[0001] La présente invention concerne l'industrie textile et, plus particulièrement, les
machines à tisser sans navette dans lesquelles le fil de trame est inséré dans la
foule au moyen d'un passe-trame constitué par une ou deux aiguilles rigides (le plus
souvent, deux aiguilles animées de mouvements alternatifs opposés qui échangent le
fil sensiblement au milieu de la laize), ou par un projectile, ou par tous autres
dispositifs permettant au fil de trame de traverser la foule. L'invention vise plus
particulièrement encore les machines à tisser de grande largeur, tissant au moins
en 140 cm de large.
[0002] Depuis plusieurs années, les constructeurs ont cherché à fabriquer des machines de
ce type battant de plus en plus vite, pour augmenter la production.
[0003] Mais on est rapidement limité dans l'augmentation des cadences, car le nombre des
arrêts de la machine par heure, notamment pour casse de fil, augmente très vite lorsqu'on
accroît la cadence, ce qui peut conduire, en fait, à une baisse de productivité.
[0004] Les casses de fil de chaîne proviennent, pour une part, de la fatigue du fil (élongations
alternées, nombre de cycles d'élongation subis par chaque point du fil, usure des
fils par circulation dans les lisses, percussion entre les fils des deux nappes formant
la foule au moment de la croisure des nappes) et, pour une autre part, du choc d'un
organe en mouvement, par exemple une aiguille d'insertion de trame, contre un fil
de chaîne lorsque la foule est mal ouverte et que deux fils sont restés accrochés
l'un à l'autre à la croisure (formation de Y).
[0005] Une autre cause d'incident au cours du tissage à cadence élevée est le mauvais échange
du fil de trame, vers le milieu de la laize, entre l'aiguille d'amenée et l'aiguille
de tirage.
[0006] On va rappeler maintenant les éléments essentiels d'une machine à tisser du type
précité.
[0007] Les fils de chaîne se déroulent de l'ensouple, passent sur un rouleau porte-fil arrière,
puis à travers les oeillets de lisses portées par plusieurs cadres et ensuite à travers
le peigne. Le fil de trame est inséré dans la foule en avant du peigne, par les aiguilles
passe-trame actionnées par leur mécanisme d'entraînement, puis le fil de trame ainsi
déposé est tassé par le peigne contre la ligne de façure du tissu déjà formé.
[0008] Jusqu'à présent, tous les métiers classiques à aiguilles ont disposition relative
des organes de contrôle de la chaîne sensiblement identique, qui est d'ailleurs dérivée
de celle des métiers à navette. C'est ainsi que si on appelle a la distance entre
la ligne de façure et le premier cadre, et b la distance entre ce premier cadre et
le porte-fil arrière (la distance a+b étant la »profondeur« totale du métier), on
constate que pour tous ces métiers, le rapport b a est compris entre 5 et 9 environ,
avec une profondeur de l'ordre de 1200 à 1500 mm. De façon classique, la distance
a entre la façure et le premier cadre est comprise entre 120 et 250 mm, tandis que
l'angle total d'ouverture de la foule est généralement de 25 environ (2x12°5) sans
dépasser 30' (2x
l5-), pour ne pas imposer aux fils de chaîne des élongations alternatives excessives.
[0009] Ces choix des caractéristiques et des dimensions étaient considérés comme les plus
avantageux et donnaient des résultats satisfaisants pour les cadences de frappe habituelles
jusqu'à présent, par exemple d'environ 240 à 300 coups/ minute.
[0010] Mais, comme on l'a indiqué précédemment. les tentatives pour augmenter substantiellement
les cadences de frappe sur de telles machines conduisaient à des incidents de fonctionnement,
obligeant à arrêter la machine et réduisant ou même annulant les avantages de production
escomptés.
[0011] On reviendra plus en détail, dans ce qui suit, sur les phénomènes qui peuvent provoquer
des ruptures de fil et, plus généralement, des incidents de fonctionnement.
[0012] L'invention a pour but de remédier à ces inconvénients des machines à tisser classiques
et de permettre de les faire fonctionner à une cadence beaucoup plus élevée que jusqu'à
présent, par exemple 400 à 500 coups/minute environ, sans augmenter la fréquence moyenne
horaire des arrêts, ce résultat étant obtenu, principalement, grâce à une disposition
relative nouvelle des organes de contrôle de la chaîne.
[0013] L'invention a pour objet une machine à tisser sans navette, dans laquelle les fils
de chaîne se déroulant de l'ensouple passent sur un porte-fil arrière, puis à travers
les oeillets des lisses portées par plusieurs cadres, puis à travers les dents du
peigne pour aboutir enfin à la ligne de façure où se forme le tissu, ladite machine
étant caractérisée en ce que le premier cadre est disposé à une distance a de la ligne
où se forme le tissu et à une distance b du porte-fil arrière telles que le rapport
â est égal ou supérieur à 10.
[0014] De préférence, le rapport â précité est de l'ordre de 12 à 15.
[0015] La profondeur (a + b) des métiers à tisser sans navette, à aiguilles rigides, étant
à peu près fixée, par des impératifs de construction, comme on l'a indiqué précédemment,
il en résulte que, sur un métier conforme à l'invention, la profondeur de la foule
comprise entre la ligne où se forme le tissu et le premier cadre (distance a) est
environ 2 à 2,5 fois plus courte que sur un métier à aiguilles classique et n'excède
pas 75 mm environ.
[0016] La demanderesse est arrivée à cette conclusion surprenante que, grâce à cette nouvelle
disposition relative des organes de contrôle de la chaîne, on réduisait dans une mesure
considérable la fatigue des fils de chaîne en même temps que les autres causes de
rupture des fils ou d'arrêt de la machine.
[0017] Au surplus, cette disposition nouvelle permet d'utiliser un plus grand angle d'ouverture
de foule que par le passé, par exemple entre 30° et 35° (2×15 à 2×17,5).
[0018] On verra également dans ce qui suit que cette disposition nouvelle permet de réduire
l'amplitude des déplacements alternatifs et le poids de certains organes de contrôle
de la chaîne par rapport aux métiers classiques, grâce à quoi les mécanismes du métier
peuvent fonctionner sans inconvénient à des cadences beaucoup plus élevées que sur
les métiers classiques.
[0019] Il est apparu que tous ces résultats avantageux isolés ont un effet cumulatif, si
bien qu'il est devenu possible, sur un métier conforme à l'invention, d'utiliser pleinement
les performances autorisées par des mécanismes perfectionnés d'actionnement des aiguilles,
notamment des mécanismes dits »à cercle de Cardan équilibré«. Un tel mécanisme a été
décrit dans le brevet FR-A-2 477 586 au nom de la demanderesse. Grâce à cet effet
cumulatif, on a pu attein- dre les cadences de frappe d'environ 450 à 600 coups/minute,
au lieu de 240 à 300 avec les machines connues jusqu'à présent.
[0020] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée qui suit
et à l'examen des dessins annexés qui représentent, à titre d'exemple non limitatif,
un mode de réalisation de l'invention.
La figure 1 est une vue schématique montrant les organes principaux de contrôle des
fils de chaîne sur un métier à tisser sans navette, à aiguilles.
La figure 2 montre la disposition relative de ces organes et la géométrie de la chaîne
dans un métier conforme à l'invention.
La figure 3 montre, à la même échelle que la figure 2, la disposition relative de
ces organes et la géométrie de la chaîne dans un métier classique.
La figure 4 est un schéma montrant l'élongation des fils de chaîne lorsque la foule
est ouverte.
La figure 5 montre les courbes du taux d'élongation des fils de chaîne en fonction
de l'angle d'ouverture de la foule pour différents rapports b a
Les figures 6 et 7 illustrent la formation des »Y« respectivement sur un métier classique
et sur un métier conforme à l'invention.
Les figures 8 et 9 montrent la disposition des cadres respectivement sur un métier
classique et sur un métier conforme à l'invention.
La figure 10 est une vue de face d'un mode de réalisation d'un métier suivant l'invention,
avec insertion de trame par deux aiguilles rigides.
La figure 11 est un diagramme d'un cycle de fonctionnement de la machine.
La figure 12 est une vue schématique de la commande du peigne dans une machine suivant
l'invention.
La figure 13 est une vue partielle schématique d'un métier suivant l'invention, avec
insertion de trame par un dispositif passe-trame à inertie.
[0021] Sur la représentation schématique de la figure 1, on voit la chaîne 2 qui se déroule
de l'ensouple 4, passe sur le porte-fil arrière 6, passe dans les oeillets 8-8' portés
par les cadres C
1―C
2, puis à travers les dents du peigne 10. Le fil de trame 12 est déposé dans la foule
F par une aiguille 13 puis est tassé par le peigne contre la ligne de façure 14 à
partir de laquelle le tissu formé 16 s'enroule sur un rouleau porte-tissu 18.
[0022] Il faut bien noter que, pour plus de clarté, la figure 1 n'est pas à l'échelle dans
les sens horizontaux et verticaux et qu'on a fait figurer seulement le premier cadre
Ci et le deuxième cadre C
2 qui divisent la chaîne en deux nappes 20-20', alors que le nombre de cadres est généralement
beaucoup plus grand.
[0023] La distance a est celle mesurée entre la ligne de façure 14 et le premier cadre Ci,
tandis que la distance b est celle mesurée entre ce premier cadre Ci et le porte-fil
arrière 6.
[0024] On a représenté sur la figure 2, à l'échelle, dans le sens vertical et horizontal,
la disposition relative des organes de contrôle de la chaîne dans un métier conforme
à l'invention dans lequel le rapport â est supérieur à 10 (rapport â = 15, sur la
figure 2) et dans lequel l'angle 2a d'ouverture de la foule est de 35° environ.
[0025] On a représenté, par comparaison, sur la figure 3, à la même échelle, la disposition
des mêmes organes dans un métier connu jusqu'à présent dans lequel le rapport j est
compris entre 5 et 9 (rapport

= 6 sur la figure 3), l'angle d'ouverture 2a de la foule étant d'environ 25°. Sur
les deux figures, la profondeur a+b ou a'+b' du métier est identique.
[0026] Au simple examen de ces deux figures, on voit combien la »géométrie« de la foule
est différente, malgré des angles d'ouverture de la foule voisins, et même plus grands
dans le cas de la figure 2. Ceci est particulièrement vrai si on considère la partie
de la foule (indiquée en hachurée) comprise entre la façure et le premier cadre qui
est beaucoup plus »réduite« sur la figure 2 que sur la figure 3. C'est pourquoi, dans
ce qui suit, on utilisera la dénomination »foule réduite« pour désigner la foule particulière
prévue sur un métier suivant l'invention et la dénomination »foule classique« pour
les métiers utilisés jusqu'à présent.
[0027] On va maintenant examiner les avantages procurés par cette foule réduite.
[0028] L'une des causes de rupture d'un fil de chaîne est la fatique du fil causée par les
élongations alternées qu'il subit à cause du mouvement de monte et baisse des cadres.
[0029] Si on appelle taux d'élongation E le rapport entre la longueur AB du fil (figure
4) en position moyenne (à la croisure) et la longueur AC+CB lorsque la foule est à
pleine ouverture, il est évident que E dépend de a et du rapport

.
[0030] On a représenté sur la figure 5 la variation des taux d'élongation au premier cadre
en fonction de l'angle d'ouverture a de la foule. Les courbes 1-2-3 concernent des
métiers classiques ayant respectivement des rapports â de 5, 7 et 9. Les courbes 4-5-6-7
concernent des métiers suivant l'invention ayant respectivement des rapports

de 11,13, 15 et 17.
[0031] Jusqu'à présent, sur les métiers classiques, on acceptait des taux d'élongation d'environ
0,40% au premier cadre (par exemple 0,39% avec

= 9 et α =15°).
[0032] Grâce à l'invention, le taux d'élongation est ramené entre 0,20 et 0,30% environ
pour un même angle α (par exemple 0,23 avec

= 15), soit 41% de réduction du taux d'élongation. On réalise ainsi une réduction
considérable de la fatigue des fils de chaîne. Avec un angle a porté à 17°5, le taux
de fatigue devient 0,32, soit encore une réduction de 18% malgré une augmentation
appréciable de l'angle d'ouverture de la foule, augmentation qui est très favorable,
comme on le verra plus loin, dans le cas de fils qui décroisent mal, mais que, dans
les métiers classiques ne peut pas être appliquée puisqu'elle augmente le taux d'élongation
(voir figure 4).
[0033] Une autre cause de fatigue est l'usure causée par la circulation du fil 20 dans l'oeillet
de lisse 8-8' à chaque mouvement des cadres Ci, C2... En effet, lorsque le fil subit
une élongation en position ouverte de la foule, une partie de cette élongation peut
être compensée par une flexion latérale des lisses, mais si l'élongation est importante
c'est le fil qui finit par se déplacer dans l'oeillet de lisse et ce frottement produit
une usure du fil, source de rupture.
[0034] L'élongation, donc la fatigue, des fils de chaîne étant réduite grâce à l'invention,
on diminue donc également l'usure par circulation du fil, d'autant plus que le point
de friction sur les oeillets est plus proche d'un point fixe (la ligne de façure),
si bien qu'un point du fil au contact d'un oeillet de lisse se déplace moins que dans
un métier classique.
[0035] Ces deux résultats avantageux (réduction du taux d'élongation et réduction de l'usure
par circulation du fil) ont un effet cumulatif, et non pas seulement additionnel,
car le fil travaille dans des conditions plus éloignées de ses conditions de fatigue
critiques.
[0036] Comme on l'a indiqué dans l'introduction de la présente demande, une autre cause
de rupture d'un fil de chaîne ou d'une insertion incomplète d'un fil de trame est
le choc d'une des aiguilles contre un fil lorsque la foule n'est pas »propre«, c'est-à-dire
lorsque certains fils ne se séparent pas, et restent accrochés l'un à l'autre, lors
de l'ouverture de la foule. Il y a alors formation de »Y«, comme cela est illustré
par les figures 6 et 7. Ce phénomène de formation de Y est accentué par la présence
de plusieurs fils dans une dent du peigne et par l'utilisation de fils irréguliers
qui décroisent mal.
[0037] On a représenté sur la figure 6 les deux nappes de fils de chaîne 20-20', la ligne
de façure 14, les oeillets 8-8' des lisses portées par les deux premiers cadres C
1―C
2 et la bissectrice AB de la foule. Si deux fils de chaîne 21-21' restent accrochés
ensemble, lors de la croisure, au point D, distant de Y' de la façure, ils forment
un »Y« (ADC) d'angle maximum 0. La foule n'est pas complètement dégagée et l'insertion
du fil de trame risque de ne pas être normale, surtout si elle est faite dans la zone
DA de la foule, ou au voisinage de celle-ci.
[0038] On va considérer que la figure 6 représente la formation d'un »Y« d'angle maximum
θ sur un métier classique, à foule normale (par exemple où a' est de l'ordre de 130
mm) et on a représenté, à la même échelle, sur la figure 7 la formation d'un »y« de
même angle maximum θ sur un métier »à foule réduite« conforme à l'invention (par exemple
où a est de l'ordre de 65 mm) avec ouverture de la foule 2a. Il est bien entendu que,
dans les deux cas, des Y d'angle plus petit que θ peuvent également se former, plus
près de la façure, dans la zone DA, mais ces Y sont moins nuisibles puisque plus éloignés
de la ligne où est déposée la trame.
[0039] Les deux figures 6 et 7 étant homothétiques (dans le rapport 2 à 1) tous les triangles
sont semblables sur les deux figures et on aura:

[0040] Ces schémas théoriques tendraient donc à montrer que, pour un même angle 2 d'ouverture
de la foule, le phénomène de la formation des Y. leur angle maximal d'ouverture et
leur nombre seraient identiques avec une foule réduite (figure 7) et avec une foule
normale (figure 6).
[0041] Or, la demanderesse a pu observer ce résultat surprenant que, dans la pratique, le
rapport

était plus petit que le rapport

' c'est-à-dire qu'avec une foule réduite la formation des Y est moins fréquente qu'avec
une foule normale et que l'angle maximum 0 des Y était moins grand.
[0042] Cette observation surprenante peut provenir du fait que l'homothétie dans le rapport
2 à 1 des figures 6 et 7 indiquée plus haut n'est pas parfaite, car on a considéré
le même fil dans les deux cas, alors que le fil sur la figure 6 devrait avoir un diamètre
double de celui de la figure 7 et s'accrocherait donc plus avec son voisin, puisque
l'écartement des fils de chaîne est le même dans les deux cas.
[0043] La demanderesse a encore fait une autre observation qui peut apporter une explication
à ce résultat surprenant. En effet, si l'on allonge en tirant dessus une longueur
1 d'un fil donné, il se met à tourner, une partie dans un sens, une partie dans l'autre,
s'il est irrégulier; si l'on réduit cette longueur, il tourne beaucoup moins. A partir
d'un certain moment, il ne tourne plus. Lorsque les fils tournent quand ils sont étirés
au moment du mouvement des cadres, cette rotation est d'autant plus importante que
la foule est plus longue. C'est au cours de cette rotation que les fils s'accrochent
et forment des Y. Ceci est encore une raison qui prouve qu'une foule réduite suivant
l'invention (ne dépassant pas 75 mm environ pour la dimension a), sera plus »propre«
et donnera moins naissance à des Y, qu'une foule classique (par exemple de 120 à 200
mm).
[0044] Là encore, ce résultat avantageux a un effet cumulatif avec les résultats avantageux
signalés précédemment. En effet, on a décrit ci-dessus le phénomène de la formation
des »Y« en supposant que les angles d'ouverture de foule étaient identiques dans les
deux cas (figures 6 et 7).
[0045] Or, on a vu qu'il était possible, grâce à la foule réduite, d'augmenter l'angle d'ouverture
de la foule, tout en conservant un taux d'élongation du fil bien inférieur à celui
qui est appliqué sur un métier classique. Il est bien évident que l'augmentation de
l'angle d'ouverture de la foule rendra la formation des Y plus difficile et réduira
donc encore leur nombre.
[0046] Jusqu'à présent, on a fait seulement référence au premier cadre à lisses et, sur
les figures, on a seulement fait figurer, pour plus de clarté, les deux premiers cadres
Ci, C
2. Mais, comme on le sait, pour la réalisation du plus grand nombre de contextures,
on a besoin de cadres en plus grand nombre, généralement une dizaine de cadres, parfois
12 à 16.
[0047] Sur les métiers classiques, les cadres, qui sont soumis à des déplacements alternés
d'amplitude assez grande, ont des hauteurs assez grandes, si bien que pour être suffisamment
rigides, ils ont toujours une épaisseur comprise entre 10 et 16 mm, l'épaisseur la
plus courante étant 12 mm. On a représenté schématiquement sur la figure 8 un métier
classique, à foule normale (par exemple a' = 150 mm) équipé d'un harnais à dix cadres
de 12 mm C
1―C
2―C
3 ... C
9―C
10.
[0048] L'entraxe total h de l'empilage des dix cadres est donc de 108 mm. Si on considère
l'élongation appliquée au fil de chaîne 20
1o par le dixième cadre C
io (et non plus l'élongation appliquée au fil de chaîne 20i par le premier cadre Ci,
comme jusqu'à présent), on voit que pour en même angle 2.i d'ouverture de la foule,
le taux d'élongation est plus important, puisque la distance a' = 150mm est devenue
a" = a'+h = 258 mm, à cause de l'épaisseur du harnais.
[0049] On a représenté schématiquement sur la figure 9, à la même échelle que la figure
8, un métier conforme à l'invention avec 10 cadres également, dont la foule réduite
a mesure par exemple 65 mm.
[0050] L'amplitude des déplacements des cadres et la hauteur des cadres étant réduites sur
un métier conforme à l'invention, on peut réduire sans inconvénient l'épaisseur des
cadres. Suivant une caractéristique de l'invention, les cadres ont une épaisseur e
qui n'excède pas 7 mm.
[0051] Dans le cas de la figure 9, l'entraxe total h de l'empilage des dix cadres est seulement
de 63 mm, si bien que le distance entre la ligne de façure 14 et le dixième cadre
C
10 est seulement: a"' = a+h = 65+63 = 128 mm, au lieu de 258 mm pour le métier classique
représenté sur la figure 8.
[0052] En se référant aux courbes de la figure 5, pour une même profondeur de métier (a+b),
et pour un même angle 2α, le taux d'élongation du fil de chaîne au dixième cadre est
réduit d'environ 40% par rapport à un métier classique.
[0053] Encore une cause de fatigue et de rupture des fils de chaîne est le nombre de cycles
alternés d'élongation que subit chaque point du fil, depuis le moment où il quitte
l'ensouple jusqu'au moment où il atteint la ligne de façure. Pour diminuer cette fatigue,
il est donc souhaitable de réduire ce nombre de cycles.
[0054] Dans ce qui précède, pour simplifier les comparaisons entre un métier classique et
un métier à foule réduite suivant l'invention, on a toujours supposé que la profondeur
(a + b) du métier était la même (voir figures 2 et 3). Si on prend à titre d'exemple
un métier classique, illustré par les figures 3 et 8, dans lequel a = 150 mm et

= 9, la profondeur a + b du métier est de 1500 mm.
[0055] Dans un métier à tisser conforme à l'invention, on a vu que la distance a est inférieure
à 75 mm (une dimension avantageuse étant 70 mm) et que le rapport

est avantageusement de 15.
[0056] Dans ce cas la profondeur a+b du métier conforme à l'invention serait de 1120mm,
soit une réduction de 25,3%. Il en résulte que le nombre de cycles alternés d'élongation
subis par un point du fil avant d'être tissé est réduit dans le cas indiqué ci-dessus
également de 25,3% par rapport à ce qui se passe sur un métier classique, ce qui éloigne
encore le fil de son taux critique de fatigue et réduit le nombre de casses. Il y
a là encore une accumulation des résultats avantageux et, de préférence, on choisit
la profondeur entre 900 et 1200 mm, de façon à obtenir le meilleur compromis entre
les avantages obtenus.
[0057] On pourrait dire que, sur un métier classique, il suffirait de réduire la profondeur
pour obtenir le même résultat. Mais il n'en est rien car, dans ce cas, on augmenterait
le taux d'élongation subi par les fils de chaîne et on ne rédurait en rien le phénomène
de formation des Y. On ne retrouverait donc pas les résultats avantageux procurés
par l'invention.
[0058] Dans un métier suivant l'invention, le mouvement alternatif opposé des deux aiguilles
passe-trame peut être produit par tout mécanisme connu, par exemple par un mécanisme
classique dit »à losange«, mais suivant un mode de réalisation préféré, qui sera décrit
à propos de la figure 11, on utilise un mécanisme dit »à cercle de Cardan équilibré«,
tel que celui décrit dans le brevet français FR-A-2 477 586.
[0059] La machine de grande largeur (par exemple égale ou supérieure à 1 mètre 40) schématisée
sur la figure 10 comporte un bâti 31 qui supporte une ensouple 4 de laquelle se déroulent
de toute manière connue les fils de chaîne 2. L'ensouple est figurée à la partie supérieure
de la machine, mais elle peut occuper toute autre position bien connue de l'homme
de l'art.
[0060] Les fils de trame 12 se déroulent d'une ou de plusieurs bobines telles que 32 placées
à l'extérieur de la machine. Les fils de trame sont insérés, d'une manière connue,
à l'aide de deux aiguilles 13-13' exécutant chacune un mouvement alternatif dont l'élongation
maximale conduit les pinces 33-33' sensiblement au milieu de la laize. Le fil de trame
amené par l'aiguille 13 est alors pris par l'aiguille 13' qui lui fait parcourir la
deuxième moitié de la foule. Quand les deux aiguilles 13 et 13' sont ressorties à
l'extérieur de la foule, le peigne 10 entraîné par le battant 34 tasse la duite nouvellement
insérée contre la ligne de façure du tissu 16 qui s'enroule sur le rouleau 18.
[0061] Le mouvement de chacune des aiguilles 13 13' est commandé par un mécanisme 35―35'
décrivant un cercle de Cardan et communiquant à l'aiguille correspondante un mouvement
sinusoïdal.
[0062] Un tel mécanisme, lorsqu'il est réalisé selon le brevet précité permet d'actionner
les aiguilles, avec échange sûr du fil de trame, à une cadence d'environ 450 à 600
coups/minute. Mais, dans les métiers classiques, la masse et l'amplitude des déplacements
des pièces en mouvement alternatif (notamment le peigne, le battant et les cadres)
empêchent un fonctionnement correct à de telles cadences.
[0063] Au contraire, dans un métier à tisser conforme à l'invention, comme on l'a vu ci-dessus,
les cadres ont une course réduite d'environ moitié (voir figures 8 et 9) et leur poids
est beaucoup plus faible, puisque leur épaisseur n'excède pas 7 mm au lieu de 12 mm
en moyenne sur un métier classique. En outre, il est possible d'utiliser des lisses
plus courtes, donc moins lourdes.
[0064] La hauteur du peigne, donc son poids, est aussi réduite d'environ moitié et sa course,
au niveau de la bissectrice de la foule, ne dépasse pas 50 mm environ (44 mm pour
une distance a de 65 mm) au lieu de 100 mm environ sur un métier classique.
[0065] Il est donc clair que l'ensemble des pièces en mouvement alternatif de la machine
peut fonctionner à une cadence beaucoup plus élevée que les machines classiques.
[0066] On a représenté sur la figure 11 les différentes phases d'un cycle de tissage pendant
lequel le mécanisme 35―35' d'actionnement des aiguilles décrit la circonférence p.
[0067] Ainsi qu'il est connu en E, les pinces 33-33' des aiguilles 13-13' échangent la trame
au milieu de la laize. Entre E et F, les aiguilles 13-13' ressortent de telle façon
qu'en F les pinces 33-33' soient parvenues aux bords de la laize, puis continuent
à reculer jusqu'en G. Alors elles repartent en sens inverse et l'aiguille 13 saisit
le fil 12 aux environs de H, juste avant de pénétrer dans la foule, et le transporte
vers le milieu de la laize où la pince 33 parvient en E.
[0068] Dans le secteur FGH, les aiguilles sont complètement sorties de la foule et c'est
pendant cette période que s'effectue la frappe du peigne et au moins une partie du
mouvement des cadres pour changer la foule, de façon que la foule soit complètement
ouverte lorsque les aiguilles pénètrent à nouveau dans la foule (point H).
[0069] Sur les métiers à aiguilles classiques, l'arc FGH mesure environ 120° (1/3 du cycle)
car l'inertie de l'ensemble du peigne et du battant, ainsi que celle des cadres, empêche
de réduire la durée de la frappe. On ne peut donc consacrer à la course utile des
aiguilles, à l'intérieur de la foule, que les 2/3 du cycle (240° ).
[0070] Or, dans un métier suivant l'invention, l'inertie des organes animés d'un mouvement
alternatif (peigne, battant, cadres) est beaucoup plus faible et il est possible d'actionner
ces organes sur un arc beaucoup plus réduit du cycle de la machine, par exemple 90°
ou 100° seulement pour le mouvement du battant.
[0071] Cette réduction procure de nombreux avantages supplémentaires à un métier suivant
l'invention. En effet, si on suppose, comme il est représenté sur la figure 11, que
la durée de la frappe est réduite à l'arc F'GH' (90° environ), les pinces 33-33' pourront
parvenir aux bords de la laize en F' et le recul des aiguilles ne se poursuivra que
pendant l'arc F'G. Ainsi les aiguilles s'arrêteront pour rebrousser chemin à une distance
plus faible du bord de la laize, ce qui diminuera l'encombrement en largeur de la
machine (le segment IG est réduit à l'G).
[0072] En outre, la vitesse de la pince 33 animée d'un mouvement sinusoïdal est proportionelle
au sinus de l'angle. Cette vitesse est donc plus grande en H qu'en H'. Si la prise
de fil de trame 12 par la pince 33 s'effectue en H', le choc encaissé par le fil 12
sera moins grand, donc les risques de casse seront réduits.
[0073] Enfin, les aiguilles 13-13' bénéficieront d'une durée du cycle accrue (260 à 270°
au lieu de 240 ) pour la portion utile de leur course dans la foule.
[0074] Bien entendu, une telle modification du cycle de tissage entraîne une modification
de la commande des mouvements du battant. Si cette commande est effectuée par came
(et contre- came), comme illustré schématiquement par la figure 12, le bossage 38
de la came 40 de commande du peigne 10 devra s'étendre sur un arc β inférieur ou égal
à 100°, par exemple 90°.
[0075] On a surtout fait mention, dans ce qui précède, de machines à tisser dans lesquelles
le dispositif passe-trame est constitué par des aiguilles rigides animées d'un mouvement
alternatif.
[0076] Mais l'invention s'applique également aux machines dans lesquelles la trame est insérée
par d'autres types de dispositifs, par exemple à projectile ou »à inertie«.
[0077] On a représenté schématiquement sur la figure 13 une partie d'un métier suivant l'invention
dans lequel la trame est insérée au moyen d'un système dit »à inerties par exemple
du genre de celui décrit dans le brevet français FR-A-2 477 587.
[0078] Il suffit de rappeler que, dans un tel système, la duite à insérer forme une boucle
dont un brin est tenu et l'autre libre. Ce dernier est accéléré jusqu'à une vitesse
donnée qui communique au fil une énergie cinétique proportionnelle à sa masse. Cette
énergie cinétique sert à propulser la boucle à travers la foule; la boucle se déplace
progressivement jusqu'à ce que l'extrémité du brin libre ait atteint la lisière opposée
au côté du lancement.
[0079] Sur la figure 13, on a seulement fait figurer les deux nappes de fils de chaîne 20-20',
la foule F, la ligne 14 où se forme le tissu et le tissu produit 16. Le système de
lancement à inertie peut comporter essentiellement: un délivreur 41 débitant la duite
12 dans un organe d'accumulation 42; des galets d'insertion 43; un plateau tournant
44 pourvu de pinces 45―46; et un couteau 47.
[0080] La duite est lancée, en boucle, dans la foule F, par les galets lanceurs43.