[0001] La présente invention concerne un procédé de fabrication d'un composant horloger
en silicium.
[0002] Les composants horlogers en silicium sont généralement fabriqués par gravure ionique
réactive profonde - technique également connue sous l'abréviation anglaise DRIE -
d'une plaquette de matériau à base de silicium. La plaquette peut être une plaquette
de silicium que l'on grave dans toute son épaisseur (cf. par exemple les demandes
de brevet
EP 1722281,
EP 2145857 et
EP 3181938) ou un substrat silicium sur isolant dit SOI (silicon on insulator) comprenant une
couche supérieure de silicium et une couche inférieure de silicium liées par une couche
intermédiaire d'oxyde de silicium, la couche supérieure de silicium étant celle dans
laquelle est opérée la gravure (cf. par exemple les demandes de brevet
WO 2019/180177 et
WO 2019/180596). Par rapport à une simple plaquette de silicium, le substrat silicium sur isolant
présente l'avantage de posséder un support rigide (la couche inférieure de silicium,
de plus grande épaisseur que la couche supérieure) facilitant sa manipulation et son
maintien et une couche d'arrêt (la couche intermédiaire d'oxyde de silicium) permettant
d'arrêter la gravure.
[0003] Quel que soit le type de plaquette utilisé, plusieurs composants sont gravés simultanément
dans la même plaquette et des attaches ou ponts laissés pendant la gravure maintiennent
les composants attachés à la plaquette pour d'autres étapes de la fabrication. Les
composants sont ensuite libérés de la plaquette par rupture ou élimination des attaches.
[0004] De telles attaches, qui relient la périphérie de chaque composant à la plaquette,
peuvent poser problème, notamment lorsque la périphérie du composant est une surface
fonctionnelle qui ne doit pas voir sa fonction perturbée par des résidus d'attache
ou lorsque la surface externe du composant doit présenter un aspect particulièrement
soigné, comme par exemple dans le cas d'une aiguille. Dans certains cas, également,
en particulier pour des composants portant une micro-denture, la surface extérieure
fonctionnelle ne présente pas d'espace libre de taille suffisante pour pouvoir y insérer
une attache suffisamment robuste.
[0005] La demande de brevet
WO 2019/166922 propose un procédé de fabrication d'un spiral horloger selon lequel on se munit d'un
substrat en silicium portant une couche d'oxyde de silicium, on forme des trous traversants
dans la couche d'oxyde de silicium, on fait croître par épitaxie une couche de silicium
sur la couche d'oxyde de silicium, cette couche de silicium remplissant les trous
traversants pour former des attaches ou ponts de matière, on grave des spiraux dans
la couche de silicium, on élimine la couche d'oxyde de silicium, les spiraux restant
attachés au substrat en silicium par lesdites attaches, on soumet les spiraux à des
traitements thermiques et enfin on détache les spiraux du substrat en silicium.
[0006] Avec un tel procédé, les spiraux restent liés au substrat après la gravure par des
attaches s'étendant hors du plan des spiraux plutôt qu'entre la surface extérieure
de la dernière spire et la couche de silicium de gravure comme cela est généralement
le cas. Cependant, ce procédé ne permet pas l'emploi de substrats silicium sur isolant
du commerce, et faire croître par épitaxie la couche de silicium dans laquelle seront
formés les spiraux est une opération compliquée.
[0007] La présente invention vise à remédier aux inconvénients susmentionnés, ou au moins
à les atténuer, et propose à cette fin un procédé de fabrication selon la revendication
1, des modes de réalisation particuliers étant définis dans les revendications dépendantes.
[0008] D'autres caractéristiques et avantages de la présente invention apparaîtront à la
lecture de la description détaillée suivante faite en référence aux dessins annexés
dans lesquels :
- la figure 1 montre par des vues en coupe schématiques les différentes étapes du procédé
de fabrication selon l'invention ;
- la figure 2 montre en vue de dessus un composant horloger gravé dans une couche supérieure
de silicium d'une plaquette silicium sur isolant selon un premier exemple de réalisation.
Sur cette figure, les traits blancs représentent les vides créés dans la couche supérieure
de silicium par la gravure et les zones grises représentent le silicium de la couche
supérieure. En plus du composant horloger sont représentés un élément de liaison et
des parties sacrificielles gravés dans la couche supérieure de silicium, l'élément
de liaison servant à maintenir le composant horloger attaché à la plaquette ;
- la figure 3 montre en vue de dessus le composant horloger de la figure 2 attaché à
la plaquette après suppression des parties sacrificielles ;
- la figure 4 montre en vue de dessus un composant horloger gravé dans une couche supérieure
de silicium d'une plaquette silicium sur isolant selon un deuxième exemple de réalisation.
Sur cette figure, les traits blancs représentent les vides créés dans la couche supérieure
de silicium par la gravure et les zones grises représentent le silicium de la couche
supérieure. En plus du composant horloger sont représentés un élément de liaison et
des parties sacrificielles gravés dans la couche supérieure de silicium, l'élément
de liaison servant à maintenir le composant horloger attaché à la plaquette ;
- la figure 5 montre en vue de dessus le composant horloger de la figure 4 attaché à
la plaquette après suppression des parties sacrificielles.
[0009] Le procédé de fabrication d'un composant horloger en silicium selon l'invention commence
par une première étape consistant à se munir d'une plaquette 1 de type silicium sur
isolant (figure 1 (a)). Cette plaquette comprend une couche supérieure de silicium
2, une couche inférieure de silicium 3 et, entre les deux, une couche intermédiaire
d'oxyde de silicium 4. Le silicium est monocristallin, polycristallin ou amorphe.
Il peut être dopé ou non.
[0010] A une deuxième étape du procédé (figure 1 (b)), on structure la couche supérieure
de silicium 2 pour y former le composant horloger, désigné par 5. Pour ce faire, on
réalise typiquement une gravure ionique réactive profonde précédée d'une opération
de photolithographie comme décrit dans la demande de brevet
WO 2019/180596. La couche intermédiaire d'oxyde de silicium 4 sert à arrêter la gravure. La couche
inférieure de silicium 3, de préférence plus épaisse que la couche supérieure de silicium
2, sert quant à elle de support rigide facilitant la gravure ainsi que les étapes
suivantes du procédé. Pendant cette deuxième étape, on laisse dans un évidement 6
du composant horloger 5 (cf. figures 1 (b) et 2) une partie 7 de la couche supérieure
de silicium 2 que l'on dénommera « élément de liaison », ainsi qu'une attache ou pont
de matière 8 reliant cet élément de liaison 7 à la paroi, 6a, de l'évidement 6. Afin
d'accélérer la gravure, on peut aussi laisser, dans d'autres évidements et/ou à l'extérieur
du composant horloger 5, des parties sacrificielles en silicium 9 qu'aucune attache
ne relie au composant horloger dans la couche supérieure de silicium 2.
[0011] A une troisième étape du procédé, dite de sous-gravure (figure 1 (c)), on grave la
couche intermédiaire d'oxyde de silicium 4 pour l'éliminer entre le composant horloger
5 et la couche inférieure de silicium 3. Cette étape peut être mise en œuvre par attaque
chimique contrôlée, de préférence à la vapeur, à l'aide d'acide fluorhydrique ou d'un
mélange d'acide fluorhydrique et d'éthanol. Cette étape sépare le composant horloger
5 de la couche inférieure de silicium 3 et détache les parties sacrificielles en silicium
9 qui peuvent ainsi être retirées (la figure 3 montre le composant horloger 5 après
suppression des parties sacrificielles en silicium 9). Le composant horloger 5 reste
cependant attaché à la couche inférieure de silicium 3 par successivement l'attache
8, l'élément de liaison 7 et une partie 10 de la couche intermédiaire d'oxyde de silicium
4 laissée entre l'élément de liaison 7 et la couche 3. En effet, les dimensions de
l'élément de liaison 7 sont choisies suffisamment grandes pour qu'après l'élimination
de l'oxyde sous le composant horloger 5, l'attache 8 et les parties sacrificielles
9 et jusqu'à l'arrêt de la sous-gravure, de l'oxyde reste sous l'élément de liaison
7.
[0012] Dans un premier exemple de réalisation, illustré aux figures 2 et 3, l'évidement
6 du composant horloger 5 dans lequel se trouve l'élément de liaison 7 est le trou
central d'un moyeu 11 formé par des bras élastiques permettant un montage élastique
du composant sur un axe, et l'attache 8 relie l'élément de liaison 7 à la paroi 6a
de ce trou central. Dans un deuxième exemple de réalisation, illustré aux figures
4 et 5, l'évidement 6 du composant horloger dans lequel se trouve l'élément de liaison
7 sépare une serge 12 du composant et l'un des bras élastiques du moyeu 11, et l'attache
8 relie l'élément de liaison 7 à la surface interne 12a de la serge 12. De manière
générale, l'élément de liaison 7 peut être relié à toute surface intérieure du composant
horloger, telle que la surface intérieure d'une serge, d'une cavité, d'un trou d'axe
ou autre trou d'assemblage, la surface d'un bras intérieur, la surface intérieure
ou extérieure d'un moyeu, etc. On pourrait aussi avoir plusieurs éléments de liaison
7 disjoints reliés par des attaches respectives au composant. Le/chaque élément de
liaison 7 pourrait en outre être relié au composant par plusieurs attaches. Le composant
horloger est par exemple une roue dentée, comme cela est représenté aux figures 2
à 5, une came, une aiguille indicatrice ou un ressort de type spiral ou autre.
[0013] Comme la surface extérieure du composant horloger n'a pas besoin d'être reliée par
une attache au reste de la plaquette, elle peut être fonctionnelle sur toute sa circonférence
et présenter une structure micrométrique du type micro-denture ou autre. De plus,
l'état de surface et l'aspect du composant final pourront être optimaux puisque la
surface extérieure sera dépourvue de tout résidu d'attache.
[0014] Une quatrième étape du procédé (figure 1(d)) consiste à oxyder thermiquement le composant
horloger 5. A cet effet, on place la plaquette 1 avec le composant horloger 5 dans
un four pour le soumettre à une température comprise entre 800 et 1200°C et à une
atmosphère oxydante comprenant du gaz de dioxygène ou de la vapeur d'eau jusqu'à obtenir
une épaisseur prédéterminée d'oxyde de silicium (SiO
2) sur ses surfaces. Cette couche d'oxyde de silicium, 13, se forme en consommant du
silicium sur une profondeur correspondant à environ 44% de son épaisseur. L'oxydation
est arrêtée avant que la croissance de la couche d'oxyde de silicium 13 sur le composant
horloger 5 et sur la couche inférieure de silicium 3 conduise ceux-ci à se toucher.
[0015] On désoxyde ensuite le composant horloger en éliminant la couche d'oxyde de silicium
13 par exemple par attaque chimique contrôlée, humide ou à la vapeur, à l'aide d'acide
fluorhydrique ou d'un mélange d'acide fluorhydrique et d'éthanol (figure 1 (e)). Les
tailles respectives du composant horloger 5 et de la couche inférieure de silicium
3 sont alors réduites par rapport à la figure 1(c), ce qui augmente leur écartement
d.
[0016] Puis la séquence d'oxydation-désoxydation illustrée aux figures 1(d) et 1(e) est
répétée un certain nombre de fois jusqu'à obtenir une distance d de valeur prédéterminée
entre le composant horloger 5 et la couche inférieure de silicium 3.
[0017] Les paramètres d'oxydation peuvent varier d'une séquence d'oxydation-désoxydation
à la suivante. Par exemple, on peut oxyder l'ensemble 3, 5 plus longtemps dans les
dernières séquences que dans les premières puisque plus d'espace est disponible entre
le composant horloger 5 et la couche inférieure de silicium 3 pour la croissance de
l'oxyde de silicium.
[0018] Chaque étape d'oxydation est arrêtée avant que le composant horloger 5 et la couche
inférieure de silicium 3 se touchent par l'intermédiaire de la couche d'oxyde de silicium
13. De la sorte, on supprime le risque que le composant horloger 5 et la couche inférieure
de silicium 3 soient attirés l'un vers l'autre et fusionnent lors de l'élimination
de la couche d'oxyde de silicium 13.
[0019] En plus d'augmenter l'écartement d, ces séquences d'oxydation-désoxydation permettent
d'atténuer les défauts de surface du composant horloger, notamment des ondulations
que crée la gravure ionique réactive profonde sur les flancs du composant horloger.
[0020] A une étape suivante du procédé (figure 1(f)), une couche d'oxyde de silicium permanente
14 peut être formée sur le composant horloger, par oxydation thermique ou dépôt, pour
augmenter sa résistance mécanique. Le grand écartement d obtenu par les séquences
d'oxydation-désoxydation rendent possible la formation d'une couche d'oxyde 14 de
grande épaisseur, par exemple environ 3 µm voire plus, alors que le composant est
encore attaché à la plaquette 1.
[0021] Les plaquettes silicium sur isolant du commerce sont généralement obtenues par croissance
d'une couche d'oxyde sur une plaquette de silicium et soudage par fusion d'une autre
plaquette de silicium sur la couche d'oxyde. Du fait du stress compressif qu'elle
génère sur la première plaquette de silicium, la couche d'oxyde doit avoir une épaisseur
limitée, comprise au maximum entre 1 et 3 µm. On comprend dès lors l'intérêt de pouvoir
accroître à volonté la distance d entre le composant horloger 5 et la couche inférieure
de silicium 3 avant la formation de la couche d'oxyde de silicium permanente 14 comme
le permet l'invention.
[0022] En alternative à la couche d'oxyde de silicium permanente 14, ou sur cette couche,
le composant horloger 5 pourrait recevoir une couche d'un matériau ayant de bonnes
propriétés tribologiques, par exemple du carbone cristallisé sous forme de diamant
(DLC) ou des nanotubes de carbone, une couche formant une barrière contre l'oxygène
ou une couche, par exemple en parylène, servant à contenir les débris en cas de rupture
du composant.
[0023] En plus des traitements d'oxydation-désoxydation, ou en alternative à ceux-ci, on
pourrait appliquer au composant horloger 5 d'autres traitements tels qu'un recuit
dans une atmosphère réductrice selon l'enseignement de la demande de brevet
CH 702431.
[0024] Le composant horloger 5 fait typiquement partie d'un lot de composants horlogers
identiques fabriqués simultanément dans la plaquette 1. A une dernière étape du procédé,
les composants horlogers sont détachés de la plaquette 1 par rupture ou élimination
des attaches 8. On peut à cet effet tourner les composants horlogers par rapport à
la plaquette 1 au moyen de brucelles jusqu'à casser les attaches 8, ou couper ces
dernières par laser.
[0025] La présente invention autorise un travail complet sur le ou les composants horlogers
pendant qu'ils sont liés à la plaquette. On peut ainsi atteindre des niveaux de qualité
élevés et répétables avec une bonne uniformité entre les différents composants.
[0026] Les composants horlogers pourront être intégrés dans des pièces d'horlogerie telles
que des montres-bracelets, des montres de poches ou des pendulettes.
1. Procédé de fabrication d'un composant horloger en silicium comprenant les étapes suivantes
:
a) se munir d'une plaquette (1) comprenant une première couche de silicium (2), une
deuxième couche de silicium (3) et, entre les deux, une couche intermédiaire d'oxyde
de silicium (4) ;
b) graver la première couche de silicium (2) pour y former le composant horloger (5),
au moins un élément de liaison (7) situé dans un évidement (6) du composant horloger
(5) et au moins une attache (8) reliant cet élément de liaison (7) à une surface intérieure
(6a ; 12a) du composant horloger (5) ;
c) éliminer la couche intermédiaire d'oxyde de silicium (4) entre le composant horloger
(5) et la deuxième couche de silicium (3) et la laisser au moins partiellement entre
l'élément de liaison (7) et la deuxième couche de silicium (3) ;
d) appliquer au moins un traitement au composant horloger (5) ;
e) détacher le composant horloger (5) de la plaquette (1) par rupture ou élimination
de l'au moins une attache (8).
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'évidement (6) est un trou destiné à servir à l'assemblage du composant horloger
(5) avec un élément, par exemple un axe.
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'évidement (6) sépare un moyeu (11) et une serge (12) du composant horloger (5).
4. Procédé selon la revendication 1 ou 3, caractérisé en ce que la surface intérieure (12a) est la surface intérieure d'une serge (12) du composant
horloger (5).
5. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que l'étape b) comprend une gravure ionique réactive profonde.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'étape b) laisse des parties sacrificielles (9) dans la première couche de silicium
(2) qui sont ensuite détachées par l'étape c).
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que l'étape d) comprend une phase d'oxydation thermique suivie d'une phase de désoxydation,
la phase d'oxydation thermique étant arrêtée avant que le composant horloger (5) et
la deuxième couche de silicium (3) se touchent.
8. Procédé selon la revendication 7, caractérisé en ce que les phases d'oxydation thermique et de désoxydation sont répétées une ou plusieurs
fois.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que l'étape d) comprend la formation d'une couche d'oxyde de silicium permanente (14).
10. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, caractérisé en ce que le composant horloger est une roue dentée (5), une aiguille, une came ou un ressort.
11. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, caractérisé en ce que plusieurs dits composants horlogers sont fabriqués à partir de ladite plaquette (1).