[0001] La présente invention concerne un procédé de désasphaltage d'une charge hydrocarbonée
lourde.
[0002] Par charge hydrocarbonée lourde, on entend, au sens de la présente invention, une
charge ayant une masse volumique à 15° C supérieure à environ 930 kg/m
3, composée essentiellement d'hydrocarbures, mais contenant également d'autres composés
chimiques qui, outre des atomes de carbone et d'hydrogène, possèdent des hétéroatomes,
comme l'oxygène, l'azote, le soufre et des métaux, comme le vanadium ou le nickel.
[0003] Cette charge peut être constituée, notamment, par un pétrole brut ou une huile lourde
ayant la masse volumique indiquée ci-dessus.
[0004] La charge peut provenir également du fractionnement ou du traitement du pétrole brut,
d'une huile lourde, de schistes bitumineux ou même de charbon. Il peut s'agir ainsi
du résidu de la distillation sous pression réduite ou du résidu de la distillation
sous pression atmosphérique des produits de départ cités ci-dessus ou, par exemple,
des produits obtenus par le traitement thermique de ces produits de départ ou de leurs
résidus de distillation.
[0005] Une tendance est apparue ces dernières années, de chercher à valoriser de plus en
plus les produits hydrocarbonés ayant une masse volumique élevée, ce qui n'était pas
le cas auparavant. Cette recherche de la valorisation des produits lourds est devenue
plus pressante, car il est prévu que la demande de produits légers comme les carburants
devrait augmenter relativement plus rapidement que celle des produits plus lourds,
comme les fiouls.
[0006] La partie la plus lourde des charges hydrocarbonées lourdes est constituée d'un mélange
d'une phase huileuse et d'une phase asphaltique.
[0007] La phase asphaltique est la phase qui précipite par addition d'un hydrocarbure à
bas pointd'ébullition (par exemple, propane, butane, pentane, hexane, heptane), la
phase huileuse étant soluble dans ledit hydrocarbure.
[0008] C'est, en fait, la phase huileuse, c'est-à-dire la phase la plus légère, qui est
économiquement plus intéressante que la phase asphaltique. Elle peut en effet servir
de charge de craquage catalytique conduisant à l'obtention de produits légers. Elle
peut également servir de charge pour l'obtention de bases pour huiles lubrifiantes.
La valeur de ces produits est plus élevée que celles des combustibles et des bitumes
obtenus à partir de la phase asphaltique.
[0009] Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les charges hydrocarbonées lourdes contiennent des
composés possédant, outre des atomes d'hydrogène et de carbone, des hétéroatomes,
comme l'oxygène, l'azote, le soufre et des métaux. Certains de ces composés, notamment
ceux possédant des métaux, sont contenus en particulier dans la phase asphaltique.
[0010] On a l'habitude de distinguer deux familles dans les composés constituant la phase
asphaltique: les résines et les asphaltènes. Les asphaltènes comme les résines ont
des structures aromatiques polycycliques. A côté des cycles aromatiques se trouvent
des cycles thiophéniques et pyridiniques. Mais les résines ont des structures moins
condensées que les asphaltènes et des poids moléculaires plus faibles.
[0011] On désigne généralement sous le nom d'asphaltènes les composés qui précipitent par
addition à la charge d'un hydrocarbure aliphatique saturé ayant de 5 à 7 atomes de
carbone : pentane, hexane, heptane. Ainsi, selon la norme AFNOR NFT 60-115, la teneur
en asphaltènes d'un produit est déterminée par une précipitation à l'aide d'un normal
heptane à l'ébullition.
[0012] Les résines précipitent en même temps que les asphaltènes, quand on utilise un hydrocarbure
de plus faible point d'ébullition, par exemple le propane. En fait, cette distinction
est conventionnelle et il est évident que, si on emploie, pour traiter une charge,
un hydrocarbure donné à une température donnée, on pourra, si l'hydrocarbure et la
température sont appropriés, obtenir la précipitation de composés du type asphaltènes.
Si on traite ensuite la charge débarrassée des asphaltènes par le même hydrocarbure
à une température plus élevée, on pourra obtenir la précipitation des résines.
[0013] La phase huileuse et la phase asphaltique sont séparées dans le procédé bien connu
de désasphaltage, comme indiqué précédemment, par l'opération qui consiste à extraire
d'une charge hydrocarbonée la phase huileuse à l'aide d'un corps appelé par l'homme
de l'art solvant. Le solvant est à la fois un solvant de la phase huileuse et un précipitant
de la phase asphaltique. Dans la suite de la présente description, on l'appellera
simplement solvant.
[0014] Le solvant peut être choisi dans le groupe constitué par:
- les hydrocarbures aliphatiques, saturés ou non saturés, ayant de 2 à 8 atomes de
carbone, seuls ou en mélange,
- les mélanges d'hydrocarbures, appelés distillats, ayant des poids moléculaires voisins
de ceux des hydrocarbures, ayant de 2 à 8 atomes de carbone,
- les mélanges de tous les hydrocarbures précédemment cités.
[0015] Le désasphaltage peut être effectué en une seule étape, avec obtention, dans ce cas,
d'une phase huileuse et d'une phase asphaltique, cette dernière contenant à la fois
les asphaltènes et les résines. Il peut également être effectué en deux étapes, avec
utilisation de deux solvants différents et/ou des conditions opératoires différentes
dans les deux étapes. On obtient de façon séparée, dans ce procédé en deux étapes,
la phase huileuse, les résines et les asphaltènes (voir par exemple la demande de
brevet français n° 86 06994, déposée le 15 mai 1986, au nom de la demanderesse).
[0016] FR-A-716 703 décrit un procédé de désasphaltage dans lequel l'asphalte précipité
passe à travers une vis et est donc soumis à un cisaillement, tandis que la charge
traitée est simplement agitée dans une tour destinée à assurer le mélange des constituants
et l'homogénéisation de ce mélange.
[0017] FR-A-2 218 920 décrit une tour de désasphaltage dans laquelle un rotor entraîne des
pales dans différents compartiments qu'emprunte successivement la charge à traiter.
Aucune information n'est donnée sur les vitesses de rotation des pales.
[0018] Dans de tels procédés, comme il a été dit précédemment, c'est la phase huileuse qui,
économiquement, est la plus intéressante. On a donc intérêt, dans un procédé de désasphaltage,
qu'il soit à une ou deux étapes, à chercher à obtenir un rendement maximum en phase
huileuse. Il est entendu que cette recherche d'un rendement maximum de phase huileuse
ne doit pas nuire aux caractéristiques de celle-ci.
[0019] Le but de la présente invention est donc, dans un procédé de désasphaltage, l'augmentation
du rendement en phase huileuse, tout en conservant à celle-ci les caractéristiques
désirées pour l'application qui est visée. Ainsi, par exemple, pour une application
comme charge de craquage catalytique, un résidu «Conradson» (mesuré selon la norme
AFNOR NFT 60-116) inférieur à 10% en poids est souhaitable.
[0020] A cet effet, l'invention a pour objet un procédé de désasphaltage d'une charge hydrocarbonée
lourde constituée d'une phase huileuse et d'une phase asphaltique, ayant une masse
volumique à 15° C supérieure à environ 930 kg/m
3 et composée essentiellement d'hydrocarbures, mais qui contient également d'autres
composés chimiques qui, outre des atomes de carbone et d'hydrogène, possèdent des
hétéroatomes, ce procédé comprenant au moins:
- une opération en une ou deux étapes de séparation de la phase huileuse et de la
phase asphaltique par addition à la charge d'un solvant de la phase huileuse précipitant
de la pahse asphaltique,
- des opérations de récupération du solvant contenu dans les phases huileuse et asphaltique
séparées, ledit solvant étant recyclé à l'opération de séparation précédente,
ce procédé étant caractérisé en ce qu'il comprend en outre une opération de cisaillement
de la charge, par passage forcé de celle-ci entre deux pièces en mouvement l'une par
rapport à l'autre dans des conditions telles que le cisaillement, défini par le rapport
du où du est la différence de vitesse entre lesdites pièces et dx la distance séparant
ces pièces, soit compris entre 10
3 et 10
6s
-1 et, de préférence, entre 10
4 et 2 10
5s
-1.
[0021] Au sens de la présente invention, on entend, par cisaillement, l'application d'une
contrainte élevée à la charge diluée ou non.
[0022] Le cisaillement peut être appliqué à la charge après et/ou avant addition d'au moins
une partie de solvant.
[0023] Le cisaillement peut être notamment obtenu par passage forcé de la charge, contenant
éventuellement au moins une partie du solvant, dans un entrefer limité par une pièce
fixe et une pièce coaxiale en rotation dans celle-ci.
[0024] Le cisaillement peut également être provoqué par l'emploi d'une turbine ou de tout
autre moyen d'agitation, éventuellement dans la tour de désasphaltage.
[0025] Il faut noter le caractère surprenant du résultat du cisaillement, car l'homme de
l'art aurait plutôt tendance à penser que le cisaillement provoque une dispersion
des asphaltènes plutôt que leur précipitation. Ainsi, il est bien connu que, pour
obtenir une émulsion de fines gouttelettes d'eau dans une huile, il est recommandé
d'agiter fortement le mélange eau/huile, c'est-à-dire de provoquer un fort cisaillement.
[0026] L'opération de désasphaltage, qui suit le cisaillement ou qui est effectuée en même
temps que celui-ci, peut être réalisée en une ou deux étapes.
[0027] Dans le premier cas, on obtient une phase huileuse et une phase asphaltique, dans
le second cas une phase huileuse, une phase «résines» et une phase «asphaltènes».
[0028] Le solvant utilisé dans la (ou les) étape(s) d'extraction peut être choisi dans le
groupe constitué par:
- les hydrocarbures aliphatiques, saturés ou non saturés, ayant de 2 à 8 atomes de
carbone, seuls ou en mélange,
- les mélanges d'hydrocarbures, appelés distillats, ayant des poids moléculaires voisins
de ceux des hydrocarbures ayant de 2 à 8 atomes de carbone,
- les mélanges de tous les hydrocarbures précédemment cités,
- d'autres composés chimiques, qui, outre des atomes de carbone et d'hydrogène, possèdent
des hétéroatomes comme l'oxygène, tels les alcools et les phénols, seuls ou en mélange
avec les hydrocarbures précédemment cités.
[0029] Les conditions opératoires, dans les étages de désasphaltage, peuvent être les suivantes:
- pression comprise entre 20.106 et 1.107 pascals absolus,
- température comprise entre 30 et 300° C,
- taux massique

compris entre 1 et 10.
[0030] Ces conditions varient, bien sûr, notamment selon:
- la nature de la charge,
- la nature des solvants utilisés.
[0031] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée qui va suivre,
en référence au dessin annexé, qui n'a pas de caractère limitatif.
[0032] Ce dessin représente de façon schématique une unité de désasphaltage comportant une
installation de cisaillement.
[0033] Dans cette forme de mise en oeuvre de l'invention, on introduit par la ligne 1 la
charge hydrocarbonée lourde, par exemple une huile de masse volumique à 15° C supérieure
à 930 kg/m
3, dans la partie médiane d'un extracteur liquide-liquide 2.
[0034] Dans l'extracteur 2, la phase huileuse est extraite de la charge par un solvant,
qui est introduit dans l'extracteur par la ligne 3. Ce solvant peut être notamment
un hydrocarbure aliphatique, saturé ou non saturé, ayant de 2 à 8 atomes de carbone,
de préférence de 3 à 5 atomes de carbone, ou les mélanges d'hydrocarbures, appelés
distillats, ayant de 2 à 8 atomes de carbone, ou les mélanges de tous les hydrocarbures
précédemment cités.
[0035] Le solvant du démarrage de l'unité provient d'une source extérieure à l'unité par
l'intermédiaire de la ligne 4. Les pertes de solvant peuvent être compensées par un
appoint extérieur, amené par la ligne 4.
[0036] La pression à l'intérieur de l'extracteur 2 peut être comprise entre 20 · 10
5 et 1 · 10
7 pascals absolus, la température entre 30 et 300° C, le taux mas- sique

étant compris entre 1 et 10.
[0037] On recueille en tête de l'extracteur 2, par la ligne 5, la phase huileuse en solution
dans le solvant. Ce mélange est conduit par la ligne 5 dans un ensemble de fractionnement
6. Dans un but de simplification, cet ensemble n'a pas été représenté en détail, mais
il comprend, en général, un régulateur contrôlant une chute de pression et des évaporateurs.
[0038] A la sortie de l'ensemble 6, on recueille, d'une part, par la ligne 7, du solvant,
qui est recyclé vers l'extracteur 2 par l'intermédiaire de la ligne 3 et, d'autre
part, par la ligne 8, la phase huileuse.
[0039] On récupère, au fond de l'extracteur 2, la phase asphaltique précipitée et du solvant.
Ce mélange est conduit par la ligne 10 dans un ensemble de fractionnement 11, qui
comprend en général un four ou un échangeur avec un fluide chaud, un évaporateur et
une colonne d'entraînement à la vapeur d'eau.
[0040] On recueille, à la sortie de l'ensemble 11, d'une part, par la ligne 12, du solvant
qui est recyclé à l'extracteur 2, par l'intermédiaire de la ligne 3, et, d'autre part,
par la ligne 13, la phase asphaltique.
[0041] Une partie du solvant de la ligne 3 peut éventuellement être conduite à la ligne
1 par la ligne 14 pour prédiluer la charge.
[0042] Selon l'invention, on peut placer en 20, sur la ligne 1, au moins une restriction
(on peut en envisager plusieurs en parallèle selon le débit de la charge), qui provoque
un cisaillement de la charge. Cette restriction peut également être placée après ou
avant l'intersection des lignes 1 et 14, avant la tour 2 de désasphaltage.
[0043] On peut, outre le dispositif 20, ou en remplacement, placer dans la tour 2 un moyen
d'agitation comme une turbine.
[0044] Les exemples ci-après illustrent la mise en oeuvre de l'invention et ses avantages.
Exemple 1:
[0045] Cet exemple concerne des essais de désasphaltage effectués sur un résidu de la distillation
sous pression réduite du résidu de la distillation sous pression atmosphérique d'un
pétrole brut Safa- niya, avec et sans cisaillement préalable dudit résidu.
[0046] Les caractéristiques de cette charge sont les suivantes:
- masse volumique à 15° C (mesurée selon la norme AFNOR NFT 60-101): 1042 kg/m3,
- viscosité à 100° C (mesurée selon la norme AFNOR NFT 60-100) : 6250 mm2/s,
- résidu «Conradson» (mesuré selon la norme AFNOR NFT 60-116): 22,9% en poids,
- teneur en:
* asphaltènes (mesurée selon la norme AFNOR N FT 60-115): 15,1 % en poids,
* soufre (mesurée par fluorescence X) : 5,46% en poids,
* nickel (mesurée par fluorescence X): 45 p.p.m.,
* vanadium (mesurée par fluorescence X) : 149 p.p.m.
[0047] On effectue sur cette charge:
- des essais témoins de désasphaltage T1 et T2 sans cisaillement préalable de la charge,
- des essais selon le procédé de l'invention A11, A12 et A2, après cisaillement préalable
de la charge, sans addition préalable de solvant.
[0048] Dans tous les essais, on utilise comme solvant de désasphaltage un solvant ayant
la composition suivante (en % en volume) :
- propane 0,82
- isobutane 43,99
- normal butane 23,01
- normal butène-1 8,08
- isobutène 9,17
- butène-2 cis 9,16
- butène-2 trans 5,70
- isopentane 0,07


[0049] A l'issue de ces essais et après séparation du solvant, on obtient une phase huileuse
et une phase asphaltique. On mesure les rendements obtenus et les caractéristiques
de ces phases, qui figurent dans le Tableau II ci-après.

Exemple 2:
[0050] Cet exemple concerne des essais de désasphaltage effectués sur deux charges C
1 et C
2, avec et sans cisaillement préalable des charges. Quand il est effectué, le cisaillement
a lieu en présence de solvant.
[0051] La charge C, est identique à celle utilisée dans l'exemple 1 et est donc constituée
par un résidu de distillation sous pression réduite d'un résidu de distillation atmosphérique
d'un pétrole brut Safa- niya. Ses caractéristiques sont données dans l'exemple 1.
La charge C
2 est constituée par un résidu de distillation sous pression atmosphérique d'un pétrole
brut Maya.
[0052] Les caractéristiques de cette charge sont les suivantes:
- masse volumique à 15° C (mesurée selon la norme AFNOR NFT 60-101): 1026 kg/m3,
- viscosité à 100° C (mesurée selon la norme AFNOR NFT 60-100): 876 mm2/s,
- résidu «Conradson» (mesuré selon la norme AFNOR NFT 60-116): 19,7% en poids,
― teneur en:
* asphaltènes (mesurée selon la norme AFNOR N FT 60-115): 16,2% en poids,
* soufre (mesurée par fluorescence X) : 4,57% en poids,
* nickel (mesurée par fluorescence X) : 91 p.p.m.,
* vanadium (mesurée par fluorescence X) : 480 p.p.m..
[0053] On effectue sur ces charges:
- des essais témoins de désasphaltage T3 (avec C, ) et T4 (avec C2) sans cisaillement préalable de la charge,
- des essais selon le procédé de l'invention A3 (avec C1) et A4 (avec C2) après cisaillement préalable de la charge, avec addition de solvant avant le cisaillement.
[0054] L'addition de solvant, du normal heptane, se fait sous agitation, à une température
supérieure de 10° C à la température de ramollissement de la charge: 60° C pour C
1 34° C pour C
2 (mesurée selon la norme AFNOR NFT 66-008).
[0055] Le cisaillement est effectué à une température de 95° C dans une turbine ayant un
entrefer de 0,6 mm et une tête crénelée (2 mm d'espace entre les dents) avec une vitesse
de rotation de 17000 tours/mn.
[0056] Pour les essais T
3 et A
3, on a utilisé pour le désasphaltage un solvant composé de 89% en poids de normal
pentane et de 11 % en poids de normal heptane.
[0057] Pour les essais T
4 et A
4, le solvant contient 78,1 % en poids de normal pentane et 21,9% en poids de normal
heptane.
[0058] Dans ces compositions, on tient compte du normal heptane préalablement ajouté.
[0059] Les conditions des essais figurent dans le Tableau III ci-après:
