[0001] L'invention concerne un procédé de délignification d'une pâte à papier chimique.
Elle concerne particulièrement un procédé pour améliorer la sélectivité d'une telle
opération de délignification.
[0002] Il est connu de traiter les pâtes à papier chimiques écrues obtenues par cuisson
de matières cellulosiques en présence de réactifs chimiques au moyen d'une séquence
d'étapes de traitement délignifiant et blanchissant impliquant la mise en oeuvre de
produits chimiques oxydants. La première étape d'une séquence classique de blanchiment
de pâte chimique a pour objectif de parfaire la délignification de la pâte écrue telle
qu'elle se présente après l'opération de cuisson. Cette première étape délignifiante
est traditionnellement réalisée en traitant la pâte écrue par du chlore en milieu
acide ou par une association chlore - dioxyde de chlore, en mélange ou en séquence,
de façon à réagir avec la lignine résiduelle de la pâte et donner naissance à des
chlorolignines qui pourront être extraites de la pâte par solubilisation de ces chlorolignines
en milieu alcalin dans une étape de traitement ultérieure.
[0003] Pour des raisons diverses, il s'avère utile, dans certaines situations, de pouvoir
remplacer cette première étape délignifiante par un traitement qui ne fasse plus appel
à un réactif chloré.
[0004] On a déjà proposé de traiter les pâtes chimiques par une première étape à l'acide
peracétique à des températures supérieures à 50° C et des pH compris entre 3 et 9
(Bailey C.W. et Dence C.W., "Peroxyacetic Acid Bleaching of Chemical Pulps", Tappi,
Janvier 1966, Vol. 49, No. 1, pages 9 à 15). Dans ce procédé connu, il apparaît toutefois
que le traitement à l'acide peracétique donne lieu à des pâtes de viscosité et de
propriétés mécaniques moins bonnes que les pâtes délignifiées par une étape traditionnelle
au chlore en milieu acide par suite d'une sélectivité de délignification moins élevée
qui se traduit par une attaque plus marquée des chaînes de la cellulose.
[0005] L'invention vise à remédier aux inconvénients des procédés connus en fournissant
un procédé qui réalise une délignification efficace de la pâte chimique écrue assortie
d'une sélectivité élevée qui permette l'obtention de pâtes présentant de hautes qualités
intrinsèques.
[0006] A cet effet, l'invention concerne un procédé pour l'amélioration de la sélectivité
de la délignification d'une pâte à papier chimique au moyen d'un peroxyacide organique
selon lequel on traite la pâte écrue provenant de l'opération de cuisson par une solution
aqueuse de ce peroxyacide organique à une température comprise entre 2 et 47° C.
[0007] Selon l'invention, par pâte à papier chimique, on entend désigner les pâtes ayant
subi un traitement délignifiant en présence de réactifs chimiques tels que le sulfure
de sodium en milieu alcalin (cuisson kraft ou au sulfate), l'anhydride sulfureux ou
un sel métallique de l'acide sulfureux en milieu acide (cuisson au sulfite). Les pâtes
semi-chimiques telles que celles où la cuisson a été réalisée à l'aide d'un sel de
l'acide sulfureux en milieu neutre (cuisson au sulfite neutre encore appelée cuisson
NSSC) ou encore celles obtenues par traitement à la soude caustique à froid suivi
d'un défibrage mécanique peuvent aussi être blanchies et/ou délignifiées par le procédé
selon l'invention.
[0008] Celle-ci s'adresse particulièrement aux pâtes ayant subi une cuisson kraft et dont
la teneur en lignine résiduelle après cuisson se situe dans la plage d'indices kappa
compris entre 8 et 40 (ou encore ayant un nombre permanganate compris entre 5 et 30)
selon le type d'essence de bois dont elles proviennent et l'efficacité du processus
de cuisson. Tous les types de bois utilisés pour la production de pâtes chimiques
conviennent pour la mise en oeuvre du procédé de l'invention et, en particulier ceux
utilisés pour les pâtes kraft, à savoir les bois résineux comme, par exemple, les
diverses espèces de pins et de sapins et les bois feuillus comme, par exemple, l'eucalyptus,
le hêtre, le chêne et le charme.
[0009] Selon l'invention, le peroxyacide organique est sélectionné parmi les peroxyacides
aliphatiques carboxyliques comportant un seul groupement percarboxylique et une channe
alkyle saturée linéaire ou ramifiée de moins de 11 atomes de carbone. Les peroxyacides
carboxyliques aliphatiques à chaîne alkyle saturée linéaire comportant moins de 6
atomes de carbone sont préférés. Des exemples de tels peroxyacides sont l'acide per-
formique, l'acide peracétique, l'acide perpropanoïque, l'acide n-perbutanoïque et
l'acide n-perpentanoïque. L'acide peracétique est particulièrement préféré en raison
de son efficacité et de ses bonnes propriétés biodégradables.
[0010] Dans une variante au procédé selon l'invention, le peroxyacide organique est sélectionné
parmi les diperoxyacides carboxyliques comportant une chaîne alkyle linéaire ou ramifiée
de moins de 16 atomes de carbone et deux groupements percarboxyliques substitués sur
des atomes de carbone situés en position alpha-omega l'un par rapport à l'autre. Des
exemples de tels peroxyacides sont l'acide 1,6-diperoxyhexanedioïque, l'acide 1,8-diperoxyoctanedioïque
et l'acide 1,10-diperoxydécanedioïque, et l'acide 1,12-diperoxydodécanedioïque.
[0011] Dans une autre variante au procédé selon l'invention, le peroxyacide organique est
sélectionné parmi les peroxyacides aromatiques comportant au moins un groupement percarboxylique
par noyau benzénique. De préférence, on choisira les peroxyacides aromatiques qui
ne comportent qu'un seul groupement percarboxylique par noyau benzénique. Un exemple
d'un tel acide est l'acide peroxybenzoïque.
[0012] Une autre variante au procédé selon l'invention consiste à choisir un peroxyacide
organique substitué par un ou plusieurs atomes d'halogène ou par tout autre substituant
fonctionnel organique. Par tout autre substituant fonctionnel organique, on entend
désigner un groupement fonctionnel tel que le groupement carbonyle (cétone, aldéhyde
ou acide carboxylique), le groupement alcool, les groupements contenant de l'azote
tels que les groupements nitrile, nitro, amine et amide, les groupements contenant
du soufre tels que les groupements sulfo et mercapto.
[0013] Le peroxyacide peut indifféremment être mis en oeuvre à l'état d'une solution aqueuse
de peroxyacide ou encore sous forme d'un sel d'ammonium, de métal alcalin ou de métal
alcalino-terreux de ce peroxyacide.
[0014] De préférence, le traitement avec le peroxyacide organique s'effectue à une température
comprise entre 35 et 45° C. Généralement, on effectue le traitement avec le peroxyacide
organique à pression atmosphérique. La durée de ce traitement dépend de la température
et de l'essence du bois ayant servi à préparer la pâte, ainsi que de l'efficacité
de la cuisson qui a précédé. Des durées d'environ 120 minutes à environ 240 minutes
conviennent bien, et il est même possible de dépasser cette limite d'environ 100 %
sans risquer de dégradation substantielle des propriétés de résistance mécanique de
la pâte. Lorsque la température du traitement est élevée, c'est-à-dire supérieure
à 45° C, il est possible d'utiliser des durées plus courtes comprises entre environ
45 minutes à environ 120 minutes. Le traitement selon l'invention peut se faire dans
tout type d'appareillage approprié pour le traitement de pâte à papier au moyen de
réactifs acides. La cuve de rétention de la pâte écrue présente dans toutes les installations
de blanchiment et jouant le rôle de réservoir tampon entre l'unité de cuisson du bois
et l'unité de blanchiment de la pâte convient particulièrement bien pour la réalisation
du procédé selon l'invention. La pâte peut ainsi y être traitée pendant son stockage
sans nécessiter l'investissement d'un appareil spécifique onéreux. La faculté de pouvoir
dépasser sans danger la durée normale du traitement est particulièrement bien adaptée
au rôle de tampon de stockage de la cuve de rétention.
[0015] La consistance de l'étape de traitement par le peroxyacide organique sera généralement
choisie entre 2 et 40 % de matières sèches et, le plus souvent, entre 10 et 40 %.
On préfère les consistances élevées, par exemple celles comprises entre 20 et 40 %.
[0016] Dans le procédé selon l'invention, la quantité de peroxyacide organique utilisée
est choisie en fonction du taux de lignine résiduelle dans la pâte ainsi que de la
durée moyenne du traitement. Généralement, des quantités comprises entre 0,5 et 4
% en poids de peroxyacide par rapport à la pâte sèche conviennent bien. Le plus souvent,
on utilisera une quantité de peroxyacide ne dépassant pas 3 % en poids par rapport
à la pâte sèche et supérieure à 1 % de ce poids.
[0017] Il peut être intéressant, en variante, de faire précéder le traitement par le peroxyacide
organique par une étape de prétraitement décontaminant au moyen d'une solution aqueuse
acide. Cette étape a pour but d'extraire de la pâte les impuretés présentes sous forme
d'ions métalliques qui sont nuisibles au bon déroulement des opérations de blanchiment
et/ou de délignification. Tous les acides inorganiques ou organiques utilisés en solution
aqueuse, seuls ou en mélange conviennent. Les acides forts inorganiques tels que,
par exemple, l'acide sulfurique ou l'acide chlorhydrique conviennent bien.
[0018] Il est avantageux que le prétraitement décontaminant acide soit en outre réalisé
en présence d'un agent complexant des ions métalliques. A cette fin, des mélanges
des acides forts inorganiques cités plus haut avec des acides organiques de la classe
des acides aminopolycarboxyliques ou aminopolyphosphoniques ou leurs sels de métaux
alcalins conviennent particulièrement bien. Des exemples d'acides aminopolycarboxyliques
adéquats sont l'acide diéthylènetriaminepentaacétique, l'acide éthylènediaminetétraacétique,
l'acide cyclo- hexanediaminetétraacétique et l'acide nitrilotriacétique. L'acide diéthylènetriaminepentaacétique
(DTPA) est préféré. Des exemples d'acides aminopolyphosphoniques sont l'acide diéthylènetriaminepentaméthylène-
phosphonique (DTMPA), l'acide éthylènediaminetétra(méthylènephosphonique), l'acide
cyclohexanediamine- tétraméthylènephosphonique (CDTMPA) et l'acide nitrilotri(méthylènephosphonique).
Le DTMPA est préféré.
[0019] Les conditions opératoires du prétraitement décontaminant acide ne sont pas critiques.
Elles doivent être déterminées dans chaque cas particulier en fonction du type de
pâte à papier et de l'appareillage dans lequel s'effectue le traitement. D'une manière
générale, il convient de fixer le choix de l'acide et la quantité mise en oeuvre pour
imposer au milieu un pH inférieur à 7, par exemple compris entre environ 1 et environ
6,5. Des pH spécialement avantageux sont ceux compris entre environ 2,0 et environ
5,0. La température et la pression ne sont pas critiques, la température ambiante
et la pression atmosphérique convenant généralement bien. La durée du prétraitement
peut varier dans de larges proportions selon le type d'équipement utilisé, le choix
de l'acide, la température et la pression, par exemple de 15 minutes environ à plusieurs
heures.
[0020] On peut aussi remplacer le prétraitement décontaminant par l'incorporation dans l'étape
de délignification au peroxyacide elle-même d'un ou plusieurs agents complexants des
ions métalliques. Ces derniers sont choisis parmis les mêmes agents complexants que
ceux décrits plus haut pour l'étape de pétraitement décontaminant.
[0021] Dans une autre variante au procédé selon l'invention, on peut, si l'on désire obtenir
de hauts niveaux de blancheur, faire suivre le traitement avec un peroxyacide par
une séquence d'étapes de blanchiment traditionnelles impliquant ou non des réactifs
chlorés. Des exemples de telles étapes sont les suivantes: étapes à l'oxygène gazeux
ou à l'ozone, étapes au peroxyde d'hydrogène alcalin en présence ou non d'oxygène
gazeux, étapes au dioxyde de chlore ou à l'hypochlorite de sodium, extractions alcalines
à la soude caustique.
[0022] Les exemples qui suivent sont donnés dans le but d'illustrer l'invention, sans pour
autant en limiter sa portée.
Exemples :
[0023] Les mesures effectuées dans les exemples décrits ci-après ont été effectuées selon
les normes qui suivent :
- Indice kappa : TAPPI Method T236, CM85.
- Viscosité : TAPPI Method T230, OM89.
[0024] Un échantillon de pâte kraft de pin Ponderosa d'indice kappa de 28,4 et de viscosité
de 32,1 mPs a été soumis à une étape de délignification au moyen d'une solution aqueuse
d'acide peracétique suivie d'une étape d'extraction alcaline en présence de peroxyde
d'hydrogène (séquence Paa Ep).
[0025] Quatre essais ont été réalisés, deux dans les conditions de température et durée
de l'art antérieur, notés exemples 1 R et 2R, et deux dans les conditions de l'invention
(notés exemples 3 et 4). L'exemple 1 R, contrairement aux trois autres exemples, n'a
pas comporté de lavage à l'eau de la pâte entre l'étape de traitement à l'acide peracétique
et l'étape d'extraction alcaline. Le peroxyde d'hydrogène présent dans l'étape d'extraction
alcaline de l'exemple 1 R provient par ailleurs du peroxyde d'hydrogène résiduaire
de l'étape à l'acide peracétique qui a précédé. Dans l'exemple 4, on a, selon l'invention,
fait précéder l'étape à l'acide peracétique par un prétraitement acide au moyen d'acide
diéthylènetriaminepentaacétique ou DTPA (étape Q).
[0026] Dans chacun de ces essais, on a mis en oeuvre 2,0 g d'acide peracétique pour 100
g de pâte sèche. L'acide peracétique employé était une solution aqueuse de qualité
commerciale et contenait du peroxyde d'hydrogène à l'équilibre avec l'acide peracétique
(2,6 b d'H
20
2 pour 100 a de pâte sèche).
[0027] Les conditions opératoires et les résultats obtenus figurent au tableau qui suit.

[0028] Par rapport à la pâte écrue, les résultats de délignification et de perte de viscosité
après l'étape d'extraction alcaline sont les suivants :

1 - Procédé pour l'amélioration de la sélectivité de la délignification d'une pâte
à papier chimique au moyen d'un peroxyacide organique selon lequel on traite la pâte
écrue provenant de l'opération de cuisson par une solution aqueuse de ce peroxyacide
organique, caractérisé en ce que l'on opère le traitement à une température comprise
entre 2 et 47° C.
2 - Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la température du traitement
au peroxyacide organique est comprise entre 35 et 45° C.
3 - Procédé selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le peroxyacide organique
est sélectionné parmi les peroxyacides aliphatiques carboxyliques comportant un seul
groupement percarboxylique et une chaîne alkyle saturée linéaire ou ramifiée de moins
de 11 atomes de carbone.
4 - Procédé selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le peroxyacide organique
est sélectionné parmi les diperoxyacides carboxyliques comportant une chaîne alkyle
linéaire ou ramifiée de moins de 16 atomes de carbone et deux groupements percarboxyliques
substitués sur des atomes de carbone situés en position alpha-omega l'un par rapport
à l'autre.
5 - Procédé selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le peroxyacide organique
est sélectionné parmi les peroxyacides aromatiques comportant un groupement percarboxylique
par noyau benzénique.
6 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que
le peroxyacide organique est mis en oeuvre sous la forme d'un de ses sels d'ammonium,
de métal alcalin ou de métal alcalino-terreux.
7 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce qu'il
est mis en oeuvre dans la cuve de rétention de la pâte écrue qui alimente l'unité
de blanchiment.
8 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que
l'on fait précéder le traitement par le peroxyacide organique par une étape de prétraitement
décontaminant au moyen d'une solution aqueuse acide.
9 - Procédé selon la revendication 8, caractérisé en ce que la solution aqueuse acide
contient au moins un composé séquestrant des ions métalliques.
10 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que
l'on incorpore au traitement au peroxyacide un composé séquestrant des ions métalliques.