(19)
(11) EP 0 277 051 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
03.08.1988  Bulletin  1988/31

(21) Numéro de dépôt: 88400029.0

(22) Date de dépôt:  07.01.1988
(51) Int. Cl.4E01C 23/02, E01C 11/10
(84) Etats contractants désignés:
BE CH DE ES GB IT LI

(30) Priorité: 12.01.1987 FR 8700222

(71) Demandeur: LABORATOIRE CENTRAL DES PONTS ET CHAUSSEES
F-75732 Paris Cedex 15 (FR)

(72) Inventeur:
  • Colombier, Georges
    St Pantaléon F-71400 Autun (FR)

(74) Mandataire: Bertrand, Didier et al
Cabinet Beau de Loménie 55, rue d'Amsterdam
75008 Paris
75008 Paris (FR)


(56) Documents cités: : 
   
     
    Remarques:
    Une requête pour addition du dessin aux documents a été présentée conformément à la règle 88 CBE. Il est statué sur cette requête au cours de la procedure engagée devant la division d'examen (Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, A-V, 2.2).
     


    (54) Procédé et dispositif de préfissuration d'assises de chaussées traitées aux liants hydrauliques


    (57) Pour la préfissuration, on ouvre à des empla­cements choisis, des sillons (2) dans la dernière cou­che répandue (1), avant son compactage définitif, on projette dans ces sillons un produit (4) créant une dis­continuité avec le matériau avoisinant, on referme les­dits sillons (2) et on procède au compactage de ladite couche.
    De préférence, le produit forme un film au contact du matériau du sillon ; il s'agit par exemple d'une émulsion de bitume cationique, à faible pH et grande vitesse de rupture.




    Description


    [0001] L'invention concerne un procédé et un disposi­tif destinés à empêcher ou pour le moins retarder forte­ment la transmission des fissures des couches d'assises d'une chaussée vers les couches de roulements.

    [0002] La France utilise depuis plus de vingt ans, de façon intensive, des matériaux traités par des liants hydrauliques ou pouzzolaniques pour réaliser les couches d'assises des routes à grand et moyen trafic. Une part importante des autoroutes de liaison construites depuis les années 1960 et la plupart des renforcements lourds réalisés sur les routes nationales depuis 1969 font appel à cette technique.

    [0003] Les performances mécaniques élevées (résistan­ce et module de déformation que confère aux granulats l'adjonction d'un liant hydraulique -ciment ou dérivé, laitiers granulés de hauts fourneaux activés- ou pouzzo­lanique -cendres de centrales thermiques + chaux ou poz­zolanes naturelles + chaux-) sont fortement appréciées des concepteurs et des maîtres d'oeuvre. De plus cette technique conduit à des structures de chaussée souvent économiques. Enfin l'utilisation comme liants de sous-­produits ou de déchets industriels permet une valorisa­tion intéressante de ces produits et règle certains pro­blèmes d'environnement.

    [0004] Par contre les constatations faites sur le ré­seau routier français utilisant des assises traitées aux liants hydrauliques montrent que pour le climat français et pour les liants et les formulations retenues depuis une vingtaine d'années, les couches de base et de fonda­tion sont l'objet d'une fissuration de retrait thermique inéluctable. Cette fissuration se transmet à la couche de roulement et apparaît à la surface sous forme de fissures transversales dont l'espacement varie le plus souvent entre 5 m et 10 m et dont l'ouverture, limitée le plus souvent à quelques millimètres, dépend de la température.

    [0005] L'espacement des fissures dépend de la nature et du dosage en liant, de la période de réalisation de la couche d'assise et de la qualité de l'accrochage de la couche traitée au liant hydraulique à la couche inférieure. A même température l'ouverture des fissures dépend essentiellement de la nature du granulat traité (le coefficient de dilatation d'un calcaire et d'un matériau siliceux varie dans un rapport voisin de 2) et de l'espacement entre fissures. La vitesse d'apparition de la fissure en surface dépend, en dehors des condi­tions climatiques, de l'épaisseur et de la nature de la couche de roulement et de la qualité de l'accrochage entre la couche de roulement et la couche traitée par un liant hydraulique.

    [0006] Pour empêcher ou pour le moins retarder forte­ment la transmission des fissures des couches d'assises dans les couches de roulement, plusieurs techniques peuvent être employées conjointement ou séparément :
    . réduction de l'ouverture et des mouvements des bords des fissures,
    . interposition, au droit de la fissure, entre la couche d'assise et la couche de roulement, d'un produit ou d'un complexe découplant partiellement les deux cou­ches,
    . utilisation pour la couche de roulement de mélanges bitumineux adaptés résistant aux contraintes de traction,
    . préfissuration de la couche traitée par les liants hy­drauliques.

    [0007] Le but de la préfissuration est de localiser, dès la mise en oeuvre, les fissures de retrait thermique de la couche traitée par un liant hydraulique, qui, pour les formules utilisées en France, ne se produiraient le plus souvent qu'au cours du premier hiver suivant la réalisation du chantier.

    [0008] Dans cette technique, l'espacement entre les fissures provoquées est fortement réduit par rapport à celui constaté sur un chantier où les fissures se sont produites "naturellement" (2 m à 3 m par exemple au lieu de 5 m à 10 m).

    [0009] Les avantages de la technique de préfissura­tion sont les suivants :
    . Le pas de la fissuration étant réduit par rapport à celui des fissures "naturelles", le souffle de ces fissures (variation de l'ouverture de la fissure) est plus faible lors des variations de température car il est lié au retrait et à la dilatation de dalles de longueur plus faible
    . Les fissures étant localisées avant leur apparition, un traitement préalable permettant de retarder l'amor­çage de la fissuration dans la couche de roulement peut être réalisé avant exécution de cette dernière.

    [0010] La solution du sciage et du garnissaqge de la saignée ainsi réalisée par un produit adapté n'est pas utilisable dans les cas des couches d'assises de chaus­sées. En effet, la faible vitesse de durcissement des formules généralement utilisées ne permet pas d'obtenir un matériau qui puisse être scié sans dégradation. Cette technique classique pour les chaussées en béton hydrau­lique est par ailleurs coûteuse.

    [0011] Les techniques déjà étudiées ou utilisées consistent à créer une discontinuité dans la couche traitées par un liant hydraulique, soit par diminution locale de l'épaisseur de la couche, soit plus générale­ment par amorçage de la fissure sur la couche totalement ou partiellement compactée.

    [0012] Une solution qui consiste à créer des amorces de fissures par chocs ou vibrations sur la couche en cours de durcissement a aussi été envisagée ou appli­quée.

    [0013] La technique de diminution locale de l'épais­seur de la couche consiste à introduire à la base ou à la partie supérieure de la couche une discontinuité qui réduira l'épaisseur du matériau. Diverses solutions ont été utilisées : tasseaux en bois, tubes en caoutchouc, feuilles de plastiques, etc. Cette technique a les in­convénients suivants : d'une part, pour être adaptée à la cadence des chantiers routiers, elle nécessite un matériel spécialisé lourd, elle est donc coûteuse et mal adaptée aux petits chantiers ; d'autre part, au droit de la fissure créée, on diminue la surface de contact entre les deux bords de dalle, ce qui nuit au transfert de charge entre deux dalles lors du passage d'un véhicule et risque d'accélérer la dégradation des fissures par fatigue.

    [0014] La technique d'amorçage de la fissure par entaillage en surface est la plus courante ; elle est encore peu utilisée en France, mais plus développée en Allemagne notamment. Cette technique consiste à entail­ler la couche mise en oeuvre sur une profondeur de quelques centimètres par un couteau vibrant, une lame ou une roue vibrante ou par tout autre moyen.

    [0015] Pour être efficace "l'entaillage" de l'assise doit effectivement être réalisé sur le matériau au moins partiellement compacté. Cette condition entraîne : d'une part la nécessité de fournir une énergie mécanique importante, ce qui impose un matériel efficace et se traduit par un coût non négligeable ; d'autre part, le risque d'altérer l'uni de la couche, l'opération intervenant en fin de mise en oeuvre. Par ailleurs, en désorganisant le matériau au voisinage de la fissure, la préfissuration risque de créer une zone faible dont le comportement sous la circulation sera médiocre.

    [0016] La technique de fissuration par chocs sur la couche en cours de durcissement amorce à la fois des fissures transversales et longitudinales ; elle nuit certainement à la durée de vie de la structure sous l'effet de la circulation. Par ailleurs, la forme et la localisation exacte des amorces de fissures créées n'étant pas maîtrisable, cette technique ne permet pas un traitement des fissures avant la mise en oeuvre de la couche de roulement.

    [0017] La présente invention a pour but de proposer un procédé de préfissuration qui ne présente pas ces inconvénients.

    [0018] Ce but est atteint dans le cadre de l'inven­tion par un procédé du type consistant à introduire une discontinuité à la partie supérieure de la dernière couche répandue, et se caractérisant en ce qu'on ouvre, à des emplacements choisis, des sillons dans ladite couche avant son compactage définitif. On projette dans ces sillons un produit créant ladite discontinuité avec le matériau avoisinant, on referme lesdits sillons et on procède au compactage de ladite couche.

    [0019] L'ouverture du sillon peut être réalisée par des moyens mécaniques appropriés ou directement par le produit créant la discontinuité émis sous forme de jet liquide sous haute pression (l'ouverture du sillon et la projection du produit sont alors simultanées).

    [0020] Dans la forme de réalisation préférée de l'invention, on projette un produit formant un film au contact du matériau du sillon.

    [0021] Il convient que le produit soit pulvérisable ; qu'il se fige sur le matériau dès pulvérisation (sans diffusion dans le matériau, ni écoulement à la base de la couche) de façon à créer ledit film constituant la discontinuité recherchée ; enfin que le produit soit compatible avec le bitume (ou autre produit) qui sera utilisé comme liant pour la couche de roulement et avec les produits utilisés éventuellement pour un traitement localisé avant mise en oeuvre de la couche de roulement.

    [0022] Le produit sera de préférence choisi parmi les liants hydrocarbonés (bitumes, goudrons, etc.). On peut généralement fluidifier ce produit par chauffage, pour le pulvériser. La formation du film est due au figeage du produit lors du refroidissement au contact des matériaux granulaires du sillon.

    [0023] Un produit particulièrement avantageux pour la réalisation de l'invention est le bitume sous forme d'émulsion. En effet, son coût est faible, sa fluidité est suffisante pour permettre une pulvérisation sans qu'il soit nécessaire de porter le produit à une tempé­rature élevée ; il présente une bonne compatibilité avec la couche de roulement de la chaussée (en générale bitumineuse) et avec les produits éventuellement utili­sés pour un traitement localisé (eux aussi bitumi­neux) ; le produit est disponible sur tout chantier de chaussées et les entreprises routières ont l'habitude de l'utiliser.

    [0024] L'émulsion de bitume est de préférence catio­nique, à faible pH (voisin de 3) et à grande vitesse de rupture. Par sa phase aqueuse à faible pH , elle inhibe partiellement la prise du liant hydraulique et crée donc une zone de résistance plus faible favorable à la loca­lisation des fissures de retrait. Par sa phase bitumi­neuse, elle crée la discontinuité qui accentue le phéno­mène et permet une prélocalisation précise de la fissu­re. Par ailleurs, la phase bitumineuse rend le matériau, au droit de la fissure, insensible à l'eau et peu sensible à l'abrasion.

    [0025] L'invention s'applique également à la pré­fissuration des couches réalisées en béton compacté à faible teneur en eau, mises en oeuvre par des matériels semblables à ceux utilisés pour la réalisation des couches d'assises, et qui ne demandent pas de couches de roulement.

    [0026] La mise en oeuvre du procédé conforme à l'invention peut se faire à partir d'un véhicule intégré dans le chantier et circulant dans le sens de l'avancement du chantier, ou à partir de l'engin de ré­pandage lui-même. Le fait d'intervenir sur un matériau peu ou pas compacté offre l'avantage de nécessiter une énergie mécanique faible pour l'ouverture d'un sillon sur toute l'épaisseur de la couche.

    [0027] La machine permettant la réalisation indus­trielle du procédé se compose essentiellement d'un chariot mobile se déplaçant sur un rail fixé sur un véhicule (tracteur-fourgon-petit camion). Cet appareil comprend des moyens assurant respectivement trois fonctions ;l'ouverture d'un sillon par un soc de forme adaptée ; la projection de la quantité d'émulsion de bitume nécessaire (ou autre produit) ; et la fermeture du sillon. Ces opérations peuvent se faire le véhicule à l'arrêt, ou bien en continu le véhicule se déplaçant lentement et formant un sillon oblique (si le rail est transversal).

    [0028] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention ressortiront de la description ci-après faite en référence aux dessins annexés sur lesquels :

    - la figure 1 est une vue perspective schéma­tique de la couche d'assise dans laquelle est pratiqué le sillon où l'on projette l'émulsion désirée.

    - la figure 2 est une vue schématique de dessus représentant les moyens d'ouverture de sillon, de projection du produit et de fermeture de sillon.

    - la figure 3 est une vue schématique de dessus représentant le véhicule de support des moyens de la figure 2.



    [0029] La figure 1 montre la dernière couche d'assise 1, d'une épaisseur comprise généralement entre 15 et 30 cm, et formée de matériaux traités par des liants hydrauliques. La granulométrie de ces matériaux est couramment de l'ordre de 0,20 mm, mais comprend aussi des matériaux à granulométrie moyenne (0,10 mm), voire des sables fins. La couche 1 est destinée à recevoir, après compactage, la couche de roulement.

    [0030] Selon l'invention, ou ouvre dans la couche 1 non encore compactée, à des emplacements choisis (par exemple sous les deux ou trois mètres) des sillons 2. On projette dans les sillons 2, au moyen d'une buse 3, l'émulsion de bitume 4 sous forme de jet qui vient en contact avec le matériau du sillon 2 et s'y rompt en créant le film recherché. Ensuite, on referme ledit sil­lon 2, et l'on peut procéder au compactage de la couche 1 et à toutes les opérations subséquentes classiques.

    [0031] L'émulsion bitumineuse maintenant la disconti­nuité, l'opération peut être réalisée sur le matériau simplement régalé et grossièrement règlé. L'effort mécanique nécessaire à l'ouverture du "sillon" est dans ce cas faible. Les opérations de compactage et de règla­ge ne sont pas perturbés et les incidences du procédé sont nulles sur l'uni.

    [0032] L'opération ne nécessite pas de gros moyens mécaniques et pertube peu l'avancement du chantier.

    [0033] La quantité d'émulsion de bitume nécessaire pour une épaisseur de grave hydraulique de 20 cm et un espacement entre préfissure de 3 m est au plus de 0,2 l au m² de chaussée.

    [0034] Le coût global du traitement ramené au mètre linéaire de chaussée est donc faible.

    [0035] La figure 2 et 3 illustrent schématiquement les moyens essentiels permettant la mise en oeuvre du procédé. Ces moyens consistent en un soc 5 en V fendant la couche 1 pour former le sillon 2 ; en une buse de projection ou gicleur 3 distribuant le produit 4 ; et dans deux plaques 7 en V inversé ramenant entre elles le matériau écarté par le soc 5 de manière à refermer le sillon. La direction d'avancement est représentée par la flèche 6. Ces trois moyens 5,3,7 peuvent être montés solidaires sur un chariot 8 (fig. 3) monté coulissant (direction 6 et 6ʹ) sur un rail 11 de la largeur de la voie de circulation (3,5 cm par exemple), porté par un véhicule 9. Le véhicule comporte une cuve 10 à émulsion calorifugée et une pompe ainsi que des moyens de liaison permettant d'amener cette émulsion au gicleur 3 assurant la projection. Compte tenu des faibles quantités de bitume utilisées pour la procédé, la capacité du stockage en émulsion pourra être limitée à quelques centaines de litres.

    [0036] Le gicleur 3 lié au chariot mobile 8 peut être remplacé par une rampe de projection arrosant simultané­ment toute la longueur du sillon.


    Revendications

    1. Procédé de préfissuration d'assises de chaussées traitées aux liants hydrauliques, du type consistant à introduire une discontinuité à la partie supérieure de la dernière couche répandue (1),
    caractérisé en ce qu'on ouvre à des emplacements choi­sis, des sillons (2) dans ladite couche avant son compactage définitif, on projette dans ces sillons un produit (4) formant un film par figeage au contact du matériau du sillon, créant ladite discontinuité avec le matériau avoisinant, on referme lesdits sillons (2) et on procède au compactage de ladite couche.
     
    2. Procédé selon la revendication 1, caracté­risé en ce qu'on projette un liant hydrocarboné.
     
    3. Procédé selon la revendication 2, caracté­risé en ce qu'on projette une émulsion de bitume.
     
    4. Procédé selon la revendication 3, caracté­risé en ce qu'on projette une émulsion de bitume (4) cationique, à faible pH et grande vitesse de rupture.
     
    5. Dispositif pour la mise en oeuvre du procé­dé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce qu'il comporte des moyens (5) pour ouvrir des sillons (2) dans une couche, des moyens (5) pour projeter un produit dans ces sillons (2), et des moyens (7) pour refermer lesdits sillons (2).
     
    6. Dispositif selon la revendication 5, carac­térisé en ce que lesdits moyens sont supportés sur un chariot mobile (8) sur un rail (11) fixé sur un véhicule (9).
     




    Dessins







    Rapport de recherche