[0001] La présente invention a pour objet un procédé de séparation d'acide acrylique à partir
de ses solutions dans le phosphate de tri-n-butyle, par une technique particulière
de distillation.
[0002] On sait que la séparation de l'acide acrylique à partir de ses milieux réactionnels
de fabrication, par exemple à partir du produit brut d'oxydation du propylène et/ou
de l'acroléine, pose un problème délicat et de nombreux procédés ont été proposés
à cet effet. On connait notamment une technique d'absorption en phase gazeuse ou d'extraction
en phase liquide de l'acide acrylique au moyen de divers solvants. L'acide acrylique
est ensuite isolé par distillation ou directement estérifié dans le milieu d'extraction
(Brevet français 1 558 432 du 14 décembre 1967 - Brevet français 1 452 566 du 5 novembre
1965).
[0003] Parmi les solvants déjà préconisés, le phosphate de tri-n-butyle est particulièrement
efficace. Mais la séparation de l'acide acrylique à partir de ses solutions dans ce
solvant se heurte à de nombreuses difficultés. En effet, le phosphate de tributyle
se dégrade lorsqu'il est soumis à des températures élevées; spécialement en présence
d'acides et/ou d'eau, de sorte que l'épuisement en acide acrylique de la solution,
par distillation à la pression normale ou sous une pression légèrement réduite se
traduit par une perte non négligeable de solvant. D'autre part, pour obtenir un bon
rendement d'absorption ou d'extraction de l'acide acrylique à l'aide du phosphate
de tributyle recyclé après distillation, il est nécessaire que celui-ci ait un titre
aussi faible que possible en acide acrylique. Pour éviter la dégradation du solvant
et abaisser le plus possible la teneur de celui-ci en acide acrylique, on pourrait
envisager d'effectuer la distillation sous vide poussé. Mais, dans ce cas, on rencontre
des difficultés de récupération de l'acide acrylique en raison de son point de cristallisation
relativement élevé (l3,5°C) correspondant à une pression de vapeur de quelques mm
de mercure.
[0004] Il a maintenant été trouvé un procédé qui remédie aux inconvénients précités dans
la mesure où il permet de séparer sans difficultés l'acide acrylique, de recueillir
le phosphate de tri-n-butyle sensiblement exempt de cet acide et d'éviter la dégradation
du phosphate. D'autres avantages de ce procédé apparaitront dans la description qui
va suivre.
[0005] La présente invention a donc pour objet un procédé de séparation d'acide acrylique
à partir de ses solutions dans le phosphate de tri-n-butyle qui consiste à :
- constituer une phase vapeur comprenant sensiblement tout l'acide acrylique et une
partie du phosphate de tri-n-butyle, par chauffage du liquide de départ dans des conditions
qui évitent la dégradation du phosphate de tri-n-butyle,
- puis, après condensation partielle ou totale de la phase vapeur, à effectuer à partir
de cette phase, une distillation d'acide acrylique, en maintenant dans le pied de
la colonne une teneur en acide acrylique telle que l'on puisse appliquer des conditions
opératoires qui évitent la dégradation du phosphate de tri-n-butyle et la cristallisation
de l'acide acrylique en tête de colonne,
- enfin, de préférence, à recycler au premier stade le résidu de distillation.
[0006] La solution de départ peut être d'origine quelconque. Elle peut résulter par exemple
dé l'absorption de l'acide acrylique par le phosphate de tri-n-butyle à partir du
mélange gazeux obtenu par oxydation du propylène et/ou de l'acroléine, comme il est
décrit dans le brevet français 1 558 432 déjà cité. Elle peut également être issue
de l'extraction liquide-liquide de solutions aqueuses d'acide acrylique par le phosphate
de tri-n-butyle. Elle peut en outre contenir sans inconvénient de faibles quantités
d'autres acides organiques plus légers que l'acide acrylique, en particulier d'acide
acétique, formé (s) en même temps que l'acide acrylique et entrainé (s) par le solvant.
Comme on le verra plus loin, ces acides peuvent aisément être isolés dans un stade
complémentaire, dans le cadre du procédé de l'invention. Par ailleurs, si au cours
des opérations d'absorption ou d'extraction de l'acide acrylique par le phosphate
de tributyle, de l'acroléine et/ou de l'eau ont été entrainées, il est avantageux
de débarrasser la solution de ces composés, préalablement à la mise en oeuvre du procédé
selon l'invention, par exemple par chauffage, éventuellement avec injection d'un gaz.
[0007] La concentration en acide acrylique de la solution de départ est indifférente, le
procédé de l'invention s'appliquant aussi bien et présentant autant d'intérêt dans
le cas des solutions concentrées ou diluées d'acide acrylique. A titre purement indicatif,
on peut dire que la solution initiale peut renfermer de 5 à 50% en poids d'acide acrylique.
[0008] Suivant le premier stade opératoire de la technique selon l'invention, on constitue
une phase vapeur comprenant sensiblement tout l'acide acrylique et une partie du phosphate
de tri-n-butyle, par chauffage du liquide initial dans des conditions qui évitent
la dégradation du phosphate de tributyle. A cet égard la limite supérieure de température
constitue un facteur essentiel. Il convient de ne pas dépasser notablement 160° C,
la gamme de températures la plus avantageuse se situant entre 110" C et 150° C. La
durée du chauffage a également une certaine importance et doit être contrôlée ; les
temps de séjour sont d'autant plus courts que la température adoptée est plus élevée
; pour la gamme de températures précitée, des temps de séjour compris entre environ
30 minutes et 5 secondes conviennent généralement pour l'obtention d'une phase vapeur
contenant, selon l'invention, la quasi-totalité de l'acide acrylique et une fraction
du phosphate de tributyle sans dégradation du solvant en phase liquide ou vapeur.
[0009] La pression à appliquer se déduit des autres conditions opératoires ; sa détermination
est donc à la portée de l'homme de l'art. A titre indicatif, on peut dire que l'on
travaille de préférence à une pression inférieure à la pression atmosphérique, dans
une gamme se situant généralement entre 1 et 30 mm de mercure.
[0010] En pratique, pour la réalisation du premier stade opératoire, qui peut comprendre
un ou plusieurs étages, on a recours aux divers moyens de type connu permettant une
vaporisation dans les conditions qui viennent d'être décrites : par exemple, on peut
effectuer une série de vaporisations instantanées en continu, ou utiliser une colonne
à plateaux chauffants, ou mieux appliquer la technique bien connue du film mince (voir
par exemple M. Loncin "Les opérations unitaires de génie chimique" pp. 408-411), ou
encore combiner ces diverses techniques.
[0011] Le liquide restant après cette phase de vaporisation est constitué par du phosphate
de tri-n-butyle sensiblement exempt d'acide acrylique et de tout autre acide organique
léger qui aurait pu être présent dans le liquide de départ. L'obtention de phosphate
de tri-n-butyle épuisé en acide organique, après ce premier stade opératoire, représente
un des importants avantages du procédé selon l'invention. En effet, grâce à cette
récupération rapide d'une fraction importante du solvant, celle-ci est soumise pendant
une période minimale à un effet thermique et les meilleures conditions sont remplies
pour éviter la dégradation du phosphate ; de plus; comme le solvant récupéré n'est
pas chargé en acide, il peut être recyclé directement aux opérations d'extraction
ou d'absorption de l'acide acrylique à partir de solutions ou gaz en contenant, où
il donne son rendement maximum d'extraction ou d'absorption.
[0012] Suivant le deuxième stade opératoire caractéristique du procédé de l'invention, on
soumet la phase vapeur formée dans le premier stade, après condensation partielle
ou totale, à une distillation permettant de recueillir de l'acide acrylique de haute
pureté. Les conditions de température de cette distillation sont critiques : en effet,
le point d'ébullition du liquide ne doit pas dépasser la température à laquelle le
phosphate de tributyle se dégrade sensiblement, c'est-à-dire environ 160° C, la gamme
de travail la plus avantageuse se situant entre 120 et 150°C. Ce résultat ne peut
pas être atteint de manière classique par une réduction suffisante de la pression
car l'acide acrylique cristallise dans le condenseur de tête lorsque la pression régnant
dans la colonne est abaissée à une. valeur inférieure à 5 mm Hg. Suivant un trait
fondamental de l'invention, on maintient dans le pied de la colonne une quantité d'acide
acrylique au moins suffisante pour pouvoir effectuer la distillation dans les conditions
de températures recherchées. La quantité d'acide acrylique à maintenir dans la solution
peut se situer entre 1 et 20 %, "de préférence 2 à 10 % pour la gamme de températures
préférée citée plus haut. Comme dans le stade précédent, le tempo de séjour revêt
une certaine importance ; il est également d'autant plus court que la température
est plus élevée pour une température de 120° à 150" C, il est compris entre 1 heure
et 30 secondes. La pression est ajustée en fonction de la température et de la teneur
en acide acrylique choisis dans chaque cas particulier et sa détermination est à la
portée de l'homme de l'art. Une gamme de pression comprise entre 5 et 30 mm Hg convient
généralement pour l'ensemble des cas.
[0013] Le liquide sortant au pied de la colonne, composé de phosphate de tri-n-butyle et
d'une certaine quantité d'acide acrylique, est avantageusement recyclé au stade de
vaporisation qui constitue le premier stade du procédé selon la présente invention.
On conçoit aisément l'intérêt de ce recyclage grâce auquel on peut recueillir, sur
l'ensemble du procédé, la totalité de l'acide acrylique et du phosphate de tri-n-butyle
contenus dans la solution de départ. Un mode de mise en oeuvre du procédé peut d'ailleurs
constituer à régler le fonctionnement de la colonne de distillation de telle sorte
que le liquide sortant au pied de la colonne et recyclé au premier stade ait une concentration
du même ordre que celle de la solution de départ. Toutefois ce mode de mise en oeuvre
n'est pas impératif et l'on peut parfaitement travailler avec des solutions initiales
et de recyclage ayant des concentrations différentes.
[0014] Bien entendu, on ne sort pas du cadre de l'invention en ne recyclant pas au premier
stade le liquide soutiré du pied de la colonne de distillation, et en utilisant ce
liquide dans une autre application.
[0015] Le procédé selon la présente invention peut comporter un certain nombre de variantes
applicables séparément ou simultanément.
[0016] Selon une première variante, si la solution de départ contient, à côté d'acide acrylique,
d'autres acides organiques légers, notamment de l'acide acétique, on procède dans
un stade complémentaire, à la distillation de cet acide. Cette séparation s'effectue
préalablement à la distillation de l'acide acrylique. Les conditions de température
et de pression sont à rapprocher de celles de la distillation de l'acide acrylique
c'est-à-dire qu'il est nécessaire d'appliquer une température en pied de colonne qui
n'entraîne pas la dégradation du phosphate de tributyle et de ne pas abaisser la pression
à un point tel qu'il en résulte une congélation de l'acide acétique. Une température
de l'ordre de 120-150° C et une pression de 30 à 100 mm de mercure sont des conditions
de travail favorables.
[0017] Selon une seconde variante, particulièrement intéressante lorsqu'on applique le procédé
à des solutions relativement concentrées en acide acrylique, on introduit tout ou
partie de la solution à traiter, en aval du dispositif de vaporisation, de préférence
dans la colonne de distillation elle-même, à un niveau où la concentration en acide
acrylique est sensiblement identique à celle de la solution d'alimentation. Une partie
de l'acide acrylique distille et le liquide restant dans le pied de la colonne est
envoyé dans le dispositif de vaporisation. En d'autres termes, l'ensemble du cycle
opératoire reste par ailleurs inchangé.
[0018] On peut aussi introduire dans le circuit des fluides, par exemple dans le condenseur
de tête de la ou des colonnes de distillation, des inhibiteurs de polymérisation de
type connu, comme l'hydroquinone, l'éther méthylique de l'hydroquinone ou autres.
[0019] L'invention sera mieux comprise par la description ci-après. d'un mode de mise en
oeuvre du procédé, où l'on se réfère au schéma de principe de la figure 1 annexée.
Le dispositif de vaporisation 1, par exemple un évaporateur à film mince, est alimenté
en solution à traiter par la conduite 2. Au bas du dispositif 1, le phosphate de tri-n-butyle
débarrassé de l'acide acrylique et de tout autre acide éventuel est soutiré et envoyé
par la ligne 3 au stade d'absorption ou d'extraction d'acide acrylique, en amont du
procédé. selon l'invention. La phase vapeur contenant l'acide acrylique, éventuellement
des acides légers comme l'acide acétique et une certaine quantité de phosphate de
tri-n-butyle sort de l'appareil 1 par la conduite 4, puis après condensation partielle
ou totale, est introduite dans la colonne 5 où l'acide acétique passe en tête et est
recueilli par la canalisation 6. La phase liquide restante s'écoule par la conduite
7 et alimente la colonne de distillation 8 où l'acide acrylique s'échappe par 9 tandis
que le liquide soutiré au pied de la colonne est recyclé par la conduite 10 à l'alimentation
du dispositif 1. La colonne 5 est facultative et est supprimée si la solution d'alimentation
ne contient pas d'acides autres que l'acide acrylique. Le procédé selon la présente
invention peut être réalisé en continu ou en discontinu.
[0020] . L'exemple ci-après illustre l'invention sans toutefois la limiter.
Exemple :
[0021] Dans cet exemple, on se réfère au schéma de la figure 1 annexée. L'évaporateur à
film mince (1) est alimenté par la tubulure (2) avec 108,78 parties en poids d'un
mélange contenant 6,52 % poids d'acide acrylique 93,30 % de tributylphosphate, 0,01
% d'eau et 0,17 % d'acide acétique. Ce mélange provient pour 82,66 parties d'un système
d'absorption d'acide acrylique par le phosphate de tri-n-butyle et pour 26,12 parties
d'un recyclage par là conduite 10.
[0022] L'évaporateur (1) est maintenu, au moyen d'un système approprié, sous une pression
de 5 mm de mercure et à une température de 128° C. Il se produit une séparation en
une fraction liquide et une fraction vapeur.
[0023] La fraction liquide soutirée par (3), en bas de l'appareil, représente 76,77 parties
contenant 0,1 % poids d'acide acrylique et 99,9 % de tributylphosphate. Ce liquide,
après un refroidissement convenable est renvoyé à l'appareil d'extraction d'acide
acrylique.
[0024] La fraction vapeur, sortant en (4), après condensation partielle ou totale est envoyée
dans la colonne à distiller (5). Elle représente 32,01 parties en poids contenant
21,90 % poids d'acide acrylique, 77,46 % de tributylphosphate, 0,59 % d'acide acétique
et 0,03 % d'eau.
[0025] La colonne (5) fonctionne sous 35 mm de mercure en tête et 42 mm en pied correspondant
à des températures respectives de 40° C et 120" C. La présence du phosphate de tributyle
permet la séparation en tête par (6) de 0,19 parties en poids d'un effluent contenant
89,47 % poids d'acide acétique avec 5,26 % d'acide acrylique et 5,26 % d'eau. Le liquide
sortant du pied de la colonne en (7) représente 31,82 parties en poids contenant 77,94
% de tributylphosphate, 22,00 % d'acide acrylique et 0,06 % d'acide acétique.
[0026] Ce produit est envoyé dans la colonne (8) fonctionnant sous 10 mm de mercure en tête
et 12 mm en pied.Les températures sont respectivement de 40 et 130° C.
[0027] La fraction de tête (9) de 5,7 parties en poids correspond à la production d'acide
acrylique à une pureté de 99,65 %. L'effluent s'écoulant par 10, composé de 26,12
parties d'un liquide contenant 94,95 % de phosphate de tributyle et 5,05 % d'acide
acrylique, est recyclé à l'alimentation de l'appareil 1.
1) Procédé de séparation d'acide acrylique à partir de ses solutions dans le phosphate
de tri-n-butyle caractérisé en ce que :
a) l'on constitue une phase vapeur comprenant sensiblement tout l'acide acrylique
et une partie du phosphate de tri-n-butyle par chauffage de la solution de départ
dans des conditions qui évitent la dégradation du phosphate de tri-n-butyle.
b) puis, après condensation partielle ou totale de la phase vapeur, on effectue, à
partir de cette phase, une distillation d'acide acrylique, en maintenant dans le pied
de la colonne une teneur en acide acrylique telle que l'on puisse appliquer des conditions
opératoires qui évitent la dégradation du phosphate de tri-n-butyle et la cristallisation
de l'acide acrylique en tête de colonne.
2) Procédé selon 1) caractérisé en ce que l'on recycle à l'alimentation du stade a)
le résidu de distillation du stade b).
3) Procédé selon 1) ou 2) caractérisé en ce que l'on constitue la phase vapeur par
chauffage de la solution à une température ne dépassant pas 160° C, plus spécialement
comprise entre 110 et 150° C, avec un temps de séjour de 30 minutes à 5 secondes sous
une pression de 1 à 30 mm de mercure.
4) Procédé selon 1) 2) ou 3) caractérisé en ce que l'on effectue la distillation d'acide
acrylique en maintenant dans le liquide une quantité d'acide acrylique comprise entre
1 et 20 % en poids et en opérant à une température du liquide ne dépassant pas 160°
C, plus spécialement comprise entre 120 et 150° C, sous une pression de 5 à 30 mm
de mercure avec un temps de séjour compris entre 1 heure et 30 secondes.
5) Procédé selon les revendications 1) 3) ou 4) et la revendication 2) caractérisé
en ce que l'on introduit tout ou partie de la solution à traiter, en aval du dispositif
de vaporisation et de préférence dans la colonne de distillation.