DOMAINE DE L'INVENTION
[0001] La présente invention concerne le domaine des alliages austénitiques requérant une
bonne résistance mécanique et à l'environnement, à hautes températures, notamment
pour une utilisation dans des fours de reformage pour la réduction directe du minerai
de fer ou plus généralement en tant que matériau de structure pour application à très
haute température comme dans des fours de traitement thermique. Elle concerne en particulier
un alliage austénitique à haute teneur en nickel, qui présente une excellente résistance
à la corrosion et au fluage à des températures de service supérieures ou égales à
1100°C.
ARRIÈRE-PLAN TECHNOLOGIQUE DE L'INVENTION
[0002] Les alliages austénitiques à base de nickel, de chrome et de fer dits « réfractaires
» sont connus depuis de nombreuses années pour leurs applications à très hautes températures
(voir notamment le document
FR2333870).
[0003] Pour augmenter leur résistance à l'environnement, et en particulier à la carburation
et à l'oxydation, il a été proposé de rajouter de l'aluminium comme divulgué dans
le document
US4248629. Du fait de la formation d'une couche d'oxyde d'aluminium à sa surface, la résistance
à la carburation et à l'oxydation dans un environnement à très hautes températures
se trouve améliorée.
[0004] Dans des alliages qui subissent des températures extrêmes (typiquement entre 1100°C
et 1185°C), des zones internes oxydées et/ou décarburées apparaissent près de la surface
des pièces. Un tel endommagement apparaît notamment dans les aciers austénitiques
réfractaires « chrominoformeurs » du fait de la régénération de la couche de Cr
2O
3 protectrice en service. Dans le cas des aciers austénitiques réfractaires « aluminoformeurs
», des zones décarburées et de l'oxydation et nitruration interne peuvent apparaitre
si la couche d'alumine formée n'est pas protectrice ou qu'elle est discontinue. Cet
endommagement de la microstructure, près de la surface, liée à la capacité de l'alliage
à s'autoprotéger de l'environnement, impacte négativement la résistance en fluage.
[0005] Les performances actuelles des alliages réfractaires limitent les rendements atteignables
dans des applications particulières, notamment dans le cadre des reformeurs pour la
réduction directe du minerai de fer, où les températures de service vont classiquement
jusqu'à 1175°C. Cette température extrême combinée aux contraintes mécaniques (contraintes
liées au propre poids des pièces ou à des pressions de quelques bars en service) appliquées
aux pièces (par exemple des tubes) constituées de ces alliages se traduit par une
très forte sollicitation en fluage qui limite la durée de vie des pièces en question
(et équipements associés).
[0006] Il est donc important d'améliorer encore les propriétés des alliages austénitiques
réfractaires à hautes teneurs en chrome et en nickel, pour atteindre des performances
élevées, tant en termes de résistance à l'environnement et à l'oxydation, qu'en termes
de tenue au fluage, en particulier pour les applications exigeant des températures
de service supérieures ou égales à 1100°C.
OBJET DE L'INVENTION
[0007] La présente invention propose une solution pour atteindre les objectifs précités.
L'invention concerne un alliage austénitique réfractaire « aluminoformeur », à hautes
teneurs en chrome et en nickel, qui présente une excellente résistance à l'environnement
et au fluage, à des températures supérieures ou égales à 1100°C, typiquement comprises
entre 1100°C et 1185°C.
BREVE DESCRIPTION DE L'INVENTION
[0008] La présente invention concerne un alliage austénitique réfractaire, destiné à être
utilisé à une température de service supérieure ou égale à 1100°C, comprenant l'ensemble
des composés suivants en pourcentage massique :
- du chrome entre 25,0% et 32,0%,
- du nickel entre 50,0% et 61,0%,
- de l'aluminium entre 1,0% et 6,0%,
- du niobium entre 0,15% et 1,50%,
- du carbone entre 0,05 et 0,60%,
- un ou plusieurs élément(s) réactif(s) à une teneur totale de 0,060% ou moins, un élément
réactif étant défini comme l'une parmi les terres rares ou l'hafnium,
- du silicium à 0,30% ou moins,
- du manganèse à 0,30% ou moins,
- du titane à 0,40% ou moins,
- de l'azote à 0,20% ou moins,
- du vanadium à 1,0% ou moins,
- du fer entre 4,0% et 18,0%, pour faire la balance des composés de l'alliage, le zirconium,
le tungstène et le soufre étant absents de l'alliage, ou sous forme d'impuretés respectivement
à moins de 0,030%, à moins de 0,010% et à moins de 0,0060%, l'alliage respectant en
outre deux critères reliant les pourcentages massiques (xCr, xAl, xC, xSi, xMn, xTi, xNb, xN, xV, xS, xNi) de tout ou partie des composés dudit alliage :
- un premier critère défini par :

- et un deuxième critère défini par :

[0009] Selon des caractéristiques avantageuses de l'invention, prises seules ou selon toute
combinaison réalisable :
- le pourcentage massique du vanadium est supérieur à 0,0010%, préférentiellement supérieur
ou égal à 0,010%, encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,10% ;
- le pourcentage massique de l'aluminium est supérieur ou égal à 2,0%, préférentiellement
supérieur ou égal à 2,50% ;
- le pourcentage massique du soufre est inférieur à 0,0050%, préférentiellement inférieur
à 0,0020%, ou encore préférentiellement inférieur à 0,00050% ;
- le pourcentage massique de l'azote est supérieur ou égal à 0,015%, préférentiellement
supérieur à 0,045%, encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,048%, encore préférentiellement
supérieur ou égal à 0,060%, encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,10%, voire
encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,12% ;
- le pourcentage massique du chrome est compris entre 26% et 31% ;
- le pourcentage massique du carbone est supérieur ou égal à 0,16%, préférentiellement
supérieur ou égal à 0.25% ou encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,35% ;
- le pourcentage massique total d'éléments réactifs est supérieur ou égal à 0,010%,
ou encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,020%.
BREVE DESCRIPTION DES DESSINS
[0010] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention ressortiront de la description
détaillée qui va suivre en référence aux figures annexées sur lesquelles :
- La figure 1 présente une table de composition de l'alliage conforme à l'invention
;
- La figure 2 présente un tableau comprenant neuf exemples d'alliages austénitiques
réfractaires, les alliages numérotés 1 à 4 faisant partie des alliages conformes à
la présente invention ;
- La figure 3 présente huit images en coupe par microscopie optique des alliages 1 à
8, après qu'ils aient subi un traitement thermique de vieillissement accéléré à 1150°C
pendant 125h ;
- La figure 4 présente deux images en coupe par microscopie électronique à balayage
des alliages 1 et 6, après qu'ils aient subi un traitement thermique à 1150°C pendant
125h, et deux analyses EDS (analyse chimique par spectroscopie à dispersion d'énergie)
de ces deux alliages ;
- La figure 5a présente la prise de masse des alliages 2 et 5, ayant subi respectivement
20 et 10 cycles d'oxydation de 45 min à 1150°C ;
- La figure 5b présente deux images en coupe par microscopie électronique à balayage
des alliages 2 et 5, ayant subi respectivement 20 cycles d'oxydation de 45 min à 1150°C
(alliage 2, a et c) et 10 cycles (alliage 5, b et d) ;
- La figure 6a présente la performance en fluage des alliages décrits dans la figure
2, sous la forme d'une représentation LMP (paramètre de Larson-Miller) ;
- La figure 6b présente les performances en fluage à haut LMP des alliages 1 à 8 décrits
dans le tableau de la figure 2 ; les nuances ont été testées à basse contrainte (9
MPa) et à des températures de 1150°C et 1175°C.
DESCRIPTION DETAILLEE DE L'INVENTION
[0011] L'invention concerne un alliage austénitique réfractaire, destiné à être utilisé
à une température de service supérieure ou égale à 1100°C. En particulier, le présent
alliage peut être utilisé pour les fours de reformage, lesquels sont soumis à des
températures de brique réfractaire typiquement comprises entre 1100°C et 1185°C.
[0012] L'alliage austénitique selon l'invention comprend l'ensemble des composés suivants
en pourcentage massique :
- du chrome entre 25,0% et 32,0%,
- du nickel entre 50,0% et 61,0%,
- de l'aluminium entre 1,0% et 6,0%,
- du niobium entre 0,15% et 1,50%,
- du carbone entre 0,05 et 0,60%,
- un ou plusieurs élément(s) réactif(s) à 0,060% ou moins,
- du silicium à 0,30% ou moins,
- du manganèse à 0,30% ou moins,
- du titane à 0,40% ou moins,
- de l'azote à 0,20% ou moins,
- du vanadium à 1,0% ou moins,
- du fer entre 4,0% et 18,0%, pour faire la balance des composés de l'alliage.
[0013] Dans la suite de la description, les expressions « teneur », « quantité » ou « pourcentage
», s'agissant d'un composé de l'alliage, seront utilisées de manière interchangeable
et devront être interprétées comme relatives au « pourcentage massique » dudit composé.
Lorsqu'un pourcentage massique est indiqué « entre X et Y », X et Y constituant les
bornes de la plage de composition, lesdites bornes doivent être considérées comme
incluses dans la plage, à moins que le contraire soit expressément précisé.
[0014] L'alliage austénitique réfractaire selon l'invention est principalement composé de
nickel (entre 50,0% et 61,0%), de chrome (entre 25,0% et 32,0%), de fer (entre 4,0%
et 18,0%) et d'aluminium (entre 1,0% et 6,0%).
[0015] Un minimum de 25,0% de chrome est requis pour assurer une bonne résistance à la corrosion
(oxydation) et pour permettre la formation de carbures de chrome, lesquels impactent
favorablement la résistance au fluage de l'alliage. Le pourcentage massique maximum
de chrome est contraint à 32,0%, notamment pour limiter la trop forte intégration
d'élément alphagène tendant à déstabiliser la structure austénitique de l'alliage.
Avantageusement, la teneur en Cr est définie entre 26,0% et 31,0%, pour favoriser
encore davantage la protection de l'alliage à l'environnement et sa résistance au
fluage.
[0016] La teneur minimale en nickel est définie à 50,0% de manière à conserver un alliage
réfractaire de structure austénitique, car l'alliage contient au moins 25,0% de chrome
ainsi que d'autres éléments alphagènes qui tendent à déstabiliser la structure austénitique
au profit d'une structure ferritique. La quantité de nickel est limitée à 61,0%, voire
limitée à 57,0%, voire 55,0% pour des raisons économiques, le nickel étant un fort
contributeur de coûts.
[0017] Le pourcentage massique en fer fait la balance des composés de l'alliage, pour que
la somme des pourcentages massiques desdits composés atteigne 100%. Une teneur comprise
entre 4,0% et 18,0% rend la balance sur les autres composés plus avantageuse. Préférentiellement,
une teneur en fer supérieure ou égale à 13,0% est souhaitable afin de réduire les
coûts de la nuance.
[0018] L'aluminium est présent dans l'alliage à une teneur moyenne à forte, entre 1,0% et
6,0%. Une telle teneur permet la formation d'une couche d'oxyde d'aluminium (alumine),
continue à la surface de l'alliage, dans une large gamme de pression partielle d'oxygène
(allant de moins de 5 particules par million à de hautes pressions partielles telles
que sous air), et une large gamme de températures (typiquement, les températures supérieures
à 1000°C). La couche superficielle d'oxyde d'aluminium forme alors une barrière très
résistante et efficace à la corrosion (oxydation, carburation, nitruration) de l'alliage,
à hautes températures, typiquement 1100°C et au-dessus.
[0019] Avantageusement, le pourcentage massique d'aluminium est supérieur ou égal à 2,0%,
voire encore supérieur ou égal à 2,5%. Une teneur en aluminium plus élevée assure
la formation d'une couche d'oxyde d'aluminium dans une gamme de conditions d'environnement
plus large. Elle permet aussi d'avoir accès à un « réservoir » d'aluminium plus important
et ainsi de conserver les propriétés de l'alliage sur de plus longues durées, dans
des environnements très sévères où les couches d'oxydes d'aluminium sont consommées.
[0020] Il peut être avantageux de maintenir le pourcentage massique d'aluminium à ou en-dessous
de 4%, pour limiter la précipitation de phases intermétalliques B2-NiAl, susceptibles
d'impacter défavorablement les propriétés de fluage. Pour rappel, B2 selon la notation
Strukturbericht qualifie une phase comprenant deux types d'atomes (ici, Ni et Al)
en proportion égale et dont la structure cristallographique est "cubique primitive
interpénétrée", c'est-à-dire que chacun des deux types d'atome forme un réseau cubique
centré simple, avec un atome d'un type au centre de chaque cube de l'autre type.
[0021] Le carbone doit être présent dans l'alliage pour son effet durcissant, par précipitation
et par solution solide. La plage de pourcentage massique de carbone est définie entre
0,05% et 0,60%. Avantageusement, un pourcentage supérieur ou égal à 0.16%, voire à
0,25%, voire à 0,35% permet la formation d'une fraction volumique de carbures importante
et améliore la coulabilité de l'alliage.
[0022] La teneur en niobium de l'alliage est définie entre 0,15% et 1,50% pour fixer le
carbone sous forme de carbonitrures riches en niobium et/ou en titane. Avantageusement,
le niobium, en combinaison avec le titane, empêche la formation de la phase G, phase
riche en silicium, défavorable aux propriétés de fluage. Préférentiellement, la teneur
en niobium est supérieure ou égale à 0,2%, à 0,4%, à 0,5%, à 0,8%, voire à 1% ; et
la teneur en niobium est inférieure ou égale à 1,4%, à 1,3%, voire à 1,2%.
[0023] Un élément réactif au sens de la présente invention est défini comme l'une parmi
les terres rares ou l'hafnium. L'ajout d'au moins un élément réactif (tel que par
exemple le cérium, l'yttrium, etc, ou l'hafnium) est bénéfique à la croissance, à
l'adhérence et au caractère protecteur de la couche d'alumine. Ce ou ces élément(s)
favorise(nt) la fragmentation du réseau de carbures de chrome et pourtant ont un effet
bénéfique vis-à-vis de la résistance en fluage. Une teneur totale (somme des teneurs
de tous les éléments réactifs introduits) supérieure à 0,060% n'apporte pas d'effet
supplémentaire alors qu'elle implique un fort impact sur le coût et sur le caractère
éco-responsable du matériau. Une teneur totale minimum de 0,010% est requise pour
obtenir les bénéfices susmentionnés. Avantageusement, le pourcentage massique totale
d'éléments réactifs est choisi supérieur ou égale à 0,020%.
[0024] L'alliage contient en outre du silicium, pour améliorer la coulabilité et augmenter
la résistance à la corrosion. La quantité de cet élément est néanmoins limitée à 0,30%,
voire à 0,25%, afin d'éviter la présence des phases G et σ (phase intermétallique
comprenant Fe, Cr, Ni et Si), néfastes en fluage. Avantageusement, la teneur en Si
est comprise entre 0,01% et 0,20%, voire entre 0,05% et 0,20%.
[0025] Le manganèse est également présent dans l'alliage, pour améliorer la soudabilité
et pour son effet bénéfique en oxydation du fait qu'il agit comme un piège pour le
soufre. Il a également un effet bénéfique sur le fluage car il augmente la solubilité
de l'azote dans l'austénite et favorise la stabilité de la structure austénitique.
Cependant, sa teneur est limitée à 0,30% pour limiter la formation de la phase intermétallique
B2-NiAl, qui impacte négativement la résistance au fluage. Avantageusement, la teneur
en manganèse est comprise entre 0,05% et 0,25%, voire entre 0,05% et 0,20%, voire
encore entre 0,01% et 0,20%.
[0026] L'alliage comprend du vanadium, jusqu'à un pourcentage massique de 1,0%. Ce composé
est connu pour améliorer les propriétés en fluage des aciers austénitiques inoxydables
par son impact sur la précipitation de carbures de chrome, en augmentant leur fraction
volumique. Le vanadium aide aussi à la précipitation de carbonitrures riches en niobium,
titane et/ou vanadium, lors du vieillissement, et il a aussi un effet durcissant par
solution solide. Sa teneur doit être limitée à 1,0% pour maintenir ses effets bénéfiques
et éviter une dégradation du comportement en oxydation de la nuance. Avantageusement,
la teneur en vanadium est comprise entre 0,005% et 0,5% ; elle peut éventuellement
être supérieure ou égale à 0,010%, voire supérieure ou égale à 0,1%.
[0027] Le titane favorise la formation de carbonitrures fins intra-granulaires et leur évolution
ultérieure lors du vieillissement (favorable à la résistance au fluage). Il peut être
inclus dans l'alliage dans un pourcentage massique allant jusqu'à 0,40%. Avantageusement,
le pourcentage massique de titane est supérieur 0,05%.
[0028] L'alliage contient également de l'azote qui, par son caractère gammagène (stabilise
la structure austénitique), améliore les propriétés de fluage. Sa présence dans l'alliage
contribue aussi à la formation des carbonitrures riches en niobium, titane et/ou vanadium
qui renforcent les propriétés en fluage. Sa teneur est limitée à 0,20% pour éviter
la formation de phases défavorables aux propriétés de fluage et d'oxydation. Avantageusement,
le pourcentage massique de l'azote est supérieur ou égal à 0,015%, préférentiellement
supérieur ou égal à 0,040%, à 0,045%, à 0,048%, à 0,060%, encore préférentiellement
supérieur ou égal à 0,10%, voire encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,12%.
[0029] Le soufre est un élément indésirable dans l'alliage, mais peut se retrouver sous
forme de trace (impureté) dans la nuance. Il est souhaitable de limiter la présence
de cet élément afin de dégrader le moins possible le caractère protecteur de la couche
d'alumine. Le soufre peut donc être présent dans l'alliage mais à des teneurs strictement
inférieures à 0,0060% (soit < 60 ppm). Avantageusement, la teneur en soufre est inférieure
à 0,0050% (<50 ppm), voire inférieure à 0,0020% (< 20 ppm), préférentiellement inférieure
à 0,00050% (< 5 ppm).
[0030] D'autres composés peuvent éventuellement être trouvés sous forme de traces dans l'alliage,
tels que par exemple le zirconium (< 0,03%), le tungstène (< 0,01%), le cobalt (<
0,08%), le molybdène (< 0,2%), le cuivre (<0,05%) ou le tantale (< 0,02%), mais ils
ne sont pas introduits de manière volontaire dans l'alliage ; leur présence potentielle
est liée au fait que ces éléments peuvent se trouver en tant qu'impuretés dans les
charges incorporées lors de la fabrication de l'alliage.
[0031] L'alliage peut éventuellement être pollué par d'autres impuretés à l'état de trace
dont la teneur est de l'ordre de la particule par million (ppm), et strictement inférieure
à 200 ppm, telles que le phosphore, le plomb, l'étain, le bore, le magnésium ou l'arsenic.
[0032] Notons que la composition de l'alliage peut être mesurée par spectrométrie à étincelle.
[0033] Le tableau de la figure 1 présente la composition de l'alliage austénitique conformément
à la présente invention. L'alliage austénitique selon l'invention respecte en outre
deux critères reliant les pourcentages massiques (x
Cr, x
Al, x
C, x
Si, x
Mn, x
Ti, x
Nb, x
N, x
V, x
S, x
Ni) de tout ou partie des composés dudit alliage.
[0034] Le premier critère est un critère d'oxydation, déterminé de façon empirique. Il relie
les teneurs en chrome, aluminium et soufre de l'alliage. L'équation est construite
autour de valeurs acceptables de ces trois composés (26 % pour le Cr, 2% pour l'Al
et 30 ppm pour le souffre). Cette équation accorde un poids différent à chaque élément
suivant l'impact de sa teneur sur la résistance à l'oxydation à haute température.
Par simplicité, le critère a été normalisé et il doit être supérieur à 1 pour garantir
un bon comportement en oxydation.
[0035] Le premier critère est défini par :

avec

[0036] Le deuxième critère concerne la température de solvus d'un certain type de carbures,
à savoir les carbures M
23C
6. Une relation a été établie entre les pourcentages massiques de certains éléments
qui sont reliés à la température de solvus des carbures M
23C
6. Cette température doit être importante (à savoir supérieure ou égale à 1070°C) pour
favoriser la précipitation secondaire des carbures de Cr (M
23C
6) aux températures de fonctionnement et pour garantir une performance mécanique optimale
(résistance au fluage).
[0037] Le deuxième critère est défini par :

[0038] Comme évoqué en introduction, il est habituel qu'un alliage austénitique réfractaire
forme une couche décarburée et/ou une couche d'oxydation interne, conséquence de l'évolution
de la microstructure près de la surface à cause des très hautes températures de service.
Ce phénomène, lié à la capacité de l'alliage à s'autoprotéger de l'environnement,
a un impact significatif sur la durée de vie de ces alliages à ces températures.
[0039] Ainsi, allant au-delà du rôle de chaque composé individuel de l'alliage, la demanderesse
a étudié le lien entre la microstructure de l'alliage, sa résistance à l'oxydation
et ses propriétés mécaniques à des températures de service typiquement supérieures
ou égales à 1100°C. La température de service est la température à laquelle l'alliage
est destiné à être soumis, lors de son utilisation : par exemple, pour un alliage
formant un tube de reformeur dans une installation de réduction directe de minerai
de fer, la température de service pourra être comprise entre 1050°C et 1175°C.
[0040] Les études menées, notamment basées sur des caractérisations par microscopie optique,
microscopie électronique à balayage (MEB) et sur des tests de fluage, ont permis de
mettre en évidence le fait que les propriétés de fluage de l'alliage à forte teneur
en nickel (supérieure ou égale à 50%) sont directement impactées par son comportement
en oxydation et par la précipitation des carbures secondaires riches en chrome de
type M
23C
6, à la température de service.
[0041] Ainsi, la demanderesse a pu déterminer que, dans un alliage austénitique à forte
teneur en nickel, la résistance au fluage, à la température de service, peut atteindre
des performances exceptionnelles quand il présente non seulement une microstructure
« favorable » pour la résistance en fluage mais également une très bonne résistance
à l'oxydation à ladite température, d'où la définition des deux critères précédemment
énoncés. Cet effet synergique est particulièrement vrai pour les très hautes températures
de service visées et représente le coeur de cette invention. Une microstructure optimisée
pour la résistance en fluage est condition nécessaire mais non suffisante pour une
haute résistance en fluage à des très hautes températures (>1100°C), il s'avère que
la capacité de la nuance à s'autoprotéger de l'environnement joue un rôle crucial
et est également nécessaire (critère 1).
[0042] Une microstructure « favorable » dans ce cas veut dire que, à la température de service,
la composition chimique de l'alliage doit être telle que la température de solvus
des carbures M
23C
6 soit égale ou supérieure à 1070°C, pour privilégier la précipitation secondaire desdits
carbures à partir des carbures M
7C
3 présents dans l'alliage en brut de coulée.
[0043] A partir de corrélations entre les caractérisations physiques et des simulations
CALPHAD (calculs de diagrammes de phase, permettant de prédire les phases présentes
dans l'alliage à l'équilibre en température, en fonction de sa composition), une relation
R2 a été établie entre les pourcentages massiques de certains composés de l'alliage
et la température maximale

du domaine de stabilité de la phase de carbures de chrome M
23C
6 :

avec x
Al, x
N, x
V, x
Ti, x
Si, x
Ni, x
Nb, x
Cr, x
Mn, x
C sont les pourcentages massiques respectivement de l'Al, du N, du V, du Ti, du Si,
du Ni, du Nb, du Cr, du Mn et du C dans l'alliage.
[0044] Ladite température maximale du domaine de stabilité peut être vue comme la température
limite en-dessous de laquelle il y a transformation dans l'alliage des carbures M
7C
3 (présentes dans l'alliages à l'état brut de coulée) en carbures M
23C
6 ; cette transformation entraine une précipitation secondaire de carbures de chrome
recherchée, qui améliore la performance en fluage de l'alliage. Une telle transformation
a lieu sur une plage de températures correspondant au domaine de stabilité de la phase
M
23C
6.
[0045] Selon l'invention, la température maximale

doit être supérieure ou égale à 1070°C afin de privilégier la précipitation secondaire
dans l'alliage soumis à la température de service, lors de son utilisation. Cette
condition correspond au deuxième critère. Avantageusement, la température maximale

peut être définie supérieure ou égale à 1100°C, voire supérieure ou égale à 1150°C.
[0046] Comme énoncé précédemment, cette relation R2 n'est valide et pertinente que pour
un alliage présentant des composés principaux (Cr, Ni, Al, Nb, C, Si, Mn, Ti, Fe,
N, V) dans les plages de pourcentages massiques définies selon l'invention.
[0047] La validation du deuxième critère, lié à la température maximale du domaine de stabilité
des carbures secondaires M
23C
6 n'est cependant pas suffisante pour garantir une performance en fluage optimale à
la température de service.
[0048] L'alliage doit en outre présenter une excellente résistance à l'oxydation. Trois
éléments, le chrome, l'aluminium et le souffre, jouent un rôle crucial sur la capacité
de l'alliage à s'autoprotéger. A partir de corrélations entre les caractérisations
physiques et la composition chimique, une relation R1 a été établie :

avec

[0049] Le terme f
oxy est une fonction d'oxydation et x
Cr, x
Al et x
S sont les pourcentages massiques respectivement du Cr, de l'Al et du S dans l'alliage.
[0050] Avantageusement, la fonction d'oxydation f
oxy doit être supérieure à 1 afin de garantir un bon comportement en oxydation de l'alliage
soumis à la température de service, et pour optimiser, de façon synergique, la résistance
en fluage de l'alliage lors de son utilisation. La condition f
oxy ≥ 1 correspond au premier critère selon la présente invention.
[0051] Des exemples d'alliages vont maintenant être présentés, pour illustrer en quoi les
plages de composition selon l'invention, combinées aux deux critères susmentionnés
permettent l'obtention d'un alliage austénitique réfractaire « aluminoformeur » riche
en nickel, particulièrement performant en termes de résistance à l'oxydation et de
tenue au fluage, à des températures de service supérieures ou égales à 1100°C.
[0052] Les tests de performance portent sur la résistance des alliages au vieillissement
accéléré, à l'oxydation cyclique, et sur leur résistance au fluage.
[0053] Le tableau de la figure 2 présente différents alliages qui ont été étudiés par la
demanderesse. Les alliages 1 à 4 sont conformes à la présente invention. Les alliages
5 à 9 sont des contre-exemples qui ne satisfont pas à l'ensemble des caractéristiques
de la présente invention.
[0054] La figure 3 présente des images en coupe en microscopie optique des alliages 1 à
8 après qu'ils aient subi un traitement thermique de vieillissement accéléré à 1150°C
pendant 125h. L'échelle sur ces images est 50 µm.
[0055] On observe une structure dendritique avec un réseau de carbures de chrome de type
M
7C
3 et/ou M
23C
6 situés au niveau des espaces inter-dendritiques ainsi qu'à la surface des échantillons.
Notons que la surface a été protégée avec un dépôt de cuivre dans les cas des alliages
1, 2 et 6, ce dépôt a un contraste clair sur les images de microscopie optique et
il est observable sous la forme d'ilots espacés au niveau de la surface.
[0056] Le réseau de carbures riches en chrome se trouve intégralement présent jusqu'à la
surface des échantillons des alliages 1, 2, 3, 4 et 7. Au contraire, on observe une
couche libre de carbures de chrome près de la surface des alliages 5 et 8, ainsi qu'une
couche d'oxydation interne. Dans le cas de l'alliage 6, la largeur de la couche décarburée
est telle que, sur l'image, on n'observe pas le réseau de carbures de chrome ; en
revanche, une couche d'oxydation interne importante est observée.
[0057] Les grands objets de contraste noir formées à l'intérieur de l'échantillon des alliages
5, 6 et 8 sont des nitrures d'aluminium.
[0058] Les microstructures des alliages 1 et 6, observées par microscope électronique à
balayage, sont présentées sur la figure 4 (a et b) et ont été analysées chimiquement
par spectroscopie à dispersion d'énergie (EDS) (figure 4, c et d).
[0059] On peut constater que l'alliage 1 a formé une couche d'alumine protectrice à la surface.
Le signal d'aluminium obtenu par EDS montre un pic au niveau de la surface (voir figure
4 (c)) et le profil de chrome (figure 4 (d)) montre une concentration nominale monotone
avec des pics qui correspondent à la présence de carbures de chrome.
[0060] L'alliage 6 qui ne respecte pas le premier critère, f
oxy ≥ 1, a formé une couche d'oxide de chrome (Cr
2O
3) en surface qui a entrainé un appauvrissement en chrome dans la zone près de la surface
(voir profil sur la figure 4 (d)). Juste en-dessous de cette couche de chromine, on
peut observer une couche non-protectrice d'oxyde d'aluminium (figure 4 (c)).
[0061] La figure 5a montre l'évolution en masse des alliages 2 et 5, lors de l'oxydation
cyclique. Le graphe présente le nombre de cycles en abscisses, un cycle correspondant
à la séquence : 45 min à 1150°C et 15 min à température ambiante. En complément de
l'évolution en masse, la figures 5b présente des images en coupe de ces mêmes alliages,
ayant subi 20 cycles d'oxydation dans le cas de l'alliage 2 (figure 5b (a) et (c))
et 10 cycles dans le cas de l'alliage 5 (figure 5b (b) et (d)), à deux grossissements
différents.
[0062] On peut constater que la forte teneur en soufre combinée à des teneurs limitées en
chrome et aluminium dans un alliage réfractaire limite la capacité de l'alliage à
s'autoprotéger de l'oxydation. Le gain en masse de l'alliage 5 (figure 5b) est la
conséquence d'une oxydation interne (figures 5b (b) et (d)). Au-delà du cycle 3, une
légère perte en masse, probablement due à l'écaillage, est observée dans l'alliage
5. L'alliage 2, conforme à la présente invention, montre une stabilité de masse avec
l'oxydation cyclique, une fois que la couche d'alumine protectrice s'est formée.
[0063] La résistance au fluage des alliages 1 à 9 a été évaluée à partir de tests de fluage
à 1050°C, 1100°C, 1125°C, 1150°C et/ou 1175°C, sous des contraintes de 17, 16.5, 13,
11.5, 10 et 9 MPa, les tests étant réalisés sur des échantillons prélevés sur des
pièces élaborées dans les différents alliages. On extrait de ces tests un temps à
la rupture t
R, que l'on transforme en paramètre de Larson-Miller (LMP) en combinaison avec la température
de l'essai selon l'expression suivante :

T étant la température de l'essai exprimée en kelvin, t
R le temps à la rupture exprimé en heures et C une constante caractéristique de l'alliage
; dans notre cas C = 20,22.
[0064] La représentation des résultats des essais de fluage sous le formalisme de Larson-Miller
permet de comparer la performance des essais réalisés à différentes températures.
La figure 6a regroupe les résultats des essais de fluage sur les alliages 1 à 9. Le
graphe présente la contrainte appliquée en ordonnées et le paramètre de Larson-Miller
en abscisses. Typiquement, les conditions des essais à haut LMP correspondent à des
faibles contraintes et hautes températures, alors qu'à bas LMP, elles correspondent
à des contraintes importantes et des températures plus faibles.
[0065] On peut constater une performance supérieure (surtout à haut LMP) des alliages 1
à 4, conformes à l'invention, comparativement aux alliages 5 à 9.
[0066] La figure 6b montre en détail les résultats des essais de fluage effectués à 9MPa
et aux températures de 1150°C et 1175°C sur les alliages 1 à 8. Les alliages 1 à 4
atteignent une valeur de LMP supérieure à 33.32, seuil de performance pertinent pour
un tel alliage austénitique réfractaire.
[0067] L'ensemble de ces résultats souligne les écarts de performance que des alliages austénitiques
réfractaires à haute teneur en nickel, avec des compositions très proches, peuvent
présenter en termes de résistance au fluage à très hautes températures (alliages 1
à 4 versus alliages 5 à 9). Outre des plages précises de composition, la demanderesse
a défini deux critères importants que doit respecter l'alliage de manière à offrir
la meilleure performance en fluage alliée à une excellente résistance à l'oxydation
cyclique, pour des températures de service supérieures ou égales à 1100°C. Une originalité
de cette approche vient de la prise en compte de deux phénomènes distincts (facteur
d'oxydation et température de solvus des carbures M
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6) ayant une action synergique bénéfique aux performances mécaniques (fluage) de l'alliage
tout en lui assurant une remarquable protection à la corrosion.
[0068] L'invention n'est pas limitée aux modes de réalisation décrits et on peut y apporter
des variantes de réalisation sans sortir du cadre de l'invention tel que défini par
les revendications.
1. Alliage austénitique réfractaire, destiné à être utilisé à une température de service
supérieure ou égale à 1100°C, comprenant l'ensemble des composés suivants en pourcentage
massique :
- du chrome entre 25,0% et 32,0%,
- du nickel entre 50,0% et 61,0%,
- de l'aluminium entre 1,0% et 6,0%,
- du niobium entre 0,15% et 1,50%,
- du carbone entre 0,05 et 0,60%,
- un ou plusieurs élément(s) réactif(s) à une teneur totale comprise entre 0,010%
et 0,060%, un élément réactif étant défini comme l'une parmi les terres rares ou l'hafnium,
- du silicium à 0,30% ou moins,
- du manganèse à 0,30% ou moins,
- du titane à 0,40% ou moins,
- de l'azote entre 0,015% et 0,20%,
- du vanadium entre 0,005% et 1,0%,
- du fer entre 4,0% et 18,0%, pour faire la balance des composés de l'alliage, le
zirconium, le tungstène et le soufre étant absents de l'alliage, ou sous forme d'impuretés
respectivement à moins de 0,030%, à moins de 0,010% et à moins de 0,0060%, l'alliage
respectant en outre deux critères reliant les pourcentages massiques (xCr, xAl, xC, xSi, xMn, xTi, xNb, xN, xV, xS, xNi) de tout ou partie des composés dudit alliage :
- un premier critère défini par :

avec

- et un deuxième critère défini par :

2. Alliage austénitique réfractaire selon la revendication précédente, dans lequel le
pourcentage massique du vanadium est supérieur ou égal à 0,010%, encore préférentiellement
supérieur ou égal à 0,10%.
3. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique de l'aluminium est supérieur ou égal à 2,0%, préférentiellement
supérieur ou égal à 2,50%.
4. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique du soufre est inférieur à 0,0050%, préférentiellement
inférieur à 0,0020%, ou encore préférentiellement inférieur à 0,00050%.
5. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique de l'azote est supérieur ou égal à 0,060%, encore préférentiellement
supérieur ou égal à 0,10%, voire encore préférentiellement supérieur ou égal à 0,12%.
6. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique du chrome est compris entre 26% et 31%.
7. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique du carbone est supérieur ou égal à 0,16%, préférentiellement
supérieur à 0,25% ou encore préférentiellement supérieur à 0,35%.
8. Alliage austénitique réfractaire selon l'une des revendications précédentes, dans
lequel le pourcentage massique total d'éléments réactifs est supérieur ou égal à 0,020%.