[0001] La présente invention est relative à un procédé d'élaboration d'alliages métalliques
amorphes, ou vitreux, à base de fer, de phosphore, de carbone et de chrome, ainsi
qu'à une composition d'alliage en résultant.
[0002] On connaît, depuis les travaux dirigés dès 1958 par Pol Duwez à l'Institut de Technologie
de Californie, les alliages métalliques amorphes, qui sont obtenus par refroidissement
très rapide d'une phase liquide, permettant ainsi d'en conserver la structure désordonnée,
ou non-cristalline. En effet, on amène ainsi directement le matériau à une température
inférieure à un certain seuil, appelé température de vitrification, lui-même situé
à une température très inférieure à celle de solidification à laquelle la cristallisation
commence.
[0003] Une technique de fabrication des alliages métalliques amorphes, appelée hypertrempe,
consiste à envoyer un jet de métal en fusion sur la surface d'un disque ou d'un cylindre
en rotation, dont la température est maintenue inférieure ou égale à la température
ambiante. Le liquide s'étale alors sur le disque en une pellicule épaisse de quelques
microns seulement. Comme la pellicule est extrêmement mince et en contact étroit avec
un puits de chaleur de volume beaucoup plus grand et que les métaux ont une conductivité
thermique importante, le métal se refroidit et se solidifie très rapidement, à une
vitesse de l'ordre de 10 °C/seconde.
[0004] Dans un cas particulier de réalisation, le jet de métal en fusion frappe la surface
interne d'un cylindre creux à rotation rapide (POND et MADDIN, Trans of Met. soc.,
AIME, Vol. 245, p. 2475, 1969).
[0005] Les pellicules ou rubans ainsi préparés possèdent des propriétés remarquables, tant
sur le plan mécanique que sur le plan magnétique. Ainsi, les alliages ont une résistance
en traction très importante et leur ductilité est caractérisée par une excellente
résistance à la pliure, permettant d'atteindre des courbures autour d'un rayon de
l'ordre de l'épaisseur du ruban; ils présentent également des propriétés de magnétisme
doux, c'est-à-dire qu'ils sont magnétisés et démagnétisés avec un champ très faible.
[0006] Les premières compositions d'alliages amorphes étaient binaires, à base d'or et de
silicium;de nombreuses compositions métalliques ont été essayées depuis, mais celles
susceptibles de conduire à un alliage amorphe par hypertrempe sont généralement constituées
d'un métal ou d'un alliage de métaux de transition (fer, cobalt, nickel) ou d'un métal
noble (or,palladium, platine) et d'un métal- loide de faible rayon atomique (bore,
silicium, phosphore, carbone).
[0007] C'est ainsi que le brevet FR 2 211 536 décrit une composition de type MYZ, dans laquelle
M est un métal choisi parmi le fer, le nickel, le chrome, le cobalt ou le vanadium
ou un mélange de ces éléments, Y est un métalloïde choisi parmi le phosphore, le carbone
ou le bore et Z est un élément choisi dans le groupe constitué par l'aluminium, le
silicium, l'étain, l'antimoine, le germanium, l'indium ou le béryllium. Cependant,
les différentes compositions à base de fer sont constituées à partir d'éléments de
haute pureté. De même, l'alliage fer-phosphore-carbone élaboré suivant la technique
décrite dans Journal of non-crist. Solid. n° 5, 1970, p. l, par Pol DUWEZ, est obtenu'par
la fusion d'une poudre de fer à 99,99 % de pureté, de phosphore rouge pur, de carbone
de qualité graphite d'électrode en poudre, ce mélange subissant un frittage pour former
des lingots.
[0008] Les procédés de préparation de ces alliages métalliques amorphes sont donc coûteux
puisqu'ils nécessitent l'utilisation des métaux élémentaires constituant l'alliage
à l'état pur.
[0009] La Demanderesse a constaté que, de manière surprenante, un alliage métallique amorphe
pouvait être préparé à partir de matériaux extrêmement courants.
[0010] L'invention a donc pour objet un procédé d'élaboration d'alliages métalliques amorphes
à base de fer, de phosphore, de carbone et de chrome, du type suivant lequel on refroidit
très rapidement un alliage métallique en phase liquide de manière à obtenir une structure
vitreuse, caractérisé en ce qu'on prépare la phase liquide à partir de fonte, de phosphore
et de chrome.
[0011] Suivant un premier mode de réalisation du procédé de la présente invention la phase
liquide est obtenue par addition de phosphore, à raison de 3,8 à 11,
5% en poids et de chrome, à raison de 0 à 12 % en poids, à de la fonte de fer à l'état
liquide, les pourcentages ci-dessus étant comptés par rapport à la fonte.
[0012] Sauf indication contraire, les pourcentages donnés dans la suite du présent mémoire
pour les proportions des différents éléments sont en poids.
[0013] Selon une première variante, on peut réaliser une addition simultanée du phosphore
et du chrome.
[0014] Selon une seconde variante préférée, on ajoute tout d'abord le phosphore à la fonte
liquide, on décrasse le mélange de fonte obtenu et on ajoute ensuite le chrome.
[0015] Selon une troisième variante, on ajoute tout d'abord le chrome à la fonte liquide,
puis on ajoute ensuite le phosphore.
[0016] Selon un deuxième mode de réalisation du procédé de la présente invention, on prépare
la phase liquide par refusion simultanée de fonte à l'état solide et de 0 à 12 ; en
poids de chrome à l'état solide, par rapport à la fonte, puis on ajoute de 3,8 à 11,5
% en poids de phosphore à l'état solide, par rapport à la fonte.
[0017] Le phosphore est de préférence introduit sous forme d'un alliage tel que le ferrophosphore,
et le chrome également sous forme d'un alliage tel que le ferrochrome.
[0018] Il est alors possible de préparer un alliage métallique amorphe à partir de produits
industriels très classiques, tels que la fonte, sans être contraint d'avoir recours
à des éléments purs ou à au moins 99% de pureté, ni d'utiliser des techniques d'élaboration
comme celle d'élaboration sous vide qui évite la formation d'oxydes, la dissolution
de gaz ou la perte d'éléments volatils.
[0019] L'invention vise également un alliage amorphe du type contenant du fer, du phosphore,
du carbone et du chrome, caractérisé en ce qu'il présente la composition suivante
en pourcentage atomique : Cr : 1,5 à 8; C : 8 à 16; P : 4 à 12; Si : jusqu'à 3,5 ;
le reste étant du fer et le rapport P/C étant inférieur à 1.
[0020] L'alliage ainsi obtenu se caractérise tant par son rapport P/C<1, que par la présence
de Si.
[0021] Selon le premier mode de réalisation, le procédé de l'invention consiste à ajouter
à une fonte brute maintenue à l'état liquide, du ferrophosphore et du ferrochrome.
On entend par fonte brute une fonte qui n'a subi aucun traitement particulier tel
que désulfuration ou déphosphoration mais qui est décrassée, mais on peut également
utiliser une fonte ayant subi, outre un décrassage, une désulfuration ou déphosphoration
préalable. Cette fonte peut être, par exemple, une fonte recueillie de façon classique
lors de la coulée du haut fourneau. La fonte est utilisée liquide directement venue
du haut fourneau ou d'un mélangeur de stockage, ou peut également être obtenue par
refusion de lingots. On ajoute le ferrophosphore et le ferrochrome sous forme de granules
du commerce. La fonte est maintenue liquide par tout moyen approprié tel qu'induction,
insufflation d'oxygène, etc., à une température comprise entre 1250 et 1450°C lors
des additions, la température est ensuite ramenée à une valeur comprise entre 1250
et 1350°C pour éviter des pertes excessives en phosphore. Les rendements de ces additions
varient entre 80 et 97 %, soit 90 à 97 % pour le ferrochrome et 80 à 97 % pour le
ferrophosphore.
[0022] Les additions sont effectuées dans les proportions suivantes :
- de 3,8 à 11,5%en poids en phosphore par rapport à la fonte, par exemple sous forme
de 15 à 44 % en poids de ferrophosphore ayant une teneur d'environ 26 % en phosphore;
- de 0 à 12 % en poids de chrome par rapport à la fonte, par exemple sous forme de
0 à 17 % en poids de ferrochrome ayant une teneur d'environ 70 % en chrome;
--le reste étant de la fonte.
[0023] Lorsque l'on met en oeuvre le second mode de réalisation, on part d'un lingot de
fonte ayant la même nature que la fonte définie ci-dessus, ce lingot étant refondu
en présence de ferrochrome sous forme de granules du commerce, afin d'obtenir une
phase liquide de mélange à laquelle on ajoute le ferrophosphore.
[0024] L'alliage ainsi obtenu est, soit directement hypertrempé, soit refroidi puis hypertrempé
à partir de lingots refondus à une température comprise entre 1100 et 1300°C, suivant
toute méthode connue, telle que refroidissement sur ou dans un rouleau, ou encore
entre deux rouleaux lorsque l'on veut obtenir un ruban.
[0025] Ciomme indiqué précédemment, la caractéristique essentielle du procédé est que les
constituants du mélange de départ ne présentent pas une grande pureté.
[0026] On a utilisé différents types de fonte dont la teneur en carbone est comprise entre
2 et 4,5 %, une teneur supérieure conduisant à des dépôts de graphite libre sur le
ruban amorphe obtenu et une teneur inférieure défavorisant les conditions économiques
du procédé, car il est alors nécessaire d'ajouter du ferrophosphore dans des proportions
plus importantes. La teneur en soufre est de préférence inférieure à 0,45 %, valeur
qui excède déjà les taux habituellement rencontrés pour de la fonte courante n'ayant
subi aucun traitement de désulfuration.
[0027] La quantité de silicium va de l'état de traces jusqu'à 5 %, limite au-delà de laquelle
l'obtention d'un- produit hypertrempé est très difficile, les rubans obtenus devenant
de plus en plus cassants. La quantité de manganèse va de l'état de pureté jusqu'à
4 %. Enfin, l'utilisation d'une fonte très phosphoreuse telle qu'obtenue à partir
d'un minerai phosphoreux comme. celui extrait des mines de Lorraine convient très
bien, ce type de fonte ayant une teneur en phosphore allant jusqu'à 1,65 %. On peut
également utiliser une fonte au chrome ayant une teneur en chrome atteignant 14 %.
[0028] A titre d'illustration, on donnera ci-après des compositions élémentaires pour quatre
fontes ayant été utilisées.

[0029] Le ferrophosphore utilisé comme élément d'addition a de préférence la meilleure teneur
en phosphore possible, compatible avec des exigences commerciales, une teneur minimale
de 15 % étant souhaitable. Le ferrophosphore ne contient de préférence pas plus de
2,5 % de titane qui est une impureté classique car, au-delà de cette valeur, la formation
d'oxyde de titane perturbe la trempe. Des exemples de compositions de ferrophosphore
figurent au tableau suivant.

[0030] Le ferrochrome, qui est l'autre élément d'addition préféré dans le procédé de la
présente invention, est un produit commercial ayant de préférence une teneur minimale
en chrome de 50 %, par exemple de 70 % environ et pouvant contenir des impuretés à
l'état de traces telles que manganèse et magnésium, ces impuretés n'ayant pas de conséquences
néfastes puisqu'elles sont déjà présentes dans la fonte de départ.
[0031] Par hypertrempe du mélange précédemment défini, on obtient un alliage amorphe dont
la composition a été donnée ci-dessus et qui comporte d'autres éléments à l'état d'impuretés,
en particulier du manganèse.
EXEMPLE 1
[0032] En opérant suivant le premier mode de réalisation du procédé de la présente invention,
on a mélangé 70 % en poids de fonte liquide correspondant à l'échantillon 1 défini
ci-dessus, avec 23 % de ferrophosphore solide correspondant à l'échantillon 1 défini
ci-dessus,'puis on a décrassé le mélange et enfin ajouté 7 % de ferrochrome solide
à 70 % de chrome, les divers pourcentages étant donnés par rapport au poids du mélange.
Après
hyp
ertrempe, l'alliage amorphe résultant présente la composition suivante (en % atomique)
:

EXEMPLE 2
[0033] En opérant toujours suivant le premier mode de réalisation du procédé de l'invention,
65 % en poids de fonte liquide de composition correspondant à celle de l'échantillon
2 défini ci-dessus ont été mélangés à 26,4% de ferrophosphore solide correspondant
à l'échantillon 2 défini ci-dessus, le mélange a été décrassé, on a ajouté 8,6 % de
ferrochrome solide à 70 % de chrome, les pourcentages étant donnés en poids par rapport
au mélange. L'alliage obtenu présente la composition suivante(en % atomique) :

EXEMPLE 3
[0034] En opérant suivant le second mode de réalisation du procédé de la présente invention,
on refond 65 % de fonte solide de composition correspondant à celle de l'échantillon
2 défini ci-dessus, avec 8,6 % de ferrochrome solide à 70 % de chrome, puis on ajoute
au mélange liquide 26,4 % de ferrophosphore solide correspondant à l'échantillon 2
défini ci-dessus, les pourcentages étant donnés en poids par rapport au mélange. L'alliage
obtenu présente la composition donnée à l'exemple 2.
[0035] Sous sa forme cristalline habituelle, un alliage ayant une composition telle que
définie ci-dessus est très dur et cassant et ses propriétés mécaniques sont évidemment
mauvaises. La résistance en traction à la rupture est inférieure à 200 MPa. Par contre,
le prix de revient de ce matériau est très bas puisque sa réalisation nécessite uniquement
une fonte qui peut être non traitée à laquelle on ajoute du ferrophosphore et du ferrochrome
en quantités modestes.
[0036] Lorsqu'il est rendu amorphe, ce même alliage permet d'obtenir par exemple des rubans
métalliques de longueur théoriquement illimitée, d'épaisseur inférieure à 60 microns
et de largeur comprise entre 0,2 et plusieurs millimètres, tout en restant d'un faible
coût, puisqu'il est obtenu à partir des mêmes matières premières.
[0037] A titre de comparaison, un alliage amorphe (A) de composition suivante (enatomique)

correspondant au premier exemple de réalisation a été soumis à divers essais. Sa température
de recristallisation est de l'ordre de 470°C; il subit, avant recristallisation, une
perte de ductilité après un traitement de 6 heures à 220°C.
[0038] Une comparaison des caractéristiques mécaniques de cet alliage de composition (A)
sous sa forme amorphe et sous sa forme cristalline figure au tableau ci-après :

1. Procédé d'élaboration d'alliages métalliques amorphes à base de fer, de phosphore,
de carbone et de chrome, du type suivant lequel on refroidit très rapidement un alliage
métallique en phase liquide de manière à obtenir une structure vitreuse, caractérisé
en ce qu'on prépare la phase liquide à partir de fonte, de phosphore et de chrome.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la phase liquide est obtenue
par addition de phosphore, à raison de 3,8 à 11,5 % en poids, et de chrome, à raison
de 0 à 12 % en poids, à de la fonte de fer à l'état liquide, les pourcentages ci-dessus
étant comptés par rapport à la fonte.
3. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'on effectue d'abord l'addition
du phosphore, on décrasse le mélange obtenu et on ajoute ensuite le chrome.
4. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'on effectue d'abord l'addition
de chrome, puis on ajoute ensuite le phosphore.
5. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'on prépare la phase liquide
par refusion simultanée de fonte à l'état solide et de 0 à 12 %.en poids de chrome
à l'état solide, par rapport à la fonte, puis on ajoute de 3,8 à 11,5 % en poids de
phosphore à l'état solide, par rapport à la fonte.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que la fonte utilisée est une fonte décrassée directement obtenue lors de la coulée
du haut fourneau et n'ayant subi aucun traitement préalable ou une fonte ayant éventuellement
subi un traitement préalable notamment de désulfuration et/ou de déphosphoration.
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que la fonte utilisée présente une teneur pondérale en carbone de 2 à 4,5 %, en soufre
inférieure à 0,45 J, en silicium inférieure à 5 Ô, en manganèse inférieure à 4 % et
pouvant éventuellement être alliée à du chrome jusqu'à une teneur de 14 %.
8. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que le phosphore est ajouté sous forme de ferrophosphore.
9. Procédé selon la revendication 8, caractérisé en ce que le ferrophosphore présente
une teneur minimale en phosphore de 15 %.
10. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que
le chrome est ajouté sous forme de ferrochrome.
11. Procédé selon la revendication 10, caractérisé en ce que le ferrochrome présente
de préférence une teneur minimale en chrome de 50 % environ.
12. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que l'addition du ferrophosphore et du ferrochrome est effectuée dans la fonte
maintenue à une température de 1250 à 1450°C.
13. Alliage amorphe du type contenant du fer, du phosphore, du carbone et du chrome,
caractérisé en ce qu'il présente la composition suivante en pourcentage atomique :
Cr : 1,5 à 8; C : 8 à 16; P : 4 à 12; Si : jus- qu'à 3,5; le reste étant du fer et le rapport P/C étant inférieur à 1.