[0001] La présente invention concerne un dispositif d'amortissement pour véhicule ferroviaire,
un véhicule ferroviaire équipé d'un tel dispositif et un procédé de pilotage d'un
tel dispositif d'amortissement.
[0002] Un véhicule ferroviaire comprend généralement une caisse montée sur deux bogies.
La caisse est en général suspendue par rapport aux bogies, par exemple sur un dispositif
pneumatique. Sous certaines conditions de circulation, des instabilités cinématiques
des bogies peuvent apparaitre, suivant un mouvement de lacet des bogies. Ces instabilités
de lacets sont aussi appelées «
bogie hunting » en anglais. Pour des raisons de sécurité, des amortisseurs antilacets, dits aussi
«
anti-yaw dampers » en anglais, sont installés entre les bogies et la caisse, pour amortir les mouvements
de lacet des bogies par rapport à la caisse. Pour chaque bogie, les amortisseurs antilacets
sont généralement associés par paire, les amortisseurs d'une même paire étant installés
de chaque côté du bogie parallèlement au sens de circulation du véhicule. Lorsque
l'un des amortisseurs antilacets d'un bogie est défaillant, en cas de détection d'une
instabilité de lacet la vitesse de circulation du véhicule ferroviaire est maintenue
inférieure à une vitesse de sécurité, ou «
fail-safe speed » en anglais.
[0003] Dans le cas des trains à grande vitesse, par soucis de redondance chaque bogie comprend
généralement deux paires d'amortisseurs antilacets, car les efforts dynamiques sont
plus importants que pour les trains dits classiques, comme par exemple les trains
régionaux, et l'impact de la marge de stabilité est d'autant plus critique sur la
sécurité de circulation dans le cas des trains à grande vitesse.
[0004] D'autre part, pour améliorer le confort des passagers et réduire les accélérations
latérales de la caisse, des amortisseurs latéraux sont aussi prévus entre la caisse
et les bogies.
[0005] JP-4 845 423-B2,
JP-H11-268 646-A et
CN-110 341 738-A décrivent chacun des exemples de véhicules ferroviaires de l'art antérieur.
EP-2 020 356-A2 décrit, quant à lui, un véhicule ferroviaire dont chaque bogie est équipé d'un amortisseur
latéral semi-actif. Cependant, les amortisseurs latéraux ne contribuent pas à la stabilité
du véhicule tant que l'ensemble des amortisseurs antilacets sont fonctionnels.
[0006] Les bogies des trains à grande vitesse sont ainsi chacun équipés à la fois généralement
de deux paires d'amortisseurs antilacets et d'au moins un amortisseur latéral, ce
qui est lourd et coûteux.
[0007] C'est à ces problèmes qu'entend plus particulièrement remédier l'invention, en proposant
un dispositif d'amortissement latéral amélioré, qui contribue à la fois au confort
et à la stabilité du véhicule.
[0008] À cet effet, l'invention concerne un dispositif d'amortissement pour véhicule ferroviaire
comprenant une caisse montée sur deux bogies, le dispositif d'amortissement comprenant
:
- des amortisseurs latéraux, chacun configuré pour relier la caisse à un bogie respectif,
les amortisseurs latéraux étant des amortisseurs semi-actifs et étant chacun pilotés
par une électrovanne respective,
- deux premiers accéléromètres, chaque premier accéléromètre étant configuré pour être
fixé à la caisse au voisinage d'un bogie respectif et configuré pour mesurer des accélérations
de la caisse suivant une direction transversale de la caisse, la direction transversale
étant orthogonale à un axe longitudinal de la caisse et radiale à un axe de lacet
du bogie correspondant,
- une unité électronique de contrôle, configurée pour recevoir des mesures d'accélération
en provenance des premiers accéléromètres et en provenance de deuxièmes accéléromètres
fixés aux bogies, pour détecter une instabilité cinématique en fonction des mesures
d'accélérations reçues, et pour piloter chaque amortisseur latéral en commandant l'électrovanne
correspondante.
[0009] Selon l'invention, le dispositif électronique de contrôle est commutable entre :
- un premier mode de fonctionnement dit mode confort, dans lequel l'unité électronique
de contrôle commande chaque électrovanne avec une fréquence de commande supérieure
à 100 Hz, de manière à optimiser le confort passager, un effort généré par l'amortisseur
latéral associé allant jusqu'à un premier seuil d'effort, et
- un deuxième mode de fonctionnement dit mode refuge, dans lequel l'unité électronique
de contrôle commande chaque électrovanne avec une fréquence de rafraichissement inférieure
à 1 Hz, de manière à développer un effort d'amortissement allant jusqu'à un deuxième
seuil d'effort, qui est supérieur d'au moins 40% du premier seuil d'effort,
alors que l'unité électronique de contrôle est configurée pour passer du mode confort
vers le mode refuge lorsqu'une instabilité cinématique est détectée.
[0010] Grâce à l'invention, lorsqu'une instabilité dynamique est détectée, par exemple lorsqu'un
ou plusieurs des amortisseurs antilacets sont défaillants et que la marge de stabilité
devient insuffisante, conduisant une instabilité de lacet, le dispositif électronique
de contrôle bascule en mode refuge, dans lequel les amortisseurs latéraux contribuent
à la disparition de l'instabilité grâce à leur effort d'amortissement élevé. On évite
ainsi d'avoir à réduire la vitesse de circulation sous la vitesse de sécurité. Avantageusement,
lorsqu'un tel dispositif d'amortissement équipe un véhicule ferroviaire, par exemple
un véhicule grande vitesse, le véhicule ferroviaire se suffit d'un seul amortisseur
antilacet par côté de bogie, au lieu de deux qui sont traditionnellement nécessaires
afin de garantir le niveau de stabilité requis en cas de défaillance d'un amortisseur
antilacet.
[0011] Avantageusement, le deuxième seuil d'effort est compris entre 14 kN et 20 kN.
[0012] Selon un autre aspect, l'invention concerne un véhicule ferroviaire comprenant le
dispositif d'amortissement tel que défini précédemment, dans lequel chaque bogie est
pivotant par rapport à la caisse autour de l'axe de lacet respectif, chaque bogie
étant relié à la caisse par l'amortisseur latéral respectif, qui est disposé selon
la direction transversale, et dans lequel chaque premier accéléromètre est fixé à
la caisse au voisinage de chaque bogie.
[0013] Avantageusement :
- Chaque bogie est équipé d'un des deuxièmes accéléromètres reliés à l'unité électronique
de contrôle, chaque deuxième accéléromètre étant configuré pour mesurer les accélérations
du bogie correspondant selon la direction transversale de la caisse, et pour transmettre
les mesures d'accélérations au dispositif électronique de contrôle.
- Chaque deuxième accéléromètre fait partie d'un dispositif de supervision du bogie
correspondant.
- Chaque deuxième accéléromètre est mono-axial.
- Le véhicule ferroviaire comprend, en outre, des amortisseurs antilacet, pour amortir
les instabilités cinématiques de lacets entre la caisse et les bogies, et dans lequel
chaque bogie est relié à la caisse par des amortisseurs antilacets, disposés en paires
de chaque côté du bogie correspondant.
- Chaque bogie est relié à la caisse par une seule paire d'amortisseurs antilacets.
- Le véhicule ferroviaire est un véhicule à grande vitesse, configuré pour circuler
à des vitesses supérieures ou égale à 200 km/h.
[0014] Selon un autre aspect, l'invention concerne un procédé de pilotage d'un véhicule
ferroviaire tel que défini précédemment, dans lequel le procédé comprend les étapes
consistant à :
- a) mesurer, au moyen des deuxièmes accéléromètres montés sur chaque bogie, une accélération
latérale de ce bogie,
- b) comparer les mesures d'accélération à un critère d'instabilité, au moyen de l'unité
électronique de contrôle,
- c) en cas de dépassement du critère d'instabilité, si le dispositif d'amortissement
est dans le mode confort, faire passer le dispositif d'amortissement dans le mode
refuge.
[0015] Ce procédé induit les mêmes avantages que ceux mentionnés ci-dessus au sujet du dispositif
d'amortissement de l'invention.
[0016] L'invention sera mieux comprise, et d'autres avantages de celle-ci apparaîtront plus
clairement à la lumière de la description qui va suivre, d'un mode de réalisation
d'un dispositif d'amortissement, d'un véhicule ferroviaire et d'un procédé de pilotage
conformes à son principe, donnée uniquement à titre d'exemple et faite en référence
aux dessins annexés, dans lesquels :
- [Fig 1] la figure 1 est une vue schématique d'un véhicule ferroviaire conforme à l'invention,
comprenant un dispositif d'amortissement conforme à l'invention, et
- [Fig 2] la figure 2 est une vue à plus grande échelle du détail Il à la figure 1.
[0017] Un véhicule ferroviaire 2 est représenté sur la figure 1. Le véhicule ferroviaire
2 est prévu pour se déplacer sur des rails 4. Les rail 4 sont ici rectilignes et horizontaux,
et sont situés dans un plan P4, qui est ici horizontal. Le véhicule ferroviaire 2
est ici un train à grande vitesse, c'est-à-dire configuré pour circuler à des vitesses
supérieures à 200 km/h et pouvant atteindre 250 km/h, voire 300 km/h ou plus. Alternativement,
le véhicule ferroviaire 2 est un train régional, circulant à des vitesses typiquement
comprises entre 140 km/h et 200 km/h. Ce type de train ne dispose généralement pas
de système de surveillance de la stabilité bogie. La mise en oeuvre de cette invention
permet d'améliorer la sécurité de ce type de véhicule.
[0018] Le véhicule ferroviaire 2 comprend une caisse 20, représentée par des traits en pointillés
sur la figure 1. La caisse 20 présente une forme allongée s'étendant dans la longueur
suivant un axe longitudinal A20. L'axe longitudinal A20 est parallèle au plan P4.
[0019] Le véhicule ferroviaire 2 comprend aussi deux bogies 30, sur lesquels est montée
la caisse 20. Les bogies 30 sont représentés de manière schématique et non limitative.
Ce qui est valable pour l'un des bogies 30 est transposable à l'autre des bogies.
Les deux bogies 30 sont de préférence identiques.
[0020] Chaque bogie 30 comprend un châssis 32, et quatre roues 34, qui sont fixées par paire
sur un axe 36 respectif, lequel est mobile en rotation par rapport au châssis 32 et
est en appui sur le châssis 32 par l'intermédiaire d'une suspension primaire 33. Dans
l'exemple illustré, la suspension primaire 33 comprend quatre ressorts, chacun agencé
à une extrémité respective d'un axe 36. Les roues 34 présentent un profil conique.
Chaque bogie 30 supporte la caisse 20 par l'intermédiaire d'une suspension secondaire
38, ici représentée par des ressorts.
[0021] Chaque bogie 30 est mobile en rotation par rapport à la caisse 20 autour d'un axe
respectif, dit axe de lacet A30, qui est sensiblement orthogonal au plan P4 et passe
par un centre de ce bogie 30, ce centre étant sensiblement situé au barycentre des
quatre roues 34 de ce bogie 30. Les axes de lacet A30 sont ici verticaux. Par commodité,
on définit aussi un axe transversal A40 de la caisse 20, l'axe transversal A40 étant
parallèle au plan P4 et orthogonal à l'axe longitudinal A20. L'axe transversal A40
est ici horizontal.
[0022] Lorsque le véhicule ferroviaire 2 se déplace sur les rails 4, la caisse 20 suit une
trajectoire moyenne sensiblement équivalente au chemin des rails 4. Dans des sections
de voies en ligne droite ou dans de très grandes courbes, sous l'effet de la conicité
des roues 34, des instabilités dynamiques de lacet des bogies 30 peuvent survenir,
c'est-à-dire que les bogies 30 oscillent autour de la trajectoire moyenne de la caisse
20 selon un mouvement désigné classiquement par « lacet cinématique », ou «
bogie hunting » en anglais. Ce mouvement de lacet cinématique est non seulement inconfortable pour
les passagers, mais aussi dangereux si le véhicule 2 approche d'une vitesse limite
dite vitesse de stabilité, où le mouvement de lacet cinématique présente très peu
d'amortissement et applique des efforts élevés à la voie. Le mouvement oscillant de
chaque bogie 30 autour de l'axe de lacet A30 correspondant est représenté par une
double flèche F30, circulaire et centrée sur l'axe de lacet A30.
[0023] Le véhicule ferroviaire 2 comprend des amortisseurs antilacets 42, qui relient chaque
bogie 30 à la caisse 20 et qui sont configurés pour amortir les instabilités cinématiques
de lacets F30 entre la caisse 20 et les bogies 30. Sur les figures, les amortisseurs
antilacets 42 sont représentés de manière schématique, les proportions relatives entre
les amortisseurs antilacets 42 et le reste du véhicule ferroviaire 2 n'étant pas forcément
respectées.
[0024] Les amortisseurs antilacets 42 sont disposés par paire de chaque côté du bogie 30
correspondant, de manière à exercer un moment autour de l'axe de lacet A30 de ce bogie
30. Par exemple chaque amortisseur antilacet 42 est disposé orthoradialement à l'axe
de lacet A30 du bogie 30 correspondant. Les amortisseurs antilacets 42 sont généralement
agencés au plus loin du centre du bogie 30 et parallèlement au véhicule 2, pour qu'à
effort d'amortisseur constant, le couple d'amortissement antilacet soit le plus élevé
possible.
[0025] Les amortisseurs antilacets 42 sont généralement des amortisseurs passifs. Selon
des modes de réalisation, les amortisseurs antilacets 42 comprennent un piston 42A
mobile dans un cylindre 42B, l'effort d'amortissement étant généralement proportionnel
à la vitesse de déplacement axiale du piston 42A par rapport au cylindre 42B et s'opposant
au mouvement relatif du piston 42A par rapport au cylindre 42B. Lorsque les mouvements
relatifs du piston 42A par rapport au cylindre 42B sont rapides, la force maximale
qu'un amortisseur 42 peut développer définit un effort maximal, exprimé en kilo-Newton
- kN -. Les amortisseurs antilacets 42 utilisés dans le cadre de la présente invention
développent typiquement un effort maximal compris entre 6 kN et 12 kN.
[0026] Alors que dans l'art antérieur, chaque bogie 30 d'un train à grande vitesse comprend
généralement deux paires d'amortisseurs antilacets, grâce à l'invention, pour des
raisons expliquées plus loin, chaque bogie 30 est reliée à la caisse 20 par une seule
paire d'amortisseurs antilacet 42, ce qui allège les masses et les coûts sans compromettre
la stabilité - et donc la sécurité - lors de la circulation à haute vitesse. Bien
entendu, les principes de l'invention peuvent aussi être mis en oeuvre pour un bogie
équipé de deux paires d'amortisseurs antilacets, ce qui n'apporte pas d'avantage en
termes de coûts, mais améliore néanmoins la sécurité de circulation à haute vitesse.
[0027] Chaque bogie 30 est équipé d'un dispositif de supervision 44, dit aussi BMS - pour
Bogie Monitoring System en anglais - dans la suite de la description, qui comprend un accéléromètre latéral,
non représenté, qui est fixé au bogie 30 correspondant et qui est configuré pour mesurer
les accélérations subies par ce bogie 30 parallèlement à l'axe transversal A40, autrement
dit radialement à l'axe de lacet A30 du bogie 30 correspondant et orthogonalement
à l'axe longitudinal A20 de la caisse 20. Le BMS 44 est configuré pour détecter, en
fonction des mesures de l'accéléromètre latéral, si le véhicule 2 est dans une situation
d'instabilité cinématique. Chaque BMS 44 est ici représenté schématiquement par un
parallélépipède fixé au châssis 32 d'un bogie 30 respectif.
[0028] Un exemple non limitatif de critère d'instabilité permettant de déterminer si les
bogies 30 sont dans une situation d'instabilité cinématique est donné dans la norme
EN 14363+A2:2022, sur les « essais et simulations en vue de l'homologation des caractéristiques
dynamiques des véhicules ferroviaires ». De manière schématique, les mesures d'accélérations
du bogie 30 sont filtrées dans un filtre passe-bande, et si une valeur quadratique
de l'accélération filtrée dépasse un certain critère d'instabilité prédéterminé pendant
un intervalle de temps donné, alors on considère que ce bogie 30 est dans une situation
d'instabilité cinématique. Bien entendu, d'autres critères d'instabilité cinématique
peuvent être employés, notamment selon les pays et/ou selon les conditions de circulation
retenues.
[0029] Ainsi, pour détecter les instabilités cinématiques, il suffit que l'accéléromètre
latéral d'un BMS 44 soit un accéléromètre mono-axial, configuré pour mesurer les accélérations
du bogie 30 radialement à l'axe de lacet A30 de ce bogie 30 et orthogonalement à l'axe
longitudinal A20 de la caisse 20. Un tel accéléromètre mono-axial est avantageux par
rapport à un accéléromètre multiaxial, car moins coûteux.
[0030] Le véhicule ferroviaire 2 comprend aussi un dispositif semi-actif d'amortissement
100, configuré pour amortir les accélérations de la caisse 20 par rapport aux bogies
30 suivant la direction transversale A40. Le dispositif semi-actif d'amortissement
100 est aussi appelé dispositif d'amortissement latéral.
[0031] Le dispositif d'amortissement latéral 100 comprend deux amortisseurs latéraux 102,
qui sont chacun configurés pour relier la caisse 20 à un bogie 30 respectif. Dans
l'exemple illustré, chaque amortisseur latéral 102 est disposé parallèlement à l'axe
transversal A40 de la caisse et radialement à l'axe de lacet A30 du bogie 30 correspondant.
Les amortisseurs latéraux 102 sont représentés schématiquement sur les figures, les
proportions relatives entre les amortisseurs latéraux 102 et le reste du véhicule
ferroviaire 2 n'étant pas respectées.
[0032] Les amortisseurs latéraux 102 sont des amortisseurs semi-actifs, c'est-à-dire que
chaque amortisseur latéral 102 est configuré pour exercer un effort d'intensité variable,
l'intensité de cet effort étant piloté par une unité électronique de contrôle 104
- aussi appelée ECU, pour «
electronic control unit » en anglais - appartenant au dispositif d'amortissement latéral 100 via une électrovanne
108 de distribution respective. Chaque électrovanne 108 est ici schématiquement représentée
par un parallélépipède monté sur un corps de l'amortisseur latéral 102 correspondant.
Chaque électrovanne 108 est pilotée par l'unité électronique de contrôle 104.
[0033] De manière schématique, chaque amortisseur latéral 102 comprend un cylindre, dans
lequel est reçu un piston mobile, qui sépare le cylindre en deux chambres. Les deux
chambres sont remplies d'un fluide hydraulique et sont reliées l'une à l'autre, en
circuit fermé, par l'intermédiaire de l'électrovanne 108 correspondante. Lors des
mouvements du piston, le fluide hydraulique circule entre les deux chambres via l'électrovanne
108, qui travaille en double-flux et qui est pilotée par l'unité électronique de contrôle
104 de manière à réguler le passage du fluide hydraulique et à régler l'effort d'amortissement
généré par l'amortisseur latéral 102. Lorsque l'électrovanne 108 est fermée, l'effort
d'amortissement est maximal. À l'inverse, lorsque l'électrovanne 108 est ouverte,
l'effort d'amortissement est minimal.
[0034] Le dispositif d'amortissement 100 comprend aussi deux accéléromètres 110, qui sont
fixés sur la caisse 20 et qui sont configurés pour mesurer les accélérations de la
caisse 20, en particulier pour mesurer les accélérations latérales, c'est-à-dire parallèlement
à l'axe transversal A40, de la caisse 20. Chaque accéléromètre 110 est placé au voisinage
d'un bogie 30 respectif. Dans l'exemple illustré, chacun des accéléromètres 110 a
la forme d'un parallélépipède et est traversé par l'axe de lacet A30 du bogie correspondant.
[0035] L'unité électronique de contrôle 104 est aussi reliée aux dispositifs de supervision
44 placés sur les bogies 30, de manière à recevoir les mesures d'accélérations en
provenance des accéléromètres latéraux de ces dispositifs de supervision 44.
[0036] L'unité électronique de contrôle 104 est configurée pour recevoir les mesures d'accélération
latérale des accéléromètres 110, et pour piloter les électrovannes 108 suivant une
méthode de contrôle préalablement enregistrée dans une mémoire de l'unité électronique
de contrôle 104. Une telle méthode de contrôle est par exemple une loi dite
« Skyhook ».
[0037] L'unité électronique de contrôle 104 comprend deux modes principaux de fonctionnement,
avec un premier mode de fonctionnement, dit mode confort, et un deuxième mode de fonctionnement,
dit mode refuge. L'unité électronique de contrôle 104 est configurée pour passer du
mode confort vers le mode refuge lorsqu'une instabilité cinématique F30 est détectée.
[0038] En mode confort, chaque électrovanne 108 pilote l'amortisseur latéral 102 correspondant
suivant une consigne d'effort élaborée par l'unité électronique de contrôle 104 reposant
sur un algorithme d'optimisation du confort, Skyhook par exemple. Ce mode confort
conduit à ce que l'ouverture de l'électrovanne 108 soit continûment variable au cours
du temps, de manière que l'effort d'amortissement généré par l'amortisseur latéral
102 varie de manière continue.
[0039] L'unité électronique de contrôle 104 est un dispositif électronique qui comprend
une horloge interne, et travaille à une fréquence d'horloge donnée, qui est généralement
fixe. Le dispositif de contrôle 104 ajuste l'ouverture de l'électrovanne 108 à une
fréquence de commande qui est différente de fréquence d'horloge de l'unité électronique
de contrôle 104.
[0040] Chaque électrovanne 108 étant un dispositif électromécanique, chaque électrovanne
est intrinsèquement limitée par son temps de réponse aux commandes reçues de l'unité
électronique de contrôle 104. Le temps de réponse correspond par exemple au temps
pour passer d'une ouverture totale à une position quasiment fermée. De préférence,
les électrovannes 108 choisies ont des temps de réponse réduits, c'est-à-dire typiquement
de l'ordre de quelques dizaines de millisecondes, par exemple 20 ms. En pratique,
en mode confort l'unité électronique de contrôle 104 ne demande jamais à l'électrovanne
108 une ouverture stabilisée sur une plage de temps de supérieure à quelques dizaines
de millisecondes.
[0041] Par « continument variable », on entend que la fréquence de commande est élevée,
par exemple une fréquence de commande supérieure à 100 Hz, de préférence supérieure
à 500 Hz, de préférence encore supérieure à 1000 Hz. Autrement dit, en mode confort
l'ouverture de l'électrovanne 108 reste stable dans des intervalles de temps inférieurs
à 10 ms, de préférence inférieurs à 2 ms, de préférence encore inférieurs à 1 ms.
[0042] L'unité électronique de contrôle 104 exploite à cette fin les informations du capteur
accélérométrique 110 de manière à développer un effort d'amortissement permettant
l'optimisation du confort des passagers dans une majorité des conditions de circulation
du véhicule ferroviaire 2. En mode confort, la plage d'effort balayée par l'amortisseur
latéral 102 est classiquement comprise entre 0 et 10 kN.
[0043] En mode refuge, chaque électrovanne 108 pilote l'amortisseur latéral 102 correspondant
suivant une consigne d'effort élaborée par l'unité électronique de contrôle 104 reposant
sur un algorithme d'optimisation de la stabilité. Ce mode refuge conduit à ce que
l'ouverture de l'électrovanne 108 reste constante pendant des intervalles de temps
significativement plus longs qu'en mode confort, ces intervalles de temps étant de
l'ordre de la seconde, par exemple supérieurs à 1 s.
[0044] De manière simplifiée, la durée minimale de l'intervalle pendant lequel l'ouverture
de l'électrovanne 108 reste constante est basée sur la fréquence de lacet cinématique
du bogie, qui est typiquement comprise entre 1 et 7 Hz dans le cas des trains à grande
vitesse, ce qui correspond à une période d'instabilité cinématique comprise entre
0,14 s et 1 s. En pratique, en mode refuge l'intervalle de temps pendant lequel l'électrovanne
108 reste constante est choisi supérieur à dix fois la période d'instabilité cinématique,
soit typiquement entre 1,4 s et 10 s. À titre d'exemple, pour une fréquence de lacet
cinématique à 5 Hz, la durée minimale pendant laquelle l'électrovanne 108 reste constante
est typiquement fixée à 2 s.
[0045] L'unité électronique de contrôle 104 exploite à cette fin les informations de l'accéléromètre
du BMS 44 de manière à développer un effort d'amortissement permettant de garantir
la stabilité du bogie 30 et ainsi la sécurité de circulation. Par exemple, l'algorithme
correspondant au mode refuge fait intervenir un fonctionnement par paliers en commençant,
lors d'une détection d'instabilité, par une ouverture de l'électrovanne 108 très faible
de manière à produire un effort suffisamment important pour retrouver la stabilité.
Ensuite, après une durée significativement plus grande que celle correspondant au
mouvement de lacet cinématique du bogie 30 (de l'ordre de quelques secondes), l'ouverture
de l'électrovanne 108 est graduellement augmentée jusqu'à un niveau garantissant toujours
la stabilité mais ne pénalisant pas trop fortement le confort passager.
[0046] Ainsi, en mode refuge, les amortisseurs latéraux 102 sont pilotés de manière à amortir
prioritairement des instabilités de lacets F30. Dans le cadre de la présente invention,
pour un train à grande vitesse, en condition de fermeture importante de l'électrovanne
108 les efforts développés sont par exemple entre 10 kN et 15 kN, avec possiblement
des niveaux pouvant atteindre 20 kN si le niveau d'instabilité du bogie 30 l'exigeait.
Sur chaque bogie 30, grâce à l'amortisseur latéral 102 présentant un deuxième seuil
d'effort élevé, il est possible d'amortir les instabilités cinématiques de lacet d'un
véhicule ferroviaire 2 à grande vitesse en cas de défaillance d'un amortisseur antilacet
42, même lorsque ce véhicule ferroviaire 2 ne comprend qu'une seule paire par bogie
30.
[0047] Contrairement à la situation de l'état de la technique, dans laquelle les amortisseurs
latéraux sont dimensionnés uniquement en fonction du premier seuil d'effort lié au
confort des passagers (typiquement jusqu'à 10 kN), dans le cadre de la présente invention
chaque amortisseur latéral 102 est dimensionné pour fournir un effort maximum au moins
égal au deuxième seuil d'effort (de 14 à 20 kN) nécessaire à garantir la stabilité
du bogie 30 en cas de défaillance d'un amortisseur antilacet 42 ou tout autre cause
d'instabilité (défaillance de suspension, usure excessive des roues ou des rails,
etc.). De préférence, une marge de sécurité est prise en compte. Ainsi, dans le cas
illustré où le véhicule ferroviaire 2 est un véhicule à grande vitesse, chaque amortisseur
latéral 102 est dimensionné pour fournir un effort maximal supérieur ou égal à 14
kN, de préférence supérieur ou égal à 16 kN, de préférence encore supérieur ou égal
à 20 kN. Autrement dit, en mode refuge l'effort maximal est supérieur d'au moins 40%
de l'effort maximal en mode confort, de préférence supérieur d'au moins 60%, de préférence
encore supérieur de 100% à l'effort maximal en mode confort.
[0048] On décrit à présent un procédé de pilotage du dispositif d'amortissement 100.
[0049] Lorsque le véhicule ferroviaire 2 est en circulation, les accéléromètres latéraux
des BMS 44, mesurent de manière périodique les accélérations latérales du bogie 30
correspondant, par exemple toutes les 40 ms - millisecondes -, autrement dit mesurent
les accélérations de ce bogie 30 suivant la direction transversale A40.
[0050] L'unité électronique de contrôle 104 reçoit les valeurs de ces mesures d'accélération
et les compare à un critère d'instabilité prédéterminé, par exemple tel que défini
dans la norme EN 14363+A2:2022.
[0051] Si le critère d'instabilité n'est pas dépassé, c'est-à-dire que si les bogies 30
ne présentent pas d'instabilité de lacet F30, alors l'unité électronique de contrôle
104 reste en mode confort, dans lequel les amortisseurs latéraux 102 sont pilotés
pour améliorer le confort des passagers. Les accélérations latérales de la caisse
20 sont mesurées au moyen des premiers accéléromètres fixés à la caisse 20, les mesures
sont reçues par l'unité électronique de contrôle 104, qui en déduit le pilotage des
électrovannes 108 de manière à améliorer le confort des passagers. Par exemple, l'ouverture
des électrovannes 108 est ajustée de manière périodique, par exemple après chaque
mesure des accéléromètres des BMS 40.
[0052] Si, à l'inverse, un dépassement du critère d'instabilité est détecté, par exemple
en cas de défaillance d'un des amortisseurs antilacets 42, alors l'unité électronique
de contrôle 104 fait passer le dispositif d'amortissement 100 en mode refuge, dans
lequel les amortisseurs latéraux 102 sont pilotés pour, prioritairement, amortir l'instabilité
de lacet.
[0053] Dans certaines conditions inhabituelles de circulation, il se peut qu'une instabilité
cinématique transitoire soit détectée, alors que les amortisseurs antilacets 42 sont
fonctionnels. Une telle situation pourrait se rencontrer par exemple lorsque les roues
34 et/ou les rails 4 présentent une usure anormale, ou bien encore en cas de défaillance
d'un composant de la suspension primaire 33. À cause de cette instabilité cinématique
transitoire, l'unité électronique de contrôle 104 fait basculer le dispositif d'amortissement
100 dans le mode refuge, les amortisseurs latéraux 102 coopérant alors avec les amortisseurs
antilacets 42, toujours fonctionnels, pour amortir l'instabilité de lacet.
[0054] Alors que le dispositif d'amortissement 100 est en mode refuge, si les mesures des
accéléromètres latéraux des BMS 44 sont inférieures au critère d'instabilité pendant
un intervalle de temps prédéterminé, égal par exemple à 10 secondes, alors on considère
que les bogies 30 sont revenus dans une situation stable. L'unité électronique de
contrôle 104 fait alors repasser le dispositif d'amortissement 100 en mode confort.
[0055] Les modes de réalisation et les variantes mentionnées ci-dessus peuvent être combinés
entre eux pour générer de nouveaux modes de réalisation de l'invention.
1. Dispositif d'amortissement (100) pour véhicule ferroviaire (2) comprenant une caisse
(20) montée sur deux bogies (30), le dispositif d'amortissement (100) comprenant :
- des amortisseurs latéraux (102), chacun configuré pour relier la caisse (20) à un
bogie (30) respectif, les amortisseurs latéraux (102) étant des amortisseurs semi-actifs
et étant chacun pilotés par une électrovanne (108) respective,
- deux premiers accéléromètres (110), chaque premier accéléromètre étant configuré
pour être fixé à la caisse (20) au voisinage d'un bogie (30) respectif et configuré
pour mesurer des accélérations de la caisse (20) suivant une direction transversale
(A40) de la caisse (20), la direction transversale étant orthogonale à un axe longitudinal
(A20) de la caisse (20) et radiale à un axe de lacet (A30) du bogie (30) correspondant,
- une unité électronique de contrôle (104), configurée pour recevoir des mesures d'accélération
en provenance des premiers accéléromètres (110) et en provenance de deuxièmes accéléromètres
fixés aux bogies (30), pour détecter une instabilité cinématique en fonction des mesures
d'accélérations reçues, et pour piloter chaque amortisseur latéral (102) en commandant
l'électrovanne (108) correspondante,
caractérisé en ce que l'unité électronique de contrôle (104) est commutable entre :
- un premier mode de fonctionnement dit mode confort, dans lequel l'unité électronique
de contrôle (104) commande chaque électrovanne (108) avec une fréquence de commande
supérieure à 100 Hz, de manière à optimiser le confort passager, un effort généré
par l'amortisseur latéral associé allant jusqu'à un premier seuil d'effort, et
- un deuxième mode de fonctionnement dit mode refuge, dans lequel l'unité électronique
de contrôle (104) commande chaque électrovanne (108) avec une fréquence de rafraichissement
inférieure à 1 Hz, de manière à développer un effort d'amortissement allant jusqu'à
un deuxième seuil d'effort, qui est supérieur d'au moins 40% du premier seuil d'effort,
et
en ce que l'unité électronique de contrôle (104) est configurée pour passer du mode confort
vers le mode refuge lorsqu'une instabilité cinématique est détectée.
2. Dispositif d'amortissement (100) selon la revendication précédente, dans lequel le
deuxième seuil d'effort est compris entre 14 kN et 20 kN.
3. Véhicule ferroviaire (2), comprenant le dispositif d'amortissement (100) selon l'une
quelconque des revendications précédentes, dans lequel chaque bogie (30) est pivotant
par rapport à la caisse (20) autour de l'axe de lacet (A30) respectif, chaque bogie
étant relié à la caisse (20) par l'amortisseur latéral (102) respectif, qui est disposé
selon la direction transversale (A40), et dans lequel chaque premier accéléromètre
(110) est fixé à la caisse (20) au voisinage de chaque bogie.
4. Véhicule ferroviaire (2) selon la revendication 3, dans lequel chaque bogie (30) est
équipé d'un des deuxièmes accéléromètres reliés à l'unité électronique de contrôle
(104), chaque deuxième accéléromètre étant configuré pour mesurer les accélérations
du bogie (30) correspondant selon la direction transversale (A40) de la caisse (20),
et pour transmettre les mesures d'accélérations au dispositif électronique de contrôle
(104).
5. Véhicule ferroviaire (2) selon la revendication 4, dans lequel chaque deuxième accéléromètre
fait partie d'un dispositif de supervision du bogie (44) correspondant.
6. Véhicule ferroviaire (2) selon l'une quelconque des revendications 4 ou 5, dans lequel
chaque deuxième accéléromètre est mono-axial.
7. Véhicule ferroviaire (2) selon l'une quelconque des revendications 3 à 6, dans lequel
le véhicule ferroviaire (2) comprend, en outre, des amortisseurs antilacet (42), pour
amortir les instabilités cinématiques de lacets entre la caisse (20) et les bogies
(30), et dans lequel chaque bogie (30) est relié à la caisse (20) par des amortisseurs
antilacets (42), disposés en paires de chaque côté du bogie correspondant.
8. Véhicule ferroviaire (2) selon la revendication 7, dans lequel chaque bogie (30) est
relié à la caisse (20) par une seule paire d'amortisseurs antilacets (42).
9. Véhicule ferroviaire (2) selon l'une quelconque des revendications 7 ou 8, dans lequel
le véhicule ferroviaire est un véhicule à grande vitesse, configuré pour circuler
à des vitesses supérieures ou égale à 200 km/h.
10. Procédé de pilotage d'un véhicule ferroviaire (2) conforme à l'une quelconque des
revendications 3 à 9, dans lequel le procédé comprend les étapes consistant à :
a) mesurer, au moyen des deuxièmes accéléromètres montés sur chaque bogie (30), une
accélération latérale de ce bogie,
b) comparer les mesures d'accélération à un critère d'instabilité, au moyen de l'unité
électronique de contrôle (104),
c) en cas de dépassement du critère d'instabilité, si le dispositif d'amortissement
est dans le mode confort, faire passer le dispositif d'amortissement (100) dans le
mode refuge.