Domaine technique de l'invention
[0001] La présente invention se rapporte à une pièce pour mouvement d'horlogerie et notamment
à un axe de pivotement amagnétique pour un mouvement d'horlogerie mécanique et plus
particulièrement à un axe de balancier, une tige d'ancre et un pignon d'échappement
amagnétiques.
Arrière-plan technologique
[0002] La fabrication d'un axe de pivotement horloger consiste, à partir d'une barre en
acier trempable, à réaliser des opérations de décolletage pour définir différentes
surfaces actives (portée, épaulement, pivots etc.) puis à soumettre l'axe décolleté
à des opérations de traitement thermique comprenant au moins une trempe pour améliorer
la dureté de l'axe et un ou plusieurs revenus pour en améliorer la ténacité. Les opérations
de traitements thermiques sont suivies d'une opération de roulage des pivots des axes,
opération consistant à polir les pivots pour les amener aux dimensions requises. Au
cours de l'opération de roulage la dureté ainsi que la rugosité des pivots sont encore
améliorées.
[0003] Les axes de pivotement, par exemple les axes de balancier, utilisés classiquement
dans les mouvements d'horlogerie mécaniques sont réalisés dans des nuances d'aciers
de décolletage qui sont généralement des aciers martensitiques au carbone incluant
du plomb et des sulfures de manganèse pour améliorer leur usinabilité. Un acier de
ce type désigné 20AP est typiquement utilisé pour ces applications.
[0004] Ce type de matériau a l'avantage d'être facilement usinable, en particulier d'être
apte au décolletage et présente, après des traitements de trempe et de revenu, des
propriétés mécaniques élevées très intéressantes pour la réalisation d'axes de pivotement
horlogers. Ces aciers présentent en particulier après traitement thermique une dureté
élevée, permettant d'obtenir une très bonne tenue aux chocs. Typiquement la dureté
des pivots d'un axe réalisé en acier 20 AP peut atteindre une valeur dépassant les
700 HV après traitement thermique et roulage.
[0005] Bien que fournissant des propriétés mécaniques satisfaisantes pour les applications
horlogères décrites ci-dessus, ce type de matériau présente l'inconvénient d'être
magnétique et de pouvoir perturber la marche d'une montre après avoir été soumis à
un champ magnétique, et ce notamment lorsque ce matériau est utilisé pour la réalisation
d'un axe de balancier coopérant avec un balancier spiral en matériau ferromagnétique.
Ce phénomène est bien connu de l'homme du métier. On notera également que ces aciers
martensitiques sont également sensibles à la corrosion.
[0006] Des essais pour tenter de remédier à ces inconvénients ont été menés avec des aciers
inoxydables austénitiques qui présentent la particularité d'être amagnétiques, c'est-à-dire
du type paramagnétique ou diamagnétique ou antiferromagnétique. Toutefois, ces aciers
austénitiques présentent une structure cristallographique ne permettant pas de les
tremper et d'atteindre des duretés et donc des résistances aux chocs compatibles avec
les exigences requises pour la réalisation d'axes de pivotement horlogers. Les axes
obtenus présentent alors des marques ou des endommagements sévères en cas de chocs
qui vont avoir ensuite une influence négative sur la chronométrie du mouvement. Un
moyen d'augmenter la dureté de ces aciers est l'écrouissage, toutefois cette opération
de durcissement ne permet pas d'obtenir des duretés supérieures à 500 HV. Par conséquent,
dans le cadre de pièces nécessitant des pivots présentant une grande résistance aux
chocs, l'utilisation de ce type d'aciers reste limitée.
Résumé de l'invention
[0007] L'invention a pour objet de pallier aux inconvénients précités en proposant un axe
de pivotement permettant à la fois de limiter la sensibilité aux champs magnétiques
et d'obtenir des propriétés mécaniques permettant de répondre aux exigences de résistance
aux chocs dans le domaine horloger.
[0008] A cet effet, l'invention se rapporte à un axe de pivotement pour mouvement horloger
réalisé au moins en partie dans du tungstène ou dans un alliage de tungstène. De préférence,
les alliages de tungstène sont des alliages comprenant soit de l'oxyde de lanthane,
soit du cuivre, soit du nickel additionné d'un ou plusieurs éléments choisis parmi
le Fe, Cu, Co et Mo. En particulier, l'oxyde de lanthane joue le rôle de brise-copeaux,
ce qui améliore l'usinabilité de l'alliage de tungstène.
[0009] Le tungstène et ses alliages combinent une dureté élevée avec des valeurs supérieures
ou égales à 500 HV0.5, une très bonne résistance à la corrosion et une susceptibilité
magnétique très faible.
[0010] Ce matériau est réputé très difficile à usiner, ce qui a freiné son utilisation dans
le domaine horloger jusqu'à ce jour.
[0011] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de
la description détaillée qui va suivre, en référence aux dessins annexés.
Brève description des figures
[0012]
La figure 1 représente un axe de pivotement selon l'invention.
La figure 2 représente en coupe partielle un pivot d'un axe de pivotement selon l'invention
comportant un revêtement sur sa surface externe.
La figure 3 représente le comportement paramagnétique du tungstène présentant une
susceptibilité magnétique χm de 6.8×10-5.
Description détaillée de l'invention
[0013] Dans la présente description, le terme matériau « amagnétique » signifie un matériau
paramagnétique ou diamagnétique ou antiferromagnétique, dont la perméabilité magnétique
est comprise entre 0.99 et 1.01.
[0014] Un alliage d'un élément est un alliage contenant au moins 50% en poids dudit élément.
[0015] L'invention se rapporte à une pièce pour mouvement d'horlogerie et notamment à un
axe de pivotement amagnétique pour un mouvement d'horlogerie mécanique. L'invention
sera décrite ci-après dans le cadre d'une application à un axe de balancier amagnétique
1. Bien évidemment, d'autres types d'axes de pivotement horlogers sont envisageables
comme par exemple des axes de mobiles horlogers, typiquement des pignons d'échappement,
ou encore des tiges d'ancre. Les pièces de ce type présentent au niveau du corps des
diamètres inférieurs de préférence à 2 mm, et des pivots de diamètre inférieur de
préférence à 0.2 mm, avec une précision de quelques microns.
[0016] En se référant à la figure 1, on peut voir un axe de balancier 1 selon l'invention
qui comporte une pluralité de sections 2 de diamètres différents, formées de préférence
par décolletage ou toute autre technique d'usinage par enlèvement de copeaux, et définissant
classiquement des portées 2a et des épaulements 2b arrangés entre deux portions d'extrémité
définissant deux pivots 3. Ces pivots sont destinés à venir chacun pivoter dans un
palier, typiquement dans un orifice d'une pierre ou d'un rubis.
[0017] Avec le magnétisme induit par les objets rencontrés au quotidien, il est important
de limiter la sensibilité de l'axe de balancier 1 sous peine d'influencer la marche
de la pièce d'horlogerie dans laquelle il est incorporé.
[0018] Ainsi, au moins une partie de l'axe de balancier 1, à savoir le pivot 3, est réalisé
dans un matériau métallique amagnétique afin de limiter de manière avantageuse sa
sensibilité aux champs magnétiques. Selon l'invention, ledit matériau est du tungstène
pur ou un alliage de tungstène.
[0019] On entend par tungstène pur un matériau comprenant du tungstène dans un pourcentage
en poids supérieur ou égal à 99.5%, de préférence supérieur ou égal à 99.7%. Il peut
comporter des impuretés éventuelles telles que du Mo, C, Fe et O, citées à titre d'exemple.
[0020] Les alliages de tungstène sont des alliages comprenant soit de l'oxyde de lanthane,
soit du cuivre, soit du nickel additionné d'un ou plusieurs éléments choisis parmi
le Fe, Cu, Co et Mo.
[0021] Plus précisément, l'alliage de tungstène avec de l'oxyde de lanthane, à savoir du
La
2O
3, comporte ce dernier dans un pourcentage en poids compris entre 0.2 et 5%, de préférence
entre 0.3 et 3%, plus préférentiellement entre 0.5 et 2%. Avantageusement, l'alliage
est constitué de tungstène, d'oxyde de lanthane dans un pourcentage en poids compris
entre 0.2 et 5%, de préférence entre 0.3 et 3%, plus préférentiellement entre 0.5
et 2%, et d'impuretés éventuelles avec une teneur totale pour ces dernières inférieure
ou égale à 1.5% en poids.
[0022] Plus précisément, l'alliage de tungstène avec du cuivre comporte ce dernier dans
un pourcentage en poids compris 2 et 49%, de préférence entre 3 et 45%, plus préférentiellement
entre 5 et 40%. Avantageusement, l'alliage est constitué de tungstène, de cuivre dans
un pourcentage en poids compris 2 et 49%, de préférence entre 3 et 45%, plus préférentiellement
entre 5 et 40% et d'impuretés éventuelles avec une teneur totale pour ces dernières
inférieure ou égale à 1.5% en poids.
[0023] Plus précisément, l'alliage de tungstène avec du nickel comporte ce dernier avec
une teneur en poids comprise entre 0.5 et 20%, de préférence entre 1 et 15%, plus
préférentiellement entre 1.5 et 10%, et comporte un ou plusieurs des éléments choisis
parmi le Fe, Cu, Co et Mo avec une teneur totale pour le ou lesdits éléments comprise
entre 0.2 et 10%, de préférence entre 0.5 et 5%. Avantageusement, l'alliage est constitué
de tungstène, de nickel dans un pourcentage en poids compris entre 0.5 et 20%, de
préférence entre 1 et 15%, plus préférentiellement entre 1.5 et 10% et d'impuretés
éventuelles avec une teneur totale pour ces dernières inférieure ou égale à 1.5% en
poids.
[0024] Le tungstène et les alliages de tungstène selon l'invention ont une dureté supérieure
ou égale à 500 HV0.5. Ils ont une susceptibilité magnétique faible avec typiquement
des valeurs inférieures à 8×10
-5, de préférence à 7×10
-5.
[0025] Selon une variante, au moins une partie de l'axe de balancier 1, à savoir le pivot
3, est réalisé dans le matériau amagnétique 4 précité qui est recouvert au moins sur
une partie de sa surface externe d'une couche 5 assurant la résistance à l'usure du
pivot. Cette variante est représentée à la figure 2. Préférentiellement, la couche
est réalisée en Ni ou en NiP. Le taux de phosphore peut être compris, de préférence,
entre 0% (on a alors du Ni pur) et 15% en poids. De préférence, le taux de phosphore
dans le NiP peut être un taux moyen compris entre 6% et 9%, ou un taux élevé compris
entre 9% et 12%. Il est bien évident toutefois que le NiP peut comprendre un taux
bas de phosphore.
[0026] En outre, lorsque la couche est du NiP à taux moyen ou élevé de phosphore, elle peut
être durcie par traitement thermique. Typiquement, le traitement thermique est réalisé
entre 200°C et 400°C pendant un temps compris entre 20 minutes et 24 heures.
[0027] La couche de Ni ou NiP présente une dureté de préférence supérieure à 400 HV0.5,
plus préférentiellement supérieure à 500 HV0.5. D'une manière particulièrement avantageuse,
la couche en Ni ou NiP non durcie présente une dureté de préférence supérieure à 500
HV0.5, mais inférieure à 600 HV0.5, c'est-à-dire de préférence comprise entre 500
HV0.5 et 550 HV0.5. Lorsqu'elle est durcie par traitement thermique, la couche en
NiP peut présenter une dureté comprise entre 900 HV0.5 et 1000 HV0.5.
[0028] D'une manière avantageuse, la couche de Ni ou NiP peut présenter une épaisseur comprise
entre 0,5 µm et 10 µm, de préférence entre 1 µm et 5 µm, et plus préférentiellement
entre 1 µm et 2 µm.
[0029] De préférence, la couche est une couche de NiP, et plus particulièrement une couche
de NiP chimique, c'est-à-dire déposée par voie chimique.
[0030] Afin d'améliorer la tenue de la couche de Ni ou NiP, le pivot peut comprendre au
moins une sous-couche d'adhésion déposée entre le matériau amagnétique et la couche
de Ni ou NiP. Par exemple, une sous-couche d'or et/ou une sous-couche de nickel galvanique
peu(ven)t être prévue(s) sous la couche de Ni ou NiP.
[0031] Selon l'invention, la couche de Ni ou NiP est déposée selon un procédé choisi parmi
le groupe comprenant les dépôts PVD, CVD, ALD, galvanique et chimique, et de préférence
chimique.
[0032] On précisera que seule la surface externe des pivots ou même seule une partie de
la surface externe des pivots peut être recouverte de la couche de Ni ou NiP. En variante,
toute la surface externe de l'axe de balancier comprenant les pivots peut être recouverte
de la couche de Ni ou NiP.
[0033] Des mesures de dureté et de susceptibilité magnétique ont été réalisées sur plusieurs
échantillons non revêtus.
[0034] Pour les propriétés magnétiques, la courbe d'hystérèse M(H) a été caractérisée à
température ambiante en faisant varier le champ appliqué sur les échantillons avec
un magnétomètre à échantillon vibrant (VSM) de type MicroSense EZ9. La figure 3 représente
la courbe pour du tungstène pur. La susceptibilité magnétique (χ
m) est égale à 6.8×10
-5. Des valeurs similaires ont été obtenues pour les alliages de tungstène selon l'invention.
[0035] Les duretés mesurées sont des duretés HV0.5. Une valeur de 540 HV0.5 est obtenue
pour l'alliage de tungstène avec 1% en poids d'oxyde de lanthane. Des valeurs dans
la fourchette 500-600 HV0.5 ont été obtenues pour les autres alliages de tungstène
et le tungstène pur.
1. Axe de pivotement (1) pour mouvement horloger, caractérisé en ce qu'il est réalisé au moins en partie dans du tungstène ou dans un alliage de tungstène.
2. Axe de pivotement (1) selon la revendication précédente, caractérisé en ce qu'il est réalisé dans du tungstène avec une teneur en tungstène supérieure ou égale
à 99.5%, de préférence, supérieure ou égale à 99.7% en poids.
3. Axe de pivotement (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il est réalisé dans un alliage de tungstène comprenant de l'oxyde de lantane avec
une teneur en poids comprise entre 0.2 et 5%, de préférence entre 0.3 et 3%, plus
préférentiellement entre 0.5 et 2%.
4. Axe de pivotement (1) selon la revendication précédente, caractérisé en ce qu'il est constitué de tungstène, d'oxyde de lantane avec une teneur en poids en oxyde
de lantane comprise entre 0.2 et 5%, de préférence entre 0.3 et 3%, plus préférentiellement
entre 0.5 et 2% et d'impuretés éventuelles avec une teneur totale pour lesdites impuretés
éventuelles inférieures ou égales à 1.5% en poids.
5. Axe de pivotement (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il est réalisé dans un alliage de tungstène comprenant du cuivre avec une teneur en
cuivre comprise entre 2 et 49%, de préférence entre 3 et 45%, plus préférentiellement
entre 5 et 40%, en poids.
6. Axe de pivotement (1) selon la revendication précédente, caractérisé en ce qu'il est constitué de tungstène, de cuivre avec une teneur en cuivre comprise entre
2 et 49%, de préférence entre 3 et 45%, plus préférentiellement entre 5 et 40%, en
poids et d'impuretés éventuelles avec une teneur totale pour lesdites impuretés éventuelles
inférieures ou égales à 1.5% en poids.
7. Axe de pivotement (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il est réalisé dans un alliage de tungstène comprenant du nickel avec une teneur en
nickel comprise entre 0.5 et 20%, de préférence entre 1 et 15%, plus préférentiellement
entre 1.5 et 10% en poids, un ou plusieurs des éléments choisis parmi le Fe, Cu, Co
et Mo avec une teneur totale pour le ou lesdits éléments comprise entre 0.2 et 10%,
de préférence entre 0.5 et 5% en poids.
8. Axe de pivotement (1) selon la revendication précédente, caractérisé en ce qu'il est constitué en poids, de tungstène, de nickel avec une teneur en nickel comprise
entre 0.5 et 20%, de préférence entre 1 et 15%, plus préférentiellement entre 1.5
et 10%, d'un ou plusieurs des éléments choisis parmi le Fe, Cu, Co et Mo avec une
teneur totale pour le ou lesdits éléments comprise entre 0.2 et 10%, de préférence
entre 0.5 et 5% et des impuretés éventuelles avec une teneur totale pour lesdites
impuretés éventuelles inférieures ou égales à 1.5%.
9. Axe de pivotement (1) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que ladite au moins partie est revêtue d'une couche (5) de Ni ou de NiP.
10. Mouvement pour pièce d'horlogerie, caractérisé en ce qu'il comprend un axe de pivotement (1) selon l'une des revendications précédentes.
11. Mouvement pour pièce d'horlogerie, caractérisé en ce qu'il comprend un axe de balancier (1), une tige d'ancre et/ou un pignon d'échappement
comprenant un axe selon l'une des revendications 1 à 9.