[0001] L'invention concerne le domaine des traitements thermiques des aciers alliés. Elle
a trait plus particulièrement au recuit des aciers au carbone riches en chrome et
en manganèse.
[0002] Les aciers au carbone riches en chrome et en manganèse, tels que les nuances du type
38Cr4 (à environ 1 % de chrome et 0,6 % de manganèse) ou 100 C6 (à 1,7 % de chrome
et 0,3 % de manganèse) sont utilisés dans diverses applications. On peut citer la
frappe à froid de pièces de boulonnerie pour le 38Cr4, et la fabrication de roulements
pour le 100 C6.
[0003] Avant leur mise en forme définitive, les aciers de type 38Cr4 bruts de laminage à
chaud doivent subir les traitements suivants :
- recuit de globulisation de la perlite pendant 20 à 26 heures par séjour de bobines
de 1 t de fil à une température maximale de 770°C dans une atmosphère d'azote à point
de rosée inférieur à - 50°C, suivi d'un refroidissement très lent ;
- décapage du fil dans un bain d'acide sulfurique ou chlorhydrique ;
- phosphatation de la surface du fil, afin d'assurer une meilleure lubrification lors
de l'étape suivante de mise en forme ;
- mise en forme par tréfilage ou frappe à froid.
[0004] Dans la pratique industrielle, on constate souvent une usure excessivement rapide
des outils de mise en forme (filières, outils de frappe). Cette usure est due à une
médiocre réalisation de la phosphatation qui s'effectue irrégulièrement sur l'ensemble
de la périphérie du matériau. Cette mauvaise phosphatation est, en fait, à relier
à une qualité inégale du décapage du fil, qui apparaît plus particulièrement lorsque
ce décapage est effectué en milieu sulfurique.
[0005] On a essayé de remédier à ce problème en jouant sur les conditions dans lesquelles
est effectué le décapage. L'emploi d'un milieu chlorhydrique ou, en milieu sulfurique,
l'association d'un décapage au permanganate de potassium, apportent une certaine amélioration,
sans pour autant faire disparaître ce problème en toutes circonstances. On a également
tenté de faire séjourner les bobines dans une atmosphère enrichie en vapeurs de la
solution de décapage, mais sans succès. On a aussi essayé d'agir sur les paramètres
de l'opération de recuit, dans le but de diminuer la formation de la calamine que
l'opération de décapage vise à éliminer. L'épaisseur de cette couche de calamine est
de l'ordre de 10 µm ; elle est formée lors des étapes qui précédent le recuit, et
pendant le recuit lui-même. Un léger abaissement de la température maximale de recuit
à 760°C n'a pas donné de résultats probants, et la nécessité de globuliser la perlite
interdit, pour les produits concernés, d'abaisser davantage la température. Cette
nécessité empêche également de modifier la durée du recuit dans des proportions suffisantes
pour qu'elles aient une influence significative sur le problème à résoudre. On a également
réalisé au laboratoire des recuits sous atmosphère réductrice azotehydrogène et sous
hydrogène pur, afin d'éliminer tout trace d'oxygène qui pourrait contribuer à former
la calamine par oxydation du fil. Mais si de telles atmosphères sont neutres ou réductrices
pour le fer, dans le cas des recuits sous calamine elles sont oxydantes pour d'autres
éléments comme le silicium, le manganèse et le chrome, ce qui est tout aussi néfaste
pour la qualité du décapage. Du reste, le coût supplémentaire occasionné par leur
emploi, ainsi que les problèmes de sécurité posés par les atmosphères hydrogénées,
rendent ces solutions difficilement envisageables pour la fabrication industrielle
des produits concernés.
[0006] Le but de l'invention est de proposer une méthode de traitement des aciers au carbone
riche en chrome et en manganèse qui garantisse un bon déroulement de l'opération de
phosphatation, sans nécessiter de modifications pénalisantes des étapes de recuit
et de décapage telles qu'elles sont actuellement pratiquées.
[0007] A cet effet, l'invention a pour objet un procédé de recuit de produits sidérurgiques
en acier au carbone dont la teneur en chrome est comprise entre 0,15 et 1,5 % en poids
et dont la teneur en manganèse est comprise entre 0,15 et 1,5 % en poids, selon lequel
on laisse séjourner lesdits produits dans un four de recuit sous atmosphère d'azote
pour provoquer une globulisation de la perlite, caractérisé en ce qu'on ajoute à ladite
atmosphère de l'oxygène à une teneur supérieure ou égale à 0,5 % en volume.
[0008] Comme on l'aura compris, l'invention consiste à délibérément augmenter la teneur
en oxygène de l'atmosphère de recuit, ce qui va à l'encontre des solutions qui étaient
jusqu'à présent envisagées. La justification métallurgique de cette caractéristique
à première vue surprenante va à présent être exposée.
[0009] Les inventeurs ont étudié la formation de la calamine à la surface des aciers de
nuance 38Cr4. Il s'avère que la calamine formée sur le substrat métallique à l'issue
de l'étape de laminage à chaud est une calamine classique, composée d'oxydes de fer
divers légèrement enrichis en chrome à l'interface métal-calamine. La surface de la
couche est constituée essentiellement de Fe₂O₃, la partie interne essentiellement
de FeO, et du Fe₃O₄ sépare ces deux zones. Cette calamine se décape sans problèmes
particuliers. En revanche, lorsque le produit revêtu de cette calamine subit un recuit
de globulisation sous atmosphère d'azote (point de rosée -50°C) à 770°C pendant 26
heures, on assiste à une importante transformation de la calamine. D'une part, la
couche superficielle de FerO₃ disparaît, et la calamine n'est plus constituée que
d'un mélange de FeO et de Fe₃O₄, où ce dernier oxyde est prépondérant. Mais surtout,
c'est à l'interface calamine-substrat que les changements sont les plus importants.
En allant de l'extérieur vers l'intérieur du matériau, on rencontre successivement
:
- la couche superficielle épaisse de FeO/Fe₃O₄ dont on vient de parler, d'épaisseur
10 µm environ ;
- une couche de fer réduit qui tend à se décoller du matériau ;
- une couche de environ 1 µm d'épaisseur, uniformément répartie sur le substrat, contenant
du fer, du manganèse et du chrome ;
- et le substrat d'acier 38Cr4.
[0010] Après analyse par des méthodes spectrométriques de cette deuxième couche, il s'avère
qu'elle est constituée par un mélange de spinelles du type (Fe, Cr)₂O₄ et Mn₂O₄, qui
n'étaient pas présents dans la calamine avant le recuit. La présence de la couche
intermédiaire de fer réduit tend à montrer que ces spinelles se sont formées pendant
le recuit, notamment par réaction de la couche d'oxyde de fer préexistante avec le
substrat métallique. Cette hypothèse est corroborée par le fait que ces spinelles
sont présents même si le recuit est effectué sous une atmosphère azotehydrogène, donc
totalement exempte d'oxygène : l'oxygène qui forme les spinelles est donc bien prélevé
principalement au sein même de la couche de calamine déjà présente avant le recuit.
D'autre part, on constate que cette couche de spinelles est extrêmement adhérente
sur le substrat, et qu'un décapage en milieu sulfurique ne peut la supprimer complètement.
Elle constitue un obstacle à une phosphatation homogène du substrat, ce qui explique
les problèmes d'usure des outils rencontrés lors de la mise en forme du matériau.
Ces problèmes de décapabilité sont atténués si le décapage est effectué en milieu
chlorhydrique, mais cette solution n'est pas forcément applicable sur toutes les installations
existantes. Il est donc nécessaire de trouver des conditions opératoires telles que,
lors de l'opération de recuit, on n'assiste pas à la formation de la couche de spinelles.
[0011] L'idée des inventeurs consiste à créer, lors du recuit, des conditions opératoires
telles que la compétition entre la formation de calamine classique à base d'oxydes
de fer, facilement décapable, et la formation des spinelles tourne à l'avantage de
la première de ces réactions. Ceci est réalisé en imposant délibérément une présence
significative d'oxygène gazeux dans l'atmosphère de recuit. On observe alors à l'interface
calamine-substrat une progression du front d'oxydes de fer plus ou moins enrichis
en oxydes de chrome, par réaction du fer du substrat avec l'oxygène gazeux. Cette
réaction se produit à une vitesse supérieure à celle qu'aurait la réaction à l'état
solide entre les oxydes de fer et les éléments fer, chrome et manganèse du substrat,
et réussit donc à l'empêcher.
[0012] L'expérience montre qu'introduire 0,5 % en volume d'oxygène dans l'atmosphère d'azote
du recuit procure déjà, par rapport à une atmosphère d'azote pur, une diminution significative
de la quantité de spinelle formée, de même que la formation d'une calamine classique
morcelée moins adhérente. Pour une teneur en oxygène de 1,8 % en volume et plus, on
constate que la formation de spinelles est complètement empêchée, et la calamine peu
adhérente formée disparaît aisément lors du décapage qui suit.
[0013] Il est clair que la prévention de la formation de spinelles est d'autant plus assurée
que la teneur en oxygène de l'atmosphère est importante. On peut ainsi aller jusqu'à
effectuer le recuit dans de l'air. Mais il est également clair qu'une teneur en oxygène
exagérée peut accroître la formation de calamine d'une manière intolérable, en entraînant
une consommation très significative du substrat. Outre une détérioration de la mise
au mille, cela peut conduire à un encrassement rapide du four. Une décarburation superficielle
du substrat risque également d'être observée. Cependant, l'expérience montre que des
teneurs en oxygène de 1,8 à 3,5 % en volume, pour un substrat d'acier 38Cr₄, conduisent
à une consommation supplémentaire du substrat très acceptable : l'épaisseur de la
couche de calamine qui était de 10 µm environ avant recuit n'augmente que jusqu'à
15 µm après 24 heures de recuit à 770°C. D'autre part, on n'observe pas de décarburation
du substrat.
[0014] Bien entendu, l'invention n'est pas limitée dans son application aux nuances d'acier
qui ont été citées. Elle peut être appliquée à toutes nuances d'acier au carbone riches
en chrome (de 0,15 à 1,5 %) et en manganèse (de 0,15 à 1,5 %), susceptibles de donner
naissance à des spinelles adhérentes à l'interface métal-calamine lors du recuit effectué
dans une atmosphère neutre ou réductrice. De même, les conditions de température et
de durée de l'opération de recuit peuvent varier en fonction de la nuance exacte de
l'acier, du format des produits traités et de la technologie du four. L'essentiel
est que ce recuit soit conçu comme un recuit de globulisation de la perlite, et soit
conduit dans l'atmosphère prescrite (azote contenant au moins 0,5 % en volume d'oxygène)
sur des produits sidérurgiques dont la nuance correspond à la description qui vient
d'être faite. A titre indicatif, de tels recuits de globulisation comprennent, industriellement,
une étape de chauffage à une température maximale inférieure à la température Acl
de l'acier, suivie par un refroidissement très lent, et durent entre 12 et 30 heures.
1) Procédé de recuit de produits sidérurgiques en acier au carbone dont la teneur en
chrome est comprise entre 0,15 et 1,5 % en poids et dont la teneur en manganèse est
comprise entre 0,15 et 1,5 % en poids, selon lequel on laisse séjourner lesdits produits
dans un four de recuit sous atmosphère d'azote pour provoquer une globulisation de
la perlite, caractérisé en ce qu'on ajoute à ladite atmosphère de l'oxygène à une
teneur supérieure ou égale à 0,5 % en volume.
2) Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit recuit comprend une
étape de chauffage à une température inférieure à la température Acl de l'acier, suivie
par un refroidissement très lent, et à une durée de 12 à 30 heures.