm de
manière importante, avec pour conséquence une très forte détérioration de l'usinabilité.
[0043] Il est donc clair que les nuances bainitiques de refroidissement continu, telles
qu'elles sont actuellement utilisées, ne permettent pas d'envisager aisément leur
utilisation pour la fabrication d'une pièce sécable, et tout particulièrement d'une
bielle pour moteur à combustion interne. Cette solution ne présenterait en effet que
des inconvénients par rapport aux aciers ferrito-perlitiques micro-alliés, ce qui
se reflète bien dans le fait que seule cette microstructure se retrouve sur ce type
de pièces telles qu'elles sont actuellement commercialisées.
[0044] De manière surprenante, les inventeurs ont conclu que, pour pallier les difficultés
mentionnées ci-dessus, il était possible d'utiliser une nuance conduisant à une microstructure
majoritairement bainitique dans la chaude de forge, même en l'absence de contrôle
du refroidissement, ou seulement avec un contrôle peu contraignant, tel que permis
par des équipements communément trouvés chez les forgerons, à savoir un convoyeur
avec ou sans capot, des ventilateurs ou une caisse de refroidissement). L'invention
consiste, de plus, à modifier le procédé de fabrication de la pièce, pour y intégrer
un revenu de précipitation après forge, et à utiliser des ajustements très spécifiques
de la composition, qui sont tels que des gains en performance spectaculaires sont
obtenus, et compensent largement le coût de l'allongement de la fabrication qu'entraîne
l'exécution du revenu de précipitation.
[0045] On précise ici ce qu'on entend par « bainite majoritaire » au sens de l'invention
:
- la microstructure comporte un mélange de ferrite bainitique (soit conventionnelle,
c'est à dire germée aux joints de grains, soit germée de manière intragranulaire,
ce qui donne une structure également appelée « ferrite aciculaire ») et de carbures
ou d'austénite résiduelle, l'ensemble, communément désigné « bainite » par l'homme
du métier, étant présent à hauteur de 60% minimum ;
- le reste de la microstructure, à hauteur de 40% maximum, est constitué principalement
de martensite en complément ;
- on interdit, par contre, la présence de ferrite pro-eutectoïde ou de perlite à des
teneurs supérieures à 10% pour le total de ces deux constituants ; en effet, dans
la ferrite pro-eutectoïde (telle que présente dans les nuances ferrito-perlitiques),
le vanadium tend à précipiter au cours de la transformation, de sorte que le potentiel
de durcissement au revenu est faible voir nul ; il en va de même pour la ferrite lamellaire
présente dans la perlite, et qui est donc incluse dans les constituants qui, pris
ensemble, ne doivent pas dépasser 10% de la microstructure.
[0046] Autrement dit, la microstructure de l'acier doit contenir au moins 60% de bainite
au sens classique pour l'homme du métier et au plus 40% d'autres constituants, parmi
lesquelles la ferrite pro-eutectoïde et la perlite ne doivent pas, prises ensemble,
représenter plus de 10% de la microstructure.
[0047] Selon l'invention, l'acier a la composition, en pourcentage pondéraux :
- 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
- 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
- Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
- Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
- 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
- Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
- Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
- Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
- Traces ≤ B ≤ 0,010%,
- Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
- Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
- Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
- Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
- Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
- Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
- Traces ≤ N ≤ 0,025% ;
- Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18%.
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


[0048] De préférence, Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
[0049] Dans ce cas, de préférence traces ≤ N ≤ 0,010%.
[0050] On utilise ledit acier pour la fabrication d'une pièce mécanique, typiquement d'une
pièce sécable, selon un procédé caractérisé en ce qu'il présente au moins les étapes
suivantes :
- on coule et solidifie un acier de composition conforme à la description ci-dessus
;
- on réalise un ou plusieurs formage(s) à chaud, dans le domaine austénitique, typiquement
par laminage et/ou forgeage à chaud ;
- on laisse refroidir le produit obtenu à l'air, en modulant éventuellement la vitesse
de refroidissement à l'aide des outils standards qui sont à la disposition des forgerons
(caisse, convoyeur avec ou sans capot, ventilateurs) ; ce refroidissement naturel,
éventuellement ralenti ou accéléré dans des proportions modérées doit conférer à la
pièce une structure majoritairement bainitique selon la définition qu'on en a donné
précédemment ; il correspond typiquement à des vitesses de refroidissement supérieures
ou égales à 0,3 °C/s dans l'intervalle 750-550 °C et comprises entre 0,1 et 5 °C/s
dans l'intervalle 550-300 °C ; il doit être entendu que ces conditions sont visées
pour toutes les portions de la pièce, et que les dimensions de celle-ci peuvent nécessiter
des adaptations particulières de la méthode de refroidissement pour éviter une hétérogénéité
trop importante de la microstructure et obtenir la microstructure visée dans l'ensemble
de la pièce, notamment pour que la sécabilité de la pièce soit uniformément satisfaisante
si c'est l'objectif recherché ; mais cette problématique est familière à l'homme du
métier qui doit procéder à des traitements thermiques de pièces volumineuses et/ou
de formes complexes ;
- on procède à un revenu à une température Trev comprise entre 450 et 680°C, pour une
durée de 15 min à 10 h selon les dimensions de la pièce et les équipements disponibles,
dans l'objectif double d'augmenter la limite d'élasticité vraie de la pièce par précipitation
tout en conservant ou diminuant sensiblement sa résistance mécanique, et d'en diminuer
fortement la résistance à la flexion par choc pour rendre le matériau sécable ;
- on procède à une opération de casse contrôlée de la pièce par un procédé classique
exploitant la faible résistance à la flexion par choc du matériau.
[0051] Une ou plusieurs opérations d'usinage pourront prendre place à différentes étapes
de la mise en oeuvre décrite ci-dessus.
[0052] Un ou plusieurs traitements thermiques supplémentaires, chacun effectué à une température
T pendant une durée t, pourront être réalisés au cours de la mise en oeuvre décrite
ci-dessus, ultérieurement au revenu de précipitation.. Pour autant, le paramètre de
revenu total de ces traitements supplémentaires ne doit pas excéder le paramètre de
revenu du revenu de durcissement par précipitation qui a permis l'établissement des
caractéristiques mécaniques, afin de ne pas franchement modifier celles-ci. On rappelle
que le « paramètre de revenu » est classiquement défini, pour chaque traitement, par
M = T (20 + log t).10
-3 (avec T en K et t en h).
[0053] La pièce concernée pourra être, mais sans limitation, une bielle pour moteur à combustion
interne.
[0054] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description qui suit.
[0055] Le tableau 1 compare les possibilités typiquement offertes par les différentes solutions
ferrito-perlitiques mentionnées précédemment avec celles de la présente invention.
Tableau 1 : Limites d'élasticité conventionnelles et résistances à la traction typiques
de bielles réalisées selon l'art antérieur et selon l'invention
| Nuance |
Rp0,2 / Rm typiques, bielle automobile MPa |
Rp0,2 / Rm typiques, bielle poids lourd MPa |
| C70S6 (état forgé) |
650 - 700 / 950-1050 |
520 - 570 / 900-1000 |
| 36MnV4S (état forgé) |
850 - 920 / 1100-1200 |
720 - 750 / 1000-1100 |
| Invention (état forgé puis revenu) |
≥ 900 / ≥ 1100 |
≥ 900 / ≥ 1100 |
[0056] Le tableau 1 ci-dessus montre les limites d'élasticité conventionnelles Rp
0,2 et les résistances à la traction Rm typiquement attendues sur des pièces de dimensions
différentes (bielles pour automobiles d'une part, bielles pour poids lourds d'autre
part), les valeurs maximales pour les nuances de référence étant celles qui sont accessibles
si le refroidissement suivant le forgeage est réalisé dans des conditions optimisées.
[0057] La nuance standard C70S6 ne permet pas de dépasser une limite d'élasticité d'environ
650 MPa, et ce même sur des pièces de petites dimensions. La nuance 36MnV4S présente
à l'heure actuelle les meilleures performances mécaniques (voir par exemple Lipp et
Kaufmann, MTZ, 2011, p.70), mais reste néanmoins, le plus typiquement, limitée à une
limite d'élasticité de 850 MPa sur petite pièce, qui chute à 720-750 MPa sur grosse
pièce.
[0058] En comparaison, la nuance utilisée dans l'invention permet, à l'état forgé et revenu,
d'atteindre et de dépasser largement une limite d'élasticité conventionnelle Rp
0,2 de 900 MPa. Or, la limite d'élasticité conventionnelle est, en première approximation,
un bon indicateur des performances en service des bielles. Comme le montre le tableau
1, ceci est, de plus, possible de manière bien moins dépendante de la taille de la
bielle que pour les nuances ferrito-perlitiques. De plus, une excellente résistance
à la traction est conservée, là encore indépendamment de la taille de la bielle.
[0059] Il est à noter que l'ensemble des nuances des exemples du tableau 1 présente des
valeurs de KV typiquement inférieures à 10J, et correspond donc bien, de ce point
de vue, à une utilisation pour la fabrication de pièces sécables.
[0060] On va à présent justifier le choix des gammes de composition pour les divers éléments
de l'invention. Comme on l'a dit, toutes les teneurs sont données en pourcentages
pondéraux.
[0061] La teneur en C est comprise entre 0,15 et 0,40%, de préférence entre 0,20 et 0,35%.
[0062] Comme on l'a vu, la microstructure exigée pour l'invention est majoritairement bainitique,
et cette microstructure doit être obtenue au cours du refroidissement après mise en
forme à chaud. Une teneur en C supérieure à 0,15% permet de limiter les additions
nécessaires à la suppression de la ferrite pro-eutectoïde (Mo par exemple), dont la
présence n'est pas souhaitable dans le contexte de l'invention. Toutefois, C ayant
un effet retardant sur la transformation bainitique, on limite sa teneur à 0,40% pour
éviter une formation excessive de martensite.
[0063] Le choix de la gamme préférée 0,20-0,35% permet d'éviter plus assurément à la fois
une présence excessive de ferrite (pour la limite basse) et de martensite (pour la
limite haute).
[0064] La teneur en Mn est comprise entre 0,60 et 1,80%, de préférence entre 0,80 et 1,60%.
[0065] Mn est utilisé, conjointement avec Cr, pour abaisser la température Bs de début de
formation de la bainite lors d'un refroidissement continu. Cet effet est significativement
obtenu à partir de 0,60% de Mn. Toutefois, il est bien connu que Mn contribue de manière
importante à la formation de bandes ségrégées qui seront, étant données les teneurs
en C utilisées, particulièrement néfastes car elles pourront conduire, selon le chemin
de refroidissement, à la formation de bandes martensitiques de très haute dureté.
Pour cette raison, la teneur maximale en Mn est limitée à 1,80%. La gamme préférée
de 0,80-1,60% permet d'obtenir plus assurément l'abaissement de Bs et d'éviter plus
assurément des ségrégations excessives.
[0066] La teneur en Cr est comprise entre des traces et 1,60%.
[0067] Dans la présente invention, Cr est utilisé au même titre que Mn, pour abaisser la
température Bs de début de transformation bainitique. Dans les limites imposées, il
peut être utilisé en substitution partielle ou totale d'une partie du Mn et/ou de
tout ou partie du Ni, pour peu que la condition sur Bs
lim reste vérifiée (cette condition étant détaillée plus loin). La teneur en Cr est limitée
à 1,60% pour limiter les problèmes de ségrégation. Cr peut n'être présent qu'à l'état
de traces résultant de l'élaboration et, donc, ne pas être ajouté volontairement,
si par ailleurs les teneurs des autres éléments permettent de respecter la condition
requise sur Bs
lim.
[0068] La teneur en Mo est comprise entre des traces et 0,40%.
[0069] Le rôle de Mo sur la trempabilité est bien établi : il permet d'éviter la formation
de ferrite et de perlite, mais, pour autant, il ne ralentit pas ou peu la formation
de la bainite. Il peut donc être ajouté en quantités variables selon le diamètre de
la pièce. La limite supérieure de 0,40% est établie principalement pour des raisons
économiques.
[0070] La teneur en Ni est comprise entre des traces et 1,50% ; de préférence entre des
traces et 1,0%, mieux entre des traces et 0,60%.
[0071] Il peut être présent uniquement de par son introduction par les matières premières
en tant qu'élément résiduel, ou être ajouté en quantité suffisante pour contribuer
à la diminution de la température Bs
lim, auquel cas il pourra en partie se substituer à Mn, Cr, ou Mo. Mais sa teneur est
limitée à 1,50% pour des raisons de coût, le Ni étant onéreux et susceptible de voir
son prix fortement fluctuer sur le marché.
[0072] La teneur en Cu est comprise entre des traces et 0.80%.
[0073] Cu peut être utilisé pour contribuer au durcissement secondaire qui communiquera
à la pièce ses caractéristiques finales, mais des teneurs supérieures à 0,80% sont
en général à proscrire car elles sont associées à des difficultés importantes de mise
en forme à chaud. Son addition n'est pas obligatoire, pourvu que les teneurs d'autres
éléments garantissent une température Bs
lim suffisamment basse et que la relation entre V, Nb et Cu qui sera vue plus loin soit
respectée.
[0074] La teneur en V est comprise entre 0,02 et 0,70%.
[0075] L'ajout de V permet d'une part de contribuer à la trempabilité de l'acier, et d'autre
part de contrôler, en coopération avec Cu et Nb s'ils sont présents, le durcissement
secondaire qui donnera à la pièce ses caractéristiques mécaniques. Un minimum de V
est nécessaire car, comme on peut le constater, le seul ajout de Cu ne permet pas
la vérification du critère V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% qui sera vu plus loin. On sait
de plus que les additions de Nb pour obtenir un durcissement secondaire par précipitation
au revenu ne sont efficaces qu'en complément d'un minimum de V mais pas de manière
indépendante. Son addition est par ailleurs limitée à 0,70% pour des raisons techniques
(absence d'effet au-delà de cette teneur en raison de la non-remise en solution des
précipités lors du réchauffage) et économiques (coût élevé).
[0076] Les teneurs en V, Nb et Cu doivent de plus vérifier la relation suivante :

[0077] Cette relation est une condition importante de l'invention, car elle garantit non
seulement une augmentation significative des propriétés mécaniques lors du revenu,
mais également l'obtention de la fragilisation qui conduira à l'obtention d'une nuance
sécable à hautes performances.
[0078] Les teneurs en C, Mn, Cr, Ni, Mo, Cu et V exprimées en % pondéraux doivent, de plus,
vérifier la relation suivante qui détermine la température Bs (en °C) de début de
formation de la bainite :

avec Bs
lim calculé comme suit :

dans le cas où 530 + 330 (V' - 0,18) est inférieur à 600 (en notant que l'exigence
sur V' conduit à une valeur basse limite de 530) ;
Bs
lim = 600 dans le cas où 530 + 330 (V' - 0,18) est supérieur ou égal à 600.
[0079] La finesse de la microstructure permet, lorsque cette relation est vérifiée, d'obtenir
des caractéristiques mécaniques après forgeage suffisamment élevées pour que le durcissement
secondaire les amène à l'objectif de l'invention.
[0080] Comme on l'aura compris, toutefois, il est possible, dans certaines limites, de tolérer
des caractéristiques mécaniques avant revenu d'autant plus faibles que le pouvoir
durcissant du revenu (mesuré par V') est élevé.
[0081] Ainsi, on corrèle l'exigence sur Bs au pouvoir durcissant, de sorte que la valeur
calculée Bs devra être inférieure ou égale à 530°C si la valeur de V' est à son minimum,
mais pourra être inférieure ou égale à une autre température limite Bs
lim, pouvant aller jusqu'à 600°C, si le pouvoir durcissant, que traduit la formule V',
est plus élevé que son minimum.
[0082] Au-delà de Bs
lim = 600°C, toutefois, la compensation de la faiblesse des propriétés mécaniques par
le revenu devient difficile, de même que la capacité à obtenir la microstructure de
l'invention. Pour cette raison, on ne tolère pas de valeur de Bs supérieure à 600°C,
et ce indépendamment de la valeur de V'.
[0083] La teneur en Nb est comprise entre des traces et 0,08%.
[0084] Cet élément optionnel peut être utilisé pour affiner la structure austénitique après
forgeage ou laminage à chaud. Il intervient également dans la réaction de durcissement
secondaire et peut, dans cette dernière, se substituer à une partie du V dans la mesure
où l'équation définissant V' vue précédemment, reliant les éléments précipitant lors
du revenu, est vérifiée. Son addition est limitée à 0,08%, non seulement parce qu'il
est difficile de remettre en solution les précipités formés au-delà de cette teneur,
mais aussi pour limiter la formation de carbonitrures primaires lors de la solidification.
[0085] La teneur en Si est comprise entre des traces et 1,20% ; de préférence Si est compris
entre des traces et 0,60%.
[0086] Si est parfois utilisé pour ralentir la formation de la cémentite et favoriser le
développement d'une microstructure présentant de l'austénite résiduelle à température
ambiante. Dans le cadre de l'invention, l'austénite résiduelle étant déstabilisée
lors du revenu et n'étant, de ce fait, pas utile, des additions importantes de Si
ne sont pas nécessaires. Le silicium peut par ailleurs être utilisé pour la désoxydation
du métal liquide, de manière alternative à l'aluminium.
[0087] La teneur en Al est comprise entre des traces et 0,10%.
[0088] Al est optionnellement ajouté pour assurer la désoxydation de l'acier, en particulier
si la teneur en Si est relativement faible. Les ajouts sont plafonnés à 0,10% pour
limiter les risques de formation d'inclusions de réoxydation par contact du métalliquide
avec l'air.
[0089] La teneur en O est comprise entre des traces et 0,008%.
[0090] La présence d'oxygène est limitée à 0,008% pour éviter une détérioration des performances
mécaniques des pièces.
[0091] La teneur en B est comprise entre des traces et 0,010%.
[0092] Cet élément optionnel peut être utilisé pour garantir l'homogénéité de la structure
(limiter la présence de ferrite). Dans ce cas, il pourra être préférable de coupler
l'addition de B avec une addition de Ti qui capte l'azote pour former des nitrures,
et évite la formation de nitrures de B. Ainsi tout le B est disponible en solution
pour jouer son rôle d'homogénéisateur de la structure.
[0093] La teneur en Ti est comprise entre des traces et 0,10%.
[0094] Comme on vient de le dire, cet élément optionnel peut être utilisé principalement
pour les nuances au B. Dans le cas d'une élaboration au B (correspondant à B ≥ 0,0010%),
de préférence on limite N à 100 ppm (0,010%) et on s'assure que l'addition de Ti vérifie
la condition Ti% ≥ 3,5 N%.
[0095] La teneur en S est comprise entre des traces et 0,15%.
[0096] Comme il est bien connu, cet élément peut, le cas échéant, être laissé à un niveau
relativement élevé, voire ajouté volontairement, pour améliorer l'usinabilité de l'acier.
On lui confère alors une teneur de 0,005 à 0,15%. De préférence, on peut accompagner
alors cette présence significative de S par une addition de Ca jusqu'à 0,010%, et/ou
de Te jusqu'à 0,030%, et/ou de Se jusqu'à 0,050%, et/ou de Bi jusqu'à 0,10% et/ou
de Pb jusqu'à 0,20%.
[0097] La teneur en P est comprise entre des traces et 0,10%.
[0098] P peut être utilisé pour son pouvoir durcissant et pour son pouvoir fragilisant.
Toutefois, on limite sa teneur à 0,10%, car ces teneurs peuvent conduire à des difficultés
d'élaboration, de laminage et de forgeage.
[0099] La teneur en N est comprise entre des traces et 0,025%.
[0100] Dans le cas de l'utilisation conjointe de B et de Ti (c'est-à-dire de teneurs en
B de au moins 0,0010% et en Ti de au moins 0,005%), de préférence on limite N à 0,010%
pour limiter la formation de nitrures de bore.
[0101] Par contre, dans le cas contraire, on pourra accepter ou imposer des teneurs en N
supérieures, de manière à obtenir une précipitation du V plus intense. La teneur en
N est naturellement limitée par la solubilité de l'azote dans l'acier liquide à des
teneurs approchant 0,025%.
[0102] Les autres éléments contenus dans l'acier selon l'invention sont du fer et des impuretés
résultant de l'élaboration, présentes à des teneurs habituelles compte tenu des matières
premières utilisées et du mode d'élaboration de l'acier liquide (utilisation d'un
convertisseur ou d'un four électrique à arc pour obtenir le métal liquide, traitement
sous vide ou non du métal liquide...).
[0103] Il doit être entendu que les teneurs préférentielles éventuelles de chaque élément
pris isolément sont indépendantes les unes des autres. Autrement dit, on pourra se
situer dans une gamme préférentielle pour l'un ou plusieurs de ces éléments et hors
des gammes préférentielles pour les autres éléments qui en comportent une.
[0104] Industriellement, la pièce selon l'invention peut être produite par formage à chaud
d'un demi-produit tel qu'un lopin, une barre ou un bloom, présentant la composition
décrite précédemment. Typiquement, cette mise en forme à chaud est un forgeage à chaud
ou un laminage à chaud ou une succession de telles étapes. La pièce selon l'invention
peut aussi être produite par usinage de barres prêtes à l'emploi, dans la mesure où
le procédé de fabrication de ces dernières correspond aux étapes du procédé décrit.
[0105] Dans le premier cas, le procédé selon l'invention fait intervenir une étape de mise
en forme à chaud effectuée en phase austénitique (typiquement mais non exclusivement
de 1100 à 1300°C, comme il faut tenir compte de la composition précise de l'acier
pour déterminer s'il est en phase austénitique à une température donnée mais également
pour assurer la remise en solution complète des éléments provoquant le durcissement
secondaire), suivie typiquement d'un refroidissement naturel (c'est-à-dire à l'air,
sans utilisation d'un milieu refroidissant puissant tel que l'eau, l'huile, un milieu
cryogénique comme la neige carbonique ou l'azote liquide).
[0106] Un des points importants de l'invention est la possibilité d'obtenir des caractéristiques
mécaniques relativement constantes avant le revenu, indépendamment des dimensions
de la pièce mise en forme, telles que sa section maximale.
[0107] Ceci repose notamment sur l'obtention d'une microstructure bainitique homogène au
cours du refroidissement, qui pourra être effectué naturellement, à l'air calme.
[0108] Néanmoins, si les installations le permettent, une adaptation du refroidissement
pourra dans certains cas être utilisée, notamment pour obtenir des caractéristiques
mécaniques initiales supérieures à celles qui seraient obtenues par un refroidissement
naturel à l'air calme. Un refroidissement par air soufflé peut suffire à atteindre
cet objectif. On devra cependant faire attention à ce que le refroidissement ne soit
pas trop rapide au point de provoquer une apparition massive de martensite qui ferait
passer la proportion de bainite à moins de 60%.
[0109] Inversement, un refroidissement ralenti, notamment par un capot coiffant la pièce
venant d'être mise en forme, ou une mise en caisse de la pièce mise en forme, peut
être utilisé dans certains cas pour assurer une présence de bainite suffisante.
[0110] De préférence, ce refroidissement est effectué à des vitesses supérieures ou égales
à 0,3 °C/s dans l'intervalle 750-550 °C et comprises entre 0,1 et 5°C/s dans l'intervalle
550-300 °C.
[0111] Optionnellement, on effectue ensuite une ou plusieurs opérations telles qu'un conformage,
un usinage... destinées à au moins rapprocher les dimensions du demi-produit des dimensions
définitives du produit final, au cours desquelles l'état thermique de la pièce n'est
pas sensiblement affecté et sa microstructure est donc conservée.
[0112] Le procédé fait ensuite intervenir, selon l'invention, une étape de revenu, à une
température choisie pour optimiser le durcissement secondaire par précipitation, ce
qui conduit de manière concomitante à une diminution de la ductilité et rend la pièce
« sécable ». Habituellement, les proportions des divers constituants obtenus après
le refroidissement suivant la mise en forme à chaud ne sont pas affectées par ce revenu,
ou le sont peu. Les modifications microstructurelles introduites par le revenu portent
très principalement sur la nature et le nombre des divers précipités qui participent
au durcissement secondaire.
[0113] Ce traitement de revenu est effectué à une température Trev comprise entre 450 et
680°C, pour une durée de 15 min à 10 h selon les dimensions de la pièce et les équipements
disponibles. De manière alternative à un simple revenu, on pourra effectuer plusieurs
revenus, dans la même gamme de temps et température, selon les principes habituels
et bien connus dictant le choix des paramètres de revenu, sans pour autant que ceci
puisse être considéré comme s'écartant de la présente invention.
[0114] Comme on l'a dit plus haut, il est envisageable que d'autres traitements thermiques
soient effectués postérieurement au revenu de durcissement par précipitation. Mais
leur paramètre de revenu total ne devra pas dépasser celui du revenu de précipitation.
[0115] On doit souligner qu'un tel traitement de mise en forme à chaud suivie d'un revenu
est en complet décalage avec la pratique industrielle courante, qui se base quasiment
exclusivement sur l'utilisation de nuances ferrito-perlitiques micro-alliées, pour
lesquelles un tel revenu serait sans intérêt technique.
[0116] Optionnellement, on effectue ensuite une ou plusieurs opérations telles qu'un conformage,
un usinage... ne modifiant pas la microstructure obtenue grâce au revenu selon l'invention,
de façon à conférer à la pièce ses dimensions définitives précises si celles-ci n'ont
pas déjà été atteintes à l'issue des étapes précédentes. Il est possible que, dans
certains cas, les traitements thermiques aient conduit à une déformation de la pièce
plus ou moins sensible, de sorte que cet ultime ajustement des dimensions précises
de la pièce soit nécessaire, en particulier s'il n'y a pas eu d'usinage, conformage
ou autre opération similaire depuis la mise en forme à chaud et le refroidissement
qui a suivi.
[0117] Il est à noter qu'il existe des aciers qui présentent des compositions assez voisines
de celle de l'invention pour ce qui est des teneurs individuelles de chaque élément
pris séparément, et qui peuvent parfois, fortuitement, respecter aussi les conditions
posées par l'invention sur V' et Bs. C'est, par exemple, le cas pour le document
WO-A-2011/124851. Cependant, ce document n'a pas du tout les mêmes exigences que l'invention, du point
de vue de la microstructure de ses aciers et du durcissement par précipitation obtenu
lors du revenu final.
WO-A-2011/124851 décrit des pièces mécaniques à caractéristiques élevées et à structure bainitique,
obtenues de manière simple, c'est-à- dire sans contrôle particulier de leur refroidissement
après mise en forme et sans traitement thermique final obligatoire. Mais elles ne
présentent pas de propriétés particulières de sécabilité, contrairement à ce qui est
généralement recherché dans la présente invention.
[0118] De fait, les microstructures de
WO-A-2011/124851 et de l'invention diffèrent en ce que dans
WO-A-2011/124851, on accepte seulement jusqu'à 20% au total de martensite, ferrite pro-eutectoïde
et perlite. En revanche, l'invention accepte jusqu'à 30% de martensite (si la ferrite
pro-eutectoïde et la perlite sont à leur teneur totale maximale tolérable de 10%),
voire jusqu'à 40% de martensite (si la ferrite pro-eutectoïde et la perlite sont totalement
absentes).
[0119] Cette tolérance plus grande vis-à-vis de la présence de la martensite dans le cas
de l'invention est due au fait que le revenu à relativement haute température obligatoire,
qui suit le refroidissement de la pièce, rend cette présence de martensite moins dommageable,
par exemple pour un usinage qui conclurait la mise en oeuvre de la pièce.
[0120] D'autre part,
WO-A-2011/124851 accepte que l'on procède à un léger revenu final à 200-350°C pendant 30 min à 4 h,
qui n'est qu'optionnel. En revanche, l'invention exige absolument l'exécution d'un
revenu final, et à des températures toujours nettement plus hautes, et, parfois, pendant
une durée plus élevée : 450-680°C pendant 15 min à 10 h, dans le but précis d'obtenir
un durcissement secondaire par précipitation conférant à la pièce notamment des caractéristiques
aptes à la rendre sécable.
[0121] Un léger revenu comme celui de
WO-A-2011/124851 a pour but d'améliorer la limite d'élasticité Rp
0,2, en la portant à environ 900-950 MPa. Mais il est insuffisant pour obtenir un durcissement
secondaire par précipitation qui permet d'obtenir de façon fiable une Rp
0,2 supérieure à 1000 MPa.
[0122] Surtout, le léger revenu de
WO-A-2011/124851 permet d'améliorer la résistance à la flexion par choc (résilience). Or, cet objectif
est contradictoire avec celui de l'invention puisqu'une résilience élevée rend la
pièce non sécable. Le revenu de durcissement pratiqué dans l'invention de façon obligatoire
va de pair avec une faible résistance à la flexion par choc. Une telle basse résistance
à la flexion par choc n'est, en général, pas souhaitée sur une pièce mécanique, mais
elle l'est dans le cas des pièces mécaniques sécables qui sont particulièrement visées
par l'invention.
[0123] On va maintenant présenter des résultats obtenus en laboratoire sur des compositions
d'acier selon l'invention (Inv.1 à 4), des compositions proches de celles-ci mais
non totalement conformes à l'invention (Ref.1, 2 et 3), et des compositions de deux
aciers de nuances connues pour la fabrication de bielles.
[0124] L'ensemble des compositions retenues est présenté ci-dessous dans le tableau 2, qui
inclut les calculs des valeurs de Bs et V'. Il doit être entendu que le complément
à 100% des compositions citées est du Fe, les éléments non mentionnés dans ce tableau
n'étant présents que sous forme de traces y compris ceux pouvant n'être qu'optionnellement
présents dans l'invention, comme les éléments d'usinabilité Ca, Te, Se, Bi, Pb qui
n'ont pas été ajoutés dans les exemples considérés. Les valeurs en gras sont celles
qui sont non conformes à l'invention.

[0125] On rappelle que l'invention exige Bs ≤ Bs
lim et V' ≥ 0,18.
[0126] Comme on le voit, les compositions des différents exemples sont relativement proches,
et les teneurs des différents éléments, prises individuellement, seraient, pour tous
les exemples (sauf le V du C70S6), conformes aux exigences de l'invention. C'est sur
le respect ou non d'au moins l'une des deux conditions sur Bs et V' que les exemples
non conformes à l'invention et les exemples selon l'invention se distinguent essentiellement,
ce qui montre l'importance du respect simultané de ces deux conditions.
[0127] Les résultats détaillés par la suite ont été obtenus en utilisant des lopins de section
25 x 25 mm, auxquels on a appliqué un traitement thermique tel que leur état était
similaire, voire identique, à celui attendu sur une bielle forgée de masse et dimensions
typiques d'une bielle d'automobile: austénitisation à au moins 1050 °C, suivie d'un
refroidissement à l'air calme conduisant à des vitesses de refroidissement de, typiquement,
1°C/s entre 800 et 550 °C et 0,35°C/s entre 550 et 300 °C. On a ensuite déterminé
les conditions de revenu optimales pour augmenter les caractéristiques mécaniques
et appliqué le traitement optimisé pour chaque nuance, consistant en un maintien de
2 h à une température de 620 ± 10 °C. Enfin, on a procédé à des examens métallographiques
et à des essais mécaniques dans le but d'évaluer le gain en performance attendu grâce
à l'invention. Les résultats sont présentés dans le tableau 3, dans lequel B désigne
une microstructure bainitique, M la martensite qui est éventuellement présente conjointement
à la bainite, et F + P une microstructure ferrito-perlitique.
Tableau 3 : Microstructures et propriétés mécaniques des échantillons testés
| |
Microstructure |
Etat |
Rp0,2 MPa |
Rm MPa |
KV J |
| 36MnV4S |
F+P |
Forgé |
780 |
1057 |
9 |
| C70S6 |
P |
Forgé |
590 |
990 |
7 |
| Inv.1 |
B (20% M) |
Forgé+Revenu |
1000 |
1174 |
4 |
| Inv.2 |
B |
Forgé+Revenu |
1043 |
1156 |
4 |
| Inv.3 |
B (10% M) |
Forgé+Revenu |
965 |
1101 |
5 |
| Inv.4 |
B |
Forgé+Revenu |
1075 |
1169 |
3 |
| Ref.1 |
B |
Forgé+Revenu |
868 |
1018 |
14 |
| Ref.2 |
B |
Forgé+Revenu |
860 |
1000 |
14 |
| Ref.3 |
B + 15% F |
Forgé+Revenu |
870 |
1025 |
19 |
[0128] Les valeurs en gras concernent les résultats considérés comme non conformes à la
présente invention. Ces résultats non conformes concernent en premier lieu les nuances
standard 36MnV4S et C70S6, de type ferrito-perlitique ou perlitique, dont on a déjà
souligné les limitations en termes de limite d'élasticité et d'absence de réponse
significative à un revenu. Notons que pour le 36MnV4S, la précipitation du V a lieu
pendant le développement de la microstructure, lors du refroidissement de la pièce
après mise en forme à chaud. Elle confère donc des propriétés mécaniques intéressantes
à cette nuance, de même qu'une faible résistance à la rupture par choc (≤ 10 J), ce
qui explique le succès de cette nuance, et d'autres qui lui sont semblables, pour
la fabrication de bielles sécables à hautes performances. Ainsi, si ces nuances standard
ne peuvent atteindre la limite d'élasticité élevée des nuances de l'invention, leur
résistance aux chocs telle que mesurée par la grandeur KV demeure néanmoins conforme
à ce qui peut être requis pour la fabrication de bielles sécables.
[0129] D'autres nuances non conformes à l'invention (Ref.1, 2 et 3) éclairent davantage
cette dernière. Notons que Ref.1 et 2 présentent des microstructures bainitiques homogènes
à l'état forgé, ce qui est déjà en rupture complète avec les pratiques habituelles
pour la fabrication des bielles.
[0130] L'exemple Ref.1 présente une valeur de Bs insuffisamment basse (Bs = 567°C, alors
que, selon l'invention, la limite Bs
lim telle que définie précédemment à ne pas dépasser serait de 530°C) avec toutefois
une valeur de V' qui serait conforme à l'invention (0,23%, pour 0,18% au minimum dans
l'invention). On note qu'en conséquence, la limite d'élasticité ne répond pas aux
exigences de l'invention, qui vise à procurer un minimum de 900 MPa. Dans ce premier
cas, ce sont des propriétés en traction trop basses à l'état forgé qui expliquent
cette insuffisance, l'augmentation de ces propriétés en traction au cours du revenu,
corrélée à V', n'étant pas inférieure à celle de plusieurs des exemples selon l'invention.
[0131] L'exemple Ref.2 présente une valeur de Bs conforme à l'invention (Bs = 529°C pour
un maximum Bs
lim de 530), mais il a un potentiel de durcissement, tel que mesuré par V', qui est insuffisant
(V' = 0,16%, donc non conforme à l'invention).
[0132] L'exemple Ref.3 présente une Bs trop élevée, supérieure à Bs
lim et une microstructure qui contient 15% de ferrite proeutectoïde, donc plus que les
10% maximum de ferrite proeutectoïde + perlite tolérés par l'invention. En conséquence
Rp
0,2 et KV ne sont pas satisfaisantes. Il s'avère, dans son cas, que le vanadium, bien
que présent en quantité, en principe, suffisante, a en partie précipité lors du refroidissement
de la pièce, de sorte qu'il n'a pu jouer son rôle durcissant au cours du revenu, comme
il n'y en avait plus suffisamment en solution au début du revenu. De manière générale,
une structure bainitique ou martensitique permet d'obtenir un durcissement secondaire
lors du revenu selon l'invention, ce que ne permet pas une microstructure ferritique
ou perlitique, d'où la stricte limitation à 10% au plus de la teneur totale en ferrite
pro-eutectoïde et perlite à l'issue du refroidissement de la pièce.
[0133] Pour l'ensemble des exemples selon l'invention, la microstructure bainitique forgée
et revenue est soit de même nature très essentiellement bainitique que celle des exemples
Ref.1 et Ref.2, soit contient 10 ou 20% de martensite conjointement à la bainite.
Mais le respect des deux critères Bs et V' permet d'atteindre les caractéristiques
mécaniques visées par l'invention qui sont une Rp
0,2 d'au moins 900 MPa et, simultanément, une résistance à la traction Rm d'au moins
1100 MPa, et présentent des résistances à la flexion au choc KV conformes aux exigences
d'une utilisation pour la fabrication de pièces sécables, à savoir au plus 12 J. Notons,
de plus, qu'on a pu démontrer, par des essais de fatigue et de tassement en laboratoire,
que cette augmentation de la résistance en traction se traduisait par une augmentation
très significative des performances en fatigue et de la résistance au tassement. Les
nuances bainitiques selon l'invention permettent de satisfaire les critères de dimensionnement
des bielles déjà évoqués, ce que ne permettaient pas les nuances bainitiques considérées
dans l'art antérieur.
[0134] Un second avantage de l'invention peut être souligné par les résultats, figurant
dans le tableau 4, d'un essai supplémentaire réalisé sur l'exemple Inv.4. Pour cet
essai, on a réalisé sur une barre de diamètre 80 mm un traitement thermique tel que
la microstructure après refroidissement naturel pouvait être considérée comme représentative
de celle d'une pièce forgée à chaud. A la suite de ce traitement, on a réalisé le
traitement de revenu optimisé tel que déjà mis au point sur les pièces de section
25 x 25 mm
2. On a ensuite procédé à des examens métallographiques et à des essais mécaniques
de la même manière que précédemment.
Tableau 4 : Résultats d'essais supplémentaires sur l'exemple Inv.4
| Section |
Etat |
Microstructure |
Rp0,2 (MPa) |
Rm (MPa) |
| 25 x 25 mm |
Forgé + revenu |
B |
1075 |
1169 |
| diamètre 80mm |
Forgé + revenu |
B |
1071 |
1175 |
[0135] Comme le montrent ces résultats, un second avantage majeur de l'invention est de
procurer les caractéristiques mécaniques visées sur des pièces de dimensions très
différentes, alors que la sensibilité des nuances ferrito-perlitiques à ce paramètre
est bien connue et a déjà été soulignée. On voit donc que la nuance de la présente
invention pourra être utilisée, sans modification significative du procédé de fabrication
ou de la composition précise de l'acier, pour la fabrication de pièces sécables destinées
à des automobiles, mais aussi à des poids lourds, ou de pièces relevant de la grosse
mécanique (transformateurs, moteurs marins, etc.).
[0136] Si cela apparaît utile, pour une pièce de dimensions données, on pourra optimiser
la microstructure de la pièce, notamment en annulant ou en diminuant drastiquement
sa teneur en ferrite proeutectoïde + perlite, par un ajustement précis de la composition
de l'acier, en particulier sur les éléments dont on a dit qu'ils jouaient sur la teneur
en ferrite, comme C, Mo et B, ou sur la valeur de Bs, comme C, Mn, Cr, Mo, Ni, Cu
et V, et/ou par un ajustement des conditions de refroidissement après la mise en forme
à chaud, tout en demeurant dans le cadre des teneurs et valeurs selon l'invention.
Ce sera en particulier le cas pour des pièces de grandes dimensions ou de formes tourmentées,
dans le but de mieux assurer que la microstructure et les propriétés mécaniques finales
recherchées seront bien obtenues sur l'ensemble de la pièce.
1. Acier pour pièce sécable mise en forme à chaud,
caractérisé en ce que sa composition consiste en, exprimée en pourcentages pondéraux :
- 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
- 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
- Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
- Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
- Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
- 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
- Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
- Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
- Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
- Traces ≤ B ≤ 0,010%,
- Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
- Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
- Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
- Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
- Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
- Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
- Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
- Traces ≤ N ≤ 0,025% ;
- Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


et
en ce que sa microstructure comporte au moins 60% d'un mélange de ferrite bainitique et de
carbures ou d'austénite résiduelle, le reste de la microstructure comportant au plus
40% de martensite et/ou de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite, la présence de
ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite étant limitée à au plus 10%.
2. Acier selon la revendication 1, caractérisé en ce que Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
3. Acier selon la revendication 2, caractérisé en ce que traces ≤ N ≤ 0,010%.
4. Procédé de fabrication d'une pièce mécanique,
caractérisé en ce que :
- on met en forme à chaud en phase austénitique un demi-produit en acier dont la composition
consiste en, exprimée en pourcentages pondéraux :
* 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
* 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
* Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
* Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
* 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
* Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
* Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
* Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
* Traces ≤ B ≤ 0,010%,
* Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
* Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
* Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
* Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
* Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
* Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
* Traces ≤ N ≤ 0,025 ;
* Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


- on réalise un refroidissement à l'air calme, ou à l'air pulsé, ou sous un capot
ou en caisse dudit demi-produit, de préférence à des vitesses de refroidissement supérieures
ou égales à 0,3°C/s dans l'intervalle 750-550 °C et comprises entre 0,1 et 5°C/s dans
l'intervalle 550-300 °C ;
- on réalise au moins un revenu dudit demi-produit refroidi à une température Trev
comprise entre 450 et 680°C pendant une durée totale de 15 min à 10 h.
5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
6. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que traces ≤ N ≤ 0,010%.
7. Procédé selon l'une des revendications 4 à 6, caractérisé en ce qu'on réalise après le refroidissement suivant la mise en forme à chaud une mise en forme
du demi-produit, par exemple par usinage ou conformage, qui rapproche les dimensions
du demi-produit des dimensions définitives précises du produit sans modifier sa microstructure.
8. Procédé selon l'une des revendications 4 à 7, caractérisé en ce qu'on réalise après le revenu une mise en forme du demi-produit, par exemple par usinage
ou conformage, qui confère au demi-produit les dimensions définitives précises du
produit sans modifier sa microstructure.
9. Procédé selon l'une des revendications 4 à 8, caractérisé en ce qu'on procède à une casse contrôlée de ladite pièce mécanique, qui est une pièce mécanique
sécable.
10. Procédé selon l'une des revendications 4 à 9, caractérisé en ce qu'on procède à au moins un traitement thermique supplémentaire ultérieurement audit
revenu , ledit traitement supplémentaire ayant un paramètre de revenu inférieur à
celui dudit revenu.
11. Pièce mécanique en acier,
caractérisée en ce que :
- sa composition consiste en, exprimée en pourcentages pondéraux :
* 0,15% ≤ C ≤ 0,40% ; de préférence 0,20% ≤ C ≤ 0,35% ;
* 0,60% ≤ Mn ≤ 1,80% ; de préférence 0,80% ≤ Mn ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Cr ≤ 1,60% ;
* Traces ≤ Mo ≤ 0,40% ;
* Traces ≤ Ni ≤ 1,50% ; de préférence traces ≤ Ni ≤ 1,0% ; mieux traces ≤ Ni ≤ 0,60%
;
* Traces ≤ Cu ≤ 0,80% ;
* 0,02% ≤ V ≤ 0,70% ;
* Traces ≤ Nb ≤ 0,08% ;
* Traces ≤ Si ≤ 1,20 % ; de préférence traces ≤ Si ≤ 0,60% ;
* Traces ≤ Al ≤ 0,10%;
* Traces ≤ B ≤ 0,010%,
* Traces ≤ Ti ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ S ≤ 0,15% ; de préférence 0,005% ≤ S ≤ 0,15% ;
* Traces ≤ P ≤ 0,10% ;
* Traces ≤ Ca ≤ 0,010% ;
* Traces ≤ Te ≤ 0,030% ;
* Traces ≤ Se ≤ 0,050% ;
* Traces ≤ Bi ≤ 0,10%
* Traces ≤ Pb ≤ 0,20% ;
* Traces ≤ N ≤ 0,025 ;
* Traces ≤ O ≤ 0,008% ;
le reste étant du fer et des impuretés liées à l'élaboration ; et pour laquelle les
relations suivantes sont vérifiées :
* V' = V% + 2 Nb% + Cu%/5 ≥ 0,18% ;
* Bs = 830 - 270C% - 90Mn% - 37Ni% - 70Cr% - 83 Mo% - 50Cu% - 100V% ≤ Bslim, avec Bslim calculé comme suit :


et dont la microstructure comporte au moins 60% d'un mélange de ferrite bainitique
et de carbures ou d'austénite résiduelle, le reste de la microstructure comportant
au plus 40% de martensite et/ou de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite, la présence
de ferrite pro-eutectoïde et/ou de perlite étant limitée à au plus 10%.
12. Pièce mécanique selon la revendication 11, caractérisée en ce que Ti ≥ 3,5 N% si B ≥ 0,0010%.
13. Pièce mécanique selon la revendication 12, caractérisée en ce que traces ≤ N ≤ 0,010%.
14. Pièce mécanique selon l'une des revendications 11 à 13, caractérisée en ce qu'il s'agit d'une pièce sécable.
15. Pièce mécanique selon la revendication 14, caractérisée en ce qu'il s'agit d'une bielle de moteur à explosion.